5 janvier 2011 SOMEWHERE - Sofia Coppola - 1h 38` - USA

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5 janvier 2011 SOMEWHERE - Sofia Coppola - 1h 38` - USA
5 janvier 2011
SOMEWHERE - Sofia Coppola - 1h 38’ - USA
Stephen Dorff, Elle Fanning, Chris Pontius
Rien à l’image, excepté cinq tours de circuit d’une voiture noire, rien dans
les couloirs d’hôtel hormis des silhouettes, rien dans les relations d’un
homme avec des femmes payées ou non pour le distraire, rien de
l’exercice de son métier d’acteur, rien dans ses rapports humains ou leur
abence, rien dans l’échange qu’il pourrait avoir avec sa fille pré-ado…
Un personnage au fil de sa dépression illustre ce catalogue de faits et
gestes, simple constat hors sentiments, humour ou sens critique, Stephen
Dorff évoluant tel une marionnette séduisante parmi une société
hollywoodienne désœuvrée, une télévision italienne délétère, un monde
décadent proche de l’univers de Bret Easton Ellis. L’envoûtement
progressif de ce parcours inconsistant et de cette accumulation de vacuité
prouvent le talent de Sofia Coppola à ne montrer que le vide, ne
s’intéresser qu’aux rencontres d’êtres sans repères transitant dans des
lieux de passage au long de situations sans suite, et ce depuis « Virgin
suicides » et « Lost in translation » jusqu’à « Marie Antoinette ».
Lion d’Or contesté et contestable du Festival de Venise sous la présidence
de Quentin Tarantino.
MEME LA PLUIE - Iciar Bolllain - 1h 44’ - Espagne/France/Mexique
Luis Tosar, Gabriel Garcia Bernal, Juan Carlos Aduviri, Karra Elejarde
En 1492 Christophe Colomb découvrait le Nouveau Monde que
colonisaient les Rois Catholiques en exploitant ses richesses et en
exterminant ses indigènes.
En 2000 le gouvernement bolivien vend le marché de son eau à une
société américaine privant ses habitants les plus démunis d’une ressource
vitale.
En 500 ans, si l’or s’est mué en eau, rien n’a changé de l’exploitation des
hommes par et pour le seul pouvoir de l’argent.
C’est ce sujet dont Paul Laverty, collaborateur habituel de Ken Loach s’est
emparé pour construire un scénario où trois films s’imbriquent l’un avec
l’autre : la reconstitution historique dans les forêts boliviennes d’une
répression initiée par la cruauté des conquérants, le développement de
manifestations locales induites par la privatisation et la corruption, le
reportage des répercussions humaines et pécuniaires de cette conjonction
d’événements. Producteur, réalisateur et acteurs espagnols contre
figurants indiens sont à leur tour confrontés au même dilemme face au
financement, à l’injustice, à la misère, à la peur, à la solidarité, au respect
humain et chacun y répondra différemment évoluant au fur et à mesure
des événements. Deux mondes peuvent n’en faire qu’un quand l’humanité
triomphe, la tension du récit suit la complexité des sentiments pour mêler
action et émotion entre les époques. Le regard de Bartolomé de las Casas
et de Montesinos premiers dénonciateurs de génocide rejoindra alors celui
d’Oscar Olivera leader du mouvement de Cochabamba par les images d’un
simple film, porteur ambitieux de mémoire et d’espoir.
NOS RESISTANCES - Romain Cogitore - 1h 26’ - France
François Civil, Grégoire Colin, Michel Vuillermoz, Grégory Gatignol, Jules
Sitruk, Juliette Lambley, Anne Benoît
1944, ils sont jeunes, immatures, plus intéressés par leur première fois
avec une fille, plus concernés par les moyens d’échapper au STO que
politisés, et pour frimer ou au hasard des circonstances se retrouvent
dans un camp d’entraînement de la Résistance. Arrivés ados ils repartiront
adultes ayant traversé la guerre avec leur innocence et leur énergie
découvrant les réalités de la chair par la mort et l’amour.
Démythifiant un passé héroïque, ce premier film d’un très jeune
réalisateur distancié de tout vécu, attribue aux maquisards son propre
regard sur la fragilité virile, les pulsions sexuelles, illusions et agressivité
partagées avec une même vitalité opiniâtre par les personnages, les
acteurs et le cinéaste.
