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2/01/07 17:47 Caloenas nicobarica CDE 316 Page 24 NICOBAR À CAMAIL Pigeon de Nicobar Un fort bruit d’ailes soudain, à une très courte distance. Typique de pigeons, mais qui part du sol. Je m’immobilise. Les silhouettes que j’ai pu distinguer se sont perchées sur des branches horizontales à moins de deux mètres de la litière. D’un coup de jumelles, je reconnais dans la pénombre du sous-bois de la jungle de Sumba des pigeons de Nicobar aux allures de poulettes. Je note particulièrement le contraste spécifique entre leur corps gris sombre et la queue blanche, mais aucune des belles irisations brillantes que l’on observe sur les oiseaux captifs n’est visible ici, faute de lumière ! CDE 316 2/01/07 17:47 Page 26 Aire de répartition du Nicobar à caramail (Caloenas nicobarica) Le Pigeon de Nicobar était commun sur toutes les petites îles autour de Sumatra ou Bornéo, mais jamais à Sumatra ou Bornéo ! Globalement, on rencontrait l’espèce des îles Andaman et Nicobar (d’où le nom) situées entre Inde et Birmanie, à travers toute l’Indonésie, jusqu’aux îles Salomon à l’est de la Nouvelle-Guinée. Mais seules les relatives grandes îles : Sumba, Timor, parmi les petites îles de la Sonde à l’est de la ligne de Wallace, ainsi que Mindanao et Mindoro ou Halmahera/Seram accueillaient l’espèce car pour le reste, l’oiseau demeurait véritablement inféodé aux îlots. 27 CDE 316 2/01/07 17:47 Page 28 Texte et photographies Roland Seitre L ’ UN des plus beaux pigeons du monde, rare autrefois en captivité, se démocratise et est aujourd’hui l’une des espèces les plus demandées en élevage. Discret en nature, on l’a cru menacé de disparition. Mais à bien y regarder, le statut objectif de l’espèce dans son milieu de vie comme dans nos volières le place en dehors des animaux en voie d’extinction. En revanche, personne ne conteste son statut de très bel oiseau ! Un pigeon de taille respectable, comparable à celle d’un classique pigeon de ferme, avec un corps plus ramassé, une queue courte et des pattes longues. Une allure de gallinacé plus que de colombidé. Logique, puisqu’il s’agit bien plus d’un oiseau terrestre qu’arboricole. Notons que nombre de pigeons de la zone indopacifique (et quelques-uns en Amérique tropicale) sont inféodés au sol - où ils nichent par ailleurs - et ont donc acquis ces caractères de marcheurs plus que de voiliers. Ses couleurs sont assez ternes a priori avec ce plumage gris sombre sur l’essentiel du corps et vert (métallisé) sur le dos et les ailes. C’est justement ce vert, irisé en pleine lumière, ainsi que les longues plumes partant de la nuque qui tombent sur le dos comme sur la poitrine, qui le mettent en valeur et le distinguent des autres pigeons. Parfois, les irisations tirent sur le roux, le brun, voire le rouge. J’ai vu cette teinte rouille sur les 28 oiseaux captifs du Jurong Bird Park de Singapour sans pouvoir préciser s’il s’agit du résultat de la consanguinité ou de populations d’origine spécifique. S’il existe une deuxième sous-espèce décrite et fort peu différenciée, on ne trouve pas dans la littérature de description d’une telle dissemblance. En revanche, on note la récente “résurrection” d’un Nicobar réidentifié à partir d’un vieux spécimen du muséum de Liverpool, moins coloré et tacheté, longtemps assimilé à un jeune, voire un individu aberrant mais aujourd’hui bien établi comme une espèce à part. Problème toutefois : cette espèce semble avoir disparu car, collectée sans origine précise sauf “îles des mers du sud”, elle n’a jamais été revue depuis la fin du XVIIIe siècle. Il fut décrit en 1783, un autre spécimen a lui été égaré et probablement à jamais. Il existe d’ailleurs quelques