TÉLÉRAMA 18 novembre 1981

Transcription

TÉLÉRAMA 18 novembre 1981
TÉLÉRAMA 18 novembre 1981
I
l était Molière dans le film d’Ariane
Mnouchkine. Il explique en toute
simplicité que cela lui a donne envie
de faire l’auteur ; de régler mot par
mot cette Danse du diable qu’il nous offre
aujourd’hui à Ivry, après l’avoir créée à
Avignon cet été.
Une soif d’écriture qui le démangeait
pourtant depuis sa jeunesse à Aix. Mais
sept ans passés au Théâtre du Soleil
l’avaient un peu cantonné au métier
d’acteur. Huit heures par jour : plus le
temps de prendre la plume : “ J’avais
pourtant débuté sans l’idée de rentrer dans
une troupe. Seulement, il y avait des choses
que je ne pouvais apprendre tout seul. Le
problème pour beaucoup d’acteurs
aujourd’hui, c’est de se trouver un
maître. ”
Une fois le compagnonnage accompli,
Philippe Caubère retourne enfin à ses
premiers rêves. S’écrire un beau texte pour
rire et pour pleurer. Se faire un magnifique
numéro d’Arlequin derrière une confidence
autobiographique à peine déguisée.
Il avoue qu’à force de refuser de se
L E C O ME D I E N - RO I
Il sait tout faire, il se glisse dans quatre ou
cinq personnages à la fois, il ensorcelle les
spectateurs et joue sur tous les registres. Un
diable d’homme pour La Danse du diable.
Redoutable, inquiétant. Et irrésistible.
Parce qu’il sait mettre son coeur à nu avec
une magistrale impudence, Philippe Caubère
bouleverse l’auditoire. Le public pleure de
rire, applaudit à tout rompre.
Un magicien de théâtre, un génial cabotin,
un fameux comédien. Le pouvoir de la scène
à l’état pur. Dans un époustouflant jeu de
streap-tease mentaI, Philippe Caubère ne
parvient-il pas à faire revivre le copain
d’enfance, la commère voisine, la vieille prof
de théâtre, la mère morte. il s’accouche, il n’a
plus besoin de personne, il est roi.
raconter, par crainte d’être un acteur
narcissique, excessif, il avait tout
sim-plement perdu la joie de jouer. “ Je
devenais malade, j’avais l’impression que
mon métier ne me servait à rien, ne
présentait aucun intérêt. ”
Pour retrouver le goût de la scène, Philippe
Caubère devait renverser ses tabous
personnels, le chagrin de la mère morte,
des amis enfuis, et redonner un sens à son
métier.
“ Je voudrais que mon spectacle soit clair
et naïf comme un film de Chaplin.
Pourtant, je ne comprends même pas les
trois quarts de ce que j’ai écrit. J’ai trop
travaillé dans l’impulsion, l’émotion. J’ai
élaboré mon texte selon un découpage
d’improvisation. Seules mes manigances
d’acteur peuvent le rendre cohérent ”.
Avec son accent qui chante la Provence
et ses grands yeux bleus en forme
d’amande, Philippe Caubère a des élans de
grand enfant. Mais il a trente-et-un ans. Et
il rêve de gloire.
Il vous explique gravement la
diffé-rence avec la célébrité : “ La gloire
peut ne durer qu’un instant, le temps d’un
immense risque, mais la meilleure occasion
de faire pleurer les gens ”.
Fabienne Pascaud
• La Danse du diable au Théâtre d’Ivry –
1, rue Simon Dereure. 672-37-43.
Du 25 novembre au 19 décembre.
Philippe Caubère – Les pièces - La Danse du Diable