FORTAPASC - Marco Risi - 1h 50’ - Italie
Libero de Rienzo, Valentina Lodovini, Michele Riondino
En 1985, Giancarlo Siani chroniqueur-pigiste à « Il Mattino » est exécuté à
Naples par la Camorra, douze ans plus tard les responsables seront
retrouvés et condamnés, il reste à ce jour le seul journaliste assassiné.
C’est la reconstitution des quatre derniers mois de sa vie et de ses
enquêtes sur la corruption locale que nous propose Marco Risi, mais son
parti pris du simple suivi de son quotidien ne nous fait partager ni les
raisons ni les dangers de ses recherches et la Méhari verte semble plus
battante et enthousiaste que son chauffeur.
N’était-il qu’un gentil jeune homme un peu fade, l’acteur est-il trop âgé
pour être crédible, l’histoire ne s’inscrit-elle pas suffisamment dans
l’actualité d’une mafia toujours active, ou le réalisateur est-il écrasé par sa
filiation avec un cinéma italien social et engagé disparu ?
PIANOMANIA - Robert Cibis & Lilian Franck - 1h 30’ - Allemagne /
Autriche
Stefan Knupfer, Lang Lang, Alfred Brendel, Pierre–Laurent Aimard
Documentaire
La recherche absolue de l’accord parfait entre un pianiste, son instrument
et le ressenti de son interprétation transite au travers d’un artiste, d’un
accordeur, de leur écoute commune et de l’harmonie atteinte. Quand une
caméra et des micros interviennent la cacophonie ou l’ennui pourrait bien
les accompagner, sauf qu’ici c’est la passion et la folie qui l’emportent.
Celle d’un joyeux magicien des sons face à ses Steinway N°109 et 245
des transformations à leur faire subir pour traduire les aspirations,
satisfaire les exigences, libérer l’inspiration des interprètes, et nous
des interprètes, et nous offrir à tous, musiciens ou néophytes, l’allégresse
de la réussite.
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POUPOUPIDOU - Gerald Hustache-Mathieu - 1h 42’ - France
Jean Paul Rouve, Sophie Quinton, Guillaume Gouix, Olivier Rabourdin
Faut-il être quelqu’un d’autre pour parvenir à s’accepter ?
Ce doute de soi-même se dédouble entre un auteur de romans policiers
en panne d’inspiration et une Miss Fromage du village le plus froid et le
plus reculé du fin fond de la Franche Comté. Au rythme d’un remix de
« California dream » le mystère s’épaissit entre neige, enfouissement et
réincarnation. Car si l’une s’est rêvée en Marilyn Monroe, l’autre joue les
Columbo, et de la Peugeot décapotable aux amours présidentielles la
route est tortueuse pour aller du simple clin d’œil à la soif de
reconnaissance, du jeu de rôles à la comédie sociale.
Humour et tendresse se confondent donc avec polar, enquête et mythe
avec réalité décalée, le tout dans des paysages blafards, les sourires
lumineux d’une Sophie Quinton morte et les interrogations drolatiques
d’un Jean Paul Rouve en devenir.
Recyclage, remixage, réinvention, réincarnation riment alors avec l’illusion
du cinéma et ses plaisirs de réflexion.
GREEN HORNET - Michel Gondry - USA - 1h 57’
Seth Rogen, Jay Chou, Cameron Diaz, Christoph Waltz
Mythique bande dessinée radiophonique et télévisée, « Le Frelon vert »
devient un film, sous les auspices d’un réalisateur français. Alors, bravo et
« Cocorico » sauf que l’espace créatif de Michel Gondry semble mineur et
écrasé par la puissance de l’acteur principal, en même temps scénariste et
producteur. Profitons cependant comme des adolescents américanisés des
aventures délirantes et paranoïaques qui nous sont offertes entre le
super-héros envahissant et son astucieux chauffeur chinois, naïveté
primaire du pouvoir absolu contre ingéniosité raffinée, dominés par les
exploits d’une voiture aux pouvoirs surmultipliés, vedette incontestée de
cette séance pop corn divertissante où les méchants seront punis par les
gentils.
