Ayabacas

Transcription

Ayabacas
Ayabacas
Religieusement, j’ai suivi le conseil de Mañuco le sage, Mañuco, le maestro de Juli : « Tu dois aller à la Fiesta de la Cruz ! ». Avec Yaki, on avait programmé nos dates pour arriver dans les temps. Destination Huancane, un
bourg totalement inconnu, de l’autre côté du lac.
Le désert. Personne. Juste un monument orné d’une flute de pan colorée
géante, vestige d’une fête sûrement somptueuse.
Ici, pendant la Fiesta de la Cruz, m’avait raconté Mañuco, tous les joueurs
de flûte se réunissent pour les Siku-Sikuri. Ils m’avaient montré, dans la
voiture, à Rennes. On détache les deux rangées de la flûte. Chacun en
prend une et entonne une mélodie, répondant à l’autre. Sauf qu’ici, ils font
ça à des centaines !
On erre un peu désolées dans les rues, on croise un chien et beaucoup
de poussière. Je poursuis ma mission : je vais visiter le marchand de charangos pour Kalin, qui m’avait passé commande. Porte close.
Alors, on repart bredouilles, même bus, même route, en sens inverse. On
roule un peu, n’y croyant plus. Agitation au loin : une fête, au bord de la
route ! L’une des dernières de la série des fêtes de la Croix de la région,
ici, dans ce lieu-dit, Ayabacas, comme un cadeau du ciel pour moi et Yaki.
Des chollitas en costume, des musiciens vêtus de plumes et quelques
petits diablotins me tournent autour. Ce sont les fous, en habit de chien,
longue queue et perruque blonde, pour singer les conquistadores.
Le but de la procession est d’aller hisser la Croix tout en haut de la petite
montagne qui marque ce lieu-dit, et tout le monde suit, des centaines de
gens, tel un pélerinage.
Beaux restes de fêtes animistes.
La Fiesta de la Cruz à Ayabacas
Juli
Juli, la nuit.
Après notre repas, una sopa de pollo bien rica pour 6 pesos, Yaki et moi
faisons un tour sur la place centrale.
Des sons de flûtes et de vieilles guitares nous parviennent de la pénombre des bars : les hommes et les jeunes garçons boivent, et jouent, et chantent, c'est tout ce qu'il reste à faire ici, il n'y a plus rien d'autre, dans ce
village perdu sur la montagne. Leurs accords dissonnants et leurs voix
éraillées me rapellent la façon de chanter de Mañuco, qui est né ici. Pour
compléter le paysage sonore chaotique du Pérou, il ne faut pas oublier le
moteur bien gras et la radio à fond d’un bus qui passe par là.
Yaki me propose un “emoliente”. Avide de nouveautés, j’accepte sans
même savoir ce que c’est.
Une petite indienne avec une cariole se tient là.
Une bonne demi-douzaine de fioles remplies de liquides gluants et colorés sont alignées autour d'une grande gamelle. Je demande leur composition à Yaki, mais à part le citron et le grand bouillon d’herbes au milieu,
elle préfère ne pas me décrire le reste… Des recettes de sorcières à base
de bave de crapaud me traversent fugitivement l’esprit.
Il fait frais le soir sur l’altiplano et il est tard mais on fait ses courses partout et à toute heure au Pérou. Je demande un rouleau de “papel hygenico” au petit qui se tient là, à côté de la vielle indienne. Et nous voilà, Yaki
et moi, en pleine nuit dans ce village du bord du Lac Titicaca, en train de
siroter notre emoliente avec nos rouleaux de papier à la main… Après
cette boisson chaude et épaisse servie dans un énorme verre, on se sent
rassasiées et heureuses.
Copacabana
Entre Copacabana et La Paz, le bus est conduit par de très jeunes hommes. Il sont gais et décontractés, toujours à “la ora peruana” : pas pressés… Inopinément, ils s’arrêtent çà et là dans des coins perdus, rentrent
dans les maisons.
Ils trafiquent quelque chose et leurs compatriotes s’énervent dans le bus.
« Es nuestro problemo » répondent-ils, toujours de bonne humeur. Les touristes ne se manifestent pas.
Moi, je suis aux anges, on traverse des places désertes et je vole à la sauvette une image émouvante d’une petite fille toute seule jouant au milieu
des herbes sèches.
Comme beaucoup d’autres, elle est en guenilles, souillée et décoiffée et
en même temps si jolie, là, absorbée dans son jeu tout simple d’enfant.
C’est triste et c’est beau à la fois.
Le soir tombe et baigne le paysage sec dans cette lumière chaude et éclatante des hauts plateaux.
sur la route de bolivie, les petites maisons en terre d’Adobe.
Copacabana, située sur une presqu’île en
plein milieu du lac Titicaca, frontière
pour la Bolivie, que l’on atteint en Bac.
Une rue de La Paz.
En haut, les très mal vues “Altas”,
favelas des indiens.
La Paz
Seule et unique nuit à La Paz, en plein centre populaire, dans un hotel
miteux. J'ai mal dormi. L'excitation, sans doute, et aussi ces cris effrayants
de femme. Ça n'a pas eu l'air d'inquiéter Yaki.
Il est six heures ce matin et La Paz se réveille à peine. L’air est frais et vivifiant dans la capitale la plus haute du monde. Les rues sont encore un peu
désertes, quelques balayeurs de rue sont déjà à l'œuvre et…
ô chance ! Une cariole fumante avec du “Tonico de Manzana con
Quinoa” chaud. Petit déjeuner rico !
Nous sommes prêtes pour le Mercado de las Brujas.
C'est le très populaire marché aux sorcières, où l'on trouve vendeurs d'herbes et de plantes médicinales, mais aussi, entre autres amulettes, fœtus de
lama et chats sauvages séchés, encore très utilisés par les boliviens, pour
les offrandes à la Pachamama, la mère-terre.