Introduction

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Introduction
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Le plan
A priori la technique comme instrument de domination de la nature et
d’émancipation de l’homme ne peut qu’inspirer la confiance (première
partie). Cependant, c’est un fait que de nombreux exemples attestent
des dangers d’une technique qui se retourne contre l’homme (seconde
partie). La question est alors de savoir non plus seulement ce qui est
à l’origine d’un sentiment de méfiance, mais comment détecter les
signes d’une technique pervertie et comment rester lucide et garder le
contrôle de la technique (dernière partie).
■ Éviter les erreurs
Une première erreur serait de se contenter de lister tous les dangers de
la technique sans se préoccuper de les relier à son analyse conceptuelle. Il ne faut pas non plus tomber dans l’excès inverse et se priver
des nombreux exemples que le sujet peut appeler.
L’autre erreur serait de tomber dans un des excès à dépasser : soit la
fascination, soit la diabolisation de la technique.
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Introduction
La technique est par définition le moyen qu’a inventé l’homme pour modifier
la nature et la lui rendre utile. Elle semble donc le résultat d’une activité de
l’homme extrêmement précieuse à sa vie et survie. Produite ainsi par
l’homme et pour l’homme, pourquoi se méfie-t-on alors de la technique ?
En effet, les avancées techniques, plutôt que d’être envisagées comme un
progrès, sont souvent conçues comme un danger, que ce soient le
nucléaire, l’essor industriel ou encore les nouvelles technologies appliquées
aux domaines médical ou informatique… Mais doit-on avoir peur de la
technique ?
Le problème est donc le suivant : ou bien la technique en tant que savoirfaire propre à l’homme est l’expression de son intelligence et de sa liberté,
mais alors craindre la technique serait douter et avoir peur de ce qui fait la
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B. La technique résulte de l’intelligence et de la volonté de l’homme
Or la technique désigne l’ensemble des procédés permettant d’assurer un
travail. Qu’est-ce que le travail ? Il est la transformation et l’assimilation de
la nature dans un but utilitaire. Le travail est formateur pour l’humanité car
en produisant ses conditions de vie, l’homme se produit lui-même (croissance, développement). Mais cette première définition du travail est trop
générale. Elle ne prend pas en compte la spécificité de l’activité humaine
qui reste sur un mode instinctif (idée d’une nature qui agit en nous, malgré
nous comme chez les animaux). Marx compare alors le travail du tisserand
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La culture
La raison et le réel
A. Origine mythologique de la technique
L’origine mythologique de la technique est racontée par le sophiste
Protagoras dans le dialogue platonicien du même nom. Il y eut une époque où
les dieux commencèrent par façonner l’ensemble des êtres vivants (animaux
et hommes), mais avant de leur donner la vie ils chargèrent Prométhée et
Épiméthée de leur distribuer les qualités leur permettant d’assurer leur subsistance. Épiméthée commença alors à donner à chacun des qualités selon ses
attributs : des ailes pour s’envoler quand on est petit, des fourrures en guise
de couverture, une forte fécondité pour les espèces fragiles.
Mais dans sa répartition, Épiméthée oublia l’homme, qui restait nu sans
vêtements ni armes. Afin de lui donner le moyen de se conserver, Prométhée vola aux dieux le feu et sa maîtrise par les arts. Ainsi, la technique
représente le moyen donné à l’homme pour qu’il assure lui-même les
conditions de son existence.
La technique vient palier une faiblesse originelle, et en même temps elle est
la marque de la supériorité de l’homme sur les autres vivants, le signe
visible de son intelligence et de sa créativité. Mais la technique, en permettant à l’homme de produire lui-même les conditions de son existence,
incarne aussi la liberté de décider de soi. Craindre la technique, ce serait
avoir peur de sa liberté, ce serait penser que l’on puisse vouloir se nuire.
Finalement, douter de la technique ce serait douter de l’homme lui-même.
La politique
1. La technique, marque de supériorité humaine, inspire
la confiance
La morale
valeur même de l’homme. Ou bien la technique elle-même est dangereuse
dans la mesure où elle échappe au contrôle de l’homme, mais alors
comment comprendre que ce même instrument de domination de la nature
puisse aliéner l’homme et le rendre dépendant ?
