vie ? ou théâtre - Librairie Durance

VIE ? OU THÉÂTRE ?
un chef d’œuvre inclassable
Charlotte Salomon (1917 - 1943) fut la dernière
primaires et présente des peintures fréquemment
étudiante juive des Beaux-Arts de Berlin. Fin 1938,
accompagnées de calques où sont calligraphiés le
le danger devient si grand pour elle que sa famille
récit, des dialogues et des annotations musicales.
décide de lui faire quitter l’Allemagne. Elle rejoint
L’ensemble se lit comme un roman graphique virtuose
en décembre ses grands-parents maternels, réfugiés
et teinté d’une ironie mordante. Étonnant mélange de
dans la région de Nice depuis déjà plusieurs années.
tragédie et de comédie, où le lecteur suit le chemin
bouleversant d’une femme qui, consciente des dangers
Le début de la guerre rompt cet équilibre. Le 20 mars
qui pèsent sur elle, interroge le sens de l’existence
1940, bouleversée par le déclenchement des hostilités
et la vocation de l’art.
et par la violence nazie qui déferle sur l’Europe, la
grand-mère de Charlotte Salomon se défenestre sous
À la fin du mois de septembre 1943, Charlotte
les yeux de sa petite-fille. Peu de temps auparavant,
Salomon et son compagnon Alexander Nagler sont
son grand-père avait révélé à la jeune femme un
arrêtés dans une villa de Villefranche-sur-Mer, après
terrible secret familial : elle est la dernière d’une
une dénonciation. Ils sont déportés à Auschwitz le
lignée maternelle dont tous les membres, depuis trois
7 octobre. Charlotte Salomon – alors enceinte de
générations, se suicident. Elle apprend ainsi que sa
cinq mois – y est assassinée dès son arrivée, le
propre mère – qu’elle croyait morte de la grippe en
10 octobre. Mais les gouaches et les calques sont
1926 – s’était jetée dans le vide.
miraculeusement sauvegardés, d’abord grâce à son
Charlotte Salomon, isolée dans un pays dont elle ne
médecin, puis à Ottilie Moore, l’amie américaine qui
parle pas la langue, et avec pour unique parent un
l’avait protégée pendant son séjour en France.
vieil homme amer qui la rejette, doit faire face à la
L’ensemble est finalement remis en 1947 à son père,
menace d’une guerre et d’une malédiction familiale
Albert Salomon, et à sa belle-mère, Paula Lindberg.
qui programment toutes les deux sa mort. À cette
Le couple a échappé de peu à la déportation et vit
situation tragique, elle décide d’apporter une réponse
désormais à Amsterdam, il fait envoyer l’œuvre dans sa
extraordinaire, et transcende son destin en mettant
demeure aux Pays-Bas. Conscients de l’importance de
en scène son histoire à l’aide de peintures, de textes,
ces peintures, Albert et Paula décident en 1971 de les
de musiques.
confier au Jewish Historical Museum d’Amsterdam.
C’est à ce musée que l’on doit depuis la préservation
En moins de deux ans, entre 1940 et 1942, elle peint plus
d’une œuvre qui reste inclassable, à la croisée de
d’un millier de gouaches et en retient 781 qui formeront,
la peinture, de la littérature, de la musique et du
avec le long texte qu’elle rédige simultanément, le
document historique.
roman de sa vie, sa grande œuvre : « Vie ? ou Théâtre ? »
Cette exposition présente quelques pages de la
Charlotte Salomon donne un sous-titre à cet
première édition intégrale de l’oeuvre, publiée par
ensemble : ein Singespiel, une opérette. L’œuvre est
les éditions Le Tripode.
réalisée exclusivement à partir des trois couleurs