INCENDIES - Denis Villeneuve - 2h10’ - France/Canada
Lubna Azabal, Mélissa Désormeaux-Poulin, Maxime Gaudette, Rémy
Girard.
C’était une pièce mythique de la trilogie de Wajdi Mouawad présentée au
Festival d’Avignon en ces nuits d’été dédiées à la magie du théâtre, et
comme par enchantement cela devient un film, sans que rien ne change ni
pourtant n’y ressemble, le symbolisme de l’un se confondant avec la
réalité de l’autre.
La scène traversée par les acteurs sans effacer la fureur rimant avec la
douleur est remplacée par les images in situ pour une même recherche
des racines et de leur vérité, les paysages et visages chassant
l’imaginaire. La violence de la guerre rejoint la mythologie antique sans
que les siècles n’apaisent les souffrances, et ces jumeaux en quête ou en
rejet de leurs origines au travers du passé de leur mère, nous entrainent
du Canada aux camps de réfugiés au long de leur périple identitaire.
Traduction du langage théâtral en expression cinématographique,
échanges des mots contre les silences, du rythme des planches en plans
séquences pour un même et éternel questionnement sur l’injustice, la
colère et la paix de l’amour, qu’importent donc les supports si l’histoire
peut les transgresser.
STRETCH - Charles de Meaux -1h 30 - France
Nicolas Cazalé, Fan Bing Bing, David Carradine, Nicolas Duvauchelle
Un jeune jockey ambitieux contraint à l’exil s’impose sur les champs de
courses à Macao sans bien comprendre les règles du milieu et son emprise
sur toutes les formes de jeu. Hippodromes, casinos, discothèques sont
soumis aux mêmes lois mafieuses contre lesquelles ses certitudes en son
talent et sa chance ne sont qu’illusions. Son isolement et sa solitude en
font la proie facile des mirages d’une réussite manipulée où la fatalité
n’est qu’un leurre. Derrière un titre réservé aux seuls initiés se dissimule
la question des choix à assumer et leur dérive possible face au destin lié
aux responsabilités.
Aux plans spectaculaires des jockeys et chevaux succèdent ceux des salles
de casinos et leurs tapis verts dans le même enfer modernisé où amour,
ambition, appât et corruption continuent d’animer les marionnettes naïves
ou perverses incarnées par Nicolas Cazalé ou David Carradine (dont en
contrepoint le décès, pendant le tournage, illustre le thème du film).
Un thriller entre hippisme, exotisme et modernisme.
HARRY BROWN - Daniel Barber - 1h 43’ - Grande Bretagne
Michael Caine, Emily Mortimer, Ben Drew, David Bradley
Une bande de dealers et drogués fait régner la terreur dans une banlieue
difficile de Londres et dès les premières images tournées, ou plutôt
brouillées façon prises de vues réelles dans un milieu pourri, nous
sommes témoins de violences en tous genres. Mort gratuite d’une
passante, mort attendue d’une épouse, mort suggérée d’une fillette, mort
du meilleur ami, toute cette accumulation légitime aux yeux d‘un militaire
retraité, son droit à intervenir par la force et venger son compagnon par
d’autres assassinats jusqu’à mettre à son tour la cité à feu et à sang.
Héros de l’auto-défense dans ce western urbain contemporain Michael
Caine, cow boy investi du discours sécuritaire pallie impunément à
l’incapacité douteuse de la police et des institutions.
De la première à la dernière image ce film joue sur la peur et l’engendre
par ses excès, s’approchant dangereusement, sous couvert de lucidité, du
militantisme de certains partis politiques extrémistes, uniquement anglais
« of course » !
ABEL - Diego Luna - 1h 23’ - Mexique Christopher & Gerardo Ruiz-Esparza, José Maria Yazpik, Karina Gidi
Un enfant s’égare dans la souffrance provoquée par le départ de son père.
Son errance qui va du mutisme à la prise du pouvoir paternel nous dévoile
au travers de son transfert oedipien à la fois ses peurs, la place de la
mère dans une culture machiste, les conséquences sociales de tout
abandon de famille, les conditions de vie engendrées par une émigration
forcenée.
