La Vraconnaz - Pro Natura Vaud
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La Vraconnaz - Pro Natura Vaud
Tourbière de La Vraconnaz Sainte-Croix reprendre sans contrainte. En 2001, Pro Natura et Pro Natura Vaud purent encore acquérir une parcelle de 38 hectares, ou 380 000 m 2, que la commune accepta de vendre afin de constituer un périmètre de protection qui pouvait enfin recouvrir l’ensemble de la tourbière. Sur le plan légal, la Vraconnaz est protégée, depuis les années 1990, par ses statuts de site marécageux, de bas-marais et de hautmarais d’importance nationale. La tourbière et ses abords sont délimités et décrits dans un plan de gestion établi en 1998 par le biologiste Raymond Delarze sur mandat de la Conservation de la nature du Canton de Vaud. Ses qualités exceptionnelles lui valent de figurer parmi les sites Emeraude, le réseau des sites naturels protégés à l’échelle européenne, initié par le Conseil de l’Europe. La Commune, encore propriétaire d’une bonne partie des forêts et pâturages alentour, est consciente de sa valeur et contribue à sa sauvegarde en collaboration avec la Conservation de la nature et Pro Natura Vaud. Pierre Hunkeler et Michel Bongard Tourbière de la Vraconnaz | 1911-2011 100 ans de protection Vue sur la tourbière avec, au fond, le hameau de La Vraconnaz. – Photo Valérie Herzig Renseignemen ts pratiques – Situation: commune de Sainte-Croix dans le canton de Vaud. – Accès en transports publics: train YverdonSainte-Croix puis bus (rares) depuis Sainte-Croix jusqu’au hameau de La Vraconnaz. A pied, en moins d’une heure par le col des Etroits. – Accès en voiture: depuis Sainte-Croix, prendre la route allant à Buttes, environ 1 km après le col des Etroits, tourner en épingle à gauche et suivre jusqu’à La Vraconnaz. – Services: restaurant du Marais dans le hameau de La Vraconnaz à côté du départ du chemin pédestre. – Circuit: depuis le hameau, suivre le sentier pédestre par le Crêt de la Chèvre puis les indications du chemin des Bornes qui conduit au poste d’observation de la tourbière. Il est aussi possible de suivre un sentier accidenté qui longe la réserve, impraticable en période humide. – Règles de conduite: les tourbières sont des milieux fragiles, il ne faut pas pénétrer dans le marais pour éviter de piétiner la végétation délicate. 8 1911-2011 100 ans de protection 1 Tourbière de la Vraconnaz | 1911-2011 100 ans de protection Les sphaignes aux teintes rougeâtres. – Photo Anne-Claude Plumettaz Clot Ambiances La tourbière de la Vraconnaz offre une variété étonnante d’ambiances au cours de l’année. En hiver, la neige s’accumule au fond de la combe et crisse sous les pas dans l’air glacé. Au printemps, la végétation reste longtemps endormie et les taches de neige peinent à disparaître alors que les grenouilles se hâtent déjà vers les mares disponibles pour pondre leurs œufs. L’été, les zones ouvertes bruissent d’insectes et la pinède, étrange forêt de pins nains, dégage toutes ses odeurs. C’est en automne que la tourbière montre toute sa beauté, chaque type de végétation prenant des teintes particulières pour contribuer à la symphonie globale. Il faut assister à l’éveil de ces couleurs prises dans les brumes matinales, avant qu’elles passent au pastel, puis à l’éclatant, au fur et à mesure que le paysage se dégage. Il faut prendre le temps d’admirer la Vraconnaz de l’extérieur, avant de l’approcher pour ressentir ses atmosphères. L’une des dernières tourbières vaudoises La tourbière de la Vraconnaz est située sur le territoire de la commune de Sainte-Croix, à deux kilomètres en ligne droite au nordouest du bourg, de l’autre côté du col des Etroits. On y accède par la route reliant Sainte-Croix au village de la Côte-aux-Fées. Ce vaste marécage forme la limite territoriale du canton de Vaud avec celui de Neuchâtel et la France. Un