Les stratégies régionales françaises vues par la Commission
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Les stratégies régionales françaises vues par la Commission
Stratégies de recherche : construction et mise en œuvre Les stratégies régionales françaises vues par la Commission européenne Carsten Rasmussen, Head of Geographical Unit France, Belgium and Luxembourg, DG Regional Policy, Commission européenne La notion de spécialisation intelligente a été récemment introduite dans la programmation des fonds européens et notamment dans celle du Fonds européen de développement régional (FEDER). La recherche et l’innovation sont en effet le fer de lance de la stratégie Horizon 2020 car, sans elles, l’Europe ne pourra pas faire face à la concurrence croissante des pays d’Asie ni à la concurrence historique des Etats-Unis. Les chiffres publiés dans le dernier ouvrage de FutuRIS montrent que les Coréens, par exemple, investissent plus de 4 % de leur PIB dans la R&D alors que l’Europe s’efforce tant bien que mal d’atteindre les 2 %. Le portefeuille budgétaire des fonds européens pour la France s’élève à 8,4 milliards d’euros pour les sept années à venir, dont une bonne partie (15 %) sera consacrée à la R&D dans le cadre d’une démarche de spécialisation intelligente. Baptisée Stratégies régionales de l’innovation – Strategy for Smart Specilisation (SRI-S3), cette démarche s’inscrit dans la continuité des SRI que la France a mises en place, en y apportant des moyens différents en termes de gouvernance et d’évaluation – inspirés des méthodes anglo-saxonnes. L’objectif principal consiste à produire des investissements mesurables et mieux ciblés que par le passé. Le principal défi auquel le FEDER s’est trouvé confronté a consisté à répartir équitablement les ressources, sachant que les potentiels en R&D sont très inégalement répartis sur le territoire. La région Ile-de-France, notamment, concentre une bonne partie des acteurs de l’innovation, des brevets et des dépenses en R&D. Le FEDER doit également s’efforcer d’inciter au développement de la recherche privée. L’Union européenne s’est en effet fixé pour objectif d’atteindre 2 % du PIB en termes d’investissements publics, mais elle s’efforce également d’accroître la participation du secteur privé. En France, le territoire leader dans ce domaine est la région Midi-Pyrénées, qui bénéficie des financements importants en R&D pour l’industrie aéronautique. La France met en œuvre une plus forte décentralisation sur la période 2014-2020, ce qui constitue une nouveauté. Désormais, ce sont les Conseils régionaux qui organisent et décident exclusivement de l’allocation des ressources à l’intérieur de leurs programmes. Le FEDER a donc été contraint de négocier avec chaque Région, ce qui explique la grande disparité des montants alloués : 1 milliard d’euros pour la Réunion, contre seulement 100 millions pour l’Alsace. Le principal risque de ce phénomène de décentralisation est la dispersion des crédits, car il n’est pas certain que chaque région possède un véritable potentiel de R&D. L’Europe a pris le risque d’attribuer des fonds à des projets qui ne répondaient pas à des critères d’excellence. Mais, pour des raisons politiques, il n’a pas été possible d’obtenir de la France un programme national d’innovation. Lors de la négociation du programme-cadre, l’Etat français a en effet joué un rôle extrêmement limité. Le FEDER a donc dû s’efforcer de faire rimer cette C o l l o q u e F u t u R I S 3 1 m a r s 2 0 1 5 – C o mp t e - r e n d u 1/2 Stratégies de recherche : construction et mise en œuvre approche ultra-régionalisée avec les thématiques prioritaires pour la France, mais il n’y est pas totalement parvenu fautes de directives et de priorités clairement énoncées à l’échelle nationale. Le FEDER est tout de même parvenu à dégager trois grandes thématiques prioritaires : - la santé au sens large, incluant les biotechnologies et la télémédecine ; l’énergie, l’agroalimentaire et la pêche ; les Technologies de l’information et de la communication (TIC), l’informatique et l’électronique, la préservation de l’environnement, la prévention des risques ainsi que la mobilité et les transports. Mais, là encore, le FEDER s’est heurté à la grande diversité des approches régionales : certaines régions ont fait valoir des domaines de compétence très larges, comme la santé, tandis que d’autres, telles que la Picardie, ont évoqué des compétences très spécifiques telles que la chirurgie maxillo-faciale. Enfin, le dogmatisme dont l’Europe a fait preuve a représenté un choc pour les Régions. L’obligation, non négociable, de focaliser l’ensemble du budget R&D alloué sur les priorités définies dans le cadre de la SRI a été assez mal vécue. Les Régions ont ainsi été contraintes de prendre la démarche au sérieux. Mais surtout, les fonds FEDER sont désormais bien ciblés et dotés d’indicateurs, ce qui permettra d’apporter des données objectives pour aider les Régions à progresser dans leur recherche de l’excellence. Michel Gaillard, Ancien chef du bureau des affaires européennes au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR) Quel a été le rôle de la Direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI) dans la négociation ? Carsten Rasmussen Ce rôle a été mineur du fait de ce phénomène d’extrême décentralisation : 28 stratégies de spécialisation ont dû être évaluées en l’espace de quelques mois, de sorte que tous les acteurs impliqués ont été quelque peu débordés. Bruno Revellin-Falcoz, Vice-président de l’Institut européen d’innovation et de technologie (IEIT) Pensez-vous que les fonds FEDER sont globalement bien utilisés, et notamment dans le cadre de l’IEIT ? Carsten Rasmussen Il est sans doute regrettable que le FEDER ne dispose plus de fonds mobilisables à l’échelle nationale pour la France, la totalité de l’enveloppe ayant été distribuée aux Régions. Par ailleurs, est encore un peu tôt pour se prononcer sur à la pertinence du financement projet par projet. C o l l o q u e F u t u R I S 3 1 m a r s 2 0 1 5 – C o mp t e - r e n d u 2/2