LA COMMERCIALISATION DE LA VIANDE DE BROUSSE EN

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LA COMMERCIALISATION DE LA VIANDE DE BROUSSE EN
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Option Biologie Animale
LA COMMERCIALISATION DE LA VIANDE DE BROUSSE
EN MILIEU RURAL : Cas de KASUGHO, Province du NordKivu, RD du Congo.
Joël MBUSA MAPOLI : Assistant à l’Université de Conservation
de la Nature et de Développement de Kasugho
RESUME
La commercialisation de la viande des brousses est une activité lucrative dans beaucoup de
milieux et plusieurs espèces animales sont chassées pour cette fin. Dans l’agglomération de
Kasugho, les espèces fréquemment chassées ne sont connues que par les acteurs exploitant ce
secteur.
La présente étude avait pour objectifs, identifier les espèces animales sauvages victimes de la
commercialisation comme viande des brousses par la population de Kasugho, en Province du
Nord-Kivu, à l’Est de la République Démocratique du Congo.
Au total, 54 individus de l’espèce Cercopithecus ascaniu, 53 Singes non identifiés (autres
singes), 23 individus de l’espèce Cricetomys emine, 19 individus de l’espèce Athérurus
africanus, 8 Funisciurus lemniscatus et 2 Cepholophus monticola.
L’analyse des résultats nous a montré que les espèces Cercopithecus ascaniu et autres singes
sont les plus commercialisées avec une fréquence de 68%, suivit de l’espèce Cricetomys
emine avec une fréquence de 14%. L’espèce Cepholophus monticola est en dernière position
avec 1,21%.
I. INTRODUCTION
Le problème de la commercialisation de la viande de brousse embrasse presque toute
l’Afrique et l’Asie, et représente pour une multitude d’espèce de la vie sauvage (APE, A.,
1998).
La flore et la faune de l’Afrique est un patrimoine vaste et diversifié, avec plus de cinq mille
espèces de Mammifères et mille cinq cents espèces d’oiseaux. Traditionnellement, les sociétés
dépendaient, pour leurs survie, de ces espèces indigènes et ont développé des méthodes pour
les protéger et les conserver dans l’intérêt de leur génération mais aussi des générations
futures (PNUE,2000), par contre, l’homme actuel, en voulant s’enrichir plus, décime la faune
et son biotope.
Dans la région géographique de l’Afrique Centrale et Occidentale, on peut présumer que
toutes les agglomérations urbaines sont des foyers causant l’augmentation du commerce des
animaux sauvages (Op.cit)., par ailleurs, les animaux sauvages vivant dans cette région
resteraient menacés par l’humanité en vue de ravitailler les centres urbains.
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Depuis que le commerce de la viande de brousse a généré un intérêt lucratif, les populations
riveraines des aires protégées sont devenues une menace pour la faune. Au Cameroun, le
gibier était échangé contre les produits ou les outils agricoles ; l’introduction de la monnaie
surtout au 207 Siècle bouleverse les habitudes (www.ulb.ac).
En République Démocratique du Congo, selon HART cité par APE (1998), la chasse
traditionnelle des pygmées MBUTI d’Ituri s’est traduite en chasse commercialisée avec le
contact des commerçants de viande.
L’Afrique équatoriale est la région au monde où la destruction des espèces sauvages et la
consommation des espèces de faune menacées se développent le plus rapidement
(ANTHONY L. et al. ,2004).
Il y a des milliers d’années, les sociétés traditionnelles africaines ont développé des méthodes
durables de chasse et de commerce (Idem), cependant, avec l’arrivée des Blancs, la situation
devait forcément changer. Insensiblement au début, mais toujours en s’aggravant, la
contribution du gibier fut requise pour le ravitaillement du personnel des postes crées un peu
partout (ANONYME I).
A fait, la faveur lucrative accordée aujourd’hui au commerce de la viande des brousses
resterait à la base de son intensification dans le monde. A en croire : « cet esprit de commerce
accompagné quelque fois de coercition a amené à une organisation souvent hiérarchique de la
commercialisation lucrative du gibier où les patrons Bantu se servent des chasseurs
pygmées » (APE, A., 1998).
