Acné chez une Adolescente Quel traitement pour quelle

Transcription

Acné chez une Adolescente Quel traitement pour quelle
Cas clinique
Acné chez une adolescente
Quel traitement pour quelle gravité ?
Isabelle, 15 ans et demi, consulte pour des papulopustules siégeant sur les
deux joues, sur le front ainsi que quelques-unes sur le menton associées à des
comédons sur le nez et le menton avec une tendance cicatricielle aux tempes
et aux épaules. Une amélioration transitoire a été notée au cours de l’été, mais
Dr Françoise Raynaud,
Dermatopédiatre,
Hôpital des Adolescents
Maison de Solenn,
Paris
a été suivie par la récidive avec des poussées cataméniales.
Quel est votre
diagnostic ?
En premier lieu, l’acné polymorphe.
Cependant on peut aussi évoquer des
folliculites infectieuses ou non. Chez
l’adolescent, le premier diagnostic
différentiel est les folliculites à Gram
négatif, qui surviennent souvent sur
une acné traitée. Les folliculites sont
des inflammations suppurées du follicule pilosébacé. Il s’agit d’une pustule
centrée par un poil.
Les folliculites à Gram négatif posent
un problème diagnostic avec l’acné.
Elles sont fréquemment méconnues
compliquant parfois un traitement
prolongé par des cyclines pour une
acné ou du fait de l’utilisation chronique de savon antiseptique. Il s’agit
de papulopustules ou de nodulokystes
periorificielles centrofaciales plus
volontiers sous-narinaires. Seul un
prélèvement bactériologique permet
de diagnostiquer les bactéries Gram
négatifs : Protéus, E. coli, Klebsiella,
Enterobacter cloacae, Pseudomonas,
Citrobacter. Elles nécessitent un arrêt
des cyclines et l’utilisation d’ampicilline ou de cotrimoxazole voire d’isotrétinoïne.
Quelle est votre
attitude ? Que lui
conseillez-vous ?
Vous recherchez les signes associés
à l’acné : la séborrhée avec une peau
22
Papules avec de nombreuses pustules et quelques comédons sur le front.
grasse et des cheveux gras. En effet,
l’acné, par définition, associe l’hypersécrétion sébacée à la rétention sébacée du fait de l’obstruction folliculaire.
Le second signe est l’excoriation, qui
parfois défigure l’adolescent et peut
être source de cicatrices. L’excoriation
est témoin du mal-être.
Il est à noter que, sur le plan physiopathogénique, la glande sébacée est
un organe endocrine autonome répondant aux variations hormonales.
De plus, l’hypersensibilité du follicule
pilosébacé à la dihydrotestostérone
induit une production sébacée accrue.
La nouveauté est que la glande sébacée est un centre de contrôle de l’ac-
tion des neuropeptides, elle est régulée par le stress. Ainsi cela explique la
grande fréquence de l’acné chez l’adolescent (85 %).
Pour revenir à la clinique, tout d’abord,
il faut interroger sur les antécédents
familiaux d’acné, sur les habitudes de
vie, sur les cosmétiques utilisés s’il y en
a, ainsi que sur les traitements antérieurs utilisés.
La particularité de ce cas clinique est
la survenue de cicatrices, qui fait partie des indications de l’isotrétinoïne,
après avoir eu un traitement bien
conduit plus de quatre mois associant un traitement antibiotique (la
Adolescence & Médecine • Novembre 2013 • numéro 6
L’encéphalite à anticorps anti-récepteur au NMDA
doxycycline à doses non antibiotiques
[40 mg/j]) à un traitement rétinoïde
local (triacnéal) ainsi que du peroxyde
de benzoyle. Ceci justifie de proposer
un traitement par l’isotrétinoïne. Mais
la jeune fille était accompagnée par sa
mère, qui était réticente pour l’institution de ce traitement.
Cette acné est de gravité moyenne.
Pour vous aider à évaluer la sévérité de
l’acné, vous pouvez vous aider d’une
échelle élaborée par un groupe de dermatologues français avec des photos
cliniques du visage pour classer la gravité (1). Un consensus sur les stades de
gravité et sur le traitement en fonction
de la gravité de l’acné a été trouvé par
des experts internationaux (2).