Les plans de ciels ouverts sur l’infini et ceux d’intérieur tournés à hauteur
du regard d’un garçonnet ainsi que la profondeur du format Scope
provoque un décalage entre la réalité inventée et le réel ordinaire
accentuant l’interférence et la confusion de deux mondes construits et
détruits par une société déshumanisée et sans espoir.
WOMEN ARE HEROES - JR - 1h 25’ - France
Documentaire
Joignant la caméra à la photographie, JR filme son œuvre exposée sur les
façades des favelas, ballasts des voies ferrées indiennes, ou toits des
trains kenyans faisant alterner les prises de vues réelles aux portraits de
femmes, des murs à leur condition sociale réelle, de la représentation à la
vérité, de la misère à la dignité et à la reconnaissance.
En jouant sur le regard miroir renvoyé par son affichage mural il mêle
exposition artistique et réalité, au risque, dans la confusion des genres,
que l’émotion ne se brouille dans le systématisme des mouvements
accélérés de l’image, que la création ne privilégie le discours et ne s’égare
telle la pluie délavant le papier.
DEUX DE LA VAGUE - Emmanuel Laurent - 1h 30’ - France
Documentaire
C’est l’amitié brisée des deux réalisateurs les plus emblématiques de la
Nouvelle Vague du cinéma français que nous propose ce documentaire,
avec pour parti-pris de n’accorder aucune interview, de n’utiliser que des
archives et des extraits de films mettant en parallèle l’œuvre, les buts et
l’héritage de chacun. Cinéma école de la vie, spectacle et œuvre d’art
pour l’un, regard terroriste de l’oeil sur la société et son actualité pour
l’autre, unis et désunis par une même passion des salles obscures.
Si le commentaire écrit et dit par Antoine de Baecque met en lumière la
personnalité de chacun et leurs différences, la participation d’Isild Le
Besco en potiche et sa lecture de coupures de presse pour faire croire à
l’éternité de la jeunesse du cinéma en affadissent plus le propos qu’ils ne
lui donnent une prolongation.
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AFRICA UNITED - Debs Gardner-Paterson - 1h 27’ - Grande
Bretagne/Afrique du Sud/Rwanda
Erya Ndayambajé, Roger Nsengiyumva, Sanyu Joanita Kintu, Yves
Dusenge, Sherrie Silver, Emmanuel Jal
Vive le foot quand porté par l’innocence, il fait chanter l’espoir tout en
dénonçant l’injustice, le sida, les enfants guerriers, les marchands de
sexe. Le périple improbable de 3 gamins débute au Rwanda, s’étoffe d’un
troisième larron au Congo, avant le Burundi, la Tanzanie, se féminise au
Zimbabwe et se poursuit du Zaïre jusqu’à Johannesburg pour le match
d’ouverture du Mondial 2010. Les aventures de cette équipe de rêve sont
entrecoupées d’un dessin animé support de ce joli conte à la fois voyage
initiatique et traversée d’une Afrique méconnue, celle de l’amitié et de la
solidarité.
AU-DELA - Clint Eastwood - 2h 08’ - USA
Matt Damon, Cécile de France, Thierry Neuvic, Jay Mohr
Un film choral, mondial, spectral et sentimental où trois histoires se
croisent et se rejoignent en une quête du mystère de l’au-delà.
Habilement scénarisé entre amours et catastrophes, professionnellement
réalisé entre effets spéciaux et dramatisation, illustré par des personnages
traversant l’Asie, les USA pour conclure en Europe, et interprété par des
acteurs en charge de la démonstration. Ainsi une belle blonde illustre la
femme française libérée, des jumeaux anglais la fraternité, un américain
naïf la droiture, jusqu’à ce qu’un destin complaisant les réunisse et ne s’en
mêle pour faire tomber Matt Damon dans les bras de Cécile de France et
nous dans ceux de Morphée.
REQUIEM POUR UNE TUEUSE - Jérôme Le Gris - 1h 31’ - France
Mélanie Laurent, Clovis Cornillac, Tchéky Karyo, Xavier Gallais
Le blues des tueurs, transformé en Messie et orchestré dans un château
baroque au plus profond des Alpes Suisses, fait chanter Mélanie Laurent
en héroïne per-oxygénée accompagnée à la guitare classique par Clovis
Cornillac.
