Fusion en vue dans stations de ski des Pyrénées

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Fusion en vue dans stations de ski des Pyrénées
LES ECHOS.FR
Fusion en vue dans stations de ski
des Pyrénées
LAURENT MARCAILLOU / CORRESPONDANT À TOULOUSE | LE 10/03 À 19:31
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image: http://www.lesechos.fr/medias/2015/03/10/1100722_fusion-en-vue-dans-stations-de-ski-des-pyrenees
Une piste de ski de Font Romeu - hemis.fr-AFP
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Les Angles, Font-Romeu, et Formiguère ont annoncé leur intention de se rapprocher. Après
avoir été pointés du doigt pour leurs déficits par la Cour des Comptes, les élus réagissent.
Revue des solutions envisagées.
En février dernier, la Cour des Comptes a frappé fort dans sa critique sur les
difficultés des stations de ski des Pyrénées. La réponse ne s’est pas faite attendre.
Mardi, les maires des Angles, de Font Romeu et de Formiègues ont annoncé leur
intention de se rapprocher dans un délais de cinq ans. Objectif : attirer les millions de
clients potentiels venus d’Espagne ou de la région Languedoc Roussillon et
mutualiser la gestion des équipements. Le futur domaine skiable potentiel s’étend sur
150 kilomètres de pistes avec un millier de canons à neige. Mais cela nécessite au
moins 20 millions d’euros d’investissement pour une première liaison Les AnglesFormiguères. Il faudra aussi prendre en compte la dette des Angles qui atteint 30
millions d’euros. Dans le passé, Font-Romeu et Pyrénées 2000 à Bolquère se sont
mariés par nécessité financière en 2001 et ont délégué la gestion par affermage à
Altiservice (GDF Suez) de 2004 à 2022. L’adossement à la société privée a permis
au syndicat intercommunal d’investir 32 millions de 2004 à 2012 dans deux nouvelles
remontées et 500 canons qui sécurisent l’enneigement. « Altiservice rembourse 80 %
des annuités d’emprunts au syndicat », indique Alain Luneau, directeur de la station.
La clientèle suit. La station catalane a vendu 460.000 journées de ski l’an dernier,
dont un quart à des Espagnols, pour un chiffre d’affaires de 11,3 millions d’euros, en
hausse de 12,5 %. D’autres regroupements ont déjà été réalisées. Peyragudes est
née en 1988 de celui de Peyresourde (Haute-Garonne), et des Agudes (HautesPyrénées), pour proposer 60 kilomètres de pistes. Modernisée, elle est devenue la
quatrième station de la chaîne avec une recette de 10 millions d’euros l’an dernier.
Deux autres fusions ont été dictées par les difficultés financières. Menacée de
fermeture, la station de Barèges (Hautes-Pyrénées) s’est associée avec La Mongie
en 1998 pour former le Domaine du Tourmalet. Après d’âpres négociations, les deux
régies ont fusionné en 2000 et un syndicat intercommunal a été créé avec Bagnèresde-Bigorre. L’opération a permis d’investir 46 millions d’euros dans les remontées.
Avec succès : le Domaine du Tourmalet, le plus grand des Pyrénées françaises avec
ses 100 kilomètres de pistes, a enregistré 600.000 journées de ski en 2014 pour 15,2
millions d’euros. Les collectivités investissent à nouveau 50 millions de 2013 à 2020
pour agrandir le domaine de 260 à 360 hectares, l’équivalent de la grande station
espagnole de Baqueira.
Gérer en commun
Le département des Pyrénées-Atlantiques, propriétaire des stations de Gourette et
de La Pierre-Saint-Martin, a délégué la gestion à la régie autonome Epsa. Le conseil
général a investi 60 millions d’euros depuis 2001 pour moderniser les domaines
skiables. Après avoir injecté 35 millions à Gourette de 2001 à 2005, il a investi 24
millions l’an dernier dans le remodelage de La Pierre-Saint-Martin et l’installation de
deux télésièges débrayables. Il a aussi repris en 2012 la gestion du train touristique
de la Rhune, dont les recettes estivales (4 millions) permettent d’éponger les pertes
des stations. La modernisation attire la clientèle. « La fréquentation de La PierreSaint-Martin a augmenté de 30 % cette année car le nouveau domaine stimule les
skieurs », se félicite Laurent Dourrieu, directeur de l’Epsa. Mais le conseil général
n’investit pas à fonds perdus. Il perçoit un loyer sur les investissements et une
redevance sur les recettes, de 2,3 millions d’euros en 2014 sur un chiffre d’affaires
de 14 millions. Une autre solution est la mise en commun d’activités. Huit stations
des Hautes-Pyrénées et des Pyrénées-Atlantiques dont le pic du Midi, qui forment la
moitié du marché pyrénéen avec des recettes de 55 millions d’euros l’an dernier, ont
constitué la société d’économie mixte N’Py en 2003 pour créer une centrale de
réservation. Outre la création d’une carte d’accès commune aux huit domaines, N’Py
(30 salariés) centralise les achats, la promotion et la formation. Elle a ouvert une
place de marché sur Internet qui commercialise forfaits, hébergement et services.
Elle réalise 20 % des ventes des stations et constituera cette année une filiale de
commercialisation avec la Caisse des Dépôts et deux banques. « Le groupement
d’achat nous a fait économiser 20 % sur le prix de l’électricité, et les formations en
commun ont développé le professionnalisme pour le damage et l’accueil », se félicite
Michel Pélieu (PRG), président de N’Py et du Conseil général des Hautes-Pyrénées.
