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Droit de la famille — 103038
COUR D’APPEL
2010 QCCA 2074
N° :
2010 QCCA 2074 (CanLII)
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL
500-09-019681-097
(500-12-263560-025)
DATE :
15 novembre 2010
CORAM : LES HONORABLES ANDRÉ ROCHON, J.C.A.
NICOLE DUVAL HESLER, J.C.A.
JACQUES A. LÉGER, J.C.A.
M... N...
APPELANT - défendeur
c.
S... C...
INTIMÉE - demanderesse
ARRÊT
[1]
LA COUR; - Statuant sur l'appel d'un jugement rendu le 4 mai 2009 par la Cour
supérieure, district de Montréal (l'honorable Mark G. Peacock) qui a accueilli en partie la
requête de l'intimée en modification des mesures accessoires et rejeté la requête de
l'appelant au même effet.
[2]
Après avoir étudié le dossier, entendu les parties et délibéré;
[3]
Pour les motifs du juge Rochon, auxquels souscrivent les juges Duval Hesler et
Léger;
[4]
ACCUEILLE l'appel en partie, sans frais, à la seule fin de :
RAYER du dispositif du jugement de la Cour supérieure les paragraphes
185 à 190 inclusivement;
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ORDONNE au défendeur de payer les frais particuliers suivants,
dans la mesure où les revenus des capitaux hérités par les enfants
s'avéreraient insuffisants pour les acquitter :
All school tuition including books, compulsory activities
attached to school and school uniforms; any camp fees; all
medical, dental and orthodontic costs and prescription costs;
all reasonable tutors and extra-curricular activities; all sports
equipment related to extra-curricular activities by way of
example only ski equipment including ski suits and all major
clothing purchases such as winter boots, winter coats and
suits.
D'ANNULER à compter du 1er mai 2012, la pension alimentaire payable
par l'appelant en faveur de l'intimée aux termes du jugement de divorce
du 6 décembre 2002 et indexée depuis.
ANDRÉ ROCHON, J.C.A.
NICOLE DUVAL HESLER, J.C.A.
JACQUES A. LÉGER, J.C.A.
Me Guylaine Duplessis et Me Sylvain Bourassa
DUPLESSIS, ROBILLARD
Pour l'appelant
Me Danielle Oiknine et Me Jay Turner
Oiknine & Associés
Pour l'intimée
Date d’audience : 30 septembre 2010
2010 QCCA 2074 (CanLII)
SUBSTITUER le paragraphe suivant au paragraphe 194 :
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[5]
Le pourvoi s'intéresse de nouveau aux conditions requises pour l'émission, aux
termes de l'article 17 de la Loi sur le divorce1 (la Loi), d'une ordonnance modificative
des mesures accessoires convenues entre les parties et insérées à un jugement de
divorce du 6 décembre 2002.
LA TRAME FACTUELLE
[6]
Les faits utiles à la bonne intelligence de l'affaire sont les suivants.
[7]
Les parties se marient en 1992. Deux enfants naissent de leur union : X (1993)
et Y (1996). Avant le mariage, l'intimée travaille comme assistante dentaire. Après le
mariage, elle se consacre entièrement aux enfants.
[8]
Quant à lui, l'appelant occupe le poste de directeur général d'une résidence pour
personnes âgées, poste qu'il occupera jusqu'en 2006. Au moment du divorce, il a un
revenu annuel de 116 000 $ auquel s'ajoutent 60 000 $ donnés par ses parents
fortunés. Quant à elle, l'intimée, alors âgée de 33 ans, déclare un revenu annuel de
8 000 $.
[9]
La convention sur mesures accessoires fut négociée alors que les deux parties
étaient assistées d'avocats chevronnés. Elle prévoit une pension alimentaire pour
l'intimée de 2 500 $ par mois. Il n'y a pas de terme de fixé. L'appelant paie une somme
identique pour les enfants. Il paie de plus les frais particuliers déterminés dans
l'entente.
[10] Au titre du partage du patrimoine familial l'intimée reçoit 30 000 $ pour s'acheter
des meubles. L'appelant lui transfère 10 000 $ de REER. L'appelant verse de plus une
somme globale de 55 000 $ payable au moyen de 3 versements.
[11] La convention prévoit deux clauses de renonciation et une déclaration de
divulgation qui sont ainsi rédigées :
4.5 The parties agree that the Wife can earn up to $20,000.00 gross per annum
before a request can be made by the Husband to modify spousal support on the
grounds of the Wife's increased income. Moreover, the Wife agrees that she shall
1
L.R.C. (1985), c. 3 (2e supp.).
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MOTIFS DU JUGE ROCHON
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8.7 The parties hereby reciprocally and irrevocably renounce one against the
other to any and all other claims of any nature whatsoever arising out of the
marriage and including without limitation further claims for alimentary pension,
maintenance, lump sum, compensatory allowance and partition of family
patrimony;
[12] Au moment du divorce, l'appelant est le propriétaire de la résidence familiale
située à ville A. Cette résidence, d'une valeur approximative de 700 000 $, est
assujettie à une créance hypothécaire d'un même montant aux termes d'un prêt à
demande sans intérêt consenti par le père de l'appelant qui a financé l'achat et la
rénovation de la maison. Intervient à l'acte de prêt hypothécaire l'intimée qui en
reconnaît la validité.