autres espèces connues dont on ne connaît l’origine exacte et qui semblent donc perdues pour toujours puisqu’on ne les a pas retrouvées après tant d’années. Celui-ci a été rattaché parfois à Tahiti où un oiseau répondant au nom de titi correspondrait à des descriptions très anciennes. Cela ma paraît assez surprenant car Tahiti fut relativement bien collectée par le naturaliste de Cook dont il reste encore de nombreux spécimens bien identifiés dans les muséums, voire des peintures. De plus il semble assez étonnant qu’aucune autre espèce proche n’ait réussi à s’établir entre les Salomons et Tahiti pour assurer une forme de continuité évolutive. Énigme qui risque donc de ne jamais être résolue. oiseaux exotiques, Février 2007 CDE 316 2/01/07 17:47 Page 30 La caroncule du mâle, plus développée que celle de la femelle serait un critère de sexage. Hélas peu fiable, comme le montre cette photographie où le plus caronculé des deux n’est pas celui qui monte sur l’autre ! Insulaire, erratique et colonial Notre Nicobar à camail, on le connaît mieux : il fait partie des spécialistes des îles de l’Indopacifique. Les milliers d’îles, généralement récifales, qui entourent les grandes masses continentales ou insulaires (Sumatra, Bornéo, Nouvelle Guinée…) ont permis le développement, peut-être étonnant mais bien réel, d’une avifaune spécifique et “endémique” à ce milieu. On va ainsi trouver sur des îlots à quelques kilomètres de la grande terre une espèce de petit duc sur plusieurs dizaines d’îles, alors que sur la grande terre une autre espèce sera présente. De même, le Pigeon de Nicobar était commun sur toutes les petites îles autour de Sumatra ou Bornéo, mais jamais à Sumatra ou Bornéo ! Globalement, on rencontrait l’espèce des îles Andaman et Nicobar (d’où le nom) situées entre Inde 30 oiseaux exotiques, Février 2007 Oiseaux de parcs et volières - Indonésie 31 CDE 316 2/01/07 17:48 Page 32 d’autant que les observations d’individus sont devenues exceptionnelles ! Il faut savoir que les îles sont toutes occupées par les hommes qui pêchent pour leur survie, et occasionnellement chassent. Quand des pigeons dodus nichent par centaines aussi bas qu’à deux mètres du sol, et par dizaines dans le même arbre, il ne faut s’étonner qu’ils constituent des proies faciles et, à l’instar du Pigeon migrateur américain, exterminables ! Les poussins sont très fragiles et Birmanie, à travers toute l’Indonésie, jusqu’aux îles Salomon à l’est de la Nouvelle-Guinée. Mais seules les relatives grandes îles : Sumba, Timor, parmi les petites îles de la Sonde à l’est de la ligne de Wallace, ainsi que Mindanao et Mindoro ou Halmahera/Seram accueillaient l’espèce car pour le reste, l’oiseau demeurait véritablement inféodé aux îlots. Et si j’ai employé l’imparfait c’est que son aire de répartition a été fortement diminuée au vingtième siècle. Chasse, capture pour le trafic et déforestation en sont responsables, mais aussi probablement les introductions d’animaux tels que rats ou chats… L’espèce semble erratique et coloniale. Si le couple forme l’unité de base, les oiseaux se déplacent le plus souvent en groupes d’une centaine (quand ils sont assez nombreux) qui volent haut d’une île à l’autre. Ils semblent alors se déplacer en fonction des ressources alimentaires, en suivant la production des fruits et des noix. L’essentiel de l’alimentation sera glané au sol. Selon la région, la reproduction a lieu toute l’année. Elle voit le rassemblement de dizaines, centaines, voire milliers de couples, mais j’ai peur que cette dernière description n’appartienne, là encore, au passé. Les colonies de pigeons insulaires (il y a plusieurs autres espèces) ont considérablement souffert. Au point qu’au