Dans un premier temps, on propose
un contraceptif oral progestatif associé
ou non à la prise d’acétate de cyprotérone (5 mg), sans oublier de vérifier
l’absence d’antécédents de phlébites
voire de thromboses.
Si le résultat est insuffisant, elle sera
mise sous isotrétinoïne avec accord
parental, sinon il faudra attendre sa
majorité. Pour se faire, il faut :
• avertir des effets secondaires ;
• donner le formulaire de consentement éclairé, à lire et à rapporter signé
à la prochaine consultation ;
• mettre en place une contraception
efficace pendant la durée du traitement et les mois qui suivent l’arrêt
(avec examen gynécologique préalable et dosages des HCG de moins de
3 jours tous les mois, préalablement
à la délivrance par le pharmacien de
l’isotrétinoïne, ainsi que tous les mois
au début, puis tous les 3 mois un dosage des transaminases, cholestérolémie et triglycéridémie - à jeun depuis
12 h).
L’assiduité aux rendez-vous mensuels
est indispensable pour vérifier que
le dosage prescrit est suffisant selon
la clinique. On débute à une posologie moyenne 0,5 mg/kg/j puis on
peut augmenter jusqu’à 1 mg/kg/j.
La dose totale cumulative par cure est
120 à 150 mg/kg/j en traitement conti-
Menton avec lésions excoriées.
nu afin d’éviter les récidives. Parfois,
il existe des aggravations importantes
en début de traitement expliquant
la nécessité de traiter préalablement
l’acné avant la mise en place de ce
traitement. L’amélioration pour la séborrhée est notée dès la première semaine, l’augmentation des papulopustules survient à la deuxième semaine,
les lésions du visage commencent à
s’améliorer dès la quatrième semaine
et celles du dos dès la sixième semaine.
Les effets secondaires
Au premier plan, il s’agit de tératogénicité. Les effets cutanéomuqueux
sont réversibles à l’arrêt du traitement : chéilite témoin de la prise du
traitement, sécheresse oculaire avec
irritation, épistaxis, desquamation des
extrémités, fragilité cutanée pour les
plus fréquents. Lors de myalgies, doser
les CPK lors d’augmentations importantes et faire limiter le sport. Sur le
plan biologique, l’atteinte hépatique
est notée dans 5 à 10 % des cas alors
que les anomalies lipidiques, hypercholestérolémies et/ou triglycéridémie existent dans 10 à 20 % des cas,
pouvant nécessiter la mise au régime.
Les épisodes dépressifs associés sont
de l’ordre de 5 %. La prévalence des
dépressions et suicides varie d’une publication à l’autre. Il n’est pas facile de
faire la part des choses entre la dépression de l’adolescent et celle induite par
l’isotrétinoïne. Donc, il faudra faire
des consultations multidisciplinaires
somatiques et psychiatriques dès la
survenue de troubles de l’humeur
(pleurs). A l’inverse, la survenue d’une
acné avec ses lésions affichantes va
aggraver les syndromes dépressifs discrets ou les caractères dépressifs.
Mots-clés :
Acné, Papulopustule, Folliculite, Excoriation, Antibiotiques, Isotrétinoïne,
Contraceptif oral
bibliographie
1. Dréno B, Poli F, Pawin H et al. Development and
evaluation of a Global Acne Severity Scale (GEA
Scale) suitable for France and Europe. J Eur Acad
Dermatol Venereol 2011 ; 25 : 43-48.
2. Thiboutot D, Gollnick H, Bettoli V et al. New insights
into the management of acne: an update from the
Global Alliance to Improve Outcomes in Acne group.
Global Alliance to Improve Outcomes in Acne J Am
Acad Dermatol. 2009 ; 60 : S1-50.
3. Féton-Danou N. Psychological impact of acne
vulgaris. Ann Dermatol Venereol. 2010 ; 137 : S6265.
Adolescence & Médecine • Novembre 2013 • numéro 623