Maternité : un seul site de naissance à Epinal

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Maternité : un seul site de naissance à Epinal
Fait du jour
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Les quatre experts missionnés par l’ARS
Dr Cyril Schweitzer, pédiatre au CHU de Nancy. Dr Jean­Michel Hascoët, pédiatre spécialisé dans la néonatalogie au CHU de Nancy. Gérard Audibert, professeur de réanimation­
anesthésie au CHU de Nancy. Le professeur Morel en charge du pôle obstétrique à la
maternité régionale à Nancy. Photos Philippe BRIQUELEUR
Maternité : un seul site de naissance à Epinal
Transférer toutes les urgences, les accouchements et les gardes à Epinal en proposant plus de services en journée à Remiremont. C’est ce que proposent les experts missionnés par l’Agence régionale de santé.
ÉPINAL ET REMIREMONT
L
es quatre experts manda­
tés par l’Agence régiona­
le de santé (ARS) dans le
cadre de la mise en place
d’une maternité dans les bas­
sins de vie d’Epinal et de Remi­
remont ont clairement indiqué
que la balle était maintenant
dans le camp du corps médi­
cal. Les docteurs Audibert
(anesthésie), Hascoët (néona­
talogie), Morel (obstétrique) et
Schweitzer (pédiatrie) se sont
réunis à Nancy ce vendredi
midi pour expliquer le fond de
leur réflexion.
Ils préconisent de regrouper
les équipes tout en continuant
à fonctionner sur les deux
lieux. Ils proposent de transfé­
rer sur le nouvel hôpital d’Epi­
nal ­ car la bascule ne pourrait
pas se faire dans l’ancien ­ tout
ce qui a un caractère d’urgen­
ce. Donc, l’ensemble des
accouchements réalisés
actuellement (500 à Epinal et
800 à Remiremont) seraient
réalisés à Epinal.
Parallèlement, ils proposent
de développer d’autres sec­
teurs à Remiremont, comme
not a m m e n t l’acc uei l d es
urgences de pédiatrie en jour­
née. Tout ce qui serait urgence
de nuit serait pris en charge
par Epinal.
Avec la garantie d’avoir un
vrai système de garde, et non
pas des astreintes de nuit,
comme actuellement à Remi­
remont. « Nous devons avan­
En chiffres
cer vers un projet médical
commun. Il faut que les deux
équipes fusionnent et se met­
tent d’accord », explique le
professeur Jean­Michel Has­
coët. « Une belle unité peut
exister sur les deux sites et
travailler sur la complémenta­
rité. On ne peut plus se per­
mettre des doublons aujour­
d’hui. »
Au­delà du choc affectif que
peut représenter la disparition
d’une maternité à Remire­
mont, ou des querelles politi­
ques, les médecins ont surtout
réfléchi à la qualité des soins
proposés dans les Vosges à
moyen et à long termes.
Dr Schweitzer, pédiatrie
« Quand la maternité de Remiremont a été mise en place dans les années soixante, on voulait convaincre
les femmes d’aller accoucher à l’hôpital. »
Attractivité pour les médecins
Le principal souci, c’est la
taille des équipes et la possibi­
lité à ce petit niveau d’assurer
un service 24 h/24. « Il vaut
mieux être le sixième d’une
équipe de six que le deuxième
d’une équipe de deux », souli­
gne le professeur Olivier
Morel.
Car le problème se pose aus­
si en termes d’attractivité pour
les jeunes médecins. Le pro­
fesseur Audibert donne
l’exemple de sa spécialité :
l’anesthésie. « Je n’ai aucun
jeune anesthésiste qui voudra
s’installer à Remiremont. Les
jeunes anesthésistes qui tra­
vaillent à Epinal continuent à
habiter à Nancy. » Là aussi,
c’est le système des gardes
La maternité de Remiremont serait transformée en « unité de soins non programmés » et fonctionnerait uniquement le jour.
Photo d’archives Eric THIÉBAUT
qui sont de plus en plus diffici­
les à assurer dans des petites
équipes. Avec une jeune géné­
ration de médecins qui ne veut
plus fonctionner « à l’ancien­
ne ». « Le seuil critique pour
une équipe, c’est huit person­
nes », souligne le professeur
Audibert. « A Remiremont, il y
a cinq anesthésistes, dont
deux ont plus de soixante ans.
Ils font trente gardes par
mois », précise le médecin
tout en posant clairement la
question de cette petite équipe
dans l’avenir.
Même constat pour la pédia­
trie et la néonatalogie. Pour
garantir une qualité de soins, il
faut obligatoirement une plus
grande équipe qui puisse
assurer les urgences sur un
seul site expliquent les méde­
cins.
L’avis émis par les experts
n’est que consultatif. La déci­
sion finale appartiendra à
l’Agence régionale de santé.
