La crise de la zone euro

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La crise de la zone euro
Plan de la séance
La crise de la zone euro
Philippe Martin
I. La zone euro est elle une zone monétaire
optimale (ZMO)?
II. La crise actuelle révélatrice des défauts
structurels de la zone euro
III. Les crises des dettes souveraines
econ.sciences-po.fr/philippe-martin/séances-2-3-et-4
Théorie des zones monétaires
optimales
• Bénéfices et coûts de l’adoption d’une monnaie
unique (article fondateur de Robert Mundell,
1961 « The theory of Optimum Currency Area »)
• Les frontières d’une zone monétaire (ZM)
doivent elles coïncider avec les frontières
politiques ?
– La Californie devrait elle utiliser le $? La Norvège
devrait elle rentrer dans la zone €?
• Si non, comment déterminer ce qu’est une zone
monétaire optimale (ZMO)? Quels critères
économiques?
Quels coûts d’une monnaie
unique?
Coûts macroéconomiques
– Perte de l’instrument monétaire et du taux de
change nominal comme outil de stabilisation
macroéconomique (taux de change
irrémédiablement fixe)
– Cette perte est importante que si:
• Rigidité des prix et des salaires
• Chocs asymétriques
Choc asymétrique sur le coût
salarial unitaire (coût horaire /
productivité horaire du travail)
avec rigidité des prix et salaires
+ monnaie unique
L’exemple d’un choc asymétrique de demande: choc
négatif dans un pays (A) mais pas dans l’autre (B)
E: taux de change
entre A et B
AA
DD’
E
DD
Critères d’une ZMO
DD’
AA
DD
• Critères qui minimisent le coût
économique des chocs asymétriques
• Critères qui rendent les économies moins
vulnérables aux chocs asymétriques
• Critères (politiques) qui rendent plus
probables une solidarité/assurance entre
Etats en cas de chocs asymétriques
AA’
Ē
Y
Change flexible
Change fixe
Y
Rappel: E = taux de change; Y=PIB; AA courbe d’équilibre sur marchés actifs,
DD courbe d’équilibre marché des biens
•
•
•
•
1) La mobilité du travail (Mundell): choc asymétrique
négatif (pays A); chômage ↑
Migration vers pays B réduit l’effet négatif en A
2) diversification de la production (Kenen): si pays très
spécialisés dans secteurs différents, choc sectoriel
devient un choc asymétrique.
3) Intégration commerciale entre A et B (Mc Kinnon):
Cycles d’affaires plus corrélés entre pays fortement
intégrés commercialement (un choc négatif en
Allemagne a un impact négatif en France via la baisse de
la demande pour les biens français)
4) Transferts fiscaux et intégration fiscale (Kenen):
mécanisme d’assurance: montant des impôts
(progressifs) sur les revenus baisse dans les
régions/pays en récession et augmente dans les
pays/régions en boom; transfert automatique
La zone euro est-elle une ZMO?
• Symétrie des chocs: mesure de la
synchronisation des cycles d’affaire: corrélation
entre les taux de croissance du PIB
Inférieure entre les pays de la zone euro que
entre les États US, mais supérieure à celle
entre zone euro et reste du monde et plutôt en
augmentation
– Un cœur: Allemagne, France, Benelux , Autriche
très corrélés
– Une ‘périphérie’: Italie, Espagne, Grèce, Portugal,
Irlande, Finlande,
1) Mobilité du travail
- très faible entre les pays, faible même à
l’intérieur des pays en comparaison de la
mobilité entre États US
(langue, culture, coûts de migration…)
En Europe, choc<0: ↓ emploi via ↓
participation sur le marché du travail
Aux US, choc ↓ emploi via ↑ migration
Source:
Fatas 2000
2) Diversification
• Les économies européennes sont peu
spécialisées (Grèce exception)
• Part importante du commerce européen
est intra-industriel
4) Transferts fiscaux
• US: baisse de revenu d’un Etat compensée
à hauteur de 10-40% (baisse des impôts
fédéraux, augmentation des transferts)
• UE: budget européen faible (2% du PIB
environ) et en grande partie dépensé sur la
PAC et les fonds structurels; pas de
politique fiscale contra-cyclique au niveau
fédéral
• Pacte de stabilité induit des politiques
fiscales pro-cycliques au niveau des Etats
3) Intégration commerciale
• Intégration forte entre pays européens (mais moins qu’entre
Etats US)
• ZMO endogène? (Les US étaient-ils une ZMO au 19ème
siècle?)
