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Caloenas nicobarica
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NICOBAR
À CAMAIL
Pigeon de Nicobar
Un fort bruit d’ailes soudain, à une très courte
distance. Typique de pigeons, mais qui part
du sol. Je m’immobilise. Les silhouettes que
j’ai pu distinguer se sont perchées sur des
branches horizontales à moins de deux mètres
de la litière. D’un coup de jumelles, je
reconnais dans la pénombre du sous-bois de
la jungle de Sumba des pigeons de Nicobar
aux allures de poulettes. Je note
particulièrement le contraste spécifique entre
leur corps gris sombre et la queue blanche,
mais aucune des belles irisations brillantes
que l’on observe sur les oiseaux captifs n’est
visible ici, faute de lumière !
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Aire de répartition du
Nicobar à caramail
(Caloenas nicobarica)
Le Pigeon de Nicobar était commun sur toutes les petites îles autour de
Sumatra ou Bornéo, mais jamais à Sumatra ou Bornéo ! Globalement, on
rencontrait l’espèce des îles Andaman et Nicobar (d’où le nom) situées entre
Inde et Birmanie, à travers toute l’Indonésie, jusqu’aux îles Salomon à l’est de
la Nouvelle-Guinée. Mais seules les relatives grandes îles : Sumba, Timor,
parmi les petites îles de la Sonde à l’est de la ligne de Wallace, ainsi que
Mindanao et Mindoro ou Halmahera/Seram accueillaient l’espèce car pour le
reste, l’oiseau demeurait véritablement inféodé aux îlots.
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Texte et photographies Roland Seitre
L
’
UN des plus beaux pigeons
du monde, rare autrefois en
captivité, se démocratise et
est aujourd’hui l’une des espèces
les plus demandées en élevage.
Discret en nature, on l’a cru
menacé de disparition. Mais à
bien y regarder, le statut objectif
de l’espèce dans son milieu de
vie comme dans nos volières le place en dehors des
animaux en voie d’extinction. En revanche, personne
ne conteste son statut de très bel oiseau !
Un pigeon de taille respectable, comparable à celle
d’un classique pigeon de ferme, avec un corps plus
ramassé, une queue courte et des pattes longues. Une
allure de gallinacé plus que de colombidé. Logique,
puisqu’il s’agit bien plus d’un oiseau terrestre qu’arboricole. Notons que nombre de pigeons de la zone indopacifique (et quelques-uns en Amérique tropicale) sont
inféodés au sol - où ils nichent par ailleurs - et ont donc
acquis ces caractères de marcheurs plus que de voiliers.
Ses couleurs sont assez ternes a priori avec ce plumage
gris sombre sur l’essentiel du corps et vert (métallisé)
sur le dos et les ailes. C’est justement ce vert, irisé en
pleine lumière, ainsi que les longues plumes partant de
la nuque qui tombent sur le dos comme sur la poitrine,
qui le mettent en valeur et le distinguent des autres
pigeons. Parfois, les irisations tirent sur le roux, le
brun, voire le rouge. J’ai vu cette teinte rouille sur les
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oiseaux captifs du Jurong Bird Park de Singapour sans
pouvoir préciser s’il s’agit du résultat de la consanguinité ou de populations d’origine spécifique. S’il existe
une deuxième sous-espèce décrite et fort peu différenciée, on ne trouve pas dans la littérature de description
d’une telle dissemblance. En revanche, on note la
récente “résurrection” d’un Nicobar réidentifié à partir
d’un vieux spécimen du muséum de Liverpool, moins
coloré et tacheté, longtemps assimilé à un jeune, voire
un individu aberrant mais aujourd’hui bien établi
comme une espèce à part. Problème toutefois : cette
espèce semble avoir disparu car, collectée sans origine
précise sauf “îles des mers du sud”, elle n’a jamais été
revue depuis la fin du XVIIIe siècle. Il fut décrit en
1783, un autre spécimen a lui été égaré et probablement à jamais. Il existe d’ailleurs quelques autres espèces connues dont on ne connaît l’origine exacte et qui
semblent donc perdues pour toujours puisqu’on ne les
a pas retrouvées après tant d’années. Celui-ci a été rattaché parfois à Tahiti où un oiseau répondant au nom
de titi correspondrait à des descriptions très anciennes.
