redaction Mmoire DIU LHAM

Transcription

redaction Mmoire DIU LHAM
Faculté de Médecine et des Sciences de la Santé
22 avenue Camille Desmoulins CS 93837 -- 29238 BREST Cedex 3
Année 2011
MEMOIRE
pour le
Diplôme inter Universitaire Lactation Humaine- Allaitement maternel
Par Laurent SARTHOU
Né le 12/05/1968 à Nantes
« MODALITES DE SEVRAGE DE L’ALLAITEMENT SUR LE
TERRITOIRE DE CHATEAUBRIANT – SUIVI DE 46 FEMMES – »
Remerciements :
Au docteur Bernard Branger qui a inspiré, soutenu, accompagné et éclairé ce travail,
Aux auxiliaires de puériculture de la maternité de Châteaubriant pour leur aide dans ce travail
et, plus largement, pour leurs efforts quotidiens auprès des mères et des nouveau-nés,
Au Centre Hospitalier de Châteaubriant, qui a financé cette formation,
Aux femmes allaitantes qui ont accepté de participer à l’enquête.
2
Résumé
L’objectif de l’étude est de décrire les facteurs influençant la durée d’allaitement maternel et
comprendre les raisons qui déterminent le sevrage de l’allaitement selon les caractéristiques socioéconomiques des familles : culture familiale, famille proche, organisation des soins, organisation
sociale, pratiques soignantes…
Méthode. – Une enquête prospective a été menée sur un échantillon de 46 femmes allaitantes,
volontaires à la maternité de Châteaubriant (Loire-Atlantique, France) ayant accouché de bébés non
er
transférés entre le 1 février et le 19 avril 2010. La durée d’allaitement est étudiée avec la méthode
dite « de survie » de Kaplan-Meier.
Résultats. – La médiane de durée de l’allaitement est de 21 semaines. Les facteurs corrélés à un
allaitement plus courts sont : la reprise du tabac dès la maternité, l’apport de compléments de lait à
domicile, l’utilisation d’une tétine précocement, l’apparition de difficultés à téter pour l’enfant. Les
facteurs favorisant un allaitement plus long sont : une intention d’allaiter plus longtemps et un conjoint
favorable à l’allaitement.
Conclusion. – Les leviers d’action possibles sont des actions d’information vers le public, de
formations pour les professionnels et une offre de soin de qualité dès la sortie de maternité.
Population
La population étudiée est celle de femmes ayant accouché au Centre Hospitalier de Châteaubriant
er
(Loire-Atlantique) entre le 1
février et le 19 avril 2010 et allaitant leur enfant à la sortie de la
maternité. La commune de Châteaubriant compte 12000 habitants. Le bassin de vie de Châteaubriant
est de taille moyenne, il est entouré de bassins de vie plus petits, pour un total de 50000 habitants sur
le territoire. La maternité est de niveau IIa et réalise 800 accouchements par an. Les femmes ont été
incluses avec leur accord et un premier questionnaire leur a été remis (annexe 1). Durant la période
d’étude, toutes les mères allaitantes ont été sollicitées. L’objectif de l’étude étant les modalités de
sevrage après le séjour en maternité, les femmes ayant sevré leur enfant pendant leur séjour
hospitalier ont été exclues. Quarante six femmes ont été incluses.
Critères d’exclusion :
-
Accouchement prématuré < 36 semaines d’aménorrhée
-
Allaitement artificiel à la naissance ou sevrage durant la période de séjour en maternité
-
Refus des mères de participer, mauvaise connaissance de langue ou de la lecture
-
Mères de nouveau-né transféré en néonatalogie : prématurité, hypotrophie, pathologie
respiratoire ou autre, …
3
Méthode
Le premier questionnaire regroupait les informations démographiques habituelles, des données
médicales, mais également l’expérience antérieure de l’allaitement, les informations reçues par la
mère sur le sujet, le déroulement de l’accouchement. Des données sur les pratiques en maternité
(peau à peau, maintien de l’enfant auprès de sa mère, dons de compléments…) ont été recueillies.
Des difficultés précoces éventuelles, la courbe de poids des enfants, le soutien reçu en maternité ont
été explorés. Les données n’ont pas été complétées ou modifiées après éventuelle consultation du
dossier médical de la patiente : seul le questionnaire a été utilisé pour ce travail.
Un second questionnaire a été complété par téléphone lorsque les mères avaient sevré leur enfant
i
(annexe 2). La définition du sevrage retenue est celle de l’HAS et correspond à l’arrêt complet de
l’allaitement maternel. Il ne doit pas être confondu avec le début de la diversification alimentaire. Ce
questionnaire téléphonique a été réalisé après que les mères ou bien ont été rappelées au téléphone
mensuellement environ ou bien qu’elles ont elles-mêmes souhaité reprendre contact par courriel ou
par téléphone avec l’enquêteur. Il recueillait des données sur le déroulement des tétées et la conduite
de l’allaitement, le ressenti des mères, les difficultés rencontrées au cours des tétées ou dans les
relations avec les professionnels ou avec l’entourage familial, la situation de la mère en regard du
travail, et les raisons du sevrage.
A la clôture de l’enquête, fin décembre 2010, sept patientes étaient perdues de vue (15,5%) et cinq
n’avaient pas sevré leur enfant (allaitement poursuivi pour des enfants âgés de 7 à 10 mois). Trente
trois dossiers ont pu être exploités, dix sept garçons et seize filles.
Saisie, analyse, exploitation
- Description : la description des variables qualitatives repose sur un pourcentage. La description des
variables quantitatives repose sur la moyenne et un écart-type de la population.
- Comparaison : pour la comparaison, les tests sont effectués avec un seuil de décision de p <0.05.
Les pourcentages sont comparés avec la méthode du χ² ou le test de Fisher selon les effectifs. Les
moyennes sont comparées par le test t de Student ou par les tests de Mann-Whitney. L’analyse
univariée a été effectuée sur le logiciel EPIDATA ANALYSIS.