En Afrique Centrale et en Afrique de l’Ouest, les sociétés forestières ont l’habitude de
sacrifier la sécurité des hommes, l’investissement économique public, la protection de
l’environnement, la durabilité des écosystèmes et les coutumes locales au profit des bénéfices
monétaires plus élevés. Le commerce de viande de brousse (Bush meat) subviendrait aux
besoins vitaux de la communauté locale qui se sent désaltérée de sa paupérisation. A en
croire, au Cameroun, Madame EKWA entretient sa famille grâce au commerce du boucané :
« Grace au commerce de la viande des brousses, je contribue à l’économie familiale (achat
des fournitures scolaires et vêtements pour les enfants, soins de santé). Je résous
quotidiennement mes problèmes de cotisation aisément. Ma dépendance vis-à-vis de mon
mari a diminué » (Op.cit).
L’homme est en fait, le principal instrument des troubles apportés dans les associations
naturelles en équilibre biologique. Qu’il soit autochtone ou colon, l’homme commence par
agir sur la composition de la forêt, puis menace son existence même. (ANONYME II, 2004).
Cet état de chose est favorisé par certains facteurs comme l’urbanisation, les conflits armés.
En effet, selon PNUE (2000), près e trois milliards de personnes, soit la moitié de la
population mondiale environ, vivent dans les zones urbaines et ce nombre augmente de
160.000 chaque jour. ANTHONY L. et al. (2004) ajoute en disant que dans les zones
urbaines, la viande des brousses n’est pas destinée à une population affamée, mais à une élite
disposée à payer bien plus pour la viande d’Eléphants, des Gorilles,…
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Pour JAMES S. et al. (2001), la prolifération des armes provenant des conflits armés
contribue de manière considérable à l’intensification du braconnage dans plusieurs pays,…
Pendant que le monde entier et l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature cherche
à sauver le peu de nature qui nous reste, cette étude a visé à répondre à la question de savoir
quelles sont les espèces plus commercialisées et elles le sont en quelle quantité ?
L’objectif poursuivi dans ce travail était d’identifier les espèces animales chassées, vendues et
estimer leurs quantités.
II. METHODOLOGIE
II.1. Présentation de la zone d’étude
Notre étude s’est effectuée à Kasugho, c’est en Territoire de Lubero, dans la province du
Nord-Kivu, à l’Est de la République Démocratique du Congo. Cette agglomération se
trouve à une distance d’environ 90 Km au Sud-ouest de la Ville de Butembo et 45 Km à
l’Ouest de la Cité de Lubero et elle se situe aux coordonnée géographiques suivantes :
Latitude Sud : 00°15’20.4’’, Longitudes Est : 028°59’59.3’’, Altitude : 1510m. Cette
agglomération se trouve dans la cuvette centrale à coté du Parc National de la Maiko et de
la Reserve Naturelle de Tayna.
La population de Kasugho vit de l’agriculture, élevage et de l’exploitation artisanale des
minerais.
II.2. Récolte des données
Pour la récolte des données nous avons utilisé la méthode d’observation directe appuyée
par la technique d’interview pour nous faciliter l’identification des espèces. En plus, nous
nous sommes familiarisés à certains chauffeurs des véhicules, certains vendeurs et même
certains clients pour nous permettre de connaitre les techniques de chasse et les animaux
les plus chassés. Le guide « Lager African mammals of Africa» de DORST et
DANDELOT nous a aidé lors l’identification.
Pendant 26 jours de terrain, nous avons mené cette étude sur 164 spécimens. Soulignons
ici que la vente ne se fait pas à ciel ouvert, d’où la commercialisation de la viande des
brousses à Kasugho reste un marché noir.
II.3. Traitement statistique
Dans le traitement des donnés, nous nous sommes servi des formules statistiques
suivantes :
F
ni
n
k
x100
n 
 ni
i 1
Fi 
ni
, Où
k = Nombre total, n= taille de
n
l’échantillon, ni= nombre total de l’échantillon, F= Fréquence.