[13] À cette même époque, l'appelant est propriétaire d'une résidence secondaire
sise à ville B. L'appelant est devenu propriétaire de cet immeuble en vertu d'un acte de
transfert par lequel son père lui cède la propriété d'une valeur approximative de
650 000 $. L'appelant consent à son père une hypothèque sur l'immeuble pour garantir
un prêt à demande sans intérêt de 650 000 $.
[14] Le résultat net au bilan de l'appelant de ces actifs immobiliers est nul : l'actif de
1 350 000 $ est assujetti à un passif de 1 350 000 $.
[15] Le 20 décembre 2004, la grand-mère de l'appelant décède. L'appelant hérite
alors d'un montant approximatif de 2 000 000 $. Les enfants X et Y héritent d'un
montant approximatif de 1 000 000 $ qu'ils toucheront en capital pour une première
moitié à l'âge de 21 ans et pour une seconde à l'âge de 25 ans. La testatrice instruit
ses liquidateurs sur l'utilisation des intérêts des sommes dévolues aux enfants de
l'appelant de la façon suivante :
Until such time the said capital or the residue thereof shall be retained by my
Liquidators and Trustees hereinafter named and invested for and on their behalf
and the income derived from such investments shall be used for their care and
comfort, maintenance, education, including higher education, and support and
general welfare, the whole until such time as the capital shall be delivered to
them as aforementioned.
[16] Quelques mois plus tard (20 mars 2005), le père de l'appelant décède. Il résidait
aux Bahamas depuis quelques années.
[17] Par testament, le père de l'appelant fait deux legs particuliers à ce dernier. Un
premier soit 500 000 $ que l'appelant reçoit en juin 2006. Le second est une remise de
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not be entitled to request an increase of spousal support in the event that the
Husband's earnings increase;
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[18] Jusqu'au décès de son père, l'appelant n'avait remboursé aucun capital sur ses
deux prêts sans intérêt.
[19] Les biens restants de la succession sont placés dans une fiducie. Une part de
30% de la fiducie revient à l'appelant. Le capital de cette part a une valeur de
13 000 000 $. De la fiducie, l'appelant percevra selon toute probabilité en capital
chaque année 500 000 $. Selon les lois fiscales actuelles, ce montant n'est pas
imposable.
[20] Vingt pour cent de la fiducie sera versés aux petits-enfants du défunt. La preuve
ne révèle pas le nombre de petits-enfants.
LA TRAME PROCÉDURALE
[21] Le jugement de divorce est prononcé le 6 décembre 2002. Dès 2004, l'appelant
demande à l'intimée de l'informer de ses efforts pour acquérir son autonomie. L'intimée
réplique quelques mois plus tard par une requête en modification des mesures
accessoires. Elle reproche à l'appelant d'avoir caché sa véritable situation financière
lors de la négociation de la convention des mesures accessoires en 2002. En juin
2004, la requête de l'intimée est continuée sine die.
[22] En octobre 2006, l'intimée fait signifier une nouvelle requête pour l'obtention
d'une ordonnance modificatrice. Le même mois, l'appelant réplique par sa propre
requête. Il demande qu'un terme soit fixé à la pension alimentaire de l'intimée. Il lui
reproche de ne faire aucun effort pour acquérir son autonomie.
[23] Au cours des années 2007 et 2008, une véritable guérilla judiciaire s'installe.
Elle donnera lieu à plusieurs jugements interlocutoires de la Cour supérieure et à un
arrêt de notre Cour. En substance, ces jugements tranchent la recevabilité d'une partie
de la demande de l'intimée qui veut remettre en cause le partage du patrimoine familial,
de la demande d'intervention de la succession du père de l'appelant et de différentes
demandes relatives aux enfants et aux provisions pour frais.
[24] Pour ce qui est de la demande relative à un nouveau partage du patrimoine
familial, l'arrêt de la Cour maintient le jugement de première instance qui avait conclu à
l'irrecevabilité de cette demande. Pour l'essentiel, voici les motifs de la Cour :
[7] On its face alone and referring only to the facts alleged therein, the appellant's
original “Motion to Vary Alimentary Pension and Child Support and for
Modification of Accessory Measures”, dated October 3, 2006, was made, served
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dette des créances hypothécaires de 1 350 000 $ qui grevaient la résidence principale
et la résidence secondaire.
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and filed after the expiration of the 15-day delay prescribed by article 484 C.C.P.
Such was also the case of the “Introductory Motion for Revision of Accessory
Measures and Request to Fix Alimentary Pension and Child Support” presented
by the appellant in 2004, and which was never heard, having been postponed
sine die. In both motions, the appellant alleges that the respondent, at the time of
the agreement later homologated by the divorce judgment, did not reveal the full
extent of his assets and income, and that her consent to said agreement was
consequently vitiated by such fraud. In her 2004 motion, the appellant recites
certain facts sustaining this allegation, to which she adds other facts in her 2006
motion as amended in November 2007. In essence however, the appellant's
basis for revocation is the same in both motions, and was known to her, in
substance, soon after the divorce judgment, even if some additional factual
details came to her knowledge at a later date. It is worth noting that many of
these additional details were known to her more than 15 days before she filed
her 2006 motion or her 2007 amendment, as appears from these proceedings.
