Gouverner en Islam : Les élites dans l`administration

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Gouverner en Islam : Les élites dans l`administration
Les élites dans l’administration
L’œuvre d’Al Mamun (786-833), calife astronome et savant, Bagdad, d’après le livre des
catégories des nations de said al Andalusi, mort en 1080.
Abd Allah al Mamun acheva l’ouvre commencée par son aïeul al Mansour. Il s’occupa de
rechercher la science là où elle se trouvait et grâce à la hauteur de ses conceptions grâce à la
puissance de son intelligence il la tira des endroits où elle se cachait. Il entra en relation avec
les empereurs de Byzance leur fit de riches présents et les pria de faire don de livres de
philosophie. Ces empereurs envoyèrent des ouvrages de Platon, d’Aristote, d’Hippocrate,
Galien, Euclide, Ptolémée qu’ils détenaient. Al Mamum s’empressa alors de les faire traduire
avec toute la perfection possible, le calife poussa ses sujets à les lire et à les étudier.
Par a suite, le mouvement scientifique s’affermit sous le règne de ce prince. Les gens avisés se
mirent à étudier à l’envi car ils voyaient leurs maîtres plein de considération pour les hommes
qui cultivaient les sciences et admettre les savants dans leur intimité. L’empira abbasside
rivalisa alors avec celui des Romains à l’époque de sa splendeur et de sa plus grande puissance.
Par la suite il commença à décliner à la fin du troisième siècle de l’hégire et l’autorité califale
déclina en devenant la proie des favorites et des mercenaires turcs. Alors on méprisa les
sciences et les troubles étaient continuels….
Les juristes et hommes de lettres : Ibn Shaddad, savant et homme de pouvoir
Ibn Shaddad raconte qu’il s’occupa assidûment de l’enseignement et beaucoup d’élèves profitèrent de
son savoir. Etant entré chez le sultan il fut reçu par lui avec les plus grands égards. Le sultan lui
demanda des nouvelles de son voyage (pèlerinage) et les noms des cheikhs distingués par la
connaissance et la pratique de la religion qui avaient fait partie du groupe. Il lui demanda aussi de lui
faire entendre quelques traditions et il produisit un cahier dans lequel il avait réuni les traditions
recueillies par al Bukhari. Le prince daigna les lire sous sa direction. Sorti de chez le sultan, il fut rejoint
par le secrétaire qui lui dit : « Le sultan te fais dire qu’une fois ton pèlerinage de Jérusalem à Hebron
terminé et ton retour décidé, tu lui fasses savoir car nous avons quelque chose d’important à te
communiquer ».
À son retour, il avertit le sultan qui le fit venir chez lui. Entre temps il avait contemplé un traité
renfermant l’indication de tous les mérites qui se rattachent au djihad et des récompenses préparées
par Dieu ; ce volume contenait trente cahiers…. Puis en 584 (1188), il entra au service de Saladin et ce
prince lui confia la charge de caïd de l’armée et la judicature de Jérusalem.
À cette époque, il n’y avait à Alep qu’un très petit nombre de madrasa et les oulemas étaient très rares.
Ibn Shaddad s’occupa de mettre en ordre dans ces établissements et à y installer des jurisconsultes.
Un grand nombre de madrasa furent alors fondées à Alep durant sa vie. Al Malik al-Zahir, lui avait
assigné un iqta important d’un revenu considérable mais il ne dépensait pas beaucoup n’ayant ni
parents ni enfants. Sur ses économies il fonda auprès de la porte d’Irak une madrasa chafiite. J’ai lu
sur le plafond de son oratoire qui est l’endroit qui sert de salle de cours, la date de construction (601).
Ensuite il fonda près de cette école une école de traditions et entre ces deux édifices un mausolée pour
y être enterré.
La ville d’Alep ayant pris ainsi une nouvelle forme attira de tous côtés des jurisconsultes et devint
fameuse par sa qualité de l’enseignement et nombreux furent ceux qui s’y rendirent.