– Euro a augmenté le commerce intra-européen (environ +10%) →
synchronisation des cycles d’affaires en zone euro
– La zone euro devient une ZMO même si elle ne l’était pas
initialement
– Pas de choc asymétrique majeur en zone euro pendant
les 10 1ères années
4) Intégration fiscale (intégration fiscale)
Interprétations de la crise
• Absence de fédéralisme/solidarité fiscales
• mais mécanisme d’assurance (entre
gouvernements) pose le problème de l’aléa
moral (l’Etat assuré devient moins prudent
fiscalement)
• d’où la logique d’une perte de souveraineté
fiscale
Conclusion: critères économiques suggèrent
que zone € n’est pas une ZMO
II. La crise récente
• Autre coût de l’union monétaire: les pays
empruntent dans une monnaie qui n’est pas la
leur (original sin” des marchés émergents)
• Pas de prêteur en dernier ressort pour les Etats
(Etats-Unis, GB, Japon…) mais pour les
banques (cf, intervention de déc. 2011)
• Possibilité de crise de liquidité sur le marché de
la dette avec anticipations auto-réalisatrices
(équilibres multiples)
-Mécanisme anticipations auto-réalisatrices avec équilibres multiples pour pays
avec niveaux de dette intermédiaire
Dettes souveraines et banques
Intervention BCE
- si dette très élevée (Grèce), équilibre unique, défaut; si dette faible (Allemagne),
équilibre unique soutenable
Prime de risque
dette ↑, spread
taux d’intérêt r
↑
Anticipation de défaut sur la dette
souveraine
BC peut casser le
mécanisme par des
achats de dette publique
et plafond de taux
(Bazooka) ou eurobonds
Risque dette
souveraine ↑
Bilans des banques
actifs
Risque dette
souveraine ↑
Dette
souveraine↓
- (T – G)
Financement a CT
↓↓
Prêts à
l’economie et
capital ↓
autres banques ↓
revenus fiscaux ↓
Credit crunch
Croissance
économique ↓
Coût endettement augmente ↑; dynamique de la
dette devient insoutenable
Dt – Dt-1 = r Dt-1
passifs
Probabilité de
sauvetage (bailout) ↑
Monetary Base (100 in 1999)
US
UK
Euro zone
La question (allemande) de l’aléa
moral
III. Dettes souveraines et défauts
• Souverain – pas de contrainte internationale
des contrats de dette (difficulté de saisir les
actifs, pas de collateral)
• Types de défaut:
- défaut complet (rare)
- repudiation ou moratorium
- restructuation: renégociation (avec termes moins
favorables pour le prêteur: haircut)
• Longue histoire des défauts souverains
Percent years in deficit – 1960‐2011
all of Latin America in default
emerging
market debt crises
The crisis of 1930s and its
aftermath
Greece: Central Government (domestic plus external) Debt, Default,
Hyperinflation, and Banking Crises, 1848-2009 (debt as a percent of GDP)
Restructuring external debt (yellow)
Napoleonic
wars
Reinhardt and Rogoff, 2010
Etapes des crises financières crises
(Reinhardt and Rogoff, 2009)
• 1) dette privée ↑ (domestique et extérieure)
• 2) crises bancaires précèdent souvent les crises de dette
souveraine (bail outs + revenus fiscaux ↓: dettes publiques ↑ de
86% en moyenne dans les 3 années après une crise financière):
example Irlande (bail out des banques: dette publique ↑ de 20 %
points de PIB)
• 3) endettement public accélère juste avant la crise souveraine: le
gouvernement a souvent des dettes « cachées » (Grèce)
• 4) Juste avant la crise maturité de la dette privée et publique se
raccourcit
Pour la zone euro, endettement privé (et pas public) et comptes
courants bons prédicteurs de l’ampleur de la crise dans les
différents pays
Reinhardt and Rogoff, 2010
Une énigme théorique
• Pourquoi les gouvernements payent ils leur dette en
l’absence de contrainte légale?