[8] Since the divorce judgment was rendered on December 6, 2002 (i.e. more
than six months before either of the appellant's motions), the 15-day delay
cannot be extended, and the judge of the Superior Court did not err in deciding
that, as far as the partition of the family patrimony is concerned, the motion is
unfounded in law.
[Je souligne]
LE JUGEMENT A QUO
[25] À la suite de ce dernier arrêt, le juge de la Cour supérieure ne demeurait saisi
que du seul volet alimentaire des requêtes des deux parties.
[26] Le juge du procès s'attache d'abord à évaluer la portée des renonciations
contenues à la convention sur les mesures accessoires de 2002.
[27] Il conclut que la renonciation de l'intimée à demander une augmentation de la
pension en raison de l'augmentation des « earnings » de l'appelant ne vaut pas,
puisque le terme utilisé ne viserait que les revenus provenant du travail.
[28] De même, le juge conclut que la clause 8.7 de la convention ne constitue pas un
obstacle aux demandes de l'intimée au motif que l'appelant n'aurait pas dévoilé
honnêtement sa situation financière lors des négociations de 2002. Selon le juge,
l'appelant savait bien avant 2002 que son père ne lui réclamerait pas les prêts totalisant
1 350 000 $ ce qui a privé l'intimée d'un avantage considérable lors de la négociation
de ses droits alimentaires à l'époque.
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[29] Le juge poursuit sa réflexion par l'examen de l'affaire Miglin c. Miglin2 (Miglin). Il
conclut que la convention de 2002 n'a pas permis à l'intimée d'atteindre les objectifs
fixés à l'article 15.2(6) de la Loi. Il ajoute qu'en présence de changements significatifs
et malgré l'existence de la convention accessoire au jugement de divorce, il conserve
un pouvoir discrétionnaire limité pour écarter les termes de cette convention.
[30]
Le juge résume le test applicable en ces termes :
[61] Accordingly, the Court is left to determine "the whether and the what" for
any modifications based upon: (a) the totality of the circumstances at the time of
the Mother's application when considered in light of (b) the objectives of art. 17,
Divorce Act.
[31] Pour ce qui est des enfants, le juge fixe la pension alimentaire en fonction des
revenus des parties et du temps de garde. J'y reviendrai lors de l'analyse.
[32] En ce qui a trait à l'intimée, le juge de la Cour supérieure fait plusieurs constats.
Il reconnaît que cette dernière n'a fait aucun effort sérieux pour acquérir son autonomie.
Toutefois, il refuse de mettre un terme en l'absence de preuve qu'elle pourra devenir
autonome à un moment précis dans le futur. L'intimée avait 33 ans lors du prononcé du
jugement de divorce.
[33] De même, le juge conclut que l'intimée a droit à une pension alimentaire
mensuelle de 11 622,25 $. Jusque-là, la pension était de 2 795,00 $ (au 1er janvier
2009). De plus, le juge accorde à l'intimée une somme globale de 248 935,08 $ afin de
lui permettre d'acquitter la créance hypothécaire sur sa résidence et sa marge de crédit.
Il justifie l'octroi de cette somme en fonction des objectifs suivants :
[150] …
a) ensure that the sons are being raised in suitable housing with reasonable
amenities;
b) relieve the economic hardship on the Mother caused by her debt-load; and
c) allow the Mother financial "breathing room" to focus on developing the skill
set necessary to assist her to achieve economic self-sufficiency.
[34] Finalement, le juge accorde une provision pour frais de 87 000 $. Il octroie ce
montant pour trois motifs : (1) la disparité des revenus des parties; (2) l'obstruction faite
par l'appelant au cours des procédures; (3) une partie importante du débat a porté sur
la pension alimentaire des enfants.
2
[2003] 1 R.C.S. 303, 2003 CSC 24.
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[35] Par son appel, l'appelant remet en cause tous les éléments du jugement
entrepris. Il formule également de nouveau sa demande à ce qu'un terme soit fixé à la
pension alimentaire de l'intimée.
[36] Il y a lieu de regrouper ces différents moyens sous trois chapitres : (a) les
sommes alimentaires accordées à l'intimée (pension périodique et somme globale); (b)
la pension au bénéfice des enfants; (c) la provision pour frais.
ANALYSE
a)
Les droits alimentaires de l'intimée
[37] La première question à trancher a trait à la portée de la convention sur mesures
accessoires homologuée par le jugement de divorce de 2002. L'appelant soutient que
cette convention, et plus particulièrement les renonciations qu'elle contient, pose un
obstacle dirimant à la requête pour ordonnance modificative. Je cite de nouveau le
texte pertinent de cette convention :
4.5 The parties agree that the Wife can earn up to $20,000.00 gross per annum
before a request can be made by the Husband to modify spousal support on the
grounds of the Wife's increased income. Moreover, the Wife agrees that she shall
not be entitled to request an increase of spousal support in the event that the
Husband's earnings increase;
8.7 The parties hereby reciprocally and irrevocably renounce one against the
other to any and all other claims of any nature whatsoever arising out of the
marriage and including without limitation further claims for alimentary pension,
maintenance, lump sum, compensatory allowance and partition of family
patrimony;
[38] La reconnaissance de ce type de convention par les tribunaux présuppose en
tout premier lieu que le processus qui a mené à leur conclusion fut intègre. À cette fin,
les parties doivent avoir respecté leur obligation de communication franche et complète
de tous les aspects financiers du dossier. Sans cette communication, il est difficilement
concevable qu'une partie ait pu faire des concessions et prendre des décisions libres et
éclairées3. Le défaut d'avoir respecté l'intégrité du processus entrouvrira la porte à
l'intervention du tribunal :
3
Rick c. Brandsema, [2009] 1 R.C.S. 295, 2009 CSC 10, paragr. 46, 47 et 48.