Pas sûr que le nombre de caméras, la lenteur des plans séquences, l’abus
de décors, pures déclinaisons des codes du genre ne permettent à
Hitchcock ou Haendel de trouver leur compte dans ce thriller où ambition
rime avec prétention au détriment de distraction.
PROPRIETE INTERDITE - Hélène Angel - 1h 20’ - France Charles
Berling, Valérie Bonneton, Vasil Vivitz
Une maison de famille isolée, hantée par les souvenirs d’enfance et la
mort devient un lieu mystérieux, exutoire de névroses et personnage
principal d’un film de genre réunissant horreur et fantastique. Sauf que les
peurs irrationnelles ne trouvent d’autre écho que des cachotteries ou leurs
explications infondées pour une fin invraisemblable plus faite pour
alimenter le rejet de l’étranger que pour le dénoncer.
Alors, même pas peur !
L’ENFANCE D’ICARE - Alex Iordachescu - 1h 30’ Suisse/Roumanie/France
Guillaume Depardieu, Alysson Paradis, Carlo Brandt
Un chercheur promet la vie éternelle pour tous dans un futur proche et
pour y parvenir entreprend de procéder à des expériences humaines. Aux
décors immaculés d’une clinique, aux attitudes troubles de l’entourage, à
la fragilité du patient, ensemble censés créer notre mal être, s’ajoute la
confusion malsaine faite avec la personnalité de Guillaume Depardieu.
Il surinvestit son propre jeu de cobaye en quête de rédemption après un
accident de moto et paralyse tout autant le réalisateur dans ce conflit
douteux entre culpabilité, vie et mort.
Dommage pour tous que ce premier film de l’un soit le dernier de l’autre.
I WISH I KNEW, HISTOIRES DE SHANGAÏ - Jia Zhang Ke - 2h - Chine
Documentaire
Des brumes de Shangaï émergent des paysages urbains, se profilent des
visages, alternent interviews croisées entre passé et présent illustrées
d’extraits de films. En dix huit chapitres se reconstitue successivement le
puzzle de l’histoire chaotique de la ville et de la Chine tout entière à
travers les siècles de pouvoirs successifs. Des empires aux colonisations,
des révolutions aux libérations jusqu’à la mondialisation actuelle, mots et
images ont renversé des régimes pour les remplacer, étouffé des désirs
pour en faire naître de nouveaux, démoli palais et courées ordinaires pour
édifier des tours sans que jamais la culture ni l’espoir de liberté inscrits
dans l’être humain ne disparaissent.
Ce sont ces empreintes, indélébiles grâce à leur transmission par la
pensée et l’art, que nous propose avec finesse ce thriller culturel.
LA TRAVERSEE DU ZANSKAR - Frédérik Marx - 1h 29’ - USA
Documentaire
Berceau de la culture bouddhiste, le Zanskar est un petit territoire reculé
et déshérité, niché sur les hautes vallées désertiques de l’Himalaya à près
de 4000 mètres d’altitude. Grâce à l’aide du Dalaï Lama, quinze enfants
entre quatre et quinze ans sont choisis dans la population paysanne pour
bénéficier d’un enseignement et rejoindre les écoles ou couvents des
moines de Stongde. Chevaux porteurs, yacks traceurs de neige, pèlerins,
parents, accompagnateurs et techniciens suivent un parcours chaotique et
glacial pour rejoindre le monastère. A cette épopée sur les chemins
abrupts et cols dangereux s’ajoutent la souffrance de ces familles
déchirées par l’abandon de leurs enfants dans l’espoir d’un avenir meilleur
qu’ils ne peuvent leur procurer.
Aucun esthétisme ne trouble cette œuvre de bonne volonté.
LA PEPINIERE DU DESERT - Laurent Chevallier - 1h30 - France (6 janv
sortie le 19)
Documentaire
Deux marocains originaires d’un village proche du désert cherchent à
redonner vie à l’agriculture locale et créent ensemble une pépinière
d’arbustes. Mais l’un demeuré en France cherche les fonds nécessaires
pendant que l’autre trouve les bras et les moyens pour faire jaillir l’eau.