Cela ma paraît assez surprenant car Tahiti fut relativement bien collectée par le naturaliste de Cook dont il
reste encore de nombreux spécimens bien identifiés
dans les muséums, voire des peintures. De plus il semble assez étonnant qu’aucune autre espèce proche n’ait
réussi à s’établir entre les Salomons et Tahiti pour assurer une forme de continuité évolutive. Énigme qui
risque donc de ne jamais être résolue.
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La caroncule du mâle, plus développée que celle de la
femelle serait un critère de sexage. Hélas peu fiable,
comme le montre cette photographie où le plus caronculé
des deux n’est pas celui qui monte sur l’autre !
Insulaire, erratique et colonial
Notre Nicobar à camail, on le connaît mieux : il fait
partie des spécialistes des îles de l’Indopacifique. Les
milliers d’îles, généralement récifales, qui entourent
les grandes masses continentales ou insulaires (Sumatra, Bornéo, Nouvelle Guinée…) ont permis le développement, peut-être étonnant mais bien réel, d’une
avifaune spécifique et “endémique” à ce milieu. On va
ainsi trouver sur des îlots à quelques kilomètres de la
grande terre une espèce de petit duc sur plusieurs
dizaines d’îles, alors que sur la grande terre une autre
espèce sera présente. De même, le Pigeon de Nicobar
était commun sur toutes les petites îles autour de
Sumatra ou Bornéo, mais jamais à Sumatra ou
Bornéo ! Globalement, on rencontrait l’espèce des îles
Andaman et Nicobar (d’où le nom) situées entre Inde
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d’autant que les observations d’individus sont devenues exceptionnelles ! Il faut savoir que les îles sont
toutes occupées par les hommes qui pêchent pour leur
survie, et occasionnellement chassent. Quand des
pigeons dodus nichent par centaines aussi bas qu’à
deux mètres du sol, et par dizaines dans le même
arbre, il ne faut s’étonner qu’ils constituent des proies
faciles et, à l’instar du Pigeon migrateur américain,
exterminables !
Les poussins sont très fragiles
et Birmanie, à travers toute l’Indonésie, jusqu’aux îles
Salomon à l’est de la Nouvelle-Guinée. Mais seules les
relatives grandes îles : Sumba, Timor, parmi les petites
îles de la Sonde à l’est de la ligne de Wallace, ainsi que
Mindanao et Mindoro ou Halmahera/Seram
accueillaient l’espèce car pour le reste, l’oiseau demeurait véritablement inféodé aux îlots. Et si j’ai employé
l’imparfait c’est que son aire de répartition a été fortement diminuée au vingtième siècle. Chasse, capture
pour le trafic et déforestation en sont responsables,
mais aussi probablement les introductions d’animaux
tels que rats ou chats…
L’espèce semble erratique et coloniale. Si le couple
forme l’unité de base, les oiseaux se déplacent le plus
souvent en groupes d’une centaine (quand ils sont
assez nombreux) qui volent haut d’une île à l’autre. Ils
semblent alors se déplacer en fonction des ressources
alimentaires, en suivant la production des fruits et des
noix. L’essentiel de l’alimentation sera glané au sol.
Selon la région, la reproduction a lieu toute l’année.
Elle voit le rassemblement de dizaines, centaines, voire
milliers de couples, mais j’ai peur que cette dernière
description n’appartienne, là encore, au passé. Les
colonies de pigeons insulaires (il y a plusieurs autres
espèces) ont considérablement souffert. Au point
qu’au moins deux d’entrent-elles : un pigeon Columba
et un Carpophage Ducula, sont menacés d’extinction,
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Dans la Nature, il n’est donc pas facile de rencontrer
le Pigeon de Nicobar. En captivité les choses sont devenues plus aisées et on peut rencontrer cette espèce dans
un grand nombre de parcs ou chez certains privés. Leur
reproduction semble aussi avoir fait de grands progrès.