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LES MOYENS D'APPEL
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[49] L’intervention d’un tribunal dépendra nettement des circonstances propres à
chaque espèce — notamment l’ampleur de la communication défectueuse et la
mesure dans laquelle cette communication est jugée avoir été commise de façon
délibérée. Elle dépendra également de la mesure dans laquelle les clauses
négociées s’écartent des objectifs de la loi applicable. L’arrêt Miglin l’a confirmé :
plus un accord est conforme aux objectifs énoncés par le législateur, moins il
risque d’être l’objet d’une intervention judiciaire. Imposer aux conjoints en
instance de séparation l’obligation de révéler de manière franche et complète
l’existence de tous les biens contribue donc à faire en sorte que l’un et l’autre
puissent déterminer dans quelle mesure l’accord correspond aux objectifs
d’équité de la législation moderne en matière matrimoniale, ainsi que la mesure
dans laquelle ils sont le cas échéant vraiment disposés à s’en écarter.
[50] Autrement dit, en droit de la famille, la meilleure façon de protéger le
caractère définitif d’une entente négociée est de veiller à son intégrité à la fois
sur les plans procédural et substantiel, conformément au régime législatif
applicable.4
[39] En l'espèce, le juge de la Cour supérieure conclut que l'appelant a
volontairement omis de déclarer sa véritable situation financière lors des négociations
de 2002. Il se dit d'avis que l'appelant savait à l'époque que son père, à son décès, lui
ferait, par testament, remise des dettes hypothécaires sur la résidence principale et le
chalet de ville B. Dans ce dernier cas, la remise de la dette mettait fin au contrat de
prête-nom et transférait de façon définitive la propriété de l'immeuble dans l'actif de
l'appelant.
[40] Cette conclusion du juge de première instance repose essentiellement sur sa
lecture de deux extraits d'interrogatoire hors cour où il y voit une contradiction, d'où
l'inférence négative qu'il tire à l'égard de l'appelant. Ces extraits sont les suivants :
Interrogatoire de M... N... (sur affidavit) par Me Oiknine (11 janvier 2007) :
Q. But you stated to the Court at the time, you know, like, that you purchased the house,
your father would have told you that, you know, that was not really a loan because if he
would die, you wouldn't have to pay for it.
A. That's correct.
Q. Okay. No more questions.
Interrogatoire de M... N... (sur affidavit) par Me Oiknine (12 avril 2007) :
Q. For example, that when you purchased the house, your father told you that that was
not a real loan that you were having, and if he would die you wouldn't have to pay for it.
Do you recall saying that to me?
4
Ibid., paragr. 49 et 50.
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A. Yes.
A. No. In the case of Town A, my father in the last year of his life confided in me that this
was the case. In Town B, it was clear that was a prête-nom, that he was doing this out of
convenience, so that he could go out of Canada and transfer all his properties to his son,
or to his wife, or lady friend if you will, or to his children, so that he could do… go out
of… of the country.
Q. But Town B was transferred to you, I have a deed of purchase that you bought it from
him. That's what I have in the record, a deed of purchase?
A. Whatever you have, that's what exists, yes.
Q. Yes, and you stated that you have… when you filed your statement in two thousand
and two (2002), you stated that you had a demand loan of six hundred and fifty thousand
dollars ($650,000).
A. Okay.
Q. So, do I understand that that demand loan of six hundred and fifty thousand dollars
($650,000) was not a real demand loan?
A. Of course it was a real demand loan. All the properties that my father acquired for me
had loans on them. He hoped that I would pay him back one day, whether it be from my
earnings, from inheritance, from whatever it was. I certainly didn't have the money to
purchase those homes.
Q. But you told me when I examined you, at page 67, and you can contradict yourself if
you want, that your father told you when you purchased the house, that that was not a
real loan and if he would die, you wouldn't have to pay for it?
Me GUYLAINE DUPLESSIS:
He already answered that, Maître Oiknine.
[41] Ces extraits ne m'apparaissent pas concluants d'autant plus que, à l'époque,
l'intimée est intervenue à l'acte hypothécaire de la résidence familiale pour en
reconnaître la validité.
[42] Par ailleurs, sur le plan du droit, d'aucuns pourront s'interroger sur cette
conclusion du juge de la Cour supérieure. Comment peut-on conclure qu'une partie à
une convention peut affirmer avec assurance que les résidences de la famille ne sont
assujetties à aucune dette, au motif que le créancier a promis d'en faire remise à sa
mort, et ce, par voie testamentaire ? Il me semble que poser la question c'est y
répondre.
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Q. Okay, is that the same for the Town B property?
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[44] À maintes reprises la Cour suprême a rappelé l'importance qui doit être attachée
à une convention, notamment celle par laquelle les parties conviennent de régler
définitivement les questions alimentaires. Toutefois, « l'existence d'une convention
définitive ou non, ne doit pas servir de fin de non-recevoir » à un examen conformément
aux principes et objectifs de la Loi5.