- Durée d’allaitement : la durée d’allaitement est étudiée avec la méthode dite « de survie »
de
Kaplan-Meier avec EPIDATA ANALYSIS. L’événement concerne l’arrêt complet de l’allaitement
maternel (dernière tétée) pour les femmes qui ont arrêté, et la date du 31 décembre 2010 pour les
femmes qui continuaient (soit de 8 à 10 mois de surveillance maximale). La durée est exprimée en
semaines. Le test de comparaison est le logrank au seuil de p< 0.05. Un rapport de risque de sevrage
a été calculé en cas de comparaison de facteurs de sevrage ; un risque > 1 est associé à un sevrage
plus précoce, un risque < 1 à un sevrage plus tardif (durée d’allaitement plus longue).
4
Résultats
1. Caractéristiques des mères
Les femmes incluses ont pour médiane d’âge 29 ans (moyenne 29 ans 9 mois ; 19 à 40 ans). L’âge
moyen des primipares est de 26 ans et 10 mois.
En ce qui concerne les catégories professionnelles des mères, 63 % représentent les employées et
ouvrières, 10,9% sont sans profession et 10,9% les professions libérales, cadres et professions
intermédiaires. (tableau I)
Tableau I : Catégories socioprofessionnelles des mères
Catégorie
n
%
1. Agricultrice
1
2.2
2. Artisan, commerçant
1
2.2
3. Profession libérale, cadre supérieur
4
8.7
4. Profession intermédiaire, cadre moyen
1
2.2
5. Employée
26
56.5
6. Ouvrière
3
6.5
7. Sans profession
5
10.9
8. Autres
5
10.9
Total
46
100
Aucune n’a d’antécédent de chirurgie mammaire.
Pour 37%, elles ont été allaitées par leur mère, 63 % ne l’ont pas été. Trente pour cent des conjoints
ont été allaités eux aussi. Les primipares représentent 43,5 % de la population. Parmi les multipares
(26), 76,9% ont allaités tous leurs enfants plus âgés, 11,5% en ont allaité au moins un et pour 11,5%,
il s’agit d’un premier allaitement. Pour 75% d’entre elles (24 réponses) les premières expériences de
l’allaitement furent des succès.
Dans tous les cas, les mères ont déclaré que leur conjoint était « plutôt favorable » ou « très
favorable » à l’allaitement. Pour 29.8 %,
ils se disaient « plutôt favorables » et 71,1 % « très
favorables ».
Dans 65,2% des cas la décision d’allaiter était prise avant ou pendant la grossesse. Les autres ont
pris leur décision à la naissance de l’enfant ou ne savent pas quand elles ont pris la décision.
Les primipares ont pris leur décision avant la naissance dans 50% des cas contre 76,9% des
multipares.
Des éléments concernant le mode d’accouchement ont été recueillis : le taux de césarienne est de
13%. Les taux de recours aux forceps 6,7%, ventouse 15,2%, anesthésie péridurale ou
rachianesthésie 76,1%, épisiotomie 24,4%.
Concernant l’environnement à la maternité, les données suivantes ont pu être recueillies. 82,6%
5
des enfants sont restés nuit et jour en présence de leur mère. Aucun enfant n’a été systématiquement
séparé de sa mère chaque nuit. 8,7% des enfants ont reçu une tétine au cours de leur séjour en
maternité ; 13% des enfants ont reçu un complément de lait artificiel.
Sur 46 femmes, 27 (58,7%) ont assisté à des cours de préparation à la naissance, et parmi celles-ci,
92,4% ont entendu parlé un peu ou beaucoup de l’allaitement maternel avant d’accoucher.
Le taux de surpoids (IMC > 25) est de 15,2%. Le taux de césarienne est de 13%.
Sur les 46 enfants inclus, les filles et les garçons sont représentés à parts égales. Il n’y a pas de
jumeau. Le taux de mise en peau à peau en salle de naissance est de 93,5%. La durée moyenne de
temps passé en peau à peau est de 1 heure et 35 minutes (médiane de 1h30). On observe 69,8 %
des enfants qui tètent dans les deux premières heures de vie (43 réponses). Dans 76,1% des cas, la
première mise au sein a eu lieu en salle de naissance.
Tableau II : Caractéristiques des mères
n (%) ou moyenne (écart-
%
type)
Type d’accouchement (> 100%)
46
Voie basse
40 (87.0)
Césarienne
6 (13.0)
Forceps
3 (15.8)
Ventouse
7 (15.2)
Anesthésie péri-durale ou rachi-anesthésie
35 (76.1)
Episiotomie
11 (24.4)
Age (ans)
29.6 (5.2)
Terme
Moyen (en SA)
40 (1.3)
36
1 (2.2)
37
2 (4.4)
38
8 (17.8)
39
7 (15.6)
40
16 (35.6)
41
10 (22.2)
43
1 (2.2)
Nombre d’enfants avant
46
0 (primipares)
20 (43.5)
1
10 (21.7)
2
12 (26.1)
3
2 (4.3)
4
2 (4.3)
Nombre d’enfants (y compris le nouveau-né)
46
Moyen
2.0
Médian
2.0
Déviation standard
1.1
Cours de préparation à l’accouchement
46
6
oui
27
58.7
non
19
41.3
Première expérience d’allaitement maternel
26 (multipare)
oui
23
88.4
non
3
11.5
Durée d’allaitement prévue
29
Moyenne (semaines)
17
Minimale
6
Maximale
30
Durée de séjour en maternité
45
Moyen
4.6
Médian
4.0
Déviation standard
1.20
2. Caractéristiques des nouveau-nés
Les enfants inclus sont nés entre le terme de 36 semaines d’aménorrhée et 5 jours et celui de 43
semaines et 4 jours.
Le poids moyen à la naissance des nouveau-nés est de 3453 g [IC 3307-3599]. La perte de poids est
de 7.06 % [6.31-7.81] en moyenne durant le séjour.
43,5 % des enfants ont perdu 7% ou plus de leur poids durant le séjour en maternité, et 10.9% plus de
10% de leur poids.