Une association de bonnes volontés et d’idées, d’émigrés ayant vécu la
souffrance de l’exil, de paysans ruinés par une nature hostile et de voisins
lointains. La conjonction de toutes ces forces fera reverdir le désert,
permettra l’éducation, perpétuera les traditions, la religion et réunira les
hommes d’Evry et de Mengoub en une même fête d’espoir.
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ANGELE ET TONY - Alix Delaporte - 1h 27’ - France
Clotilde Hesme, Grégory Gadebois, Evelyne Didi, Jérôme Huguet
De plein fouet, une première scène sordide donne sa mesure à la jeune
femme qui l’illumine. Qu’elle échange son corps contre un jouet d’enfant,
titube sur un vélo, décharge du poisson, se cache pour espionner un
gamin, une même détermination intérieure semble l’embraser. Mutique,
butée, enfermée mais rayonnante. Alors comment un marin pêcheur
imaginerait-il en être aimé ? tel est l’enjeu, rendre ce fantasme possible et
crédible. En dépassant la beauté et les faux semblants, la justesse des
images reflète le réalisme d’une vie aussi rude que la mer, la pudeur des
personnages illustre la possibilité brute du bonheur, la simplicité de
l’amour.
Les talents conjugués de la réalisatrice (alternance de plans séquences
rythmés par la violence des sentiments), du scénario (construit entre les
non-dits face à la cruauté quotidienne), des acteurs (Clotilde Hesme et
Grégory Gadebois en résonance totale avec leurs rôles) donnent à ce
premier film (primé à juste titre) un ton d’une sensibilité et d’une vérité
rare.
UN ETE SUEDOIS - Fredrik Edfeldt - 1h 37’ - Suède
Blanca Engström, Shanti Roney, Annika Hallin, Calle Lindqvist
Une petite fille attristée de ne pouvoir accompagner sa famille en Afrique
organise sa solitude en se dégageant du monde d’adultes qu’elle juge
avec sa lucidité précoce.
Ce sont ses peurs, ses révoltes, ses petites lâchetés, ses hésitations, ses
découvertes qui face à celles démultipliées des plus matures lui font
appréhender l’injustice, l’inattention, l’égoïsme des autres et quitter
l’enfance et son innocence. De ce cocon mutique émergera le mystère
même de l’initiation.
Un miracle de sensibilité et d’harmonie entre le scénario, les images, la
lumière, l’actrice, la nature, le silence et le temps, chaque geste
accompagnant cet infime passage miraculeux de chrysalide humaine.
JE SUIS UN NO MAN’S LAND - Thierry Jousse – 1h 32’ – France
Philippe Katerine, Julie Depardieu, Aurore Clément, Jacques Berroyer
En fuite pour échapper aux persécutions d’une fan excitée, un chanteur,
revenu dans la région de sa jeunesse s’égare dans un univers magique où
ses peurs et ses souvenirs l’emprisonnent. Ce retour de l’enfant prodigue
dans son passé, auprès de ses parents et copains, entre regrets et
remords, dérive au hasard de chansons et scènes décalées entre rêveries
et fantaisie poétique. La forêt enchantée libèrera-t-elle le prince lunaire
pour séduire la fée ?
Ce clone de Philippe Katerine en correspondance avec le double du
réalisateur Thierry Jousse nous entraine dans un imaginaire sautillant,
couleurs et rythme répondant à la farce et au drame, parfois abruptement
mais au final joyeusement grâce au charme de Julie Depardieu.
CARTE DES SONS DE TOKYO - Isabel Coixet - 1h 49’ - Espagne /
Canada
Rinko Kikuchi, Sergi Lopez, Min Tanaka, Manabu Oshio,Takero Nakahara
Dans les rues et à la halle aux poissons de Tokyo, résonne une voix off
qui nous conte les amours d’une jeune fille. Le dialogue de silence et de
mystère d’une taiseuse, voleuse de vies, et d’un preneur de son, fraudeur
de secrets, résonne dans le fracas de la criée sous les lumières nocturnes,
et rythme une rencontre sexuelle de hasard et de mort entre suicide et
exécution.
En réalisant un thriller des cultures japonaise et espagnole, orchestré pour
accompagner la fascination de l’une sur l’autre, Isabelle Coixet maîtrise
parfaitement son scénario et sa passion nippone au détriment de ses
racines et de la simple émotion.