IBN KHALLIKAN, (1211-1282), juriste shafiite irakien, auteur d’un dictionnaire biographique, le premier
du genre, dans Recueil des historiens des croisades, historiens orientaux, III, p. 379-383 ; trad revue par
A.-M. Eddé.
Les Banu Quzman lettrés et poètes andalous XIIe siècle
Al Hidjari a fait l’éloge de cette famille parmi les familles de Cordoue et indiqué que ces
membres n’ont pas cessé d’être des vizirs, des savants ou des chefs. (Suit une énumération
des fonctions auprès des souverains).
Ibn Bassan déclare que AL Mutawakil, prince de Badajoz fut le premier à l’employer comme
secrétaire. Il a fait la louange de sa famille et de sa personne. Il cite de lui une longue épître
sans aucun profit et des vers qu’il est préférable de laisser de côté….
parmi ces vers composés suivant le mode de la langue flexionnelle, citons ceux-ci qu’il récita
alors qu’ayant dansé dans un salon où on buvait il éteignit en agitant ses manches le flambeau
qui éclairait la réunion : « Ô vous qui êtes dans ce salon éminent par l’élite qu’y s’y trouve
rassemblée, le n’ai point vacillé, c’est seulement le vin que m’a fait vaciller. Si j’ai éteins le
flambeau qui éclaire votre salle, chacun de ceux que cette salle abrite n’est-il pas lui-même un
flambeau éclairant ».
IBN SAID, (1213-1274), Andalous, fils du gouverneur de Séville, cité par Levi-Provençal, « Du
nouveau sur Ibn Quzman », Al andalous, 9, 1944.
L’art de gouverner d’après Ibn Khaldoun (1332-1406)
Le sultan est en soi un être faible, chargé d’une lourde tâche. Il lui faut s’appuyer sur les
autres…
Celui qui assiste le prince peut le faire de plusieurs façons : par l’épée, par la plume, par le
conseil ou la science, en écartant les importuns qui lui feraient perdre son temps. Le souverain
peut même confier à son vizir l’administration du royaume et s’en remettre ainsi à ses
compétences et à ses capacités. De la sorte il peut se faire aider par un seul homme ou par
plusieurs… En terre d’islam, les fonctions gouvernementales dépendent du califat qui est à la
fois une institution spirituelle et temporelle. La loi religieuse les gouverne toutes et s’applique
à chacune dans tous ses aspects car elle régit tous les actes des hommes. Le légiste (faqih) est
donc chargé de s’enquérir de la nature des fonctions royales ou sultaniennes et des conditions
de leur exercice…. Il connaît aussi l’étendue des pouvoirs du prince en matière législative,
financière ou politique, qu’elle soit absolue ou restreinte… La plume et l’épée sont toutes deux
des instruments dont le prince se sert pour conduire ses affaires. Au début d’une dynastie,
tant que le pouvoir n’est pas établi, l’épée est plus nécessaire que la plume. La plume est un
simple serviteur, un agent d’exécution, tandis que l’épée fournit une active assistance. Il en
va de même à la fin d’une dynastie lorsque les liens du sang s’affaiblissent et le dépérissement
de l’Etat diminue le nombre des soutiens. Il faut alors faire appel à l’armée. Dans les deux cas
l’épée l’emporte sur la plume.
Cependant dans le cours ordinaire d’une dynastie le souverain peut dans quelques mesures
se passer de l’épée. Son autorité est fermement établie et il ne lui reste qu’à récolter les fruits
de son pouvoir… Les gens de plume ont donc tout intérêt et ils occupent le rang le plus élevé.
Ils ont plus d’aisance et de richesses que les autres et leurs rapports avec le souverain sont
plus intimes et plus fréquents. La plume est alors l’instrument dont se sert le prince pour
recueillir les avantages du pouvoir, c’est-à-dire pour administrer, diriger et pour en faire
parade. A cette époque on peut fort bien se passer des vizirs et des militaires : ceux-ci sont
écartés de l’entourage du prince et doivent se garder de ses sautes d’humeur.
C’est en tout cela qu’Abu Muslim exprima sa réponse au calife Al Mansour qui l’avait appelé
auprès de lui.
IBN KHALDUN, Discours sur l’Histoire universelle