Entre la fascination pour une technique au service du bonheur humain et sa
diabolisation devant ses dangers, ne peut-on pas lui trouver des critères
garants de lucidité sur ses effets ?
Le sujet
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Sujets d’oral
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avec celui de l’araignée, et celui de l’architecte avec celui de l’abeille. Ce qui
distingue le travail de l’animal de celui de l’homme n’est pas la qualité du
produit (le résultat comme la cellule parfaite de la ruche), mais la nature
même de cette activité (processus) : chez l’homme uniquement elle est le
résultat d’un projet, d’une intention. Elle n’obéit pas qu’à une cause (l’instinct), mais vise une fin. Ce sens fort du travail est selon Marx le propre de
l’homme. Même si l’animal a comme l’homme une activité de transformation
de la nature, il reste dépendant de ses instincts et de ses automatismes.
Seul l’homme travaille dans la mesure où il conçoit ce qu’il va faire. Le
travail devient la marque de l’esprit et de la volonté de l’homme. La technique est alors le signe de la domination de l’homme sur la nature.
Ainsi la technique est le moyen que l’homme a trouvé pour parer, faire face
aux faiblesses de sa propre nature (son essence, ses caractères innés). Elle
lui permet de réutiliser les éléments de la nature (la phusis, la réalité donnée)
pour son existence (survie et bien-être). La technique permet à l’homme de
se distinguer ainsi de la nature et du règne animal par son intelligence et sa
volonté. Pourtant elle n’inspire pas toujours une confiance aveugle.
2. Cependant, c’est un fait paradoxal, la technique effraye
malgré les bienfaits qu’elle promet
A. Descartes voit en la technique une promesse de domination
de la nature
Si la technique est l’expression de l’humanité de l’homme, elle représente
aussi les pouvoirs de la science lorsque celle-ci n’est plus seulement spéculative. Ainsi au XVIIe siècle naît le projet d’une « maîtrise de la nature » qui
n’est plus une déesse inatteignable. La science, qui est de plus en plus
expérimentale, devient pratique et adopte comme finalité le bonheur de
l’homme. La médecine représente un bon exemple de technique, au sens
de science appliquée au bien-être de l’homme.
Descartes voit ainsi le moment pour l’humanité de se rendre « comme
maître et possesseur de la nature ». Ce projet de maîtrise est cependant sur
le mode de la comparaison : il s’agit de faire « comme » si l’on détenait une
puissance infinie, mais non de se mettre à la place de Dieu. Les découvertes scientifiques permettent à l’homme de ruser avec la nature en la
faisant travailler à sa place grâce à l’utilisation des différentes énergies. La
technique n’utilise plus la force musculaire, mais les forces naturelles.
Aussi il s’agit paradoxalement pour Bacon de « vaincre la nature en lui
obéissant », c’est-à-dire de gagner sa liberté tout en respectant les lois physiques. La technique, en tant que « savoir-faire », consiste alors à utiliser
ses connaissances pour mettre la nature à son service.
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A. La technique, source d’aliénation et d’exploitation
Pour Marx, l’essence du travail consiste en une réalisation de l’homme par
lui-même, et cela grâce à la technique. Cependant, ce travail devient aliénant quand la technique ne consiste plus en un simple emploi d’outils, mais
en un travail aux rythmes et aux cadences des machines.
Une machine est un système instrumental si perfectionné, que l’homme qui
l’utilise n’en maîtrise plus la complexité. Une machine, n’étant pas seulement transfert mais transformation d’énergie, se caractérise par son
autonomie. L’homme dépassé se transforme en un rouage de la machine.
Le mouvement de la machine qui ne connaît aucune fatigue renvoie
l’homme à ses propres limites.
Le travailleur perd la maîtrise de son travail lorsqu’il perd la maîtrise de son
propre mouvement, comme avec l’apparition du machinisme. Le critère
d’aliénation ou de dangerosité de la technique en est la finalité elle-même :
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La culture
La raison et le réel
La politique
3. Qu’est-ce qui rend la technique dangereuse ?
et à quelles conditions peut-on lui faire confiance ?