[45] La condition préalable à toute ordonnance modificative est la survenance d'un
changement dans les ressources, les besoins ou, d'une façon générale, dans la
situation des parties depuis l'ordonnance antérieure (art. 17 (4.1) de la Loi). Ce
changement doit être important, soit un changement qui « s'il avait été connu à
l'époque, se serait vraisemblablement traduit par des dispositions différentes »6.
[46] À bon droit, le juge de la Cour supérieure a conclu à l'existence d'un changement
important. Moins de trois ans après le divorce, l'appelant touche deux héritages qui lui
procurent un capital de plus de 15 000 000 $, et ce, en excluant le legs particulier et la
remise de dette de 1 350 000 $. Si l'appelant avait raison d'affirmer que, au moment de
la convention de 2002, rien ne l'assurait d'obtenir la remise de ses dettes
hypothécaires, il est également vrai que les parties ne pouvaient prévoir l'ampleur de
ces héritages.
[47] La difficulté d'établir en preuve le montant de ces héritages démontre bien que
son ampleur était inconnue de l'appelant, sans parler de l'intimée elle-même.
[48] Le terme « ressource » de l'article 17 de la Loi englobe non seulement les
revenus d'emploi, mais aussi les actifs susceptibles de générer un gain ou de procurer
un bénéfice.7 L'importance de ces nouvelles sources de revenus a pour effet
d'augmenter de façon très substantielle la capacité de payer du débiteur alimentaire et
peut étayer l'octroi d'une ordonnance modificative comme le rappelle le juge Baudouin
dans Droit de la famille – 33958 :
[28] Certes, le gain substantiel de l'appelant n'a pas été acquis pendant le
mariage. Il n'en reste pas moins qu'en droit, la chose n'a que peu d'importance,
puisqu'il ne s'agit là, ni d'un partage de régime matrimonial, ni d'une répartition
du patrimoine familial. Plus souvent que d'habitude, les tribunaux sont saisis de
la situation inverse, dans laquelle l'une des parties, à la suite d'un revers de
fortune, se déclare incapable de continuer à assumer le paiement des aliments.
5
6
7
8
G.(L.) c. B.(G.), [1995] 3 R.C.S. 370, paragr. 58.
Willick c. Willick, [1994] 3 R.C.S. 670.
Leskun c. Leskun, [2006] 1 R.C.S. 920, 2006 CSC 25, paragr. 29.
[2000] R.J.Q. 1017 (C.A.).
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[43] Quoi qu'il en soit, si erreur il y a, elle ne m'apparaît pas déterminante. Même
dans l'hypothèse où l'on considère que l'appelant a satisfait à son devoir d'information
lors de la convention de 2002, je suis d'avis que l'ordonnance initiale doit être modifiée.
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Les tribunaux revoient alors, toujours en fonction de critères désormais bien
connus, la situation et, le cas échéant, modifient la pension à la baisse. Il doit en
être de même dans l'hypothèse inverse. Il ne s'agit donc pas, comme le plaide
l'appelant, ni d'une sorte de condamnation à perpétuité après neuf ans de
séparation, ni d'un partage du gain de loterie, mais, beaucoup plus
prosaïquement, à la lumière de ce fait nouveau qui est la capacité de l'appelant
de redonner à l'intimée un style de vie comparable ou analogue à celui dont elle
a joui durant le mariage, de fixer une somme globale raisonnable.
[49] La condition d'ouverture à la demande soumise aux termes de l'article 17 de la
Loi m'apparaît satisfaite. Il est intervenu un changement significatif de la nature de
ceux envisagés à l'article précité. Dès lors, il y a lieu de procéder à l'examen en deux
étapes, comme le propose l'arrêt Miglin, afin de déterminer le poids à attacher à la
convention des parties dans le contexte de la demande d'ordonnance modificative.
[50] En procédant aux ajustements requis pour l'application des principes de l'arrêt
Miglin aux ordonnances modificatives de l'article 17 de la loi, je suis d'avis que l'octroi à
l'intimée d'une somme globale de 248 935,08 $, par le juge de la Cour supérieure, doit
être maintenu, mais qu'un terme doit être fixé à la pension alimentaire périodique. Voici
pourquoi.
[51] À la première étape de l'analyse, même si l'on accepte que l'appelant a satisfait à
son devoir d'information, il ne m'apparaît pas acquis que la convention de 2002 tenait
compte de l'ensemble des objectifs de la Loi. À la conclusion de cette convention, la
situation des parties était la suivante. L'appelant conservait la luxueuse résidence
familiale et le chalet cossu [de ville B]. Il n'avait rien à payer au créancier hypothécaire
(son père), puisqu'il s'agissait de prêts sans intérêt. De son côté, l'intimée ne jouissait
plus de ces résidences et se retrouvait sans ressources pour en acquérir une. L'échec
du mariage a entraîné pour l'un des époux des conséquences économiques que l'autre
n'a pas eu à supporter.
[52] Mais il y a plus. Même si je devais accepter la prétention de l'appelant, quant à
la première étape, à la seconde étape du test de l'arrêt Miglin, je suis d'avis que la
convention de 2002 ne permet plus d'atteindre les objectifs de la Loi et qu'elle a mené
les parties à une situation qui ne peut être tolérée9.
