texte Hermann Broch mise en scène Yves Beaunesne 12 › 28 mai
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texte Hermann Broch mise en scène Yves Beaunesne 12 › 28 mai
malte martin atelier graphique | assisté par adeline goyet | impression moutot | licence nº 19125 récit de la servante zerline texte Hermann Broch mise en scène Yves Beaunesne 12 › 28 mai 2o11 ATH_1011_3volbible_zer_BAT.indd 3 5/05/11 12:58:36 récitdelaservantezerline Si le titre français du recueil dont est extrait Le Récit de la servante Zerline est “Les Irresponsables”, l’original allemand est plus nuancé, plus troublant : “Schuldlosen” qu’on pourrait traduire littéralement par “les sans culpabilité”. Est-ce à dire que ses personnages sont innocents ? Peu probable chez un auteur aussi fin qu’Hermann Broch qui n’aime rien tant qu’indiquer deux choses en même temps : le désir et le dégoût, une culpabilité et son déni. Malhonnêtes, corrompus, ses “irresponsables” sont un écho de sa précédente trilogie, Les Somnambules : actifs et passifs, agissants et endormis, emblèmes de ce que Broch appelait “l’Apocalypse joyeuse”: une société qui s’achemine d’un mouvement virevoltant et distrait vers sa propre destruction et qui avance comme parée de ses moisissures. Né à Vienne en 1886 dans une famille juive prospère, Broch a eu le loisir d’observer les décennies de lente décadence qui vont le mener à l’exil. S’échappant de l’usine de textiles qu’il dirige et d’un mariage bourgeoisement conclu, il fréquente la crème des cafés viennois, ce tourbillon de l’esprit austro-hongrois cosmopolite qui continue de fasciner : Robert Musil, Rainer Maria Rilke, Elias Canetti… Après une brève aventure avec Milena Jesenská (pas encore fiancée de Kafka) qui fait jaser tout le Café Herrenhof, il rencontre Ea von Allesch. Ancien modèle et journaliste, muse de Musil 1, égérie des cercles littéraires surnommée “La reine du Café central”, elle entame avec Broch une liaison passionnée qui durera près de dix ans. De onze ans plus âgée que lui, elle l’incite et l’aide à se consacrer à l’écriture, l’emmène au Café Griensteidl, quartier général de l’auteur satyrique Karl Kraus, qui dans la revue Die Fackel, fustige toutes les hypocrisies et toutes les corruptions… À 40 ans, Broch change de vie, vend l’usine familiale, divorce. Il étudie la philosophie, les mathématiques, s’impose comme essayiste, romancier, esprit du temps. En précurseur, il s’intéresse à la psychologie des masses et voit arriver la montée du fascisme. L’Apocalypse est depuis longtemps en marche ; sans doute un écrivain de langue allemande est-il le mieux placé pour le pressentir. Dans un essai qui fit scandale 2, George Steiner décrit ainsi les choses : “Quand les soldats se mirent en marche pour la guerre de 1914, les mots en firent autant. Les survivants revinrent quatre ans plus tard, déchirés et battus mais non les mots. Ils demeurèrent au front et bâtirent, entre l’esprit allemand et les faits, un mur de mythes.” Ce n’est pas de ma faute si les âmes, dont on arrache les voiles et qu’on montre à nu, exhalent une si forte odeur de pourriture. Octave Mirbeau, Le Journal d’une femme de chambre ATH_1011_3volbible_zer_BAT.indd 4 5/05/11 12:58:36 “L’énigme de Don Juan, on a essayé de la résoudre de mille façons depuis des siècles, mais on ne le peut pas. Le personnage a subi les transformations les plus diverses, de la vision primaire de l’adultère meurtrier et profanateur jusqu’à celle du galant lassé, sous le scalpel psychologique...” 3 : c’est une autre lumière de la constellation austro-hongroise qui écrit ceci, Odön von Horvath. Fuyant le nazisme en 1935 après avoir vu ses livres brûlés et ses pièces interdites, il imagine Don Juan revenant de guerre dans une Allemagne défaite et humiliée. Rencontre posthume de grands esprits cousins? Plus de dix ans plus tard, dans Le Récit de la servante Zerline, Broch varie lui aussi sur le mythe du séducteur – devenu “Von Juna” 4, et met à nu les rapports entre ma tre et serviteur, dans les rapports amoureux comme dans les rapports de classe. Sa singularité, c’est qu’il choisit de porter sur Don Juan le regard d’une femme. Et quelle femme ! Avec la clairvoyance de qui nettoie les saletés des autres, Zerline dissipe l’essence du séducteur en quelques phrases, comme un acide ravageur : “C’était un des ces hommes qui placent les femmes à la fois trop haut et trop bas. C’est pourquoi ils doivent les servir avec leur corps. Mais ils ne peuvent leur accorder aucune considération avec leur esprit. Ils ne peuvent pas aimer, ils ne peuvent que servir. Et dans chaque femme qu’ils rencontrent, ils servent celle qui n’existe pas mais qu’ils pourraient aimer si elle existait, et cette femme n’est rien d’autre qu’un esprit malfaisant