Identité et expression de genre - Action Canada for Sexual Health

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Identité et expression de genre - Action Canada for Sexual Health
Identité et expression de genre
Contexte
La notion d’identité de genre fait référence à l’expérience intime et personnelle de son genre, telle que vécue par chacun. Elle a trait au fait de se sentir femme, homme, les deux, aucun ou autrement, selon où l’on se positionne sur le
continuum de l’identité de genre. L’identité de genre d’une personne peut correspondre ou non au sexe qui lui a été
assigné à la naissance. Le terme transgenre (ou trans) désigne, entre autres, les personnes pour qui leur identité de genre
ne correspond pas à leur sexe assigné alors que le terme cisgenre est utilisé lorsque l’identité de genre est conforme
au sexe assigné. Le choix de se définir comme trans est individuel, l’identité d’une personne n’étant pas déterminée
ni imposée par autrui. Certaines personnes trans font le choix et/ou on les moyens de modifier leur corps au moyen
d’hormones ou d’interventions chirurgicales alors que d’autres ne le font pas.1 L’expression de genre fait référence à la
manière dont une personne exprime ouvertement son genre. Cela peut inclure ses comportements et son apparence,
comme ses choix vestimentaires, sa coiffure, le port de maquillage, son langage corporel ou sa voix. De plus, l’expression de l’identité de genre inclut couramment le choix d’un nom et d’un pronom pour se définir. Divulguer son
identité lorsque trans et/ou non-conformiste dans son expression de genre peut avoir de nombreuses conséquences,
notamment à l’école ou dans le réseau de la santé, entre autres institutions.
Toute personne, quelle que soit son orientation sexuelle, son identité ou son expression de genre, a des droits fondamentaux, incluant le droit à l’égalité et à la non-discrimination, le droit à la vie et à la sécurité physique, le droit de ne
pas subir de torture ni de comportements avilissants, à l’expression, le droit à sa vie privée et le droit au meilleur état
de santé possible. Ces droits sont reconnus par divers instruments internationaux que le gouvernement du Canada a
ratifiés. Et pourtant, la violation de ces droits est persistante. Un sondage national mené en 2011 révélait que plus des
trois quarts des jeunes transgenres rapportent avoir été victimes de harcèlement verbal et le tiers, victimes de violence
physique.2 Les personnes qui ont des orientation sexuelles, identités de genre et expression de genre non-conformistes,
ou encore qui remettent en question les normes et les comportements sexospécifiques socialement acceptés, sont les
plus à risque de faire l’objet de stigmatisation, de discrimination et de violence – souvent même de la part d’enseignants, de professionnels de la santé , de la police et d’autres personnes en position d’autorité. Ces expériences peuvent
être exacerbées par de multiples formes de discrimination interconnectées notamment au chapitre du revenu, du statut
d’immigrant, de l’âge, du niveau de scolarisation, du logement et de l’emploi.
Les besoins des personnes dont l’orientation sexuelle et/ou l’identité et l’expression de genre sont minoritaires sont
souvent marginalisés ou omis lors de l’élaboration de lois, de politiques et de programmes. Cela peut nuire à leur
capacité d’accéder aux services dont ils ont besoin et auxquels ils ont droit sans crainte de stigmatisation ou de discrimination, ou encore d’avoir accès à des recours légaux lorsque leurs droits ne sont pas respectés. Les fournisseurs
de services n’ayant pas reçu une formation appropriée et qui, peut-être en refusant de servir ou traiter les personnes
trans, ou en omettant de leur fournir des informations répondant à leurs besoins, peuvent créer des obstacles en ce
qui a trait à l’accessibilité de services et d’informations. Par ailleurs, ne pas avoir accès à des documents d’identité qui
correspondent au genre dans lequel elles vivent peut empêcher ou dissuader certaines personnes d’obtenir des soins de
santé ou de l’information, des services juridiques et d’immigration ou, à tout le moins, entraîner un délai. Au Canada, la majorité des personnes transgenres doivent fournir la preuve d’une intervention chirurgicale pour changer leur
sexe ou de tout autre traitement médical justifiant un changement de nom et de sexe dans leurs documents officiels.
