La haute horlogerie et ses MÉTIERS TRADITIONNELS : le

Transcription

La haute horlogerie et ses MÉTIERS TRADITIONNELS : le
La haute horlogerie et ses MÉTIERS TRADITIONNELS :
le guillochage à l’honneur
La Convention patronale de l'industrie horlogère suisse (CP) communique :
Après une première édition en 1994, un cours de guillochage de 18 mois a été dispensé à
Genève sous l’égide de la Convention patronale de l’industrie horlogère suisse. Grâce à M.
Pierre
Rosenberger
de
La Chaux-de-Fonds, l’un des derniers maîtres guillocheurs suisses, ce savoir-faire
centenaire a été transmis à trois collaborateurs de maisons horlogères actives dans le haut
de gamme. Organisée dans les locaux du Musée de l’horlogerie et de l’émaillerie de
Genève, la remise de diplôme a lieu aujourd’hui 9 juin 2005 et couronne ainsi le travail des
nouveaux initiés.
Le retour en force du guillochage
Rappelons avant tout en quoi consiste ce savoir ancestral au nom si mystérieux : technique
de gravage mécanique, le guillochage sert à décorer des surfaces métalliques plates ou
bombées. L’horlogerie s’est appropriée cette technique pour la décoration de cadrans
essentiellement, mais aussi des boîtes ou autres parties du mouvement de la montre
(comme par exemple la masse oscillante, les platines, les ponts, etc.).
En vogue jusque dans les années 30 à 40, le guillochage a connu une désaffection l’espace
de quelques décennies. On aurait même pu croire qu’il disparaîtrait avec les derniers
détenteurs de cette technique : la concurrence et l’arrivée de nouvelles techniques
industrielles ont parfois poussé certains guillocheurs du passé à conserver jalousement les
secrets de ce savoir-faire précieux. Or le guillochage connaît actuellement un regain d’intérêt
certain de la part des marques horlogères actives dans le haut et très haut de gamme. A
noter que le guillochage peut être effectué de façon industrielle, mais c’est bel et bien le «
fait main » qui est de plus en plus en vogue parmi les grands noms de l’horlogerie. Des
machines sont certes utilisées pour l’exécution, maison parle de guillochage « main » car le
guillocheur actionne lui-même la machine, pressant sur le chariot qui porte le burin et
tournant de l’autre main la manivelle qui active la pièce. C’est là qu’entrent en scène la
dextérité, la précision et la sensibilité de l’artisan. La valeur d’une pièce effectuée à la main
est très élevée par rapport à une pièce industrielle (les « copies » de guilloché peuvent être
reproduites par étampage par exemple) et l’aspect final est incomparable : les lignes
guillochées réfractent la lumière de façon extraordinaire. Les marques actives dans le haut
de gamme sont parfaitement conscientes de la différence au niveau de la qualité : la plupart
d’entre elles présentent actuellement des modèles guillochés « main » et certaines vont
même jusqu’à faire des démonstrations d’exécution pour justifier le prix de leurs produits.
Un cours pour transmettre et pérenniser le savoir-faire
Il n’existe plus d’apprentissage pour ce métier ancien et seuls quelques initiés le maîtrisent
en Suisse. L’un d’entre eux est le maître guillocheur chaux-de-fonnier, M. Pierre
Rosenberger, qui a accepté pour la deuxième fois de transmettre son savoir-faire. En effet,
dans le cadre d’un premier cours organisé par la CP de 1994 à 1996,il avait déjà enseigné
cette technique à trois apprenants qui sont aujourd’hui à l’origine de pièces prestigieuses.
Débutée en 2003 pour une durée de 18 mois et à raison d’un jour par semaine, cette
deuxième session a eu lieu à Genève dans les locaux aimablement mis à disposition par la
1
maison « Les Cadraniers de Genève ». Celle-ci consacre toute son activité à la production
de cadrans haut de gamme et est associée à des manufactures de renom.
Les « apprentis »
M. Rosenberger à ainsi transmis ce savoir aussi difficile que délicat à trois apprenants ou «
apprentis » : M. Noël Bourdon de la maison « Les Cadraniers de Genève », ainsi que M.
Thierry Duvernay et M. François Letang, tous deux employés chez Rolex Genève.
Nous utilisons le terme « apprentis » entre guillemets, car pour entreprendre ce genre de
formation il faut préalablement être équipé d’un bagage professionnel important. En effet,ce
n’est pas parmi les jeunes de 16 ans que l’on recrute ce genre d’apprenant mais
préférablement parmi des professionnels ayant des connaissances approfondies. M.