Tableau III : caractéristiques des nouveaux-nés
n
%
Médianes (g)
Moyenne (g) [intervalle de confiance
95%]
Poids
46
100
Perte de poids
Perte de poids > 7%
20
43.5
Perte de poids > 10%
5
10.9
3450
3453 [IC 3307-3599].
6.50 %
7.06%
La qualité de la succion a été estimée par les mères comme « bonne » ou « très bonne » dans 86.7%
des cas et « variable » dans 13.3% des cas. Une corrélation est retrouvée entre l’évaluation de tétées
« variables » et une perte de poids de plus de 7% de l’enfant (83.3 % vs 35.9%, p <0.05). Cependant
cette corrélation ne se retrouve pas pour une perte de poids de plus de 10%.
L’intervalle entre les tétées n’est pas retrouvé comme facteur lié à la perte de poids. Les enfants
premiers nés n’ont pas présenté de cinétique de perte de poids significativement différente des autres.
7
3. Circonstances de sevrage
Si pour 91,3 % des femmes, l’allaitement était un plaisir, un tiers des femmes (33%) sont « peu
satisfaites » ou « mécontentes » de la durée totale de l’allaitement, et ce de manière non corrélée à la
durée de l’allaitement. De plus, 45,8 % des femmes sont « peu satisfaites » ou « mécontentes » de la
façon dont s’est déroulé le sevrage.
Les motifs invoqués par celles qui étaient insatisfaites de la durée de l’allaitement étaient :
- la déception : « le bébé a pris le biberon facilement », « l'enfant prenait bien les biberons et
vite», « le bébé préférait biberon à partir de l'introduction du lait artificiel »,
- le manque de lait : « l'enfant avait faim »
- la frustration : « reprise du travail trop précoce », « je me suis sentie obligée, le bébé pleurait
beaucoup, le biberon était mal accepté », « sevrer m'a provoqué un manque »
- « Violence conjugale, plus de lait »
Les motifs invoqués par celles qui étaient insatisfaites du sevrage étaient :
-
Les difficultés à sevrer : «je n'arrivais pas à sevrer car j’avais encore beaucoup lait »,
« beaucoup de coliques, de pleurs », « moment difficile pour la mère »
-
La frustration : « reprise du travail trop précoce », « sevrage à un moment non prévu »
24,2% des femmes ont présenté des crevasses (autodiagnostic) et 36,4% des douleurs des
mamelons durant la période d’allaitement. Durant l’allaitement, 48,3 % des femmes disent avoir
« rencontré des difficultés » (tableau IV).
Tableau IV : Difficultés invoquées par les mères au cours de l’allaitement
Difficultés maternelles
n
Fatigue
6
Trop de tétées la nuit
5
Pas assez de lait
4
Crevasse oui problèmes de mamelon
4
Trop de tétées le jour
4
Mère malade
2 (mastite, engorgement)
Pas assez d’aide familiale
2
Père insuffisamment impliqué
1
Pas assez d’aide des professionnels
1
dépression maternelle
1
Lait « pas bon »
1
Difficultés de l’enfant
Courbe de poids pas assez forte
4
Trop goulu
3
Trop calme, ne prend pas assez
2
Trop énervé
2
Courbe de poids trop forte
0
8
On relève que 54,5% des femmes disent avoir eu besoin de « beaucoup d’aide » pour 45,5% ne pas
en avoir eu besoin. Ces chiffres révèlent que l’allaitement n’est pas toujours simple pour les mères,
qu’elles ont besoin de soutien et que l’entourage (conjoint, réseau associatif, professionnelles de
santé) ont un rôle majeur à jouer. La fatigue des mères et la sensation que le bébé tète trop souvent
la nuit associées à une croissance pondérale insuffisante sont les principales difficultés rencontrées
(tableau 4). 19,5 % des femmes ont considéré que la forme de leur mamelon a pu gêner la mise au
sein de l’enfant un peu ou de manière certaine.
L’âge médian de la diversification alimentaire est de 21 semaines (minimum 18 semaines, maximum
32 semaines).
La perte de poids du nouveau-né est liée à un certain nombre de facteurs. La perte de plus de 7% du
poids du corps est liée avec l’apport de complément de lait artificiel à l’enfant (30 % versus 0%)
(p<0.003), ou de l’utilisation d’un tire-lait (35.3% versus 8.3 %) (p=0.03). Il en est de même pour ceux
qui ont perdu plus de 10% (respectivement p=0.001 et p< 0.003). Les enfants qui ont passé du temps
en nurserie ont également perdu plus de poids. Soixante quinze pour cent (75%) des enfants qui ont
passé au moins une nuit en nurserie ont perdu entre 7 et 10% du poids du corps contre 36,7% de
ceux qui sont restés avec leur mère 24h/24 (p<0.05); cependant, si cela est vrai pour ceux qui ont
perdu entre 7 et 10% de leur poids, cela n’est pas significatif pour ceux qui ont perdu plus de poids
(p=0.15). En revanche, aucune corrélation n’a été mise en évidence entre la perte de poids de l’enfant
de plus de 7% du poids de naissance et l’âge (p = 0.54) ou l’IMC de la mère (p= 0.97), ni avec le
terme, le poids de naissance (p=0.3) ou le sexe (p=0.23) de l’enfant.
La naissance par césarienne, la réalisation d’une anesthésie loco-régionale ou d’une épisiotomie,
l’utilisation des forceps ne sont pas non plus des facteurs associés statistiquement à une perte de
poids plus prononcée de l’enfant. La forme du mamelon (appréciée par la femme elle-même), la
survenue de douleurs aux tétées ou de crevasses ne l’ont pas été non plus. Le tabagisme maternel
n’est pas non plus un facteur de perte de poids de l’enfant (p=0.62). L’utilisation des écrans
mamelonnaires fins (« bouts de sein ») n’est pas non plus corrélée à une plus grande perte de poids
des nouveau-nés (p = 0.3).