Certaines provinces font heureusement des progrès : par example, au Quebec, un changement au loi existant n’exigera
plus les personnes qui souhaitent faire enregistrer un changement de sexe d’avoir au préalable subi une opération ou
un traitement médical.3
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La situation progresse également à l’étranger. Ainsi, tant l’Argentine que la Colombie ont récemment promulgué des
lois permettant à quiconque souhaite faire modifier le genre inscrit sur ses pièces d’identité de se contenter d’une
simple déclaration signée, sans preuve d’opération ni de traitement médical. La loi argentine exige également des médecins des secteurs public ou privé d’effectuer gratuitement des changements chirurgicaux de sexe, y compris chez les
personnes mineures.4
La crainte d’être l’objet de stigmatisation et de discrimination, ou encore la rareté des services de santé compréhensifs, intégrés et fondés sur les droits de la personne, poussent certaines personnes à choisir de se passer de ces services,
particulièrement ceux liés à leur santé sexuelle ou reproductive. En résultent donc des problèmes de santé pouvant à
leur tour soulever des défis socioéconomiques : moindre revenu, mobilité réduite, interruption de scolarisation, piètre
qualité d’emploi, etc. Il n’y a qu’à constater la prévalence accrue d’infections au VIH chez les personnes transgenres en
Ontario, dix fois plus élevée que la moyenne provinciale.5 Une étude réalisée en 2011 au Canada auprès des femmes
transgenres a révélé que 27,7 % d’entre elles étaient séropositives, un taux nettement plus élevé que dans le reste de
la population.6 La recherche démontre que la vulnérabilité au VIH étant particulière aux personnes trans – et surtout
aux femmes trans de couleur – est exacerbée par diverses formes de stigmatisation et de discrimination qui mènent
notamment à un niveau de pauvreté accru, à la nécessité de s’engager dans du travail du sexe de survie, à un faible taux
de dépistage du virus, à un taux plus bas de connaissances sur les infections transmises sexuellement, à des rapports
de pouvoir inégaux dans le contexte des relations interpersonnelles, à un désir de se voir affirmer dans leur identité,
et un moindre intérêt à se soigner.7 Selon le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit qu’a toute personne de
jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, la stigmatisation empêche les institutions législatives ou
politiques de d’adresser adéquatement les problèmes de santé survenant aux sein des groupes plus à risque de voir leurs
droits de vivre en santé enfreints.8
Les personnes transgenres ont aussi de la difficulté à accéder aux services et à l’information nécessaire pour procéder
avec les traitements médicaux dont elles peuvent avoir besoin dans le cadre de leur transition. Les obstacles qui compromettent l’accès à ces soins comprennent entre autres le coût des traitements, le faible nombre de praticiens ayant
la formation et les compétences nécessaires pour assister les personnes trans, le risque de stigmatisation de la part du
personnel de la santé, le coût des déplacements requis et les restrictions relatives à l’âge. Reconnaissant ces obstacles,
toutes les provinces, sauf le Nouveau-Brunswick et l’Île-du-Prince-Édouard, financent une gamme de chirurgies de
réassignation sexuelle à travers les plans d’assurance provinciaux.9
Il est donc essentiel que des initiatives spécifiques soient mises en place afin de sauvegarder et de promouvoir les droits
des personnes trans, y compris le droit de vivre libre de toute forme de stigmatisation et de discrimination et le droit de
jouir du meilleur état de santé possible. Ces mesures comprennent notamment l’interdiction de toute discrimination
fondée sur l’identité et l’expression de genre, déjà en vigueur en Ontario, en Nouvelle-Écosse, à Terre-Neuve-et-Labrador et à l’Île-du-Prince-Édouard. Le Manitoba et les Territoires-du-Nord-Ouest interdisent la discrimination fondée
sur l’identité de genre et les provinces restantes n’offrent pas ces protections spécifiques. Bien que ces efforts aux niveaux
provinciaux et territoriaux soient essentiels, ils créent néanmoins des disparités entre les niveaux de gouvernement, ce
qui peut entraîner une discrimination supplémentaire dépendamment du contexte juridique. Le gouvernement fédéral
doit donc intervenir et garantir les mêmes protections de leurs droits fondamentaux à toutes les personnes transgenres
du pays, quelle que soit leur province de résidence. Pour y parvenir, les gouvernements à tous les niveaux se doivent
d’engager un dialogue constructif avec les personnes trans et leurs alliés afin de s’assurer que leurs expériences et leurs
réalités soient reflétées dans toutes nouvelles politiques.
