Contrat et Patrimoine n°18 - Conseil national des barreaux

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Contrat et Patrimoine n°18 - Conseil national des barreaux
janv 2012
#
18
Votre avocat vous informe
contrat
& patrimoine
dans ce numéro
Commerce électronique
Assurance
Contrat
Consommation
Com. 29 nov. 2011,
n° 10-27.402
Dir. n° 2011/83/UE,
25 oct. 2011, JOUE 22 nov.
#Commerce électronique
Site internet d’un comparateur de prix : conditions de
conformité au droit de la consommation
La société Kelkoo propose aux internautes de chercher et comparer
les produits ou services de commerçants électroniques. Les marchands
ainsi référencés rémunèrent ce comparateur en fonction du trafic qu’il leur apporte, ce volume
étant calculé par le nombre de clics sur les liens affichés sur son site. Contestant les conditions
dans lesquelles les factures présentées par Kelkoo avaient été établies, la société Concurrence avait
émis par la même occasion un ensemble de remarques sur les modalités de l’activité publicitaire
de Kelkoo.
Concurrence reprochait à Kelkoo de ne pas se présenter comme un site publicitaire, ses utilisateurs
ne pouvant deviner que les liens par lesquels ils sont invités à visiter des sites tiers sont affichés en
suite d’un accord commercial. Elle reprochait aussi à Kelkoo l’affichage d’informations publicitaires
qui ne reflétaient pas les prix effectivement pratiqués par ses partenaires. La société se défendait en
soulignant qu’elle affichait sous les tableaux comparatifs une formule indiquant notamment que
« les résultats affichés proviennent des informations fournies par nos partenaires et ne reflètent
donc pas l’intégralité des offres disponibles sur le marché ». Elle ajoutait que diverses contraintes
techniques rendaient la mise à jour régulière délicate. En appel (Grenoble, 21 oct. 2010, Dalloz
jurisprudence), la cour avait notamment relevé que la société se présentait comme permettant
à ses utilisateurs de chercher des informations « en temps réel », ou ne mentionnait pas sur ses
pages les périodes de validité des offres, pour conclure à la violation des articles L. 121-1 et L.
120-1 du Code de la consommation (textes qui ont été modifiés par une loi du 4 août 2008, alors
que l’instance avait été engagée avant cette date). La Cour de cassation casse cette décision, il
aurait fallu « vérifier si ces omissions étaient susceptibles d’altérer de manière substantielle le
comportement économique du consommateur, ce que la société Kelkoo contestait ».
Dans le cas d’un site web qui ne met pas à jour en temps réel les prix, n’indique pas les périodes
de validité des offres, omet les frais de port, etc., les juges doivent donc vérifier si ces insuffisances
sont susceptibles d’altérer de manière substantielle le comportement économique de l’internaute
avant d’appliquer les articles L. 120-1 et L. 121-1 du Code de la consommation.
Vente à distance et démarchage : publication de la directive consommateurs
La directive n° 2011/83 du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs est publiée au
Journal officiel de l’Union européenne (JOUE) du 22 novembre. Le texte harmonise les différentes
législations nationales en matière de protection du consommateur à distance. Il cherche à ménager
un juste équilibre entre un niveau élevé de protection des consommateurs et la compétitivité des
entreprises, l’idée, quant à ce dernier axe, étant de ne pas entraver « le potentiel transfrontalier
des ventes à distance ». La directive est articulée autour de six chapitres traitant, notamment, des
types de contrats visés par la protection, de l’information contractuelle et précontractuelle, du
paiement, du droit de rétractation ou encore de la livraison.
La directive est entrée en vigueur le 13 décembre 2011, devra être transposée au plus tard le
13 décembre 2013 et ses mesures appliquées à compter du 13 juin 2014.
#Assurance
Assurance : privation de la jouissance d’un véhicule
Un arrêt de la Cour de cassation du 24 novembre 2011 énonce que si la personne qui fait circuler
un véhicule terrestre à moteur est tenue, sous peine de sanction pénale, d’être couverte par une
assurance garantissant sa responsabilité civile (C. assur., art. L. 211-1 et C. route, art. L. 324-2),
encore faut-il qu’elle n’ait pas été privée de la jouissance de son véhicule.
