Figurines grecques en contexte. Présence muette dans le

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Figurines grecques en contexte. Présence muette dans le
Sélection d’ouvrages présentés en hommage
lors des séances 2016 de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
« J’ai l’honneur de déposer sur le bureau de l’Académie, de
la part de ses éditeurs scientifiques, Stéphanie Huysecom-
Haxho et Arthur Muller, le dixième volume de la collection
Archaiologia, publié en 2015 par les Presses du
Septentrion sous le titre Figurines grecques en contexte.
Présence muette dans le sanctuaire, la tombe et la maison.
Ce volume de 493 pages réunit sous un titre commun
d’une part les actes du 35e symposium international de
l’UMR 8164-HALMA (université Lille SHS, 7-8 décembre
2011), intitulé Figurines en contexte : iconographie et fonction(s), d’autre part quatre
communications présentées par le Coroplastic Studies Interest Group sous le titre Silent
Participants. Terracottas as Ritual Objects lors de la 113e rencontre de l’Archaeological
Institute of America (Philadelphie, 6 janvier 2012). La réunion en un seul volume de
communications issues de ces deux rencontres à l’origine indépendantes, mais portant
sur des thèmes voisins, met en évidence combien la coroplathie est désormais
définitivement sortie de l’ombre de la grande plastique et du domaine étroit de l’histoire
de l’art. Il convient de souligner le rôle pionnier joué dans ce mouvement par l’équipe de
recherche lilloise conduite par A. Muller, qui s’était déjà fait connaître par ses travaux
sur les techniques de fabrication et la diffusion des figurines de terre cuite et qui a
désormais orienté ses recherches sur un autre aspect de la production artisanale dont le
présent volume porte la marque – celle d’une archéologie de la religion.
Les vingt-quatre communications réunies dans ce volume sont organisées en
quatre chapitres. Le premier chapitre – “Interpréter des terres cuites figurées” – est
consacré à des productions d’un type particulier (les rondes que forment des figures
féminines disposées en cercle, le type de la fille au pavot mis au jour dans le dépôt votif
de Catane, les figurines de nains ventrus ou les têtes isolées de femmes) ; les trois autres
chapitres étudient des ensembles en fonction des contextes où ils ont été mis au jour :
les sanctuaires (ch. 2. – “Sanctuaires : pratiques rituelles, sphère d’activités des divinités
dédicataires”), les tombes (ch. 3. – “Terres cuites figurées en contexte funéraire”) et
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l’espace domestique (ch. 4. – “Quelles fonctions pour les terres cuites en contextes
profanes ?”). Ce sont autant d’études de cas dans un cadre chronologique et
géographique très large, puisque les contributions courent de la période mycénienne
jusqu’à l’époque byzantine et concernent un espace géographique qui va du ProcheOrient jusqu’à la péninsule Ibérique ; la plupart d’entre elles, néanmoins, concernent le
bassin égéen de l’époque archaïque à l’époque hellénistique. L’ouvrage se clôt sur une
« bibliographie cumulée » de cinquante pages.
En dépit de l’ampleur du cadre, le volume présente une forme d’unité et de
cohérence. Il s’inscrit dans un mouvement général de la recherche en coroplathie qui,
sans abandonner l’étude matérielle des terres cuites, s’efforce d’en analyser la
signification et la fonction. Comme le rappelle l’avant-propos, l’interrogation n’est certes
pas nouvelle, mais
elle s’appuie aujourd’hui
sur
“une base documentaire
considérablement élargie, établie désormais de façon bien plus rigoureuse et envisagée
avec des méthodes évidemment renouvelées” (p. 8). En dehors des objets clairement
identifiés comme des jouets ou comme des éléments de décoration, figurines et
protomés se rencontrant majoritairement dans des sanctuaires et dans des tombes,
“leur signification est à chercher du côté des pratiques et de la pensée religieuses”
(p. 423).
La question de la signification suppose toutefois que soit préalablement traitée
celle, indissociable, de l’identification des figures anthropomorphes indifférenciées,
largement majoritaires au sein de la production, en l’absence de toute caractérisation
indiscutable qui permette de reconnaître une Artémis ou une Aphrodite, par exemple :
réduite à ses éléments essentiels, la question de l’identification de figurines ou de
protomés indifférenciées consiste alors à déterminer si elles représentent des divinités
ou des mortel(le)s. Si leur identification comme des représentations divines a largement
prévalu par le passé, les positions d’un Christian Sørensen Blikenberg au début des
années 1930 demeurant minoritaires, le mouvement s’inverse désormais et leur
interprétation comme des figures de mortel(le)s rencontre davantage la faveur des
chercheurs. Cette évolution est sensible à la lecture des contributions réunies dans ce
volume, même s’il s’y trouve encore des tenants de l’interprétation comme figures
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divines, même si l’on perçoit ici et là les tentatives d’une improbable synthèse entre les
deux formes d’interprétation.
Mais il ne suffit pas de dire que ces figurines ou ces protomés non caractérisées
représentent des mortel(le)s : il faut aussi dire pourquoi et expliquer les raisons pour
lesquelles on les offrait dans les sanctuaires ou on les déposait dans les tombes. C’est ici
qu’interviennent
l’analyse
et
l’interprétation
des
types
et
des
marqueurs
iconographiques ; c’est ici qu’intervient également la notion essentielle de “contexte”
dans ses diverses acceptions : le contexte archéologique proprement dit, primordial
pour la datation ; le lieu, sanctuaire, tombe ou espace domestique ; l’assemblage au sein
duquel les figurines prennent place ; le contexte social de leur production (p. 436).
Interprétées comme “des représentations, conventionnelles et génériques, de
mortel(le)s dans leurs statuts sociaux et familiaux respectifs” (p. 431), le chef de famille,
l’épouse et la mère, le kouros ou la nymphè, la parthenos, figurines et protomés ont une
fonction : placer le dédicant sous la protection divine au moment où il accède à un
nouveau statut, lorsqu’elles sont déposées dans un sanctuaire ; offrir au défunt le statut
dont la mort l’a privé en contexte funéraire.
L’article qui clôt le volume et qui est dû à ses éditeurs scientifiques constitue sur
cette évolution de la recherche une excellente mise au point historiographique et
méthodologique. On ne saurait trop conseiller au lecteur de commencer sa lecture par ce
texte, qui permet de mettre ensuite en perspective chacune des contributions. Il offre
aussi de fécondes perspectives de recherche, qui renouvellent singulièrement l’étude
d’une production que l’on a parfois traitée avec condescendance de “pacotille”. »
Dominique MULLIEZ
13 mai 2016
Figurines grecques en contexte.
Présence muette dans le sanctuaire,
la tombe et la maison.
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