sentier quitte le petit hameau de la Vraconnaz et conduit le promeneur sur les bords de ce haut-marais qu’il convient de ne pas pénétrer vu la fragilité de sa végétation hautement spécialisée. C’est l’une des dernières tourbières du canton de Vaud. Un climat rude A 1100 mètres d’altitude, le climat du Jura est rude. La tourbière de la Vraconnaz est un haut-marais qui occupe le fond d’une combe au relief plat, bordée de croupes boisées. L’air y stagne pendant la nuit, à l’abri des brises, et se refroidit considérablement, été comme hiver. Le microclimat est froid. Malgré tout, pendant les journées ensoleillées d’été, les mousses du marais peuvent s’échauffer considérablement, alors que juste en dessous, le sol tourbeux reste frais, voire froid. Les conditions écologiques qui y règnent sont ainsi très particulières. Impressum Brochure éditée pour le 100e anniversaire de la création par Pro Natura de la réserve naturelle de la tourbière de La Vraconnaz à Sainte-Croix. Une publication encartée dans N°135 de juin 2011, journal de Pro Natura Vaud, une section de Pro Natura – Ligue suisse pour la protection de la nature. Tourbière de la Vraconnaz | 1911-2011 100 ans de protection Adresse officielle de Pro Natura Vaud: case postale 6699, 1002 Lausanne, 021 963 19 55, www.pronatura.ch/vd Dons: CCP 10-15602-3. Photo de la page de couverture: Benoît Renevey. Patronage: Journal de Sainte-Croix et environs 2 Une baignoire qui se vide par son siphon Le bassin de la Vraconnaz étant fermé, les eaux de pluie ne trouvent aucun exutoire de surface pour s’échapper. Comme dans une baignoire, elles ne peuvent sortir qu’en s’écoulant dans des pertes qui les évacuent par voie souterraine. Le sous-sol est constitué de roches fissurées où l’eau s’est créé un vaste réseau de fuite en dissolvant le calcaire. D’ailleurs, de profonds entonnoirs naturels sont bien visibles en bordure, alors que la tourbière repose sur un fond argileux imperméable. Plusieurs gouffres s’ouvrent discrètement ici et là, à l’ombre des sapins. C’est par ces dolines que les eaux quittent la combe en s’enfonçant dans le réseau karstique * souterrain pour ressortir bien plus loin, dans des sources vauclusiennes ** qui surgissent au pied du Jura. Une histoire de mousses Au cours des âges, la tourbière s’est progressivement développée dans la combe humide de la Vraconnaz depuis la dernière glaciation qui s’est achevée il y a plus de dix mille ans. Des mousses particulières, les sphaignes, se sont installées et leur croissance continue au long des millénaires a permis à la tourbe de se former. Les sphaignes poussent à leur extrémité supé* Réseau karstique: ensemble de fissures, de gouffres et de grottes souterraines créés par dissolution de la roche calcaire et qui drainent les eaux de la surface. Les eaux peuvent parcourir un long chemin dans les roches avant de ressortir dans des sources au pied des montagnes. ** Source vauclusienne: résurgence des eaux d’infiltration. 3 rieure laissant mourir l’autre dans le sol où elle brunit sans se décomposer entièrement. Cette matière organique morte s’accumule, environ un millimètre par année, pour atteindre plusieurs mètres de hauteur et former une grosse éponge gorgée d’eau. A la surface de la tourbière, dont le sol tourbeux est très acide, une végétation spécia lisée se développe parmi les sphaignes. Des briquettes de tourbe La tourbière a évolué pratiquement sans influence humaine jusqu’au XVIIe siècle. C’est à l’époque du début de la révolution industrielle que les besoins en énergie se sont accrus considérablement. Les habitants du lieu ont alors commencé à extraire la tourbe pour en faire du combustible. La fonderie de la Mouille-Mougnon avait besoin d’énergie pour fondre le minerai de fer extrait dans la mine de L’Auberson. La tourbe, après avoir été séchée, était brûlée dans les