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Civ. 2e, 24 nov. 2011,
n° 10-25.635
En l’espèce, l’épouse a souscrit un contrat pour assurer un véhicule automobile ainsi qu’un
tracteur, qui précisait que l’assuré est le sociétaire ainsi que son conjoint « non divorcé ni séparé ».
L’assureur, averti par l’épouse que le juge aux affaires familiales avait prononcé une ordonnance
de non-conciliation l’ayant autorisée à résider séparément, a adressé à l’époux de cette dernière
un courrier pour l’informer qu’il ne bénéficiait plus de la qualité d’assuré. L’époux a alors assigné
l’assureur pour obtenir, d’une part, le maintien de la garantie portant sur le véhicule agricole
et, d’autre part, des dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel subi du fait de la
privation de jouissance de l’automobile. Au soutien du pourvoi principal, l’assuré reproche à la
cour d’appel de l’avoir débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts en réparation
du préjudice subi du fait de la privation de jouissance de son véhicule. Au soutien du pourvoi
incident, l’assureur reproche à la cour d’appel d’avoir décidé qu’il était tenu de maintenir la
garantie du tracteur agricole. L’assureur soutenait ainsi que la séparation des époux constituait un
changement dans leur situation matrimoniale qui lui permettait de cesser de garantir son assuré
au titre de l’utilisation d’un véhicule.
D’une part, la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir décidé que seuls étaient exclus
de la garantie les époux judiciairement séparés de corps. L’arrêt sous examen précise que,
en matière de contrat d’assurance automobile, l’un des époux ne peut pas se prévaloir d’une
ordonnance de non-conciliation l’ayant autorisé à résider séparément pour priver son conjoint
de la jouissance de son véhicule. Par ailleurs, en matière de résiliation de contrat d’assurance, le
Code des assurances prévoit qu’il peut être mis fin au contrat par l’une des parties à la suite de la
survenance de certains événements lorsqu’il a pour objet la garantie de risques en relation directe
avec la situation antérieure et qui ne se retrouvent pas dans la situation nouvelle (C. assur., art.
L. 113-16). D’autre part, au visa de l’article 1147 du Code civil, la Cour de cassation casse l’arrêt
d’appel qui a rejeté la demande en indemnisation du préjudice matériel résultant de la privation
de jouissance de son véhicule en considérant qu’il n’établit pas que le refus de la compagnie
d’assurance de maintenir le contrat à son égard l’ait empêché d’utiliser sa voiture en s’adressant
à un autre assureur.
#Contrat
Civ. 1re, 23 nov. 2011,
n° 10-16.770
Réduction de la rémunération convenue malgré l’aléa supporté par l’une des parties
En l’espèce, deux testaments olographes s’étaient succédés dans le temps. Ayant connu le défunt
et soutenant que le second testament en date était un faux, un généalogiste avait proposé à
la première légataire universelle désignée, qui avait accepté, de mener pour son compte toutes
les procédures nécessaires pour faire reconnaître ses droits, d’en avancer le coût et de garder
celui-ci à sa charge en cas d’échec. Une fois rétablie dans ses droits, la légataire avait refusé de
payer au généalogiste l’intégralité de la somme convenue. Assignée en paiement, elle demandait
reconventionnellement la réduction judiciaire de cette rémunération.
Les juges du fond en rejetèrent le principe, retenant que la réduction judiciaire du prix était
impossible, le généalogiste ayant pris le risque de supporter en pure perte les frais de procédure,
ce dont il résultait que la disproportion invoquée par la légataire était seulement la réalisation d’un
aléa. La Cour de cassation censure ce raisonnement au visa de l’article 1134 du Code civil, au
motif que l’aléa exclusivement supporté par le généalogiste ne faisait pas obstacle à la réduction
éventuelle de la rémunération convenue, si bien que la cour d’appel aurait dû rechercher si la
rémunération litigieuse n’était pas excessive au regard du service rendu.