Au domicile
Trente femmes ont pris contact avec un professionnel de santé pour avoir des conseils concernant le
sevrage. Dans un tiers des cas environ il s’agit de la puéricultrice de PMI, et pour un autre tiers le
médecin généraliste. Le pédiatre et la sage-femme représentent 10% chacun de l’ensemble des
professionnels consultés (tableau V).
9
Tableau V : Professionnel impliqué dans le sevrage
Professionnel
n
%
Puéricultrice de PMI
10
34 %
Médecin généraliste
9
30 %
Pédiatre libéral
3
10%
Sage-femme libérale
3
10 %
Pédiatre hospitalier
2
7%
Puéricultrice (maternité/ hôpital)
1
3%
Sage-femme hospitalière
1
3%
Médecin de PMI
1
3%
Urgences
0
Sage-femme de PMI
0
Consultante en lactation
0
Total
30
100 %
La médiane de survie de l’allaitement est de 21 semaines (figure 1). La durée de l’allaitement est
influencée par un certain nombre de facteurs illustrés par le tableau VI.
Figure 1 : Durée d’allaitement maternel pour les 46 femmes
1
0.9
Probabilité d'allaitement
0.8
0.7
0.6
0.5
0.4
0.3
0.2
0.1
0
0
5
10
15
20
25
Durée en semaines
30
35
40
Tableau VI : Facteurs influençant la durée de l’allaitement
Durée
Rapport risque
p
de l’allaitement
maternel
(en semaines)
1
Age de la mère
<30 ans
21
1
>30 ans
18
1.29
Cadres
12
1
Autres
22
0.57
Oui
24
1
Non
18
1.15
Tabagisme avant la grossesse
23
1
Pas de tabagisme avant la grossesse
20
1
Reprise du tabac depuis l’accouchement
9
1
Pas de reprise du tabac depuis l’accouchement
21
0.25
Avant l’accouchement
21
1
Après l’accouchement
15
1.85
0.48
Catégorie socioprofessionnelle des parents
0.33
La femme a-t-elle été allaitée par sa mère ?
0.70
Tabagisme maternel
0.99
0.04*
Moment de la décision
0.13
Durée d’allaitement prévue
< 14 semaines
14
1
≥ 14 semaines
25
0.28
>25
4
1
<25
22
0.26
> 40
22
0.76
< 40
12
1
En salle de naissance
20
1
Plus tard
25
0.82
>90 min
25
0.86
< 90
13
1
Conjoint très favorable
23
0.35
Conjoint plutôt favorable
11
1
Oui
15
1
Non
21
1.15
0.03*
Index de masse corporelle maternel (kg/m²)
0.06
Age gestationnel de l’enfant (SA)
0.47
La première mise au sein
0.62
Temps de peau à peau en salle de naissance
0.07
Soutien du conjoint pour l’allaitement
0.04*
Apports de complément de lait artificiel à la maternité
0.79
Don de complément à la maison
1
Oui
8
2.70
Non
21
1
24h/24
21
0.89
La journée mais pas toutes les nuits
13
1
Oui
4
1
Non
22
0.02
Oui
11
1
Non
24
0.82
0.64
Oui
29
0,66
0,36
Non
8
1
Oui
25
1,12
Non
11
1
Oui
8
1
Non
11
0.63
Souvent ou de temps en tps
8
1
Jamais
22
0.16
0.03*
Gardé près de la mère en maternité
0.81
L’enfant utilise t’il une sucette (tétine) ?
- En maternité
0.0009*
- A domicile
Satisfaite de la durée
Satisfaite du sevrage
0,79
« Pas assez de lait »
0.52
Difficultés à téter perçues (à la maison)
0.01*
p*= p<0.05
i
premiers
Haute Autorité en Santé « Allaitement maternel- Mise en œuvre et poursuite dans les 6
mois
de
vie
de
l’enfant ;2002.
Disponible
sur
internet :
URL :
http://www.has-
sante.fr/portail/jcms/c_272220/allaitement-maternel-mise-en-oeuvre-et-poursuite-dans-les-6-premiersmois-de-vie-de-lenfant
1
conjoint plutôt favorable
conjoint très favorable
1
0.9
0.8
% a lla ite m e n t
0.7
0.6
0.5
0.4
0.3
0.2
0.1
0
0
5
10
15
20
semaines
25
30
35
40
Figure 2 : Durée de l’allaitement selon l’implication du conjoint
fumeuses
non fumeuses
1
0.9
0.8
%allaitement
0.7
0.6
0.5
0.4
0.3
0.2
0.1
0
0
5
10
15
20
25
semaines
30
35
40
Figure 3 : Durée de l’allaitement chez les fumeuses et les non
fumeuses
Certains facteurs influencent de manière statistiquement significative la durée de l’allaitement. Ainsi, le
tabagisme à la maternité est corrélé à une durée d’allaitement moindre (médiane de 18 semaines vs
21 semaines, p=0,04) (Figure 3). En revanche, les femmes qui répondent qu’elles ont fumé au retour
chez elles n’allaitent pas significativement moins longtemps.
Toutes les femmes ont répondu que leur conjoint était « plutôt favorable » ou « très favorable » à
l’allaitement. Néanmoins, le fait que le conjoint soit « très favorable » vs « plutôt favorable » est
corrélé à une durée d’allaitement plus longue dans le premier cas (médiane de 23 semaines vs 11
semaines, p=0,04). Figure 2.
1
Absence de complément
Don de complément
1
0.9
0.8
%allaitement
0.7
0.6
0.5
0.4
0.3
0.2
0.1
0
0
5
10
15
20
25
semaines
30
35
40
Figure 4 : Durée de l’allaitement en fonction d’un apport de complément
L’utilisation de compléments alimentaires apportés à l’enfant allaité (« toute autre alimentation en
dehors du sein ») est corrélée à un allaitement plus bref lorsque ces compléments sont donnés à la
maison (médiane de 7 semaines vs 21 semaines, p=0,04), figure 4. Cependant, ce lien n’est pas
retrouvé pour les compléments de lait artificiel donnés en maternité. L’apport de complément est
logiquement corrélé à la perte de poids de l’enfant, que cette perte de poids soit de 7% (p<0.003) ou
10%
(p=0.001)
mais
ne
conditionne
pas
la
durée
de
l’allaitement
totale.
