Mal de pott-spondylolisthesis au site L5

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Mal de pott-spondylolisthesis au site L5
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CAS CLINIQUE
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Mal de pott-spondylolisthesis au site L5-S1: coïncidence
ou non ?
Pott’s disease-spondylolisthesis at level L5-S1: coincidence or not ?
Mohamed Diomandé, Mariam Gbané-Koné, Baly Ouattara, Kouassi Jean-Mermoz
Djaha, Michèle Tano, Edmond Eti, Marcel N’zué Kouakou
Service de Rhumatologie, CHU de Cocody, Abidjan - Côte d’ivoire
Rev Mar Rhum 2012; 22: 62-4
Résumé
Abstract
Le mal de Pott et le spondylolisthésis ne sont
pas fréquents au même étage L5-S1. S’agitil d’une simple coincidence ou pas ? Nous
rapportons cette association dans un cas
clinique. Il semble que le spondylolisthésis soit
secondaire au mal de Pott.
Pott’s disease and spondylolisthesis are
not frequent at the same level L5-S1. Is it
just a coincidence or not? We report this
association in a clinical case. It seems that
the spondylolisthesis is secondary to Pott’s
disease.
Mots clés : Mal de Pott-spondylolisthésis
Key words : Pott’s disease-spondylolisthésis
Le spondylolisthésis et le mal de Pott sont des affections
fréquentes responsables de lombalgie chez l’adulte bien
que les étiologies soient différentes. Le spondylolisthésis
est un processus dégénératif par définition alors que le
mal de Pott est une affection infectieuse. L’association
de ces deux pathologies à un même étage rachidien
lombosacré n’est pas fréquente [1]. S’agit-il d’une
rencontre fortuite ou existe-t-il une explication à cette
association. Nous présentons un cas de spondylodiscite
tuberculeuse associée à un spondylolisthésis au même site
L5-S1 chez un adulte.
Observation
Un patient de 53 ans, cultivateur, était hospitalisé pour une
lomboradiculalgie initialement mécanique, claudicante
de façon intermittente avec un périmètre de marche très
réduit à environ 10 mètres. Cette lomboradiculalgie
était devenue secondairement inflammatoire 3 mois
avant l’hospitalisation. Le patient ne pouvait se mettre
en décubitus dorsal et gardait constamment la position
penchée en avant avec impossibilité de se redresser (fig. 1)
au risque de provoquer des radiculalgies intolérables. Ce
tableau a évolué dans un contexte de fièvre vespérale et
d’amaigrissement progressif de 20 kg. A l’examen clinique,
le patient était en antéflexion rachidienne permanente
et l’extension rachidienne lombaire était impossible.
Figure 1 : patient en position permanente penchée en avant.
Il n’y avait pas de syndrome radiculaire ni de déficit
neurologique. Le bilan biologique révélait une anémie
hypochrome microcytaire à 9g/dl, sans hyperleucocytose
(globules blancs à 7200/mm3),
la présence d’un
syndrome inflammatoire (CRP à 39mg/l et la VS à 100mm
à la première heure). L’IDR à la tuberculine était positive à
11mm non phyctenulaire. La sérologie VIH était négative.
La radiographie standard du rachis lombaire montrait un
spondylolisthésis de L5 sur S1 de grade 1 par lyse isthmique,
un affaissement du disque L5-S1 et un flou des plateaux
vertébraux au même étage. Le scanner lombaire a révélé
Correspondance à adresser à : Dr. M. Diomandé
Email : [email protected]
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Mal de pott-spondylolisthesis au site L5-S1: coïncidence ou non ?
Figure 2 : spondylodiscite L5-S1 avec spondylolisthésis de L5 sur S1
grade 1 par lyse isthmique
Figure 3 : patient en post-chirurgie, station debout verticale acquise
une spondylodiscite L5-S1 sur spondylolisthésis de L5 sur
S1 (fig. 2). Au cours d’une chirurgie de décompression des
racines nerveuses, une biopsie chirurgicale a été réalisée.
L’analyse anatomopathologique a mis en évidence un
follicule tuberculeux. Le diagnostic de mal de POTT a été
posé. Le patient a été mis sous traitement antituberculeux.
L’évolution a été très satisfaisante avec la réacquisition de
la station debout vertical et la disparition des radiculalgies
(fig. 3).