SHAHADA - Buhran Qurbani - 1h 29’ - Allemagne
Maryam Zaree, Jeremias Acheampong, Carlo Liubek, Marija Skaricik
Dans le cadre de la banlieue berlinoise, une jeune fille et deux jeunes
gens d’origine musulmane cherchent leurs racines avec et contre leurs
différences, sexe et traditions se heurtant aux interdits et au remords. Ce
sont leurs histoires qui au travers de l’avortement, l’homosexualité,
l’immigration et leurs relents de culpabilité prouvent l’écho facile offert par
le fondamentalisme d’une religion pratiquée loin de ses racines. Parvenir à
dépasser cette contradiction entre déracinement et assimilation pour
garder la liberté de penser, de partager et d’aimer est en soi un véritable
combat ici illustré par trois histoires croisées en contrepoint avec les
préceptes d’un Imam et de ses fidèles cherchant l’intégration en valorisant
les principes de respect et d’amour propres à tous les cultes.
Structuré en chapitres, ce premier long métrage de fin d’études,
autobiographique, déborde, par les thèmes abordés, d’une énergie et
émotion qui prouvent son universalité.
L’AVOCAT - Cédric Anger - 1h 40’ - France
Benoît Magimel, Gilbert Melki, Aïssa Maiga, Eric Caravaca, Samir Guesmi
Sur fond d’actualité de recyclage d’ordures dans une grande ville du Sud,
justice, police et banditisme s’affrontent dans une triple manipulation de
corruption conjointe.
Aveuglé par son désir de réussite un jeune avocat néophyte est repéré par
un truand local qui joue de son ambition pour l’utiliser à ses fins. De
procès gagné en prise en charge des comptes et d’affaires douteuses, il se
laisse éblouir par la soif de reconnaissance sociale et l’argent facile jusqu’à
dépasser ou non la limite, louvoyant entre loyauté et compromissions.
Benoît Magimel déjà présent dans toutes les scènes raconte son parcours
en voix off ce qui n’allège pas la sensation démonstrative d’un film qui
comme le héros semble hésiter sur son rythme et son sens.
LA MERE DE VALENTINA - Arik Lubetzky & Matti Harari - 1h 20’Israël
Ethe Kovenska, Sylvia Drori, Yossi Oulu, Ruth Segal
En Israël, un prêtre trouve un emploi et un logement à une jeune
polonaise chez une vieille femme rescapée de la Shoah. Ce retour de la
langue parlée au quotidien et du prénom Valentina l’entraîne dans un
désordre de ses souvenirs et du présent jusqu’à une confusion sénile.
Adaptation d’une nouvelle de Savyon Liebrecht cette histoire qui dénonce
la responsabilité indélébile du génocide, évoque également les difficultés
de l’immigration passée ou actuelle, double solitude de l’âge et de la perte
des racines.
Mais, malgré le talent de l’actrice principale, à trop vouloir démontrer les
trois propos perdent de leur intensité affaiblissant un film aux moyens
techniques déjà difficiles.
DESSINE-TOI - Gilles Porte - 1h 10’ - France
Documentaire
Avec un feutre noir et derrière une vitre des enfants se dessinent, une
caméra les filme et nous, nous regardons sur les notes du clarinettiste
Louis Sclavis.
Ils seront plus de six cents bambins présents pour ce tour du monde et
d’humanité des maternelles africaines ou Inuits jusqu’aux confins de
l’Amérique latine. Et chacun, en silence de s’appliquer, sourire ou
grimacer, tirer la langue ou se désespérer, rire et s’étonner de leurs
personnages qui s’animent, dansent et s’envolent en une ronde joyeuse
où noirs sur fonds transparents ou blancs sur noir ils explosent en feu
d’artifice multicolore.
Comment se perçoivent-ils ? la nature humaine se fond-elle avec une
culture universelle ? l’innocence enfantine est-elle source de toute
poésie ? l’éducation efface-t-elle la créativité ? les conditions de vie
déterminent-elles l’improvisation ? Autant de questions sans autre
réponse que ce ballet musical et graphique qui fait écho à la phrase de
Picasso « J’ai mis toute ma vie à savoir dessiner comme un enfant » pour
ne jamais oublier l’espoir qu’ils incarnent.