Prévision d'un allaitement < 14 semaines
Prévision d'un allaitement > 14 semaines
1
0.9
0.8
% allaitement
0.7
0.6
0.5
0.4
0.3
0.2
0.1
0
0
10
20
semaines
30
40
Figure 5 : Durée de l’allaitement en fonction de la durée initialement prévue par la mère
La durée d’allaitement prévue par la mère à l’accouchement a été recueillie. La médiane de cette
durée est de 14 semaines. La durée de l’allaitement est significativement plus importante lorsque la
mère a déclaré vouloir allaiter 14 semaines ou plus longtemps. Lorsque la mère prévoit d’allaiter
moins de 14 semaines est durée d’allaitement est significativement plus courte (médiane de 14
semaines vs 25 semaines, p<0.04). Figure 5.
1
L’usage d’une tétine (sucette) en maternité est corrélée à une durée d’allaitement plus courte
(médiane de 4 semaines vs 22 semaines, p<0,01). Figure 6. En revanche, l’utilisation d’une tétine par
l’enfant à la maison – à distance des premiers temps de l’allaitement- ne semble pas influencer la
durée de l’allaitement.
Avec une sucette
Sans sucette
1
0.9
0.8
%allaitement
0.7
0.6
0.5
0.4
0.3
0.2
0.1
0
0
5
10
15
20
25
semaines
30
35
40
Figure 6 : Durée de l’allaitement en fonction de l’utilisation de la sucette (tétine)
Les « difficultés à téter » perçues par la mère sont également associées une durée d’allaitement plus
courte (9 semaines d’allaitement médian vs 22 semaines, p=0,01). Figure 7.
Jamais
De temps en temps
1
0.9
0.8
%allaitement
0.7
0.6
0.5
0.4
0.3
0.2
0.1
0
0
5
10
15
20
25
semaines
30
35
40
Figure 7 : Durée de l’allaitement en fonction des difficultés à téter perçues par la mère
D’autres éléments sont retrouvés proches du seuil de significativité : l’IMC de la mère > 25 kg/m² et un
temps de peau à peau en salle de naissance inférieur à 90 minutes.
Discussion
1
Les femmes allaitent peu à la sortie à la sortie de la maternité au regard des chiffres nationaux ou
régionaux, mais elles semblent allaiter longtemps (21 semaines) pendant l’enquête. Les facteurs
d’allaitement correspondent aux critères suivants :
- pour les données d’antécédents ou à la maternité : projet d’allaiter longtemps, soutien du conjoint,
absence de tétine à la maternité, reprise précoce du tabac, « peau à peau » long en maternité (bien
que non significatif)
- et pour les données au domicile : introduction de complément, difficultés à téter pour le bébé.
Enfin, d’autres facteurs connus pour être associés à des difficultés à maintenir l’allaitement dans le
temps n’ont pas été retrouvés dans cette analyse : la parité, le fait que la mère ait été allaitée par sa
propre mère, les modalités de l’accouchement (césarienne, anesthésie péridurale, l’utilisation d’un
forceps), les douleurs ou crevasses des mamelons, la perception de ne pas avoir assez de lait. Le
moment de la prise de décision d’allaiter (avant ou après l’accouchement) ou le lieu où dort l’enfant
dans la maison ne sont pas non plus corrélés à la durée de l’allaitement.
Les pratiques en maternité telles que le maintien de l’enfant auprès de sa mère 24h/24 ou l’apport de
compléments alimentaires n’ont pas significativement influencé la durée de l’allaitement. La perte de
poids de l’enfant en maternité (7% et 10% du poids de naissance) n’est pas non plus prédictive d’un
sevrage plus précoce. Le type de succion de l’enfant ne semble pas avoir influencé non plus le cours
de l’allaitement.
Le secteur de Châteaubriant est un secteur rural avec des femmes peu diplômées, et devant rarement
reprendre un travail. D’autre part, le taux d’allaitement à la sortie de la maternité où s’est déroulé le
recueil s’élève à 44% en 2010, ce qui est peu, même en regard du taux d’allaitement en Loireii
Atlantique proche de 60% cette même année (pour un taux probable en France de 70 %). En 2003, le
iii
taux d’allaitement s’élevait en France à 62,6% (taux d’allaitement exclusif : 56,5%) (carte1.)
1
Le taux d’allaitement dans la population étudiée est donc sensiblement inférieur aux taux régional et
national. Il est le reflet d’une population rurale de la région ouest de la France, critères traditionnels de
faible taux d’allaitement. Cependant l’âge des mères (29 ans) diffère peu de la moyenne nationale qui
iv
est de 30 ans .
Le taux de césarienne est de 13 %, ce qui est inférieur au taux régional (18,3% pour les maternités de
v
niveau II) et inférieur au taux de la maternité qui s’élevait pour la même année à 17,82%. Il est
possible que les femmes ayant donné naissance par césarienne n’aient pas fait le choix d’allaiter leur
enfant ou y ait renoncé le jour de l’intervention. Une césarienne pourra alors être un obstacle au choix
d’allaiter, éventuellement pour les difficultés –réelles ou supposées- que posent le démarrage d’un
allaitement dans les suites d’une telle intervention.
Médiane d’allaitement
En France, les études publiées font état le plus souvent d’une durée médiane d’allaitement maternel
vi
de 8 à 10 semaines , avec 15 semaines dans le Réseau des Pays de la Loire (en 2007, données en
cours de publication). En 2001, en Savoie dans l’étude de Labarère et coll. la durée médiane
vii
d’allaitement maternel était de 13 semaines .
