Traitement des appendicites aiguës compliquées

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Traitement des appendicites aiguës compliquées
PEUT-ON TRAITER UNE APPENDICITE AIGUË PAR ANTIBIOTIQUES ET DANS QUELLES
CONDITIONS ?
Peut-on traiter une appendicite aiguë par antibiotiques
et dans quelles conditions ?
Dr. Corinne VONS
Hôpital Jean Verdier, Bondy
Le traitement des appendicites aiguës est chirurgical et consiste en une appendicectomie. Il a été cependant montré qu’un
traitement antibiotique pouvait traiter efficacement les appendicites aiguës compliquées avec une péritonite localisée. L’efficacité
du traitement antibiotique des appendicites aiguës non compliquées est en cours d’évaluation.
Traitement des appendicites aiguës
compliquées (phlegmon, perforation,
abcès) avec péritonite localisée:
Introduction : L’inflammation dans les appendicites aiguës compliquées de perforation est parfois circonscrite par les défenses
propres du patient avec la formation d’un phlegmon (plastron) et/ou d’un abcès, localisés, qui peuvent se traduire cliniquement,
quelques jours après le début des symptômes du patient, par une masse palpable.
La difficulté de la réalisation d’une appendicectomie en cas de plastron ou phlegmon, amenant parfois à la réalisation d’exérèses
ileo-coliques injustifiées, et le taux de complications post opératoires après ces appendicectomies difficiles, a conduit depuis
plusieurs années les chirurgiens à traiter ces péritonites localisées d’origine appendiculaire par une antibiothérapie première et une
appendicectomie différée.
Cette pratique a augmenté depuis l’utilisation de la tomodensitométrique (TDM) pour faire le diagnostic des appendicites aiguës et
évaluer leur gravité (1,2). La TDM de l’appendice 1- décrit mieux ces « plastrons » de diagnostic clinique qui peuvent correspondre
à des anses agglutinées sur une appendicite perforée ou gangrénée, mais aussi s’associer à un abcès, et 2- met en évidence des
appendicites aiguës compliquées dont le diagnostic ne pouvait être fait cliniquement (phlegmon, perforation avec péritonite
localisée, abcès).
Le management de ces formes d’appendicites compliquées est encore sujet à controverses (3).
Une méta-analyse, publiée en 2007 a montré que ces formes compliquées étaient diagnostiquées chez 3,8 % des patients ayant
une appendicite aiguë (4).
Efficacité du traitement antibiotique . 44 études dont 3 prospectives ont montré l’efficacité des antibiotiques dans le
traitement de ces formes compliquées avec péritonite localisée, en leur associant si nécessaire le drainage percutané d’un abcès
(4). Le taux d’échec du traitement antibiotique a été en moyenne de 7,2 % (4). Aucun facteur prédictif d’échec n’a été identifié.
L’échec du traitement antibiotique n’augmentait pas la morbidité (5).
Comparaison à l’appendicectomie en urgence : Dix neuf études rétrospectives ont comparé l’appendicectomie d’urgence au
traitement antibiotique initiale avec appendicectomie différée en cas d’appendicites aiguës compliquées avec péritonite localisée.
La morbidité était trois fois plus élevée (35,6 %) en cas d’appendicectomie d’urgence qu’après antibiothérapie et appendicectomie
différée (13,5 % ; des résections iléo colique injustifiée devaient être réalisées, parfois pour de suspicion de cancer) (4).
Quand faut-il réaliser l’appendicectomie et est-elle
indispensable ?
Deux études randomisées et une étude rétrospective ont comparé l’appendicectomie réalisée au cours de la même hospitalisation
à l’appendicectomie à distance (6-8). Dans le premier cas, la morbidité a été de 18,2 %, alors qu’en cas d’appendicectomie à
distance elle a été de 12, 4 %. La non réalisation d’une appendicectomie secondairement diminuait encore la morbidité….
L’analyse histologique des appendices retirés dans ces séries a montré 1,2 % de cancer et 0,7 % de maladie bénigne importante
(type Crohn). Il y avait une relation avec l’âge des patients (plus de cancer et de pathologie bénigne importante chez les
adultes que chez les enfants (1,4 % vs 0,2 % pour les cancers, et 1,5 % vs 0,3 % pour les pathologies bénignes importantes) (4).