La morale
B. Contre-exemples : l’homme se voit dépassé par la technique
Cependant, l’application du projet cartésien à une certaine échelle industrielle ne semble pas toujours synonyme de progrès et de bien-être. En
effet, l’essor industriel s’accompagne d’une pollution de plus en plus inquiétante pour l’environnement humain. La production en masse des armes fait
d’un moyen de se défendre ou de chasser un commerce de la mort.
Hannah Arendt repense également la technique en termes contemporains.
En effet, la mécanique des fluides par exemple n’a pas les mêmes implications que les nouvelles techniques nucléaires. Il y a une différence
essentielle : la nature est modifiée de l’intérieur ; de ce fait de nouveaux processus naturels inconnus peuvent apparaître. Cette imprévisibilité constitue
le risque même de cette technique.
Nous sommes incapables de créer la nature, mais nous pouvons déclencher en elle certains processus que nous ne contrôlons pas. La différence
traditionnelle entre la nature prévisible et l’histoire imprévisible tend alors à
disparaître. Avant l’apparition du nucléaire, la science permettait de
comprendre et de prévoir les transformations engendrées par la technique.
En la modifiant, nous « faisons la nature », c’est-à-dire que nous la transformons en sachant qu’il y a une part d’inconnu, donc une part de risque.
La question de savoir quelle instance doit la contrôler reste ouverte.
Si la technique est l’instrument du bonheur, comment expliquer qu’elle
puisse se retourner contre l’homme ? N’est-elle plus efficace, ou n’est-elle
plus au service d’une bonne fin ? Ou encore n’est-elle plus un simple
moyen ?
Le sujet
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Sujets d’oral
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si cette production n’est plus mise au service de l’homme qui travaille mais
d’un profit économique extérieur, il y a risque d’exploitation. L’autre critère
est plus psychologique : si l’homme ne reconnaît plus dans son travail
l’expression de ses compétences, c’est-à-dire de sa volonté et de son intelligence, alors il reste un étranger pour lui-même, et la technique à ce
moment-là constitue un véritable danger.
B. Nécessité d’accompagner toute pratique d’une éthique,
d’une réflexion sur ses finalités
Pour se prémunir de cette perversion de la technique, sa condamnation
pure et simple ne semble pas adéquate dans la mesure où ce serait
renoncer à tout contrôle de l’homme sur la nature. Reste alors à considérer
la technique comme un instrument qui n’est pas neutre, et qui en plus
d’être mis au service d’une intention destructrice (industrie de l’armement),
peut échapper au contrôle de l’homme (nucléaire). Il s’agit alors d’accompagner la pratique d’une réflexion sur ses effets et ses finalités. Ainsi,
l’expérimentation sur le vivant peut faire l’objet d’un contrôle, voire d’une
censure, imposé par un comité de bioéthique. Par exemple, le clonage
humain reste pour l’instant interdit parce qu’on en ignore les effets, et pour
des raisons plus anthropologiques, philosophiques et morales d’identité
humaine.
Ainsi toute utilisation de la technique doit s’accompagner d’une réflexion sur
ses finalités et ses conditions d’utilisation. L’éthique et la politique doivent
veiller à ce que la technique ne se retourne pas contre celle qu’elle doit
servir : la nature, et plus particulièrement la nature de l’homme.
Conclusion
La technique, en tant que savoir-faire, doit être au service de l’homme pour
assurer les conditions de sa subsistance et contribuer à son bonheur. Mais
ce n’est que dans la mesure où elle exprime l’intelligence et la liberté de
l’homme qu’elle lui est utile et mérite toute notre confiance.
Tout usage dévoyé constitue une aliénation pour l’homme. Il s’agit donc
d’accompagner toute activité technique d’une réflexion sur ses finalités
(une éthique), et d’une réflexion sur ses conditions d’utilisation (une politique). En dehors de ce cadre, on est en droit de se méfier non pas de la
technique elle-même, mais de ce qu’elle sert. La question ne serait plus
alors de savoir s’il faut en avoir peur, mais à qui elle profite.
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