• Gain (transfert de richesse): augmente avec la part de la
dette souveraine due aux étrangers (Grèce)
• Quel coût au défaut souverain?
• Coûts de réputation: défaut grec (1826); pas d’accès aux
marchés de capitaux internationaux pendant 53 années;
aujourd’hui difficulté des banques/entreprises a emprunter
internationalement
• Plus récemment: Uruguay (2003) restructuration de la
dette (allongement des maturités de 5 ans). Retour au
marché en un mois seulement (haircut 13,3% de la valeur
nette actualisée)
• Restructurations ordonnées sont possibles (pas le cas de
l’Argentine)
A simple model with the possibility of a run
on public debt in a currency union
The possibility of a run on public debt in a
currency union
- Back to financial crisis with self fulfilling expectations
crises and multiple equilibria
If I. bonds are held must be that :
- an investor has choice between German Treasury bond
(zero probability of default) and Italian (I) Treasury bond
(probability p of default); (10 year bonds )
1+rG = (1-p) (1+rI ) + p(1-h)
So (1+rI ) = 1+rG - p(1-h)
(1-p)
Return on German T. bond: 1+rG
Return on I. T bond : but probability p of default with h
the haircut (% of present value of debt not reimbursed)
Expected return: (1-p) (1+rI )
if no default
+
p(1-h)
if default
note if p = 0; rG = rI no spread
More generally rI and spread increase with p and h :
d(1+rI )/dp>0
I. must compensate for risk and size of default
Spread?
How does p (the probability of default)
change with rI ?
- A numerical example :
1+rG = 1.02
h= 0.5 (50% haircut)
DIt – DIt-1 = rI DIt-1
interest
p = 10%
- (TI – GI)
primary balance
payments
(1+rI ) = 1+rG - p(1-h)
For given primary balance: an increase in rI increases
future DIt
(1-p)
= 1.08 or 8% interest rate (spread 600
basis points with G)
Or requires large primary balance surplus (politically
difficult)
First relation: rI increases with p (rr)
Two important assumptions:
1)
at rI = rG
p=0 (Germany is solvent) if D low enough;
2) at some level of rI = rImax I. is insolvent p =1 if DIt is
large enough
The case of low level of debt D
rI
The case of high level of debt
rI
1 equilibrium no crisis
pp: p does not increase
much with r and is low (zero)
1 equilibrium crisis, high interest rates
and high probability of crisis
rImax
rr : r increases with p
pp: p increases a lot with
r and is high
No crisis : p
close to 0, rI
close to rG
rr : r increases with p
-Netherlands debt 64% of GDP
- Spread with Germany on 10 year bonds
64 basis points
German interest rate 1.92%
Neth: 2.56%
rG
rG
1
0
1
0
p (proba of default)
German-Greek 10 year bond spread: 27 percentage points or 2700 basis points
p (proba of default)
The case of intermediate level of debt
rI
Crisis: p close
to 1, rI very
high
3 equilibria, 2 only are stable : crisis/no
crisis, multiple equilibria driven by selffullfilling expectations!
rImax
Instable
equilibrium
No crisis : p =
0, rI = rG
rr : r increases with p
pp: p increases
with r
rG
1
0
p (proba of default)
Monetary policy, lender of last resort and self-fulfilling
expectations
- In country with own central bank (US, UK,
Japan), CB can stop run on public debt
- Buys TBs or/and puts a limit to r: stops
immediatly
- Is this potentially inflationary ?(yes but not today)
- Is this potentially producing moral hazard?
(yes…)
- See Spain versus UK
- Eurozone cannot function wo a Lender of Last
resort
The case of intermediate level of debt
rI
CB announces max r: eliminates bad
equilibrium: coordinates expectations on
equilibrium with low probability of default
No crisis : p =
0, rI = rG
Crisis: p close
to 1, rI very
high
rr : r increases with p
pp: p increases
with r
CB announces
max r
rG
1
0
p (proba of default)

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