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III.
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RESULTATS
Pour cette étude, les résultats sont présentés sous forme des tableaux.
De prime abord, nous donnons la liste des espèces animales identifiées ;
Tableau 1. Liste des espèces animales identifiées
N°
Espèces
Nombre
Fréquence en %
01
Cercopithecus ascanius+
54
48,21
02
« Autres singes »(Non identifiés)+
53
47,32
03
Cricetomys emini
23
14,00
04
Atherurus africanus
19
11, 50
05
Furnisciurus lemniscatus
8
4,87
06
Piliocolobus pennanti+
5
4,46
07
Cephalophus monicola
2
1,21
164
100
Total
+ = Primates
Commentaire : Il ressort de ce tableau que les Primates (Singes) sont les animaux les plus
frappés par la chasse. Ils représentent à eux seuls une fréquence de68,20 %. Ensuite vient
l’espèce Cricetomys emini qui, elle, représente une fréquence de 14,00%. L’espèce
Cephalophus monicola vient en dernière position avec une fréquence de 1,21%.
Dans le second tableau, il s’agit de présenter les animaux selon leur état lors de la vente.
Tableau 2 : Les animaux observés selon l’état frais ou boucané
N°
Espèce
Nom commun
Nombre selon Etat
Frais
Total
Fréquence
en %
Boucané
01
Primates
Singes
45
67
112
68,29
02
Cricetomys emini
Rat d’Emin
-
23
23
14,02
03
Atherurus africanus
Athérur
-
19
19
11,58
04
Furnisciurus lemniscatus
Ecureuil
-
8
8
4,87
05
Cephalophus monicola
Céphaliophe
-
2
2
1,21
Total
45
119
164
100
Fréquence
27,43
72,56
100
Le tableau ci-haut nous montre que 72,56 % des viandes sont vendues à l’état boucané.
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Ensuite, nous avons porté un regard particulier sur le groupe des Primates.
Tableau 3 : La distribution des individus dans le groupe des Primates
N°
Espèces
Nombre
Fréquence
en %
01.
Cercopithecus ascanius
54
48,21
02.
« Autres singes »(Non
identifiés)
53
57,32
03.
Piliocolobus pennanti
5
4,46
112
100
Total
La tableau sus-indiqué nous renseigne que l’espèce Cercopithecus ascanius est plus victime
avec 48,21% suivi des « autres singes » en raison de 47,32% et enfin, l’espèce Piliocolobus
pennanti avec 4,46.
→ Autres résultats
Tout au long de cette étude, nous avons observé des colis des viandes en bord des véhicules
en destination vers les milieux urbains, notamment Butembo via la cité de Lubero et cella sur
base de commande spéciale ; quatre ivoire d’Eléphants, plus ou moins 20 boites des
cartouches contenant chacune 25 cartouches ainsi que des armes en feu détenues soit
légalement ou illégalement par le civils, les groupes armés dans la région comme les Forces
Armées pour la Libération du Rwanda (FDLR en sigle) ou encore les Forces Armées de la
République Démocratique du Condo (FARDC en sigle). Et selon nos enquêtes, sont les singes
et surtout les cercopithèques qui sont plus chassés par ces armes à feu.
IV.
DISCUSSION
Cette étude a été réalisée sur 164 individus. Ces individus ont été observés directement dans
l’agglomération de Kasugho. La vente se fait clandestinement en employant des termes qui
sont spécifiques comme : « E’hiboro, E’himosio, E’hicolta, Obokwe,… »
Au cours de cette étude, nous avons constaté que le gibier est vendu clandestinement. APE,
A., (1998) a montré que la viande de brousse est généralement vendue au marché.
Vu que la viande est vendue soit boucanée, soit fraiche, nous avons ainsi distingué deux
états : l’état frais et l’état boucané. C’est ainsi que le tableau 2 de nos résultats indique que
59,8% des viandes sont vendues boucanées.
Le site web www.ulb.ac indique que la viande de brousse est généralement vendue boucanée
plutôt que fraiche.