Rénover l’immobilier
Les stations pyrénéennes manquent d’hébergement de qualité pour attirer les touropérateurs et la clientèle européenne, relève la Cour des comptes. Ce n’est pas vrai
partout : Saint-Lary (Hautes-Pyrénées) compte 25.000 lits, dont un quart de lits
marchands, et Font-Romeu Pyrénées 2000 (Pyrénées-Orientales), 35.000. Mais les
stations ont beaucoup de meublés de tourisme anciens et petits, et beaucoup de
logements ne sont pas mis en location. Des grandes résidences de tourisme
défiscalisées ont bien été construites dans les années 2000, mais, globalement, le
parc est ancien. « Nous démarchons la clientèle britannique depuis un an mais
seulement huit stations peuvent répondre à l’appel d’offres des tour-opérateurs à
cause du manque d’hébergements haut de gamme », déplore Jean Canal, directeur
de la Confédération pyrénéenne du tourisme. La rénovation de l’immobilier ancien
est compliquée à cause de la multitude de petits propriétaires. Pour y remédier, une
solution de rénovation énergétique clefs en main, portée par EDF et le Crédit
Agricole avec des prêts bonifiés, est expérimentée à Piau-Engaly et à Barèges. « Il
faut moderniser les logements, mais nous avons besoin d’un territoire plus large que
les communes », souligne Jean-Henri Mir, maire de Saint-Lary et président de la
Confédération pyrénéenne. L’hôtellerie aussi doit être modernisée et élargie. Il n’y a
qu’un seul hôtel quatre étoiles, à Saint-Lary, et peu de trois-étoiles. La capacité
hôtelière diminue car les hôtels familiaux, trop petits pour être rentables, ne survivent
pas à l’obligation de mise aux normes lors des transmissions.
Recourir au secteur privé
A la différence de celles des Alpes ou de l’Andorre, peu de stations pyrénéennes
sont gérées par le privé. Seul Altiservice (GDF Suez) exploite quatre stations (SaintLary, Font-Romeu Pyrénées 2000, Guzet et Artouste) sous forme de concession,
d’affermage ou de régie intéressée. Il a réalisé un chiffre d’affaires de 30 millions
d’euros l’hiver dernier et de 2 millions l’été avec 100 permanents et 500 saisonniers.
« Une exploitation professionnelle devient indispensable car c’est un métier
technique, affirme Béatrice Rodriguez, directrice générale d’Altiservice. Nous devons
respecter un contrat qui fixe des objectifs et apporte une régularité : la commune ne
supporte plus le risque. » L’exploitant verse des redevances sur les investissements
et le chiffre d’affaires. A Saint-Lary, première station avec 650.000 journées de ski et
une recette de 16 millions d’euros en 2014, le maire Jean-Henri Mir est satisfait de la
concession accordée à Altiservice depuis 2000. « Jamais Saint-Lary n’aurait pu
investir autant et se diversifier dans le thermalisme, dit-il. Notre chiffre d’affaires a
doublé depuis 2000 parce que le syndicat intercommunal et Altiservice ont investi 60
millions d’euros à parité. Et quand il n’y a pas eu de neige en 2006-2007, le
délégataire a payé le déficit de 8 millions. » En contrepartie, l’exploitant privé fait
payer sa prestation, trop cher pour certains élus. En 2012, le maire de Bagnères-deLuchon (Haute-Garonne) a retiré la gestion de Superbagnères à Altiservice car il
trouvait les investissements insuffisants. La cité thermale veut renouveler elle-même
ses remontées en investissant 35 millions d’euros d’ici à 2020, malgré des capacités
financières limitées.
Fermer les petites stations ?
C’est la solution qui fait mal. La Cour des comptes demande à l’Etat de ne plus
soutenir les petites stations structurellement déficitaires. Mais aucun maire n’est prêt
à fermer une structure qui emploie des habitants. « Sans le ski qui génère 10.000
emplois, les vallées seraient désertes, dit Jean-Henri Mir, président de la
Confédération pyrénéenne du tourisme. Les dameurs sont des agriculteurs, qui
peuvent le rester grâce à cette activité complémentaire. » Mais la situation est parfois
intenable. La station de Puigmal (Pyrénées-Orientales) a fermé en 2013 après la
dissolution par le préfet du syndicat intercommunal, endetté de 9 millions d’euros. A
côté, la station de Puyvalador est en grande difficulté avec ses recettes de moins de
1 million. Après la liquidation de la régie autonome en 2012, la commune a poursuivi
l’activité en régie municipale et repris le passif de 1,2 million, qui l’a contrainte à
augmenter la fiscalité. « Une petite commune ne peut pas supporter seule une
mauvaise saison, reconnaît le maire, Rolland Gil. Nous souhaitons que le
département et la région participent. » La Cour des comptes s’interroge aussi sur la
poursuite de l’activité de Luz Ardiden (Hautes-Pyrénées), « compte tenu de la
situation financière délicate des communes du Sivom de l’Ardiden ». Le budget du
Sivom est en déséquilibre malgré les subventions. Le nouveau maire de Luz-SaintSauveur et président du Sivom a été élu après avoir mené campagne contre le projet
de regroupement de Luz Ardiden avec Cauterets. Il estime que la station devrait être
portée par la communauté de communes qui s’agrandira avec la réforme territoriale.
où la commune a une dette de 30 millions d’euros.
Sur les 26 stations (hors Andorre et Espagne), 8 seulement tirent leur épingle du jeu.
Les deux tiers ont un chiffre d’affaires inférieur à 5 millions, insuffisant pour
renouveler les installations, et 9 sont sous le million d’euros. Les communes sont
contraintes d’alourdir la fiscalité. La Cour préconise un portage plus large par les
départements et les régions, et la fermeture des petites stations déficitaires. Mais le
ski est vital pour les vallées pyrénéennes, où il génère 10.000 emplois directs et
induits. Sur le terrain, les propositions fusent.
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