[53] Par la convention de 2002, les parties n'entendaient pas régler de façon
définitive la question des aliments. Le contrat prévoit le versement par l'appelant d'une
pension périodique de 2 500 $ par mois pour l'ex-épouse. Aucun terme n'est fixé. Le
montant fut déterminé en fonction des ressources alors disponibles de l'appelant.
9
Miglin c. Miglin, supra, note 2, paragr. 88.
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[55] Pour y habiter et pour recevoir ses enfants, l'intimée a fait l'acquisition d'une
modeste résidence, si on la compare à la résidence familiale qu'a conservée l'appelant.
À cette fin, elle a contracté un prêt hypothécaire. De même, elle a dû utiliser une marge
de crédit pour pallier certains besoins.
[56] C'est précisément pour lui permettre d'acquitter ces dettes que le juge de la Cour
supérieure accorde à l'intimée une somme globale de 248 935,08$, ce qui permet à
l'intimée d'avoir une résidence libre d'emprunt et de ne plus avoir de dettes. Cette
somme globale vient compenser un besoin légitime de l'intimée et permet de pallier, à
son égard, les conséquences de l'échec du mariage.
[57] Il en va autrement de la pension alimentaire périodique accordée à l'intimée.
Sont en cause en appel le montant accordé et le terme demandé par l'appelant et
refusé par le juge de la Cour supérieure.
[58] Par le jugement entrepris, la pension alimentaire mensuelle de l'intimée passe de
2 795,00 $ à 11 622,25 $. Ce dernier montant résulte d'une erreur manifeste et
déterminante qui peut être démontrée de plusieurs façons.
[59] Le calcul du juge de première instance part des besoins de l'intimée établis au
formulaire III du Règlement de procédure en matière familiale à 12 743,33 $. De l'aveu
même de l'intimée, ce montant inclut également les besoins des enfants (soit plus ou
moins 10 000 $ suivant l'évaluation qu'en a faite l'intimée à la pièce R-4). Voici son
témoignage à ce sujet :
Q. And now, when you prepared this document that you signed on July twenty-nine (29),
two thousand and eight (2008), am I right to say that you included all the expenses for
your children?
A. In this document?
Q. Yes?
A. Yes. Of course, there is expenses. They…
Q. O.k. So it's all included in there.
A. Well, we live in the house together.
Q. Perfect.
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[54] Compte tenu de la situation des parties en 2002, les montants reçus par l'intimée
au titre du partage du patrimoine familial et de la somme globale sont limités et leur
paiement échelonné.
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[60] Le juge ne tient pas compte de ce témoignage. Par ailleurs, si l'on reprend le
calcul à partir du même montant de 12 743,33 $, l'on constate rapidement que la
pension octroyée ne peut être justifiée d'aucune façon. Par l'octroi de la somme
globale, l'intimée n'a plus de dettes. Il faut donc soustraire du montant ci-haut
mentionné la mensualité hypothécaire et celle requise pour la marge de crédit. Il faut
également enlever les 1 500 $ (par mois) pour les frais d'avocats qui sont entièrement
payés par la provision pour frais. De même, il faut à tout le moins déduire la pension
alimentaire mensuelle des enfants de 4 092,77 $. Il faut également soustraire un
certain nombre de dépenses nettement exagérées et sans fondement qui sont
reconnues comme telles par le juge de première instance. Qu'il suffise à ce sujet de
mentionner les frais de « nanny » de 24 000 $ par année réclamés par l'intimée.
[61] Tenant compte de l'impact de ces différents éléments, les besoins de l'intimée
sont satisfaits par le maintien de la pension alimentaire mensuelle de 2 795 $ (au 1er
janvier 2009).
[62] L'appelant soutient de plus qu'un terme s'impose quant à la pension alimentaire
de l'intimée en l'absence de tout effort sérieux de cette dernière pour acquérir son
indépendance financière.
[63] La preuve pertinente retenue par le juge de la Cour supérieure sur cette question
est la suivante.
[64] Le mariage des parties a duré 10 ans. Pendant cette période, l'intimée n'a pas
travaillé à l'extérieur du foyer. Elle a consacré son temps aux enfants du couple.
[65] Au moment du divorce (2002), l'intimée est âgée de 33 ans. Elle est en bonne
santé. Elle a une formation d'assistante dentaire, emploi qu'elle occupe jusqu'au
mariage.
[66] En 2005, après avoir effectué un stage de mise à niveau, elle décide que l'emploi
d'assistante dentaire ne l'intéresse plus. Ce ne serait pas assez payant, affirme-t-elle.
Elle tente de s'inscrire dans un programme universitaire intitulé : « Theoretical
Recreational Program Applied Sciences ». Sa candidature n'est pas retenue. Elle
décide tout de même d'assister à un semestre de ce programme à titre d'étudiante libre.
Elle s'inscrit finalement dans un autre programme « Family Life Education » qu'elle
compte compléter au printemps 2011.
[67] Les enfants sont actuellement âgés de 15 et 17 ans. À leur sujet, le juge de la
Cour supérieure conclut que les enfants sont bien intégrés à l'école. Quant aux besoins
du plus vieux, le juge écrit :
[134] The sons are both well-integrated into school. Through the attention given
by the Mother in the past, and now both parents, and as the Father asserts, the
older son’s special needs are in hand and he is succeeding at school.[…]
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[130] However, the Court concludes that while the efforts made by the Mother
are not “nonexistent”, they do not show any clearly focussed effort on her part to
become economically self-sufficient. The Father asserts vigorously that the
Mother has frittered away the opportunities at self-sufficiency she has had. The
Mother must accept some responsibility.
