Discours de M. Skali - Groupe Interparlementaire d`Amitié France
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Discours de M. Skali - Groupe Interparlementaire d`Amitié France
DISCOURS DE FOUAZI SKALI - REMISE DES INSIGNES DE CHAVALIER DANS L’ORDRE DE LA LEGION D’HONNEUR - LUNDI 12 MAI 2014 - SALONS DE BOFFRAND DE LA PRESIDENCE DU SENAT Monsieur le Président Cambon, Mesdames, Messieurs les ambassadeurs, Mesdames, Messieurs Chers amis Et merci ma chère Bariza pour ce témoignage qui me touche particulièrement venant d'une personne que j'admire car elle incarne avec succès cette voie si exigeante mais aussi si féconde de la réconciliation des deux rives de notre Méditerranée. Celle de l'Emir Abdelkader que vous aimez tant, que vous avez su faire comprendre et aimer et qui disait dans sa lettre aux Français que si on avait pu l'écouter il réaliserait non seulement une fraternité entre les religions mais aussi entre l'Orient et l'Occident, chacun apportant à l'autre ce qu'il porte de meilleur. Ce rêve de l'Emir Abdelkader, pour moi qui vous considère comme son Alter Ego féminin, vous l'avez pour vous même et dans vos engagements humains et politiques pleinement réalisé. Je voudrais ici remercier Monsieur Laurent Fabius, Ministre des Affaires Etrangères, pour l'insigne confiance et l'honneur qu'il me fait, Monsieur Christian Cambon qui incarne si merveilleusement cette amitié entre la France et le Maroc qui nous est si chère, et Monsieur Charles Fries, Ambassadeur de France au Maroc, pour sa confiance et son amitié. Ce rêve chère Bariza fut, c'est vrai, depuis toujours le mien aussi, étant né dans une famille, comme c'est souvent le cas au Maroc, imbibée de culture Soufie. Cette voie de l'Islam traversée d'art, d'humanisme, de culture et de spiritualité. J'étais naturellement arabophone et naturellement francophone, chose assez curieuse c'est même ma francophonie qui m'a porté alors que j'étais étudiant à Paris à comprendre ma propre culture avec plus de subtilité et de profondeur. J'ai alors compris tout ce que m'apportait la culture française, ses humanités, son aspiration à l'universel, sa capacité à aiguiser la curiosité de l'autre, cet autre qui est en l'occurrence un autre soi-même. Je comprenais la richesse et la fécondité d'une identité plurielle, dynamique, mouvante. Cela me ramenait à ces images de l'enfance où la maison familiale, comme j'allais l'apprendre plus tard, celle de l'Emir, ne désemplissait pas d'amis et de compagnons de toutes nationalités et de toutes confessions. Au Docteur Edmond Secret, l'ami de toujours de mon père, auquel il a suggéré, à ma naissance, de m'appeler " Fouissi", le petit fassi.- N'est ce pas mon cher Oncle Si Mohammed, je tiens de toi cette histoire. Mon père qui ne voulait rien refuser à son ami a réussi à déjouer la catastrophe en incurvant légèrement ce terme qu'il a transformé en FOUZI ou Faouzi qui veut dire littéralement celui qui remporte des victoires. C'était en effet plus glorieux, mais Il a eu très chaud! Ce même Docteur Secret rentré depuis longtemps en France et que j'allais revoir, à l'occasion d'un voyage qu'il effectuait au Maroc en famille, plus d'une vingtaine d'années plus tard, m'avait alors entretenu de sa relation quasi mystique avec le Maroc, de sa rencontre qui l'a marqué à jamais avec un saint du Soufisme à Moulay Yacoub, une petite bourgade près de Fès, de son amitié avec le grand orientaliste Louis Massignon dont il était un fervent admirateur. Le destin allait me faire rencontrer, à Paris une autre disciple de Massignon - ce passeur des deux rives, alors Professeur au Collège de France - Eva de Vitray Meyerovitch. Au fait j'allais d'abord découvrir à la FNAC une traduction depuis le persan d'un livre merveilleux de Rumi qu'elle a intitulé "Le livre du dedans". Quelques mois plus tard, et c'est la magie parisienne, j'allais rencontrer Eva de Vitray lors d'une conférence dans cette même FNAC et une amitié indéfectible allait alors se nouer entre nous. Elle avait près de 65 ans et moi un peu plus d'une vingtaine d'année. Lors d'un séjour à Fès nous avions écrit ensemble un