En 2007, dans la région des Pays de la Loire, le réseau de périnatalité a relevé une médiane de
viii
survie de l’allaitement de 15 semaines sur l’ensemble des 15 maternités participant .
La médiane de survie de l’allaitement dans ce travail est de 21 semaines. Treize femmes ont allaité
1
plus de six mois (8/33, plus 5 femmes allaitant encore à la clôture de l’inclusion) soit 34,2 %. Ce qui
est important au regard d’autres enquêtes nationales
ix
(10%) ou régionalesErreur ! Signet non
défini. (23%).
Notre taux d’arrêt d’allaitement à un mois est de 7%, soit bien inférieur aux taux habituellement
x
rencontrés dans la littérature française: Lelong note 30%Erreur ! Signet non défini., Branger 20% ,
Labarère 18%Erreur ! Signet non défini.. Une explication peut être le fait que notre étude n’a pas
tenu compte des arrêts de l’allaitement durant la période du séjour en maternité. Une autre explication
est celle du biais de sélection de la population.
Les facteurs influençant la durée d’allaitement
Les critères associés à un sevrage précoce le plus souvent rencontrés dans la littérature sont le jeune
âge de la mère, le tabagisme pendant la grossesse, un moindre niveau socio-éducatif, un travail à
temps plein à reprendre rapidement, une grossesse multiple, une primiparité, une césarienne
xi,xii
Ce travail n’a pas retrouvé l’ensemble de ces critères.
Catégorie socioprofessionnelle
Les parents cadres allaitent moins longtemps leur enfant (NS) (tableau VI). Pourtant les femmes
issues de couple de cadre ne sont ni plus jeunes ni plus souvent primipares.
Obésité
Le taux de surpoids (IMC > 25) est de 15,2%. Ce taux est inférieur aux chiffres habituellement
xiii
retrouvés sur le territoire : 37,5% en 2009 en France
(Observatoire OCDE), ce qui peut être le
marqueur d’un biais de sélection de notre population.
Notre population présente peu de femmes en surpoids puisqu’une seule à un IMC >30 et que la
médiane de l’IMC est à 21,55 kg/m². De plus, un IMC supérieur à 25, n’est pas un élément
significativement corrélé à un allaitement plus court. La littérature est cependant riche en illustrations
xiv
du lien existant entre obésité et réduction de la durée de l’allaitement .
Information prénatale
Un travail épidémiologique réalisé en 2005
xv
dans dix états des États-Unis a montré l’intérêt de
l’information prénatale délivrée aux parturientes dans leur décision d’allaiter et dans la durée de cet
allaitement. Nous n’avons pas retrouvé cette significativité dans notre travail. La méthodologie précise
de l’information délivrée aux femmes dans cette étude américaine n’est pas précisée, néanmoins,
pour les patientes suivies dans notre centre hospitalier, cette information n’est pas délivrée de façon
systématique mais sur la base du volontariat. Il est possible que les réunions d’information ne
touchent que peu de femmes.
Tabac
Le tabagisme est un facteur bien connu pour être associé au non allaitement ou à des durées
1
xvi
d'allaitement courtes . Notre étude retrouve cette influence négative du tabac sur la durée de
l’allaitement des femmes qui poursuivent ou reprennent la consommation de tabac juste après leur
accouchement (médiane de 18 semaines vs 21 semaines, p=0,04). L’influence directe des produits
chimiques issus du tabac peut être en cause ; on peut également évoquer la culpabilité des fumeuses
à allaiter.
Pour celles qui ont repris à fumer plus tardivement, l’influence du tabac sur le raccourcissement de la
durée de l’allaitement n’est pas retrouvé. Il est possible que ces femmes soient moins dépendantes du
tabac, peut-être de moins grandes consommatrices, ou que l’influence du tabac sur la lactation se
fasse moins sentir lorsque l’enfant est plus âgé.
Un conjoint favorable
Toutes les femmes ont répondu que leur conjoint était « plutôt favorable » ou « très favorable » à
l’allaitement. Mais cette distinction sémantique est associée à une durée d’allaitement plus longue
dans le deuxième cas. Le rôle du père, et du soutien qu’il peut apporter à la mère allaitante, est
connu. Pisacane et coll ont montré qu’une brève information du père sur les principales difficultés liées
à l’allaitement augmentait sa prévalence à 6 mois, à 12 mois et une moindre prévalence du sentiment
de « manquer de lait » chez la mère ainsi qu’une réduction de sevrage lié à des difficultés
xvii
d’allaitement . L’allaitement est donc bien une affaire de couple.
L’intention d’allaiter
De nombreuses études ont montré le lien entre la durée prévue d’allaitement formulée par la mère et
la durée réelle de l’allaitement
xviii
. L’étude de Vogel et coll. sur 350 mères néo-zélandaises portait sur
xix
les facteurs associés à la durée de l’allaitement . Les femmes âgées de moins de 35 ans, qui ont
donné des compléments dans le premier mois ou qui ont donné quotidiennement une tétine à leur
enfant avaient un allaitement plus court. De même celles qui présentaient des mamelons ombiliqués.
Celles qui avaient prévu un allaitement de moins de 6 mois allaitaient moins longtemps que celles qui
avaient prévu un allaitement « aussi long que possible » ou qui n’avait pas faire de projet de durée.
L’information que les professionnels peuvent apporter aux familles avant ou pendant la grossesse
concernant la grossesse est importante pour guider leur choix. On sait que les bénéfices de
l’allaitement en terme de santé sont d’autant plus importants que celui-ci est long. Donner des
informations factuelles et loyales au public et amener les femmes à choisir tôt un allaitement long sont
des facteurs d’augmentation de la durée de l’allaitement.