Rosenberger le confirme : « Le critère numéro 1 pour devenir un bon guillocheur consiste à
avoir une bonne expérience en mécanique conventionnelle ou avoir été en contact avec un
atelier de mécanique ». Pourquoi un tel critère pour une activité somme toute « créative » ?
La réponse vient spontanément et logiquement lorsque l’on voit une machine à guillocher :
une machine incroyablement compliquée aux yeux d’un profane et qui nécessite un
maniement extrêmement délicat mais aussi une grande connaissance technique. « La
sensibilité artistique nécessaire à la confection des pièces ne vient qu’après, avec le temps,
après avoir fait maintes et maintes épreuves…mais la connaissance de la machine est
primordiale », nous explique M. Rosenberger qui a consacré plus de 50 ans deson parcours
professionnel au guillochage.
Autre mot d’ordre pour M. Rosenberger : s’armer de patience et faire preuve de passion pour
cette technique exigeante. Il suffit de savoir qu’un cadran nécessite parfois plusieurs heures
de travail ininterrompu pour que l’on comprenne que la concentration dans ce métier est
essentielle. Toujours selon M. Rosenberger, pour suivre un cours de guillochage, « il ne faut
pas se dire qu’on va faire du guilloché, mais que l’on va apprendre à en faire ». L’expert
suggère par ces mots que beaucoup de temps va s’écouler avant d’atteindre un bon niveau
de qualité et de pouvoir ensuite augmenter la cadence de production.
Déroulement du cours
La première étape du cours commence donc par un passage obligatoire qui n’est pas
forcément le plus facile : le réglage des machines. La plupart d’entre elles sont anciennes
(en moyenne 100 ans) et doivent être à tout prix révisées. Cette étape cruciale fait déjà
partie de l’apprentissage puisque il s’agit de connaître la machine dans ses moindres détails
et secrets. Mais attention : pour chaque nouveau cadran que l’on entame ces réglages sont
à refaire !
La production de pièces vient ensuite : différentes figures sont à apprendre, de la plus simple
à la plus compliquée. Tout au long du cours, les apprentis ont pu s’exercer sur plus de 200
pièces (plaques de cadrans essentiellement) et tester différents métaux. Ils ont ainsi évolué
au niveau des figures mais aussi quant aux matières utilisées. En effet. il est important pour
un guillocheur de connaître les caractéristiques de la matière qu’il est en train de graver, car
les différents métaux se comportent différemment durant les opérations de gravage et le
résultat final (l’éclat brillant en particulier) est différent selon la matière utilisée.
L’exécution d’une pièce faite à la main peut prendre plusieurs heures. Or la demande
pressante de l’industrie veut toutefois que l’on se lance dans la productivité. « La demande
de cadrans guillochés à la main de la part des entreprises est de plus en plus
grande…actuellement, nous devons parfois même refuser des commandes » nous confirme
M. Luis Villa, directeur de la maison « Les Cadraniers de Genève ». Il estime en outre que
2
son employé qui a suivi le cours a maintenant de bonnes bases…et qu’il va pouvoir les
mettre en pratique dans son activité de tous les jours.
« Nous sommes heureux que nos employés aient suivi ce cours » affirme M. Jean-Claude
Degoumois, responsable de ligne au sein de Rolex Genève, « un cours enrichissant même
si effectué sur des machines datant du début du XXe siècle, car l’enseignement des
subtilités de cet ancien métier est fortement appréciable ». Les deux employés formés lors
de ce cours permettent ainsi à cette grande maison de l’horlogerie suisse de maîtriser
l’ensemble des techniques, anciennes comme nouvelles, pouvant être mises en œuvre pour
la réalisation de pièces guillochées.
…et ce n’est pas fini !
En présence des représentants des entreprises formatrices, M. François Matile, secrétaire
général de la CP, décerne aujourd’hui un diplôme aux trois nouveaux guillocheurs. Accueillie
dans les locaux du Musée de l’horlogerie et de l’émaillerie de Genève, la manifestation
permettra également aux participants et aux organisateurs d’exprimer à M. Rosenberger
toute leur reconnaissance pour le rôle d’enseignant qu’il a si courageusement assumé et
défendu. Cet engagement permet d’assurer la transmission et la sauvegarde de ce savoir
essentiel
à
la
belle
horlogerie
suisse.
Et la survie du guillochage semblerait bel et bien assurée puisque deux autres entreprises
ont d’ores et déjà contacté M. Rosenberger et la CP afin d’organiser de nouveaux cours qui
débuteront dans le courant de l’année. La montée en valeur de la montre mécanique et
l’accent que l’horlogerie suisse porte sur le haut de gamme sont probablement à l’origine de
ce retour : le métier de guillocheur retrouve une place prestigieuse dans la production
horlogère.