livre intitulé "Jésus dans la tradition Soufie" qui vient d'être réédité aux éditions Albin Michel. C'est d'ailleurs Eva de Vitray qui m'a présenté à mes éditeurs d'Albin Michel de l'époque parmi lesquels je salue ce soir deux très chers amis et compagnons, Henry Bonnier et Marc de Smedt. Il me faut ici évoquer la mémoire de mon directeur de thèse, d'origine caucasienne, à l'université de Jussieu, Najmouddine Bammate, un homme d'une érudition et d'une culture inouïes. Il parlait couramment plus d'une douzaine de langues. Mais pour tout ceux qui l'ont croisé Bammate était bien plus qu'un érudit. Il ne se contentait pas de faire partie de ceux dont la parole instruit mais de ceux, comme disent les Soufis, dont la façon d'être bouscule et transforme. Chez lui la culture, je dirais les cultures: d'Orient et d'Occident, n'était pas l'occasion d'un vain étalage, mais chaque fois celle d'ouvrir une voie, d'indiquer un chemin. Notre monde a tant besoin de ces Maîtres d'éveil. Celui que j'allais rencontrer, Sidi Hamza al Kadiri, dans un village du nord-est du Maroc, est de ceux qui nous font boire à la source limpide d'une spiritualité qui va au-delà des mots vers l'expérience vécue, les saveurs et la transformations de soi. Celle pour laquelle l'universalité n'est pas une expression abstraite mais une conscience intime, un état d'être. "Je professe la religion de l'amour disait Ibn Arabî, en quelque direction que se tournent ses montures l'amour est ma religion et ma foi." Mais si la spiritualité et la mystique doivent s'éloigner et se prémunir des pièges du pouvoir, lorsque celui-ci est considéré comme une fin en soi, elles ne doivent cependant pas se dissocier de l'action qu'elles peuvent nourrir et féconder. "Mon ascèse dit dans ce sens un adage est de vivre une vie ordinaire et mon désert est la cité ". C'est ce que m'a enseigné Sidi Hamza et c'est ce qui m'a conduit à œuvrer à la création de projets qui ré-expriment sous une nouvelle forme et dans le contexte des enjeux qui sont les nôtres aujourd'hui, cette spiritualité. Je voudrais ici dire toute ma reconnaissance à tous ceux aux côtés desquels j'ai participé à cette aventure exceptionnelle du Festival de Fès des Musiques Sacrées du Monde et de son Forum et évidemment tout particulièrement à Si Mohammed Kabbaj grâce auquel nous avons progressivement vu, au fil des ans, ce rêve se réaliser. Je sais que tout cela n'a été possible que parce que mon pays, le Maroc, porte ces valeurs que je ne faisais que redécouvrir à une échelle personnelle. Son aspiration depuis des siècles a été de chercher à réinventer l'Andalousie, audelà des géographies, comme un état de culture, un état d'esprit. C'est ce que l'on a voulu entendre par l'Esprit de Fès. C'est ce qui transparaît dans le préambule de la dernière constitution du Maroc dont je vous prie de me permettre de lire ce passage: L'unité du Maroc " forgée par la convergence de ses composantes arabo- islamique Amazighe et Saharo-Hassanie, s'est nourrie et enrichie de ses affluents africains, andalou, hébraïque et méditerranéen. La prééminence accordée à la religion musulmane dans ce référentiel national va de pair avec l'attachement du peuple Marocain aux valeurs d'ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue pour la compréhension mutuelle entre toutes les cultures et les civilisations du monde". C'est pour cela que je voudrais avant et après tout rendre l'hommage qui m'est fait aujourd'hui au Roi du Maroc qui incarne plus que jamais ce combat vital pour la coexistence harmonieuse des cultures, à mon pays, à cette amitié si subtile et si profonde faite de mille liens visibles et invisibles entre nos deux pays, la France et le Maroc, qui a encore tant de choses à nous dire et à nous enseigner. C'est cet état d'esprit, cette richesse que j'aimerais pouvoir œuvrer à transmettre à mon tour à mes enfants Layla, Driss et Oussama et petits enfants Mia, Neil et Yasmine. Catherine mon épouse et ma compagnonne de route de toujours, qui est là et que je remercie du fond de mon âme d'être ce qu'elle est, y parvient, elle, merveilleusement. Je vous remercie.