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En dépit de quelques difficultés d’identification de certains primates, nous avons pu identifier
deux espèces et les autres n’ont pas été identifiées suites à leur état et la peur de détenteurs à
répondre à l’interview.
Parmi ces primates, c’est l’espèce Cercopithecus ascanius qui est la plus représenté avec 54
individus, soit 48,21%
Notons que cette dernière est une espèce en danger à cause de sa commercialisation en viande
de brousse (JONATHAN, K., 1997 et IUCN, 2009)
Ces résultats se corrèlent avec : « les singes sont majoritairement chassés sans respecter les
lois qui les protègent » (ANTHONY, L. et al.,2004), ce que confirme les resultats de cette
étude, dans son tableau 3.
En Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale, le commerce de la viande des brousses est un
domaine contrôlé par les femmes. Elles organisent souvent la fourniture des cartouches, la
collecte de la viande et proposent des prix pour certains morceaux de viande et pour les
carcasses entières (Idem).
Notre étude a montré un cas de vente de défense d’animaux. Il s’agit des ivoires d’éléphants.
Ces essences seraient provenues du Parc National de la Maiko et le corridor occupé par la
série des Reserve de L’Union des Associations de Gorilles pour le Développement à l’Est de
la République Démocratique du Congo (UGADEC). Ce constat confirme les résultats
d’OLIVIER (1975) : « le braconnage dans les parcs est une constante menace quotidienne ».
Parlant des cartouches, celles-ci sont vendues par des civils commerçants et quelques fois par
des militaires. A ce sujet, ANTHONY, L. et al. (2004) disent : « des nombreuses armes à feu
utilisée dans les forêts appartiennent à des citadins aisés et puissants qui emploient des
villageois locaux pour pratiquer une chasse illégale. Il ajoute : « en réalité, les munitions et les
fusils font en majorité l’objet d’un commerce illégal au même titre que l’ivoire ».
CONCLUSION
La commercialisation de la viande des brousses est une réalité dans l’agglomération de
Kasugho et cela présente un danger sur la faune sauvage du milieu et ses environs.
A l’issu de cette étude, nous tirons les conclusions suivantes :
 Le commerce de la viande des brousses se réalise sur une diversité d’espèces
animales ;
 Les primates sont les plus touchés suite à l’usage de l’arme à feu dans la technique
de chasse ;
 La viande est vendue soit boucanée, soit fraiche ;
 Il existe aussi le commerce de défenses des animaux, il s’agit ici de l’ « ivoire » ;
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 Il existe dans la contrée, des facteurs favorisant le « Syndrome de forêt vide ». Il
s’agit des armes à feu.
REMERCIEMMENTS
Nous ne saurons clore cette page sans remercier le Chef des Travaux Désiré KHASIRIKANI
pour toutes les directives dans l’accomplissement de cette étude et Monsieur Jean-Paul
KAMBALE VWAMINIVANDU pour sa contribution de loin louable dans la récolte de ces
données.
BIBLIOGRAPHIE
1. ANONYME I : Encyclopédie du Congo belge, Tome II, 667 P ;
2. ANONYME II, 2004 : Conserving Earth’s Living Heritage, Washington DC, 177P;
3. ANTHONY, L. et al., 2004: La nature dévorée, ALTISIMA Press, Paris, 200P ;
4. APE, A. ; 1998 : Le commerce de la viande de brousse, meilleur moyen pour aller
droit à l’extinction, Great Easten House, Cabrizi, 51P ;
5. DORST, J and DANDELOT, P., 1970: Lager African mammals of Africa, ISBN,
Hong Kong, 321P;
6. JAMES, S. et al., 2001: L’herbe foulée: attenuer l’impact des conflits sur
l’environnement, Washongton DC, USA, Biodiversity program, 121P;
7. JONATHAN, K., 1995 : The Kingdon field guide to African mammals, London, 464P ;
8. OLIVIER, S.O., 1975: Natural resource conservation, New York, 3è edition, 883P;
9. PNUE, 2000: L’avenir de l’environnement mondial, de Boeck University, 398 P;
10. IUCN, 2007 ; Liste rouge
11. www.ulb.ac

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