Les Nations Unies en sont actuellement à élaborer un cadre global de développement
pour la période 2015-2030, axé sur des objectifs de développement durable qui viseront
tous les pays, abstraction faite de toute considération économique, sociale ou politique.
Le Canada sera donc obligé de répondre aux droits des personnes de diverses identités
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et expressions de genre et de les protéger, notamment en respectant les cibles suivantes :
3.7 D’ici à 2030, assurer l’accès de tous à des services de soins de santé sexuelle et procréative, y compris
à des fins de planification familiale, d’information et d’éducation, et la prise en compte de la santé procréative dans les stratégies et programmes nationaux
3.8 Faire en sorte que chacun bénéficie d’une assurance santé, comprenant une protection contre les
risques financiers et donnant accès à des services de santé essentiels de qualité et à des médicaments et
vaccins essentiels sûrs, efficaces, de qualité et d’un coût abordable
5.6 Assurer l’accès de tous aux soins de santé sexuelle et procréative et faire en sorte que chacun puisse
exercer ses droits en matière de procréation, ainsi qu’il a été décidé dans le Programme d’action de la
Conférence internationale sur la population et le développement et le Programme d’action de Beijing et
les documents finals des conférences d’examen qui ont suivi
10.2 D’ici à 2030, autonomiser toutes les personnes et favoriser leur intégration sociale, économique et
politique, indépendamment de leur âge, de leur sexe, de leurs handicaps, de leur race, de leur appartenance ethnique, de leurs origines, de leur religion ou de leur statut économique ou autre
10.3 Assurer l’égalité des chances et réduire l’inégalité des résultats, notamment en éliminant les lois,
politiques et pratiques discriminatoires et en promouvant l’adoption de lois, politiques et mesures
adéquates en la matière
Nous demandons au gouvernement du Canada de :
Modifier la Loi Canadienne sur les droits de la personne pour que soit interdite toute discrimination fondée sur
l’identité de genre, réelle ou perçue, ou sur l’expression de genre, et de pénaliser dans le Code criminel toute incitation
publique ou délibérée à la haine pour des motifs liés au genre.
Demander à tout ministère fédéral chargé de recueillir ou de vérifier l’identité d’une personne de permettre
à cette dernière de faire inscrire le nom et le genre de son choix, et de faire corriger toute mention de son sexe,
prénom ou image ne cadrant pas avec son identité de genre sans pour ce faire exiger de preuve d’interventions chirurgicales, de thérapie hormonale ni d’aucun autre traitement médical ou psychologique. Cette mesure viserait notamment
Passeport Canada, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, l’Administration canadienne de la sûreté
du transport aérien et l’Agence des services frontaliers du Canada.
Demander au gouverneur en conseil et au Statisticien en chef de créer une troisième catégorie de genre pour tous
les formulaires, de recensement ou autres, utilisés pour la collecte de renseignements personnels.
Accorder à l’Agence de santé publique du Canada et aux autres organismes fédéraux pertinents les fonds nécessaires pour des campagnes de sensibilisation adressant les diverses formes de stigmatisation et de discrimination
subies par les personnes dont l’orientation sexuelle, l’identité et l’expression de genre sont différentes.