fours pour produire la chaleur nécessaire. L’exploitation de ce combustible s’est in tensifiée jusqu’au XIXe siècle, entraînant la disparition d’une bonne partie des couches Tourbière de la Vraconnaz | 1911-2011 100 ans de protection Contrastes de lumière et de température au soleil matinal sur le givre. – Photo Benoît Renevey cialiste des tourbières, y avait étudié les mousses avant de publier son catalogue en 1845. Charles Meylan, instituteur de SainteCroix devenu célèbre pour ses études sur les myxomycètes *, avait aussi relevé l’intérêt majeur de cette tourbière. Le glissement de 1987 Source: Eaux vivantes. C. Imboden. LSPN 1976 lentille d’argile Imperméable tourbe de marais plat (roseaux, laiches) La formation de la tourbière bombée de la Vraconnaz Cette tourbière bombée, appelée aussi haut-marais, s’est formée au cours des millénaires depuis la dernière glaciation, il y a 10’000 ans. D’abord, la combe s’est remplie d’eau et fut envahie par une végétation de marécage. Peu à peu, dans ce milieu humide et pas assez aéré, les débris de ces végétaux ne purent plus se décomposer. Au lieu de former du terreau, ils donnèrent de la tourbe. Avec la pluie comme seul apport d’eau, les lieux devinrent acides et seules les sphaignes s’y développèrent en formant des coussins gorgés d’eau, qui s’accumulèrent en hauteur, sans se décomposer. Tourbière de la Vraconnaz | 1911-2011 100 ans de protection tourbe de bois humide tourbe de marais bombé superficielles du haut-marais, à tel point que la tourbe primitive avait pratiquement disparu sur l’ensemble de la Vraconnaz. Au début des années 1900, l’exploitation s’est ralentie pour ne couvrir que les besoins locaux de chauffage domestique. Un regain d’activité a eu lieu lors de la Première Guerre mondiale entre 1914 et 1918, pour cesser ensuite, à part une reprise sporadique en 1941 et 1942, pendant la Deuxième Guerre mondiale. Les savants s’intéressent à la Vraconnaz L’intérêt de la Vraconnaz avait déjà été remarqué par de nombreux scientifiques de la région et d’ailleurs. Le paléobotaniste neuchâtelois, Charles Léo Lesquereux, spé4 L’histoire récente de ce haut-marais est marquée par un événement extraordinaire qui s’est produit dans la nuit du 26 au 27 septembre 1987. Des pluies diluviennes se sont abattues longuement sur la Vraconnaz après une période de sécheresse de trois semaines. La quantité d’eau et la manière dont elle s’est infiltrée firent que cette nuitlà, une masse de 150 000 m3 de tourbe se mit en mouvement et glissa sur 300 mètres! Etonnamment, la faible pente, qui atteint à peine 4%, fut suffisante pour permettre ce long déplacement. Une surface de 15 hectares fut complètement modifiée par ce glissement tout à fait exceptionnel. Depuis, l’évolution de la végétation sur les parties chamboulées est régulièrement suivie par la communauté scientifique qui a trouvé là un terrain d’étude du plus haut intérêt. sifiés. C’est dans la partie haute de la combe, alimentée uniquement par de l’eau de pluie, que se trouve le cœur de la tourbière. La végétation est perchée au sommet de l’éponge de tourbe. C’est là que les sphai gnes peuvent vivre. Elles forment alors de petites buttes qui s’élèvent à quelques dizaines de centimètres de hauteur. La sphaigne de Magellan domine largement et se reconnaît à ses teintes rougeâtres. La pinède se compose d’arbres chétifs plus que centenaires restés petits, car le sol tourbeux est pauvre en éléments nutritifs et le climat contrasté. Autour de la pinède, les plumets blancs des linaigrettes à feuilles engainantes marquent le paysage en début d’été. Par endroit, c’est le domaine des éricacées, telles la Les richesses de la tourbière La Vraconnaz offre une palette tout à fait exceptionnelle de milieux humides diver * Myxomycètes: petits organismes souvent gélatineux qui ressemblent à des champignons