Entretien avec Loriane Dieu-Rémy - Académie de Nancy-Metz

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Entretien avec Loriane Dieu-Rémy - Académie de Nancy-Metz
Entretien avec Loriane Dieu-Rémy
Comment vous êtes vous emparée de cette commande ?
Mon animation passe d’une image de la guerre à l’espoir d’une nouvelle année, 2014. Je connaissais
les tranchées, l’uniforme bleu des soldats sans protection. J’ai fait des recherches sur internet. Les
photographies de l’époque sont en noir et blanc et un peu floues car la technique était en
développement. Ce sont de bons documents pour témoigner de la guerre 14-18. J’ai discuté avec des
amis et ma famille. Je trouve la cruauté triste. J’ai choisi de m’intéresser à l’humanité, à la solitude des
hommes en temps de guerre.
Vous proposez un dessin d’animation. Pouvez-vous préciser les raisons?
Je pense que le dessin transmet une émotion plus sûrement que la 3D qui cherche à rendre une réalité
comme dans certains jeux vidéo. Je m’intéresse énormément aux films d’animation japonais, tel que
Hayao Miyazaki, réalisateur du « Mon voisin Totoro », pour le plus connu. Dans les années 70/80, sont
apparus des dessins animés japonais dans les émissions pour les enfants. Mais déjà à l’époque des
Impressionnistes, les échanges entre les deux cultures étaient importants. Je me souviens clairement
d’un portrait où, par quelques lignes pertinentes, un artiste français évoque un visage au lieu de
chercher à reproduire l’ensemble des traits, s’inspirant ainsi des pratiques asiatiques traditionnelles.
Grâce à Internet, je regarde maintenant de nombreux courts métrages quelques jours après leur sortie
au Japon. J’analyse le dessin et j’essaie de le reprendre dans mes animations. J’ai, de plus, progressé
en japonais et souhaite me rendre dans ce pays. J’aimerai devenir mangaka, métier qui nécessite des
talents d’écrivain et de dessinateur. Cela me tient fortement à cœur, certes, mais ce n'est pas mon rêve
absolu. Pour travailler dans l'animation, il n'est nul besoin d'écrire, car nous reproduisons des histoires
déjà écrites par des mangaka. Le domaine de l'animation est donc un domaine qui me passionne,
m’intéresse, mais n'est pas ma priorité, car je préfère avant tout le dessin papier, et être auteur de ma
propre histoire.
Comment avez-vous choisi d’impliquer le spectateur ?
Dans cette animation, on a de la peine pour ce soldat car il est seul dans sa tranchée, sûrement le seul
survivant de sa troupe, seul dans sa tête. Il est représenté à côté de son fusil, chose qui a retiré et retire
encore la vie. Le ciel noir, les nuages sombres évoquent la tristesse et la confusion de l’esprit du soldat.
En fonçant les couleurs, le spectateur aurait été davantage dérangé. Il s’agissait de se concentrer sur la
solitude. Je n’ai pas souhaité montrer les traits du visage afin que ce soldat reste anonyme. Le choix du
point de vue place le spectateur au niveau du soldat. Il est emprisonné dans la tranchée, entouré de
barbelés. On ne reste pas longtemps sur cette image pour passer au rêve, à l’espoir. Le cadrage se
resserre sur la colombe. Puis, le spectateur se retrouve en point de vue subjectif : il devient la colombe,
comme dans un rêve. Le soldat et le spectateur, unis, se retrouvent dans un ciel bleu, paisible et
lumineux.
Comment avez-vous articulé les techniques virtuelles et matérielles dans ce projet?
J’ai d’abord dessiné sur papier, deux dessins par plans. Sur papier, je maitrise mieux le trait. J’ai
ensuite scanné et travaillé à la tablette le passage d’un plan à l’autre. Les couleurs sont réalisées sur
l’ordinateur. Cela me permet une maîtrise de la couleur exacte, à l’opposé d’un mélange de peinture
qui me parait toujours imparfait. J’ai aussi la possibilité de multiplier les essais et de revenir en arrière si
nécessaire.
Pouvez-vous évoquer quelques uns de ces essais ?
J’ai consacré du temps à la réalisation de cette vidéo. Ainsi, pour rendre l’envol de la colombe, j’ai
observé des vidéos d’oiseaux. Je n’étais pas satisfaite de mes dessins. J’ai même passé du temps à
regarder les pigeons s’envoler en pleine ville ! Cela montre l’importance du regard, de l’observation
chez les plasticiens. La réalisation des rayons de lumière était également complexe. J’ai cherché des
représentations de lumière en dessin. J’ai réalisé beaucoup d’essais : des rayons jaunes autour de
2014, d’autres blancs, nets, des rayons qui apparaissaient et disparaissaient… La proposition finale
s’appuie sur ces recherches : des rayons blancs, bleutés, de longueurs et d’épaisseurs inégales, floutés
et partant du dessus de l’image. Je les fais apparaitre petit à petit en opacité à l’aide du logiciel.
Quelques mots de conclusion ?
J’ai commencé par une tranchée qui montre l’horreur de la guerre et imaginé une transition vers la
colombe qui évoque la paix et vers la lumière. Commémorer la guerre, c’est rappeler à notre génération
de ne pas oublier l’horreur et la souffrance qui y sont liées. Les images de guerre sont très présentes
dans les jeux vidéos actuels mais dans la réalité, on n’a qu’une seule vie, on ne peut pas réapparaitre à
un «autre endroit de la map». Il est essentiel de ne pas oublier, de ne pas reproduire ces atrocités. A
travers cette animation, je souhaite rappeler que même lors des difficultés, l’espérance est toujours
présente.

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