Les compléments
De nombreuses études se sont intéressées aux conséquences du don de complément aux enfants
allaités en maternité. Une étude d’intervention norvégienne datant de 1991 a montré que l’usage
systématique de complément chez les enfants eutrophes, à terme n’était pas justifiée et que la durée
xx
d’allaitement pouvait être défavorablement corrélée à l’apport de compléments . Notre enquête ne
relève pas de corrélation entre la perte de poids de l’enfant et le don de complément (deux données
corrélées entre elles) et la survenue d’un sevrage plus précoce. L’étude lilloise de Ego et coll.
xxi
1
portant sur 453 femmes allaitant à la sortie de la maternité, comme l’étude Labarère, ne montrait pas
non plus de lien statistique entre le don de complément en maternité et la survenue d’un sevrage
précoce dans le premier mois. Une hypothèse explicative est que les compléments donnés en
maternité sont accompagnés d’une information concernant leur objectif (maintenir un allaitement à
moyen terme), qu’ils viennent compléter la ration alimentaire et non remplacer la tétée au sein. La
formation des soignants sur l’allaitement, l’information donnée à la mère et la rationalisation des
apports de compléments en maternité (rédaction de protocoles médicaux par exemple) prennent ici
toute leur valeur et montre que ni le tabou du complément, ni son apport systématique à une
population de nouveau-nés qui n’en a pas besoin n’ont de place dans la démarche médicale. Plus
que jamais « l’attention aux besoins réels de l’enfant doit éviter toute attitude dogmatique notamment
en matière de complément »
La condition N°6 du label Initiative Hôpital Amis d e Bébés (IHAB)
xxii
stipule de « ne donner aux
nouveau-nés allaités aucun aliment ni aucune boisson autre que le lait maternel, sauf indication
médicale (privilégier le lait de la mère, donné cru chaque fois que possible, et privilégier le lait de
lactarium si un complément est nécessaire) ». La maternité dans laquelle s’est déroulée cette enquête
s’efforce de respecter les critères IHAB (en 2010, 15,79 % des enfants allaités ont reçu un
complément, et 11,83% sur indication médicale). L’utilisation des compléments en maternité n’est pas
corrélée, dans notre enquête, à la durée de l’allaitement.
En revanche, les compléments donnés à domicile sont corrélés à une durée d’allaitement plus courte
(médiane de 7 semaines vs 21 semaines, p=0,04) (Figure 4). Cette corrélation n’est pas réductible à
une causalité. Il est possible que les difficultés d’allaitement aient amené les parents à donner des
compléments et que cette raison ait également conduit à un sevrage précoce.
Une mise au sein précoce a été retrouvée comme un élément permettant d’éviter les arrêts
prématurés de l’allaitement. Nous ne retrouvons pas cette association (tableau VI). La mise au sein
précoce, un des piliers des 10 conditions pour le succès de l’allaitement maternel, est un facteur de
prolongation de l’allaitement maternel. La maternité de Châteaubriant s’efforce de respecter les
conditions du label Initiative Hôpital Amis des Bébés et a mis en place des mesures visant à favoriser
la mise au sein précoce. La prolongation du peau-à-peau au-delà de 90 minutes est proche de la
significativité statistique pour la prolongation de l’allaitement (25 semaines vs 13 semaines, p=0,07)
Bébé auprès de sa mère en maternité
La condition N°7 du label Initiative Hôpital Amis d e Bébés (IHAB) demande de « laisser le bébé avec
sa mère 24 heures par jour ». Notre travail, cependant, comme d’autres, ne retrouve pas de
corrélation avec la durée de l’allaitement maternel. Néanmoins, les enfants qui ont passé du temps en
nurserie ont perdu plus de poids que les autres. Cependant si cela est vrai pour ceux qui ont perdu
entre 7 et 10% de leur poids (p<0.05), cela n’est pas significatif pour ceux qui ont perdu plus de 10%
(p=0.15). Doit-on voir un lien de causalité entre ces données, et penser que les enfants séparés de
leur mère ont moins tété et moins bien grossi ? Ou bien, existe t’il une cause commune à ces deux
faits qui incitent les mères d’enfants qui perdent du poids à vouloir les placer en nurserie quelques
2
heures (par exemple à cause de pleurs) ? D’autres études seront nécessaires pour répondre à cette
question.
La tétine
Les nouveau-nés qui ont reçu une tétine durant leur séjour en maternité ont été significativement
allaités moins longtemps que les autres (4 semaines de médiane vs 22 semaines, p<0.001). Cette
corrélation se retrouve dans la littérature. En 2003, Howard et coll. ont montré que l’utilisation de la
tétine durant les premiers jours de vie de l’enfant réduisait la durée totale de l’allaitement,
xxiii
comparativement à son usage après la quatrième semaine
. Ego retrouve un risque relatif d’arrêt
prématuré de l’allaitement avant un mois de 2,5 en cas d’usage de la tétine en maternité. La condition
N°9 du label IHAB demande de « ne donner aux enfant s nourris au sein aucune tétine artificielle ou
sucette sauf circonstances particulières documentées (succion non nutritive…) » pour cette raison.
En revanche l’apport d’une tétine chez l’enfant un peu plus âgé (après retour à domicile) n’influence
pas la durée de l’allaitement.
Une action est possible par les professionnels : en informant les parents du risque de l’utilisation de la
tétine, le taux de réussite de l’allaitement pourrait être augmenté.
Les difficultés à téter
Les difficultés à téter perçues par les mères, à la maison, sont corrélé à un allaitement plus court (8
semaines de médiane vs 22 semaines lorsqu’on aucune difficulté n’a été relevée, p=0.01), Figure 7.
Or, lorsque les mères estiment qu’en maternité, elles ont rencontré des difficultés (lorsqu’elles ne
répondent pas « ça s’est très bien passé » ou « ça s’est plutôt bien passé »), la durée de l’allaitement
n’est pas modifiée. D’autres travaux, tels celui d’Ego, retrouve une corrélation entre ce type de
difficultés et le risque d’un sevrage prématuré.