En l’absence d’appendicectomie, globalement, le taux de récidive n’a été que de 8,9 %, dans la majeure partie des cas dans les 6
mois suivant la guérison de la poussée (4). Une étude a montré que l’existence d’un stercolithe calcifié était un facteur de risque
de récidive (9).
Les auteurs avaient donc tendance à préconiser l’absence d’appendicectomie secondaire chez l’enfant d’autant plus qu’il n’y a pas
de stercolithe (9, 10), mais chez l’adulte l’appendicectomie secondaire reste discutée (11).
Traitement des appendicites aiguës non
compliquées :
Introduction : La résolution spontanée de douleur aiguë de la fosse iliaque droite associée à un syndrome infectieux, le
traitement antibiotique des appendicites aiguës des navigateurs de mer ou de l’espace, la disparition complète des symptômes des
plastrons appendiculaires sous antibiotiques, a laissé pensé que comme pour les sigmoïdites aiguës diverticulaires, les
antibiotiques pouvaient guérir certaines formes d’appendicites aiguës.
Etudes retrospectives :
Harrisson en 1953 (12) Coldrey en 1959 (13), Adams
en 1990 (14) et Gurin en 1992 (15) ont traité
respectivement 47, 471, 9 et 252 patients ayant une
appendicites aiguës par des antibiotiques avec une
efficacité de respectivement 89,5, 89,8, 100 % et 84,1
%.
Etudes comparatives
Trois essais contrôlés randomisés et une étude comparative rétrospective, ont comparé un traitement antibiotique à
l’appendicectomie dans des formes non compliquées.
En 1995, Eriksson a comparé deux groupes de 20 patients chez lesquels le diagnostic d’appendicite aiguë non compliquées avait
été fait cliniquement par des antibiotiques avec une efficacité de 95 % et un taux de récidive de 35 % (16). Mais dans le groupe
chirurgie 15 % n’avait pas d’appendicite, et dans le groupe antibiothérapie un patient a été opéré à la 12ème heure, il avait une
forme compliquée d’une perforation.
En 2006, la même équipe de Stockholm (17) a réalisé un essai randomisé et a traité des appendicites aiguës sans signe clinique
de perforation soit par appendicectomie (n= 124), soit par antibiotiques pendant 10 jours (n= 128). Dans le groupe chirurgie, il y a
eu 14 % de complications. Le traitement antibiotique a été efficace dans 86 % des cas (18 patients ont du être appendicectomisés
en définitive dont 7 avaient une appendicite perforée et un avait une iléite terminale). Le taux de récidive à un an a été de 14 %,
et donc 86 % des patients n’ont pas eu d’appendicectomie. Les auteurs ont conclu qu’un traitement antibiotique était efficace pour
traiter les appendicites aiguës.
En 2007, les résultats préliminaires d’une étude randomisée Française ont été présentés aux Journées de la Société Française de
Chirurgie Digestive comparant aussi l’appendicectomie à l’antibiothérapie. Le diagnostic d’appendicite aiguë non compliquée était
fait avant l’inclusion par une TDM. 120 patients ont eu une appendicectomie et 117 ont été traités par antibiotiques. Le traitement
antibiotique a été efficace dans 87,7 % des cas et 15 patients ont du être appendicectomisés (6 avaient une appendicite perforée
et 4 gangrenée, 4 avaient une appendicite aiguë non compliquée et un, un appende guéri).
En intention de traiter il y a eu autant de complications dans les deux groupes (2 vs 2 péritonites post opératoires). Avec un suivi
moyen de 22 mois, dans le groupe antibiothérapie, il y a eu 31 appendicectomies secondaires (30,3 %) dont 25 pour récidive
(24,5 %). 75 % des patients n’ont pas eu d’appendicectomie.
Cette étude a montré une équivalence de résultats entre appendicectomie et antibiothérapie pour le traitement des appendicites
aiguës non compliquées. Le taux de récidive à distance a été élevé. La recherche de facteurs de risque de récidive est en cours.