*****
Le guillochage au Musée
La Convention patronale de l’industrie horlogère a souhaité marquer la fin du cours de
guillochage tout en témoignant de son attachement à une institution telle que le Musée de
l'horlogerie et de l'émaillerie de Genève. Ce dernier a généreusement accepté d’ouvrir ses
portes à une manifestation liée au « retour » d’un métier traditionnel de l’horlogerie : un
événement que l’on espère de bon augure pour la renaissance du Musée.
Fermé au public suite à un vol par effraction subi en 2002, le Musée de l'horlogerie et de
l'émaillerie de Genève entre actuellement dans une phase de renouveau. En effet des
travaux d’étude pour un réaménagement muséographique complet sont en cours. Ils
prévoient également l’agrandissement du bâtiment avec adjonction d’un espace d'exposition
supplémentaire. D’autre part l'institution se ressource activement grâce à la générosité de
personnes privées et de sociétés. Des achats sont en outre menés en vue de compléter les
collections qui, à moyen terme, seront rendues au public dans un décor renouvelé.
Entre temps, la collection du Musée de l’horlogerie et de l’émaillerie de Genève reste
présente : la prochaine exposition consacrée à sa collection de pendulerie est organisée au
Musée d’art et d’histoire de Genève, du 23 juin au 31 octobre 2005. Plus d’une centaine de
pièces, dont une douzaine de chefs d’œuvre, seront présentés au public dans un parcours
inédit.
3
A propos du guillochage
L’art du guillochage (et plus précisément le verbe guillocher) doit probablement son nom à
un ancien terme italien « ghiocciare » (goutter), lui-même dérivé du mot « goccia » (goutte).
Le verbe « ghiocciare » a dû signifier « orner de lignes entrelacées » - l'italien « goccia » et
le français « goutte » ayant eu un sens dans les décors architecturaux du XVIe siècle.
Né au XVIe siècle pour décorer des surfaces métalliques et non métalliques, il apparaît dans
l’horlogerie au XVIIIe siècle. C’est à l’époque que l’on cherche une solution pour rendre les
surfaces métalliques plus durables afin de trouver une alternativeau cuir que l’on utilisait
pour revêtir les montres. En effet, sur une boîte de montre polie, les rayures sont visibles très
rapidement : la gravure devient alors un excellent moyen de protéger ces surfaces de l’usure
et du ternissement, tout en leur conférant un aspect décoratif. Le guillochage connaît ses
heures de gloire au XIXe siècle jusqu’au début du XXe siècle. Outre ses applications en
horlogerie, la technique du guillochage est utilisée alors pour la décoration d’objets divers
tels que médaillons, étuis à cigarettes, briquets, tabatières, stylos, cadres, etc. Avec l’arrivée
de techniques industrielles (comme la machine automatique, l’estampage ou encore les
machines numériques),le métier de guillocheur sera progressivement remplacé par des
opérateurs machinistes.
Les machines à guillocher se divisent en deux catégories liées aux deux exécutions de base
: celles qui exécutent un mouvement courbe (nommées « tour à guillocher ») produisant des
lignes circulaires, et celles avec mouvement rectiligne (dites « lignes droites ») qui
permettent de graver des lignes droites ou brisées. En variant ensuite l’espacement et
l’entrecroisement de ces lignes, il est possible d’obtenir une quantité infinie de décors et de
trames, du motif géométrique à celui plus fantaisiste. A noter que certains décors guillochés
classiques portent des noms spécifiques comme par exemple le « grain d’orge», le « clou de
Paris », le « pavé de Paris » ou encore le « flinqué ». L’art du guillochage s’allie parfois à
celui de l’émaillage puisqu’il est possible de recouvrir les parties guillochées d’un émail
transparent.
La Chaux-de-Fonds, le 9 juin 2005
Pour tout renseignement :
Mme Nadia Fustinoni,
Chargée de communication - documentation
Tél : 032 / 910 03 83 / Fax : 032 / 910 03 84
e-mail : [email protected]
La Convention patronale de l'industrie horlogère suisse est l'organisation faîtière des
employeurs de l'industrie horlogère et microtechnique. Elle regroupe 400 entreprises
occupant près de 34'000 travailleurs. "Politique patronale", "Formation professionnelle",
"Santé et Sécurité au travail" et "Communication - documentation" constituent les 4
secteurs d'activité de cette organisation. Son Président est M. Jean Cavadini, ancien
Conseiller aux Etats, ancien Conseiller d'Etat et son Secrétaire général, M. François
Matile.
4