On peut penser que le soutien apporté par les professionnels en maternité a permis de dépasser les
difficultés. Une action est possible par les professionnels, en soutenant les femmes qui rencontrent
des difficultés à domicile, et en orientant systématiquement les mères allaitantes vers une consultation
d’allaitement dans les premières semaines, en informant les mères de la possibilité de joindre les
puéricultrices de la Protection Maternelle et Infantile (PMI) ou en promouvant les associations de
bénévoles qui soutiennent l’allaitement. Une méta-analyse britannique a mis en évidence l’efficacité
du soutien des professionnels dans le maintien dans la durée de l’allaitement exclusif même si
l’efficacité n’était pas démontrée pour l’ensemble des allaitements. Le bénéfice en terme de morbidité
était néanmoins établi pour l’enfant
xxiv
.
La perte de poids du nouveau-né
Parmi les difficultés rencontrées, la perte de poids excessive de l’enfant est fréquente. De
nombreuses études ont évalué la perte de poids des nouveau-nés en maternité. Mc Donald et coll. ont
observé une perte de poids médiane de 6,6% chez les enfants allaités
xxv
et Manganaro et coll. ont mis
en évidence chez 7,7% une perte de 10% ou plus du poids de naissance des nouveaux-nés bien
portants
xxvi
. Nous trouvons une perte de poids médiane de 6,55% avec 10,9% des enfants qui ont
2
perdu 10% ou plus de leur poids, soit des chiffres tout a fait concordants avec la littérature.
Dans l’étude d’Ego, la perte de poids de 10% concernait 9% des nouveau-nés et était très prédictive
d’un sevrage prématuré (risque relatif =4). Les causes de cette perte de poids ne sont pas précisées,
ni si elle est indépendante d’autres facteurs. Nous ne retrouvons pas cette corrélation, peut-être parce
qu’en en identifiant les causes, les difficultés ont pu être résolues.
Professionnels de santé
85% des consultations pour aide au sevrage sont réalisées par une puéricultrice de PMI, un médecin
généraliste, un pédiatre libéral ou une sage femme libérale (tableau V). On voit là l’intérêt d’une
formation initiale et continue solide pour ces professionnels concernant l’allaitement maternel.
D’autant que les difficultés des mères dépassent souvent un caractère strictement médical et que plus
de 48% d’entre elles déclarent avoir rencontré des difficultés (tableau IV).
Un travail de Favier-Steeger
xxvii
a exploré les attentes des femmes allaitantes vis-à-vis de leur
médecin traitant. 64,6% des femmes allaitantes n’ont pas abordé ce sujet avec leur médecin traitant,
soit parce qu’elles pensaient que ce n’était pas son rôle (39,6%), soit parce qu’elles évoquent un
manque de connaissance dans ce domaine (9,4%), soit encore parce qu’elles n’en ont pas ressenti le
besoin (43,3%).
Les limites de l’étude sont le faible effectif, le recueil de données déclaratives, et la présence de
perdues de vue (15,5%).
Perspectives d’actions à mener
La commune de Châteaubriant compte environ 12000 habitants et 15 médecins généralistes. Cinq
d’entre eux ont plus de 55 ans. Le bassin sanitaire de Châteaubriant compte 42500 habitants et 31
xxviii
médecins généralistes, dans un environnement rural ou semi-rural
. Les actions à mener doivent
intégrer les contraintes propres au secteur de Châteaubriant. Les données invariantes (CSP, milieu
rural..) sont importantes et limitent sans doute les actions de promotion de l’allaitement dans un délai
court.
D’autre part, la difficulté de contact avec les médecins libéraux (30 % des femmes les consultent)
pendant l’enquête, ainsi qu’un taux de préparation à l’accouchement faible (58,7%) laisse présager
des difficultés potentielles de mise en place d’actions dans le secteur.
Seuls, pour l’instant, les liens avec les professionnels de la PMI et avec les sages-femmes libérales,
peuvent être des leviers pour améliorer le taux d’initiation et la durée selon les désirs des parents.
L’objectif des actions à envisager doit également être clair et cibler une augmentation du taux
d’initiation de l’allaitement plutôt que son allongement. En effet, si le taux d’allaitement est faible à la
sortie de la maternité de Châteaubriant (44%), la médiane de la durée est de 21 semaines, ce qui est
important. Ce travail montre que le lien entre taux d’initiation et durée d’allaitement n’est pas direct.
Les leviers d’action possibles s’articulent donc en trois axes principaux :
-
Une politique générale institutionnelle favorisant l’allaitement :
Formation des professionnels soignants
2
Information de la population générale de la politique de santé de l’établissement
(rôle de la Municipalité, actions dans les médias, conférences-débat, soutien de la
Semaine Mondiale de l’Allaitement Maternel…)
-
Une information prénatale ciblée sur les femmes enceintes : actions d’information
ciblées hospitalière ou en ville, rôle de la Protection Maternelle et Infantile, des
association de promotion de l’allaitement…
-
Une action en post-natal :
systématisation du peau à peau en salle de naissance, information prénatale
ciblée sur les femmes enceintes : actions d’information ciblées
Formation de l’ensemble des professionnels soignants au soutien des femmes
allaitantes en maternité
Consultations « allaitement » précoces
Intervention de Consultantes en lactation hospitalières
Conclusion
Ce travail, portant sur 46 femmes allaitantes, met en évidence une durée d’allaitement relativement
longue, avec une médiane de 21 semaines, dans une population majoritairement rurale. Les facteurs
corrélés à un allaitement plus court qui ont été retrouvés sont : la reprise du tabac dès la maternité,
l’apport de compléments de lait à domicile, l’utilisation d’une tétine précocement, l’apparition de
difficultés à téter pour l’enfant. De nombreuses femmes sont insatisfaites de la durée de l’allaitement
et de la façon dont s’est déroulé le sevrage. Certaines conditions favorisent un allaitement plus long :
une intention initiale d’allaiter plus longtemps et un conjoint favorable à l’allaitement. Des actions
d’information des patientes sur les éléments favorisant l’allaitement et des mesures de formation des
professionnels intervenant auprès des femmes en âge de procréer pourront réduire les sevrages
précoces non souhaités et allonger la durée totale de l’allaitement pour se rapprocher des durées
préconisées par les politiques de santé nationale et internationale.
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