mais qui ont la particularité d’être mobiles en changeant de forme. René Tanner, habitant de Sainte-Croix et responsable de la réserve naturelle de la Vraconnaz. – Photo Benoît Renevey 5 Tourbière de la Vraconnaz | 1911-2011 100 ans de protection Le comaret palustre vit sur des sols acides. – Photo Olivier Jean-Petit-Matile mares disponibles pour leur reproduction. Les invertébrés comptent de nombreuses espèces rares et menacées liées aux tourbières comme le magnifique solitaire, papillon aux ailes jaunes bordées de noir. Un haut-marais bien protégé fausse bruyère et la canneberge dont les fleurs sont en clochettes. A proximité des marges de la tourbière, les eaux de pluie ruissellent sur les roches et s’enrichissent en minéraux. Ce sont des zones de transition où la tourbe se fait rare permettant aux laîches de dominer la végétation herbacée. Ces marais de transition entourent pratiquement toute la tourbière. Lorsqu’apparaissent des touffes de l’élégante molinie, une graminée dont tous les nœuds sont cachés à la base de la tige, c’est la preuve que les conditions hydriques peuvent être tantôt Suite au glissement de 1987, les arbres penchés témoignent encore aujourd’hui du chamboulement. – Photo Anne-Claude Plumettaz Clot sèches, tantôt humides au cours des saisons. Plus loin encore, prennent place les prairies et les pâturages. Les forêts qui bordent la tourbière, au fond de la combe froide et humide, sont des pessières composées exclusivement d’épicéas ou des sapinières marécageuses peuplées de sapins blancs. La flore comprend l’essentiel des espèces typiques des tourbières. Quelques-unes sont très rares, telles certaines laîches (le genre Carex en latin). La Vraconnaz est un haut lieu pour les mousses (une trentaine d’espèces), et les sphaignes (une vingtaine d’espèces). De nombreux mammifères, dont le lièvre, le putois et le lynx visitent le site. Les oiseaux sont bien présents, avec notamment la piegrièche, le moyen duc, le pipit des arbres et le pipit farlouse qui, dans le Jura, ne niche que dans les hauts-marais. Les effectifs de la grenouille rousse varient en fonction des La pinède forme une ceinture autour du centre de la tourbière. – Photo Benoît Renevey Tourbière de la Vraconnaz | 1911-2011 100 ans de protection 6 En 1911, la Ligue suisse pour la protection de la nature, devenue depuis Pro Natura, s’intéressait de près à la protection de la tourbière de la Vraconnaz. Bien qu’âgée de deux ans seulement, la jeune association passa un accord avec la Municipalité de Sainte-Croix, propriétaire du site, afin d’en faire la première réserve naturelle de Suisse. 1941 et 1942, pendant la Deuxième Guerre mondiale. En 1966, la protection de la réserve naturelle devint complète avec la suppression des droits de pâture et d’extraction de la tourbe. La dynamique naturelle put alors Pour assurer la protection de cette zone, un bail fut signé deux ans plus tard avec la commune. Pro Natura s’engageait à louer une parcelle de 10 hectares pour le prix de 200 francs par année, pendant 25 ans. Les conditions du bail incluaient l’interdiction de l’exploitation de la tourbe et des pins, le parcours du bétail restait autorisé pour pâturer quelques herbages. Plus tard, avant la fin du bail, Pro Natura s’entendit avec la commune pour qu’elle lui vende 38 hectares de marais, y compris la zone déjà louée, pour un prix de 8 750 francs de l’époque. Les conditions de la vente prévoyaient encore l’autorisation de pâture pour le bétail, ainsi que l’exploitation de la tourbe en cas de crise. C’est cette dernière condition qui permit l’exploitation de quelque 200 m 2 de marais dans les années Les buttes de sphaignes, tapis moussus, dans la zone plissée suite au glissement de la tourbière en 1987. – Photo Anne-Claude Plumettaz Clot 7 Tourbière de la Vraconnaz | 1911-2011 100 ans de protection