qui les asservit.” Comment, se demande-t-on, un homme peut-il si justement faire parler une femme ? En y regardant attentivement, on verra que le tour de force de Broch est aussi un sublime tour de passe-passe : en confiant à un personnage de femme ses propres vérités sur la psychologie masculine, ses secrets dévoilés, il semble atteindre de façon sidérante à la vérité de la psychologie féminine. Un autre auteur a procédé de même façon, avec le même bouleversant résultat : James Joyce dans le monologue de Molly Bloom qui achève l’odyssée d’Ulysse. Bien plus qu’une simple co ncidence : Joyce, l’auteur le plus admiré par Broch 5, fut également celui qui lui sauva la vie. Arrêté par les nazis en 1938, il put émigrer à Londres, puis en Écosse et finalement aux États-Unis grâce à l’intervention de l’écrivain irlandais. Exilé dans une ville universitaire du Connecticut, relativement oublié, il écrivit ce qui est sans doute son chef-d’œuvre, La Mort de Virgile, où le poète, s’estimant trahi par l’impuissance du verbe, cherche à détruire le manuscrit de l’Énéide. ATH_1011_3volbible_zer_BAT.indd 5 5/05/11 12:58:36 Peut-être les mots ne sont-ils jamais revenus de guerre. À la fin de sa vie, Broch privilégiait d’autres langages : la musique, ou les mathématiques qu’un de ses personnages 6 décrivait ainsi : “C’est une sorte d’opposition désespérée de l’esprit humain. En elles-mêmes, les mathématiques ne sont pas nécessaires, mais elles sont une sorte d’ lot de décence, et c’est pour cela que je les aime.” texte Lola Gruber 1 Elle a inspiré la femme fatale de sa pièce Vincent et l’Amie des personnalités | 2 “Le Miracle creux”, 1959, repris dans Langage et Silence, Les Belles Lettres, 2010 | 3 Préface à Don Juan revient de guerre, 1935 4 On notera une allusion à ce déguisement transparent dans le texte même, quand Zerline raille le peu de précautions pris par les amants dans leur correspondance : “Ils avaient simplement transformé Elvire, qui est le prénom de Madame la baronne, en ‘Ilvere’ ; c’était ça, le code secret.” | 5 Broch lui a consacré un essai, James Joyce et le temps présent, et le décrit comme “celui qui a conçu la mission nouvelle de la littérature de la manière la plus vaste et la plus profonde.” | 6 Dans La Grandeur inconnue, 1933 texte Hermann Broch mise en scène Yves Beaunesne 12 › 28 mai 2o11 avec Marilù Marini Zerline Brice Cousin Andréas dramaturgie et texte français Marion Bernède scénographie Damien Caille-Perret | costumes Patrice Cauchetier | lumières Joël Hourbeigt son Jean-Damien Ratel | maquillages Catherine Saint-Sever | décor Ateliers du Théâtre du Nord - Lille production : Compagnie de la Chose Incertaine coproduction : La Coursive – Scène nationale La Rochelle, L’apostrophe – Scène nationale de Cergy-Pontoise et du Val d’Oise, Maison de la Culture de Bourges, Grand Théâtre de Luxembourg, le Théâtre du Nord de Lille, Le Parvis – Scène nationale Tarbes-Pyrénées avec le soutien de la DRAC le-de-France et du département du Val de Marne | coréalisation : Athénée Théâtre Louis-Jouvet | La Compagnie de la Chose Incertaine est en résidence à L’apostrophe Scène nationale de Cergy-Pontoise et du Val d’Oise. L’Arche, agent théâtral du texte remerciements : Evelyne Istria, Jean-Claude Jay et Jean-Claude Frissung ATH_1011_3volbible_zer_BAT.indd 6 5/05/11 12:58:36 plus mes paroles étaient brutales, plus son amour était fort. ATH_1011_3volbible_zer_BAT.indd 1 5/05/11 12:58:36 autourduspectacle cinéma The Servant de Joseph Losey (1963) en partenariat avec le cinéma Le Balzac 1 rue Balzac 75008 Paris | tarif exceptionnel Athénée : 5 1 lundi 16 mai 2o11 › 2o h 3o ensuite À l’issue de la représentation, Yves Beaunesne et l’équipe artistique vous retrouvent au foyer-bar pour échanger à chaud sur le spectacle. foyer-bar de l’Athénée | entrée libre mardi 17 mai 2o11 etl’annéeprochaine ? r blog de l’Athénée venez tous les jours au théâtre blog.atheneetheatre.com Square de l’Opéra Louis-Jouvet 7 rue Boudreau 75009 Paris Mº Opéra, Havre-Caumartin, RER A Auber [email protected] | réservations 01 53 05 19 19 | athenee-theatre.com L’Eden-bar de l’Athénée, situé au premier étage, vous propose des boissons et une restauration légère une heure avant et après chaque représentation. Le personnel d’accueil est habillé par les créations un été en automne ATH_1011_3volbible_zer_BAT.indd 2 malte martin atelier graphique | assisté par adeline goyet | impression moutot | licence nº 19125 Découvrez les spectacles de la saison 11.12, lors de la présentation de saison avec les artistes et Patrice Martinet, directeur du théâtre ou sur le site Internet athenee-theatre.com réservation › 01 53 05 19 02 du mardi au vendredi 15 h › 17 h samedi 14 mai 2o11 › 15 h entrée libre 5/05/11 12:58:36