Conclusions
En dehors des formes avec péritonite généralisée, ces résultats montrent l’efficacité des antibiotiques dans la grande majorité des
cas d’appendicite aiguë. La tomodensitométrie permet de cibler le type, la durée des antibiotiques et la nécessité du recours à un
drainage percutanée.
Dans les formes compliquées avec péritonite localisée, connaître mieux les facteurs de risque de récidive, permettrait de
sélectionner les patients qui relèvent d’une appendicectomie différée élective. Mais dans cette situation, le taux de patients
susceptibles de récidiver est faible (9 %) et suggère que la plupart du temps (81 % des cas), avec des réserves, une appendicite
aiguë compliquée d’une péritonite localisée peut être traitée par des antibiotiques uniquement.
Dans les formes non compliquées, le taux de récidive parait élevé (mais en définitive 75 à 86 % des patients n’ont pas eu
d’appendicectomie. Là encore, connaître mieux les facteurs de risque de récidive permettraient de sélectionner les patients qui
peuvent justifier d’un seul traitement antibiotique.
La place du traitement antibiotique pour la prise en charge des appendicites aiguës est de plus en plus importante.
Références
1Tsao K, St Peter SD, Valusek PA, et al. Management of pediatric acute appendicitis in the computed tomographic era.J Surg
Res. 2008 Jun 15; 147: 221-224
2Tsukada K, Miyazaki T, Katoh Het alDig Liver Dis. 2004; 36:195-198 : CT is useful for identifying patients with complicated
appendicitis.
3-
Ahmed I, Deakin D, Parsons SL. Appendix mass : do we know how to treat it ? Ann R Coll Surg England 2005 ; 87 : 191-195
4Andersson RE, Petzold MGNonsurgical treatment of appendiceal abscess or phlegmon: a systematic review and meta-analysis
Ann Surg. 2007; 246: 741-748
5Emil S, Duong S. Antibiotic therapy and interval appendectomy for perforated appendicitis in children: a selective approach
Am Surg.2007; 73: 917-22.
6Garg P, Dass BK, Bansal AR et al. Comparative evaluation of conservative management versus early surgical intervention in
apendiculr mass- a clinical study. J Indian Med Assoc. 1997; 95: 19-180
7Kumar S Jain S. Treatment of appendiceal mass. Prospective, randomized clinical trial. Indian J Gastroenterol. 2004 ; 23 :
165-167
8Marya SK, Garg P, Singh M, et al. Is a long delay necessary before appendectomy after aendicealmass formation ?
Premiminary report. Can J Surg. 1993 ; 36 : 268-270
9Tsai HM, Shan YS, Lin PW, Lin XZ, Chen CY. Clinical analysis of the predictive factors for recurrent appendicitis after initial
nonoperative treatment of perforated appendicitis. Am J Surg. 2006; 192: 311-316.
10- Aprahamian CJ, Barnhart DC, Bledsoe SE, Vaid Y, Harmon CM. Failure in the nonoperative management of pediatric ruptured
appendicitis: predictors and consequences. J Pediatr Surg. 2007; 42: 934-938
11- Deakin DE, Ahmed I.Interval appendicectomy after resolution of adult inflammatory appendix mass--is it necessary? Surgeon.
2007; 5: 45-50
12- Harrisson PW. Appendicitis and the antibiotics.Am J Surg. 1953; 85: 160-163
13-Coldrey E. Five years of conservative treatment of acute appendicitis. J Int Coll Surg 1959 ; 32 : 255-261
14- Adams ML The medical management of acute appendicitis in a nonsurgical environment: a retrospective case review. Mil Med.
1990; 155: 345-347
15- Gurin NN, Slobodchuk IuS, Gavrilov IuF. The efficacy of the conservative treatment of patients with acute appendicitis on
board ships at sea. Vestn Khir Im I I Grek. 1992; 148: 144-150
16- Eriksson S, Granström L. Randomized controlled trial of appendicectomy versus antibiotic therapy for acute appendicitis. Br J
Surg. 1995; 82: 166-169
17- Styrud J, Eriksson S, Nilsson I, Ahlberg G, Haapaniemi S, Neovius G, Rex L, Badume I, Granström L. Appendectomy versus
antibiotic treatment in acute appendicitis. a prospective multicenter randomized controlled trial. World J Surg. 2006; 30: 1033-1037
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