Donner à tous les fonctionnaires offrant des services au public une formation sur les droits de la personne qui
comprendrait notamment un volet traitant spécifiquement du respect des personnes dont l’orientation sexuelle, l’identité et l’expression de genre sont différentes.
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Réviser les lignes directrices de l’Agence de santé publique du Canada sur la santé sexuelle pour y inscrire la
reconnaissance explicite de la diversité d’orientations sexuelles et d’identités et d’expressions de genre, considérant la
discrimination subie par les personnes transgenres, souvent victimes d’intimidation et de violence.
Entamer un dialogue avec les provinces et les territoires pour harmoniser les lois et les politiques touchant les
personnes transgenres, y compris les mécanismes de protection de leurs droits fondamentaux et l’accessibilité des
traitements gratuits leur permettant un état et une identité conformes au genre de leur choix, sans égard à leur âge ni
à leur statut d’immigration.
Impliquer activement les personnes dont l’orientation sexuelle, l’identité et l’expression de genre sont différentes,
ainsi que les organismes qui les défendent, dans l’élaboration et la mise en œuvre des lois, des politiques et des
programmes qui les touchent.
Notes de fin
Pour en savoir plus voir http://www.ohrc.on.ca/fr/identit%C3%A9-sexuelle-et-expression-de-l%E2%80%99identit%C3%A9-sexuelle-brochure
Voir le rapport publié (en anglais seulement) par le Egale: Canada Human Rights Trust en 2011 : Every Class in Every School http://egale.ca/every-class
3
Voir le site Web du ministère québécois du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, 2015, « Changement de nom ». http://www.etatcivil.gouv.qc.ca/fr/changement-nom.html#sexe
4
Voir l’article (en anglais seulement) du New York Times du 25 mai 2012 : « Transgender advocates hail new law erasing rules in Argentina ». http://www.nytimes.com/2012/05/25/world/americas/transgender-advocates-hail-argentina-law.html?_r=1
5
Voir l’article (en anglais seulement) de R. Longman Marcellin, G. R. Bauer et A. I. Scheim, 2013 : « Intersecting impacts of transphobia and racism on HIV risk among trans persons of colour in Ontario, Canada » publié
dans le numéro 6 du volume 4 de Ethnicity and Inequalities in Health and Social Care.
6
Étude de la Coalition interagence sida et développement réalisée en 2011 par K. Beausoleil et J. Halverson pour le compte de l’Agence de santé publique du Canada, et dont les résultats ont été présentés à Toronto en avril
2011 lors de la conférence intitulée « Vers le développement d’actions concertées en recherche pour les femmes, les femmes transgenres, les filles et le VIH/sida au Canada ».
7
Operario et Nemoto, 2010; Nemoto et al., 2004 & R. Longman Marcellin, G. R. Bauer et A. I. Scheim, 2013.
8
Voir le rapport du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, déposé en 2010 par le Rapporteur spécial sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible http://daccessdds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G10/131/19/PDF/G1013119.pdf?OpenElement
9
Voir l’article (en anglais seulement) du Daily Xtra du 24 juillet 2014 : « Sex reassignment surgeries funded in all but two provinces. » http://www.dailyxtra.com/canada/news-and-ideas/news/sex-reassignment-surgeries-funded-in-two-provinces-89914 Remarque: Bien que certaines chirurgies liées à un changement de sexe soients couvertes par la plupart des provinces, la mesure dans laquelle les individus peuvent accéder à des soins
complets varie selon la province. Par exemple certaines provinces exigent des personnes trans qu’elles se déplacent hors de leurs frontières pour accéder à certaines procédures. D’autres provinces ont des temps d’attente
importants pour être vu par des professionnels de santé ayant les compétences nécessaires, ou encore, imposent des limites sur le nombre de procédures qui peuvent être faites chaque année. Ces situations créent des obstacles
en ce qui a trait à l’accès à des soins holistiques et acceptables et ce, en temps opportun, particulièrement pour les jeunes et pour les personnes ayant des ressources limitées.
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