Discussion
Le site privilégié du mal de Pott est le rachis dorsolombaire
[1]. La charnière lombosacrée n’est affectée que dans 2
à 3% des cas [2]. Le spondylolisthésis est plus fréquent
dans la région lombaire et surtout dans la charnière
lombosacrée [3]. Il est provoqué par 2 étiologies
principales : dégénératives par arthrose interapophysaire
postéreure et la lyse isthmique ou spondylolyse qui en est
la cause la plus fréquente [4]. Plusieurs grandes séries ont
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étudié le spondylolisthésis : Rayasekaran 53 cas, Moon
56 cas, Bhojray 66 cas [2,5,6] mais aucune d’entre elles
n’avait mentionné l’ association des deux affections à
ce même site L5-S1. C’est une association extrêmement
rare [1]. Les seuls cas enregistrés étaient ceux de Ratliff
(1956)[7], Nissen Lie(1961) cité par Neuman[8],
Loder (1986)[9], Wynne (1986)[10], Tuli (1997)[11]
et Nagashima (2002)[12].Les explications de cette
association diffèrent d’un auteur à l’autre. Chez Ratliff
[7], il a été rapporté que le spondylolisthésis précédait la
survenue de la tuberculose lombosacrée. Quant à Nissen
Lie[8] et Nagashima[12], ils n’ont pas pu apporter
cette preuve radiologique de l’existence antérieure d’un
spondylolisthésis par lyse isthmique. Nissen Lie[8] avait
estimé que la destruction vertébrale par le mal de Pott
avait créé une lésion de « stress de l’arc neural » facilitant
l’installation du spondylolisthésis. De même Wynne[10]
avait conclu que la spondylodiscite était la cause de
la progression vers le spondylolisthésis. Loder [9] n’a
pas pu faire de lien direct entre les 2 processus chez
une femme de 30 ans. Enfin, Chez Tuli [11] les détails
étaient obscurs. Une constante se dégageait dans tous ces
cas cités : le mécanisme du spondylolisthésis était la
lyse isthmique comme c’était le cas chez notre patient.
Il a présenté une symptomatologie plutôt évocatrice
d’une atteinte de l‘arc postérieur vertébral étant donné
qu’il avait initialement une claudication radiculaire
intermittente calmée par la position penchée en avant.
A priori on serait tenté de dire qu’il préexistait déjà une
atteinte des articulations interpophysaires postérieures
mais ne disposant de radiographie antérieure, la preuve
ne pouvait être faite avec certitude. Aussi, l’interrogatoire
du patient n’a pas permis de retrouver une chute ou autre
traumatisme pouvant entrainer une lyse isthmique. Toute la
colonne vertébrale pouvait être le siège d’un mal de Pott
à n’importe quel niveau et un spondylolisthésis ne pouvait
être un site de prédilection privilégiée d’un mal de Pott[1].
Ce spondylolisthésis pouvait-il être secondaire à l’infection
tuberculeuse lombosacrée? Un auteur a affirmé que de tels
spondylolisthésis compliquant une spondylodiscite n’ont
été rapportés que très exceptionnellement, et uniquement
dans des spondylodiscites tuberculeuses[13]. Il est vrai
que dans la littérature, il n’existe aucune preuve signifiant
qu’un mal de Pott prédisposerait à un spondylolisthésis
[10] et aussi que le spondylisthésis pouvait faire le lit du
mal de Pott [1]. La destruction des éléments postérieurs
par le processus tuberculeux pourrait conduire à un
spondylolisthésis [1]. Dans notre cas, la lésion infectieuse
n’avait pas touché l’arc postérieur. Chez certains patients,
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la destruction discovertébrale par le bacille de Koch
pouvait aussi provoquer des contraintes excessives sur
les éléments postérieurs et précipiter un spondylolisthésis
même s’il n’y a pas d’infection des éléments postérieurs[1].
Au plan thérapeutique, le patient a été traité par les
antibiotiques antituberculeux et a bénéficié d’une
intervention chirurgicale de décompression des racines
nerveuses réalisée avec succès. L’évolution du patient était
très satisfaisante avec une réacquisition complète de la
station debout vertical, disparition du syndrome rachidien
lombosacré et des radiculalgies (fig. 3).
Dans la littérature, il a été précisé que le traitement non
chirurgical pourrait être utile même si une spondylodiscite
survient à un niveau instable comme L5-S1 [12]. Les
résultats du traitement conservateur de l’association
mal de Pott-spondylolisthésis étaient satisfaisants et
la stabilisation chirurgicale est rarement nécessaire
[2,6]. L’autofusion vertébrale est le résultat final de la
spondylodiscite tuberculeuse [14] et c’est un avantage
car la fusion contribuera à la stabilité du spondylolisthésis
et évitera tout glissement ultérieur [15]. L’indication
chirurgicale a été posée chez notre patient en raison
de l’inconfort qu’il avait (position penchée en avant
permanente avec une verticalisation impossible) et des
douleurs radiculaires atroces.
Conclusion
L’association d’un mal de Pott et un spondylolisthésis au
même site lombosacré ne semble pas être fortuite. A la
vue de cette observation et de tous les autres cas suscités,
beaucoup plus d’arguments témoignent du fait que le
spondylolisthésis soit consécutif au mal de Pott surtout dans
les cas où on ne dispose pas de radiographie antérieure
permettant de mettre en évidence la préexistence du
spondylolisthésis.
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