[…]
[132] That said, however, the Legislator has clearly indicated that economic selfsufficiency - a goal which may be achieved at varying levels depending on an
individual’s specific circumstances - is nonetheless a goal that should be
pursued.
[133] There is no present reason why the Mother, now that the Father is taking
greater interest and spending more time with his sons, cannot focus on
establishing her own career and still maintain her involvement with her sons.
Presently 40 years of age and in apparent good health, the Mother has the
satisfaction and capacity to re-integrate into the workforce with a safety net to
secure her until she obtains her qualifications.
[…]
[135] While the Court will not impose a term at this time, it strongly recommends
that the Mother obtain professional job counselling to focus her abilities and
interests and put a plan in place which will allow her to self-actualize and achieve
the degree of economic self-sufficiency of which she is capable. The Mother
indicated it will require 2 more years to complete her degree, which the Court
assumes will allow her to find remunerative full-time employment within a
reasonable time from graduation.
[136] Upon any motion to reduce support by the Father following her graduation,
the Mother will need to show all the efforts she has made regarding her objective
of self-sufficiency.
[137] In her particular circumstances, the Mother cannot assume that she is
entitled to spousal support indefinitely.
[69] Le juge de la Cour supérieure refuse de fixer un terme à la pension alimentaire
au motif de l'absence de preuve que l'intimée atteindra son autonomie financière dans
une période définie. Soit dit avec beaucoup d'égards, le juge de la Cour supérieure, me
semble-t-il, confond ici deux principes juridiques.
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[68] Le juge de la Cour supérieure conclut que l'intimée peut à terme atteindre son
autonomie financière. Il écrit notamment :
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[70] Le premier de ces principes est le suivant. En l'absence de circonstances
précises et de considérations réelles et concrètes, il ne convient pas de fixer un terme
sur une base purement théorique ou, pour reprendre l'expression du juge LeBel, alors à
notre Cour, en fonction uniquement d'un « idéal » à espérer10.
[71] Le second principe vise à sanctionner l'indolence caractérisée du créancier
alimentaire qui ne fait aucun effort pour atteindre l'autonomie financière. Il fut repris
récemment par notre Cour, sous la plume de la juge Bich, dans Droit de la famille –
0940811 :
[46] Notre Cour a déjà reconnu que le créancier alimentaire qui ne fait aucun
effort pour atteindre l'autonomie financière s'expose à la perte, à la diminution ou
à la limitation de sa pension alimentaire : le partage des conséquences
économiques du mariage et des difficultés résultant de son échec ne signifie pas
que l'époux défavorisé puisse simplement exiger que tous ses besoins soient
indéfiniment pris en charge par l'autre, sans égard à sa propre capacité de travail
et de gain. Voir en ce sens, par exemple : Droit de la famille – 2761, N.D. c. J.B.
, Droit de la famille – 071024. Dans ce dernier arrêt, alors que le juge de
première instance a mis un terme à la pension alimentaire, tout en l'assortissant
d'un paiement global de 10 000 $ afin d'accorder une certaine période de
transition à la créancière, la Cour note que :
[4] Par ailleurs, le juge considérant l'hypothèse opposée, c'est-à-dire que
l'appelante était capable de travailler, du moins à temps partiel, est venu
à la conclusion qu'elle n'a fait aucun effort pour réintégrer le marché du
travail et qu'elle a fait le choix de ne pas travailler, choix qu'elle devra
assumer. L'absence de volonté de l'appelante de faire les efforts requis
afin d'atteindre l'autonomie financière justifie également l'imposition d'un
terme. [références omises]
[72] Cette dernière règle a toujours été appliquée avec prudence par notre Cour.
L'imposition d'un terme apparaît, dans ces cas, comme une exception au premier
principe et doit être réservée aux cas clairs d'indolence, après avoir tenu compte de
l'ensemble des circonstances et des objectifs de la Loi. Règle générale, la Cour a
imposé un terme après avoir constaté la capacité de travailler du créancier alimentaire,
ses possibilités réelles de devenir autonome et, plus particulièrement, que ces
possibilités ne dépendaient plus du mariage ou de son échec, mais des choix
personnels ou professionnels du créancier.
[73] En l'espèce, l'intimée après la séparation des parties avait certes droit à une
période de transition. La convention de 2002 le reconnaît à tout le moins implicitement.
L'intimée reçoit une pension alimentaire et aucun terme n'est fixé. À l'occasion de cette
10
11
Droit de la famille – 2190, J.E. 95-1037 (C.A.).
J.E. 2009-480 (C.A.), 2009 QCCA 397.
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[74] S'il est vrai qu'à l'époque les enfants étaient beaucoup plus jeunes, il faut
reconnaître que l'intimée bénéficiait d'une nounou, à temps plein, payée par l'appelant.
[75] Depuis huit ans, l'intimée a fait très peu d'effort pour acquérir son autonomie.
Malgré son jeune âge et sa bonne santé, elle a décidé de ne pas reprendre son poste
d'assistante dentaire au motif principal que ce n'était pas payant.