En attendant, les médecins
des maternités d’Epinal et de
Remiremont sont appelés à
fonctionner en équipe…
Katrin TLUCZYKONT
« Une mortalité plus importante »
REMIREMONT
14 623. ­ La pétition en
ligne contre la fermeture de
la maternité de Remiremont
compte 14 623 soutiens.
800 naissances/an. ­ La
maternité romarimontaine
effectue 800 naissances
par an et 700 interventions
chirurgicales obstétriques.
500 à Epinal.­ La materni­
té publique d’Epinal effec­
tue 500 accouchements par
an. Avec la clinique privée
La Ligne bleue, il y a
1 200 accouchements par
an à Epinal.
800 équivalents temps
plein. ­ L’hôpital de Remire­
mont est le premier
employeur du secteur avec
800 équivalents temps
plein, dont 57 travaillent à la
maternité.
« L’accouche­
ment n’est qu’une toute petite durée sur l’ensemble du suivi de la femme enceinte. »
Pas grand­chose de neuf à se mettre sous la
dent pour le comité de défense de la maternité
de Remiremont. Les quatre experts mandatés
par l’Agence régionale de la santé (ARS) dans le
cadre de la mise en place d’une maternité dans
les bassins de vie d’Epinal et de Remiremont
(lire ci­dessus) ont toujours autant le don de
l’énerver. « Ils restent sur leur ligne, ils ne disent
rien sur la sécurité des usagers. Pour des
experts, c’est scandaleux. Prolonger le temps,
c’est s’exposer à une mortalité plus importante.
On met tout le monde sur la route. Quand
va­t­on prendre cette question au sérieux ? »,
réagit, sidéré, Jean Pierrel, qui voit gros comme
une maison une future désertification médicale
dans les vallées. Le néant après la prospérité.
Jean Pierrel a aussi ses repères historiques.
« Quand on a fait la maternité de Remiremont,
historiquement, il y avait aussi une maternité à
Gérardmer, à Bussang, à Cornimont et à
Luxeuil­les­Bains. Des maternités de proximité.
Elles ferment les unes après les autres. Celle de
Remiremont est neuve, fonctionnelle, avec une
équipe soudée », répète à l’envi celui qui conti­
nuera à démonter un par un les arguments des
experts qui se cachent, selon lui, derrière des
clichés habituels. « Dire que les jeunes méde­
cins ne veulent pas venir, c’est faux, un certain
nombre a le sens du service public », rappelle
Jean Pierrel. Il porte l’estocade : « L’ARS refu­
se, par le biais de responsable des études médi­
cales en anesthésie, que des assistants anes­
thésistes viennent à Remiremont. » Le
problème financier est la seule explication vala­
ble, selon lui. « On ne va pas se laisser faire car
c’est le démantèlement annoncé de l’hôpital »,
prévient­il. Lui et le comité ne chôment donc
pas. Ils exposeront lundi leur expertise citoyen­
ne au directoire de l’hôpital Emile­Durkheim, ils
seront reçus à l’ARS jeudi 30 juin entre 11 h et
12 h et rendront compte de toutes leurs entre­
vues lors d’une réunion publique qui se tiendra
le lendemain à 20 h 30 (lieu à déterminer). Ils ne
sont pas prêts à couper le cordon.
Estelle LEMERLE­COHEN
Dr Morel, obstétrique
« Aucune orientation n’est prise, c’est aux acteurs locaux de s’organiser. »
Dr Hascoët, néonatalogie
« Nous avons plus de vingt maternités en Lorraine et nous sommes classés avant­dernière région métropolitaine française. »
Jean Pierrel ne comprend pas que la question de la sécurité ne soit toujours pas traitée.
Photo d’archives Eric THIÉBAUT
Pr Morel, obstétrique
Cinq mois de mobilisation
14 janvier : risque de ferme­
ture de la maternité de Remi­
remont.
18 janvier : ouverture d’une
pétition. Le 28 janvier, date de
fin de la pétition, 4 759 signa­
tures récoltées en ligne contre
la fermeture.
11 février : réunion entre
l’Agence régionale de santé et
les élus.
27 février : réunion publique
organisée par l’association
« Convergence citoyenne » et
Cédric Delacôte, le créateur de
la pétition en ligne, au centre
culturel de Remiremont.
4 mars : la Haute­Saône se
joint à la mobilisation.
9 mars : le rassemblement
pour le maintien de la materni­
té dans les rues de Remire­
mont attire près de 2 000 per­
sonnes venues défendre ce
service public.
25 avril : rédaction d’un livre
blanc par le comité de soutien.
14 juin : le comité de soutien
à l’hôpital de Remiremont fait
le point sur son action et
annonce une réunion publi­
que le 1er juillet.
samedi 18 juin 2016
A Remiremont, le 9 mars dernier, près de 2 000 personnes ont manifesté. Photo d’archives Jérôme HUMBRECHT
La Liberté de l’Est ­ L’Est Républicain