Annulation d’un contrat de sous-traitance : calcul des restitutions
La nullité entraîne l’anéantissement rétroactif du contrat. Le contrat étant présumé n’avoir jamais
existé, les parties doivent être remises dans l’état où elles se trouvaient avant sa conclusion. En
pratique, se pose alors la délicate question des restitutions. Lorsque la convention annulée est un
contrat d’entreprise qui a été exécuté partiellement ou en totalité, la restitution en nature est,
dans la plupart des cas impossible, le locateur d’ouvrage ne pouvant démonter la construction
et récupérer les matériaux utilisés. La restitution doit alors nécessairement se faire en valeur.
Comment fixer les sommes dues au titre des travaux réalisés ? Le contrat ayant été annulé, les
prévisions contractuelles ne sont d’aucun secours.
Ici, pour chiffrer l’indemnisation du sous-traitant, l’expert judiciaire a comptabilisé le nombre
d’interventions réalisées par le sous-traitant sur le chantier ainsi que le coût moyen d’une
intervention au regard du personnel requis, des fournitures, du volume horaire, des difficultés
rencontrées. A ainsi été retenu le montant du coût moyen d’une prestation comparable à celle
réalisée par le sous-traitant. Ce dernier critiquait cette méthode en ce qu’elle ne retenait pas
les coûts effectivement exposés mais un coût théorique. Dans un arrêt très argumenté, la cour
d’appel a rejeté les griefs du sous-traitant au motif, d’une part, que l’évaluation de l’expert n’était
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Civ. 3e, 30 nov. 2011,
n° 10-27.021
pas purement théorique, mais permettait de déterminer le juste prix des prestations fournies dans
les conditions réelles du chantier et, d’autre part, que le sous-traitant ne justifiait d’aucun élément
permettant de remettre en cause ces conclusions techniques. Cette motivation est approuvée par
la Cour de cassation. Celle-ci précise cependant, conformément à une jurisprudence constante,
que la partie qui doit restituer une somme qu’elle détenait en vertu d’une décision exécutoire
n’en doit les intérêts au taux légal qu’à compter de la notification valant mise en demeure, de la
décision ouvrant droit à restitution.
#Consommation
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Votre avocat vous informe
janv 2012
Commission européenne,
communiqué de presse,
29 nov. 2011
Des mesures européennes pour le règlement extrajudiciaire des litiges
La Commission européenne a dévoilé, le 29 novembre 2011, un ensemble de mesures visant à
donner à tous les consommateurs européens la possibilité de régler les litiges relatifs à l’achat d’un
bien ou service en dehors des tribunaux, quel que soit le type de bien ou de service en cause et le
lieu d’achat dans le marché unique européen.
Le règlement extrajudiciaire des litiges repose sur l’intervention d’un tiers (un arbitre ou un
médiateur, par ex.). Il s’agit d’une procédure plus abordable, plus rapide et plus simple qu’une
procédure judiciaire mais qui reste mal connue des consommateurs et des entreprises. Selon les
estimations, le coût des litiges de consommation non résolus atteint l’équivalent de 0,4 % du
produit intérieur brut (PIB) de l’Union. L’accès universel à des organes extrajudiciaires de qualité
dans toute l’Union devrait entraîner des économies pour les consommateurs d’environ 22,5
milliards d’euros par an.
Le Parlement européen et le Conseil se sont donc engagés à adopter un train de mesures, qui
constitue l’une des actions prioritaires de l’Acte pour le marché unique pour la fin de 2012.
Ce train de mesures est également prévu par la stratégie numérique pour l’Europe. Les États
membres auront dix-huit mois à compter de l’adoption pour transposer la directive. Le territoire
de l’Union devrait donc être couvert intégralement par des organes extrajudiciaires de qualité au
second semestre de 2014. La plateforme européenne unique de règlement en ligne des litiges
sera pleinement opérationnelle six mois après ce délai (début 2015), le temps de mettre en place
ou à niveau les organes extrajudiciaires nécessaires à son fonctionnement.
Le texte intégral des mesures de nature législative proposées, ainsi que l’ensemble du contexte
politique et la base de données des organes extrajudiciaires nationaux signalés à la Commission
peuvent être consultés sur le site de l’Union européenne.
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