[76] Jusqu'à récemment, son parcours universitaire se faisait plus en dilettante qu'en
personne soucieuse d'acquérir son autonomie. Les efforts récents coïncident avec la
période qui a immédiatement suivie l'introduction des procédures judiciaires.
[77] Pendant toute cette période, l'intimée bénéficie du support financier de
l'appelant.
[78] Elle recevra une somme globale qui la libérera de toutes dettes. Les besoins
financiers des enfants sont assumés entièrement par l'appelant. En fonction des
héritages reçus, les enfants bénéficient à terme de ressources importantes.
[79] Bref, l'intimée ne doit pourvoir qu'à ses besoins et elle a la capacité de le faire.
Dans ces circonstances, il apparaît raisonnable de mettre un terme à sa pension
alimentaire au 1er mai 2012 et ainsi lui accorder une année supplémentaire après la fin
de ses études.
b)
Les aliments pour les enfants
[80] L'appelant soulève deux moyens à l'égard de la détermination de la pension
alimentaire pour les enfants. Le premier moyen a trait au temps de garde et le second
concerne le paiement des frais particuliers.
[81] Le premier moyen doit échouer. L'appelant veut remettre en cause les
conclusions de fait du juge de la Cour supérieure quant au temps de garde assumé par
chacune des parties. Contrairement à ce qu'affirme l'appelant, la question n'est pas de
trancher l'heure à laquelle il prend ses enfants le mardi. Elle est plus vaste. Elle
consiste à déterminer le temps réellement passé avec chacun des parents compte tenu
notamment des nombreux voyages de l'appelant.
[82] Il s'agit là de questions factuelles tranchées en fonction de la crédibilité attribuée
à chaque partie par le juge de la Cour supérieure. Je ne décèle aucune erreur
révisable à cet égard.
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convention, les parties tenaient pour acquis que l'intimée avait une capacité de gain.
L'appelant reconnaît que l'intimée peut gagner jusqu'à 20 000 $ par année sans qu'il
puisse réclamer de réduction de la pension.
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[84] Par testament, la grand-mère des enfants formulait des instructions précises à
ses liquidateurs et fiduciaires, dont l'appelant, quant à l'utilisation des intérêts générés à
partir du capital laissé aux enfants :
Until such time the said capital or the residue thereof shall be retained by my
Liquidators and Trustees hereinafter named and invested for and their behalf and
the income derived from such investments shall be used for their care and
comfort, maintenance, education, including higher education, and support and
general welfare, the whole until such time as the capital shall be delivered to
them as aforementioned.
[85] Malgré les instructions claires du de cujus, le juge de la Cour supérieure décide
que seulement 1/3 des frais particuliers seront payés à même les revenus issus de ces
capitaux et que les deux tiers seraient payés par l'appelant.
[86] Ici, l'argument de l'appelant ne demande pas la réduction de ses obligations
alimentaires de base. Il accepte d'avance de défrayer l'ensemble des frais particuliers
déterminés par le juge de la Cour supérieure, si les revenus de la succession
s'avéraient inexistants ou insuffisants.
[87] Je ne vois aucun motif valable pour ne pas donner suite à cette demande de
l'appelant, demande qui va dans le sens des instructions du de cujus et qui assure,
dans tous les cas, que les besoins des enfants seront entièrement comblés.
[88] Il y a lieu d'ajouter une précision quant à la nature de ces frais particuliers. Dans
le dispositif du jugement entrepris au paragraphe 194, le juge a pris soin de détailler la
nature de ces frais particuliers. Comme il n'a pas inclus dans ces frais particuliers le
montant mensuel de 2 000 $ pour une « house keeper – nanny », il importe de préciser
qu'ils n'en font pas partie. Vu l'âge des enfants, le juge de la Cour supérieure a conclu
que ces frais ne sont plus requis.
c)
La provision pour frais
[89] Il ne fait aucun doute que le débat entre les parties fut acrimonieux et a donné
lieu à de multiples jugements interlocutoires qui portaient notamment sur le dévoilement
des actifs de l'appelant.
[90] Le juge de la Cour supérieure a condamné l'appelant à payer une provision pour
frais de 87 000 $. C'est là le résultat de l'exercice de la discrétion judiciaire. Le juge de
première instance tient compte de l'immense disparité des moyens et de la portion
importante des débats pour contrer l'obstruction et le manque de collaboration de
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[83] Par ailleurs, le second moyen m'apparaît bien fondé. Pour saisir l'enjeu, il y a
lieu de reprendre certains faits.
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[91] Ces constats du juge du procès sont amplement étayés par la preuve. Bien que
l'intimée ne soit pas sans reproche, l'appelant ne me convainc pas de l'existence d'une
erreur manifeste et déterminante ou d'une erreur de principe qui justifierait l'intervention
de la Cour à cet égard.
CONCLUSION
[92] En conséquence, je propose d'accueillir l'appel en partie, sans frais vu le sort
mitigé du pourvoi, à la seule fin de rayer du dispositif les paragraphes 185 à 190
inclusivement, de modifier le paragraphe [194] afin de refléter mes conclusions sur les
frais particuliers et de fixer un terme à la pension alimentaire de l'intimée, soit au 1er mai
2012.
ANDRÉ ROCHON, J.C.A.
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l'appelant. Le juge a ajouté que le débat portait également sur la pension alimentaire
pour les enfants.