Une volière tropicale au Parc Paradisio montre tous les
étés plusieurs nids actifs et je me souviens d’une belle
colonie à Asson en plein air. Le nid construit, assez typiquement pour un pigeon, de quelques brindilles entrelacées sera toujours perché. Mais chez M. et Mme HENDRIKX, qui les élèvent en Belgique depuis plus de vingt
ans, ils accaparent des plateformes. La reproduction n’y
a pas toujours été de rigueur et les problèmes sont nombreux. Déjà, au début le sexage était aléatoire, la caroncule sur le dessus du bec du mâle, plus petite chez la
femelle n’est pas très fiable comme critère. Compatibilité des sexes mais aussi des individus. À ce jour cependant (décembre 2006), les trois couples finissent d’élever un jeune de l’année ! Un en élevage totalement
naturel mais pour les deux autres il a fallu passer à l’élevage manuel. Noël Hendrikx témoigne : “Les Nicobars
sont des pigeons relativement faciles, plus que les Carpophages pie ou les Gouras, et en tout cas beaucoup
plus faciles que les Otidiphaps ou Pigeons-faisans de
Nouvelle Guinée”. Tous sont gardés en volières mixtes,
qui avec des gouras et touracos, qui avec des tinamous.
Leur espace double, bâtiment en interne légèrement
chauffé et volière extérieure, leur permet en saison de se
déplacer à leur guise. Mais pendant l’hiver, les oiseaux
sont gardés hors gel car ils ne le supportent pas au niveau
des pattes. Ils sont aussi compartimentés car l’expérience de ces éleveurs montre que les mâles deviennent
particulièrement agressifs en présence des femelles. Au
point de s’entre-tuer ou de tuer leurs compagnes ! Après
une telle expérience, on n’hésite plus à les séparer
quelques mois pour garder le calme. Au printemps, les
couples se reforment dès la mise en présence des
conjoints. Curieusement, les mâles restent calmes entre
eux hors hivernage. Ainsi, en plus grands groupes, ils
seraient plus tolérants, et on retrouve cet aspect colonial
décrit dans la nature.
Leur alimentation se compose de beaucoup de
fruits : pommes et bananes découpées en petits morceaux. Y sont ajoutés des granulés pour faisans, de l’aliment pigeon spécifique quatre saisons VERSELE34
LAGA ainsi que l’aliment tourterelles CARROT-CORN,
et un composé PRETTY BIRD pour frugivores “Yellow
Green” généralement réservé aux pigeons frugivores
(Ptilopes et Duculas). Et enfin, du P40, granulé riche
en vitamines pour pigeons de HOOP FARM !
Le mâle et la femelle incubent l’œuf unique. En cas
de prélèvement de la ponte, le couple peut se remettre
à l’ouvrage 3 ou 4 fois. Il vaut mieux toutefois ne pas
les épuiser en se limitant raisonnablement. Si la saison
commence tôt, les adultes peuvent élever deux jeunes
de suite et les HENDRIKX préfèrent l’élevage parental.
Mais si la première ponte est prélevée, les œufs seront
placés en incubateur à 37,7 °C et 40 % d’humidité
(comme les faisans) pendant 28 à 30 jours. À l’éclosion le jeune totalement nu à la peau noire, sera très
fragile. Il faut donc des adultes fort tranquilles et
dévoués pour réchauffer le poussin, surtout si la
volière n’est pas ou peu chauffée. L’élevage dure un
mois. Comme tous les pigeons, les adultes produisent
dans leur jabot un “lait” mais les Nicobar le feront
plus longtemps que chez les tourterelles, plus d’une
semaine. Les tourterelles se sont donc révélées incapables d’élever les poussins sevrés trop tôt. Les
Gallicolombes pourraient être de bons parents de
remplacement mais cette théorie a été testée par les
HENDRIKX avec si peu de succès qu’ils ont préféré
l’élevage à la main malgré sa difficulté qui est supérieure à celle des gouras ou des pigeons frugivores.
Pour ce faire, ils utilisent de l’aliment KAYTEE poussins de perroquets, nourriture diluée à 50 % au moins
pour les premiers jours, donnée avec une seringue à
embout mou dans le bec de l’oisillon qui avale seul.
Trop riche, il n’est pas digéré par le poussin qui développe un dysfonctionnement digestif mortel en
quelques heures. Patricia surveille en permanence la
digestion au niveau du jabot. Si le transit se fait bien,
elle nourrit un peu toutes les deux heures, sinon elle
attend. La première semaine est donc la plus critique.
Petit à petit l’alimentation est enrichie et enfin les fruits
et granulés seront introduits. À un mois ils sont autonomes, un peu plus à la main car ils grossissent moins vite.
Autrefois importés en quantité au détriment de leur
survie, ils sont aujourd’hui élevés assez communément ce qui permet d’assurer les besoins des amateurs de ces magnifiques et intéressants volatiles. oiseaux exotiques, Février 2007
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