Pharmacies fermées, manif : une mobilisation historique
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Pharmacies fermées, manif : une mobilisation historique
Région LA VOIX DU NORD MERCREDI 1 OCTOBRE 2014 er 3 Pharmacies fermées, manif : une mobilisation historique Du jamais vu de mémoire de pharmacien... Ils étaient entre 4 000 et 5 000 à arpenter les rues de Lille, hier, pour dénoncer le projet de loi du gouvernement qui entend notamment remettre en cause le monopole de la délivrance des médicaments. PAR BERNARD VIREL [email protected] LILLE. Dans la manifestation, devant le palais des Beaux-Arts, Marie, pharmacienne, est venue de Fourmies avec ses employés. Un long déplacement pour une première. « Nous n’avons jamais manifesté », assure-t-elle. En tout cas, avec certitude, elle et beaucoup d’autres ne l’ont jamais fait pour défendre la pharmacie et le métier... Les plus anciens évoquent bien un vague mouvement de grève dans la profession, il y a plus de vingt ans, mais c’est tout : « Et encore, il n’est pas rentré dans l’histoire : il avait été peu suivi. Rien à voir avec ce qui se passe en ce moment. » « PAS UNE PROMENADE DE NOTABLES » Cette fois, effectivement, c’est autre chose : le mouvement est historique. Déjà de par le nombre de pharmacies fermées : 70 % selon l’estimation officielle de l’Agence régionale de santé, basée sur la déclaration – obligatoire – des pharmaciens. Malgré tout, dans certains secteurs, la mobilisation était beaucoup plus forte et quasi générale, comme en Flandres, dans le Ternois, avec la plupart des officines fermées. Si on y ajoute le cortège lillois – de 4 000 à 5 000 participants – cela Il est où le modèle social français dans tout ça ? On veut tout marchandiser. JEAN-MARC LEBECQUE Il y a très longtemps qu’on n’avait pas vu autant de pharmaciens dans les rues. PHOTO PATRICK JAMES commence effectivement à faire beaucoup de professionnels de santé en colère. « Quand on voit autant de monde pour porter un message fort, ça lui donne vraiment toute sa valeur », se félicite d’ailleurs Jean-Marc Lebecque, coprésident du syndicat des pharmaciens du Pas-de-Calais USPO. « Ce n’était pas non plus une promenade de notables, poursuit-il, car les salariés des pharmacies étaient souvent présents aussi, alors qu’ils n’étaient évidemment pas obligés. » Une réussite qui lui permet d’enfoncer le clou sur les raisons de la colère : « Il est où le modèle social français dans tout ça ? On veut tout marchandiser. » Un message porté également par Marie : « Nous ne sommes pas des pompes à fric. Nous apportons des services aux habitants, avec des conseils ou des petits services comme prendre la tension, sans faire payer... Chacun doit pouvoir y avoir droit. » Car au-delà de la perte du monopole de la vente de médicaments, elle est inquiète de l’arrivée possible des investisseurs dans le capital des pharmacies et de la fin de celles-ci en milieu rural, là où ce n’est pas forcément « le plus rentable ». Un changement total de cap qui explique cette mobilisation sans précédent. Et ce n’est pas fini. « Nous continuons la grève des gardes », assure Jean-Marc Lebecque. En attendant, les pharmacies, elles, seront à nouveau ouvertes aujourd’hui. D’AUTRES PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES DANS LA RUE Des notaires, huissiers de justice, avocats sont venus prêter mainforte aux pharmaciens hier à Lille. Dans un grand élan contre la réforme qui menace les professions réglementées. « Nous sommes un service public », plaident les notaires, craignant que la déréglementation n’aboutisse « à des pratiques ultralibérales ». Limités aux seules urgences hier, les clients restent compréhensifs PONT-À-MARCQ. Céline aurait préféré qu’elle soit ouverte, la pharmacie de Nomain, près d’Orchies. Hier matin, la jeune mère de famille s’est néanmoins résignée sans amertume à parcourir avec son bébé la dizaine de kilomètres les séparant de la pharmacie de garde Picquet de Pont-àMarcq, vers Seclin, réquisitionnée par la préfecture à l’occasion de la grève. La seule ouverte parmi les 27 officines de ce vaste secteur rural, au sud-est de Lille. « Ils ont raison, on ne peut pas vendre des médicaments n’importe où »… Si elle se montre fière de sa « mis- sion de santé publique », Jeanne-Élisabeth Picquet, patronne des lieux, ajoute que c’est bien parce qu’elle y est obligée qu’elle est ouverte. D’ailleurs, au même moment, deux de ses employées sont à Lille en train de manifester et lui passent un coup de fil. « Il y a du monde dans la rue, résume-t-elle, satisfaite. Je suis installée depuis 1987, c’est la première fois que nous participons à un tel mouvement. » À sa manière : enseigne éteinte, portes fermées et affiche indiquant qu’elles ne s’ouvriront qu’en cas d’ordonnance toute fraîche. Pas la peine de convoiter une brosse à dents (« On a juste refusé une ou deux personnes ce matin. ») Pas d’éclats de voix, donc, mais un rythme soutenu. Les clients qui pénètrent dans l’officine (beaucoup de mamans avec bambin pour cause de rhino ou angine subites) se montrent compréhensifs. « Il y a des monopoles qu’il faut laisser tranquilles », insiste Philippe, de Tourmignies. Depuis une semaine, une pétition trône près de la caisse. « Près de 70 % des gens l’ont signée, souligne Mme Picquet. Ici, je connais ma clientèle. Même quand je vends de l’aspirine, je donne des conseils. » C. C. Hier matin, à Pont-à-Marcq, seules les urgences, avec ordonnance, étaient assurées dans la pharmacie de garde réquisitionnée. PHOTO PATRICK DELECROIX 2070.