moins deux d’entrent-elles : un pigeon Columba et un Carpophage Ducula, sont menacés d’extinction, 32 oiseaux exotiques, Février 2007 Oiseaux de parcs et volières - Indonésie 33 CDE 316 2/01/07 17:48 Page 34 Dans la Nature, il n’est donc pas facile de rencontrer le Pigeon de Nicobar. En captivité les choses sont devenues plus aisées et on peut rencontrer cette espèce dans un grand nombre de parcs ou chez certains privés. Leur reproduction semble aussi avoir fait de grands progrès. Une volière tropicale au Parc Paradisio montre tous les étés plusieurs nids actifs et je me souviens d’une belle colonie à Asson en plein air. Le nid construit, assez typiquement pour un pigeon, de quelques brindilles entrelacées sera toujours perché. Mais chez M. et Mme HENDRIKX, qui les élèvent en Belgique depuis plus de vingt ans, ils accaparent des plateformes. La reproduction n’y a pas toujours été de rigueur et les problèmes sont nombreux. Déjà, au début le sexage était aléatoire, la caroncule sur le dessus du bec du mâle, plus petite chez la femelle n’est pas très fiable comme critère. Compatibilité des sexes mais aussi des individus. À ce jour cependant (décembre 2006), les trois couples finissent d’élever un jeune de l’année ! Un en élevage totalement naturel mais pour les deux autres il a fallu passer à l’élevage manuel. Noël Hendrikx témoigne : “Les Nicobars sont des pigeons relativement faciles, plus que les Carpophages pie ou les Gouras, et en tout cas beaucoup plus faciles que les Otidiphaps ou Pigeons-faisans de Nouvelle Guinée”. Tous sont gardés en volières mixtes, qui avec des gouras et touracos, qui avec des tinamous. Leur espace double, bâtiment en interne légèrement chauffé et volière extérieure, leur permet en saison de se déplacer à leur guise. Mais pendant l’hiver, les oiseaux sont gardés hors gel car ils ne le supportent pas au niveau des pattes. Ils sont aussi compartimentés car l’expérience de ces éleveurs montre que les mâles deviennent particulièrement agressifs en présence des femelles. Au point de s’entre-tuer ou de tuer leurs compagnes ! Après une telle expérience, on n’hésite plus à les séparer quelques mois pour garder le calme. Au printemps, les couples se reforment dès la mise en présence des conjoints. Curieusement, les mâles restent calmes entre eux hors hivernage. Ainsi, en plus grands groupes, ils seraient plus tolérants, et on retrouve cet aspect colonial décrit dans la nature. Leur alimentation se compose de beaucoup de fruits : pommes et bananes découpées en petits morceaux. Y sont ajoutés des granulés pour faisans, de l’aliment pigeon spécifique quatre saisons VERSELE34 LAGA ainsi que l’aliment tourterelles CARROT-CORN, et un composé PRETTY BIRD pour frugivores “Yellow Green” généralement réservé aux pigeons frugivores (Ptilopes et Duculas). Et enfin, du P40, granulé riche en vitamines pour pigeons de HOOP FARM ! Le mâle et la femelle incubent l’œuf unique. En cas de prélèvement de la ponte, le couple peut se remettre à l’ouvrage 3 ou 4 fois. Il vaut mieux toutefois ne pas les épuiser en se limitant raisonnablement. Si la saison commence tôt, les adultes peuvent élever deux jeunes de suite et les HENDRIKX préfèrent l’élevage parental. Mais si la première ponte est prélevée, les œufs seront placés en incubateur à 37,7 °C et 40 % d’humidité (comme les faisans) pendant 28 à 30 jours. À l’éclosion le jeune totalement nu à la peau noire, sera très fragile. Il faut donc des adultes fort tranquilles et dévoués pour réchauffer le poussin, surtout si la volière n’est pas ou peu chauffée. L’élevage dure un mois. Comme tous les pigeons, les adultes produisent dans leur jabot un “lait” mais les Nicobar le feront plus longtemps que chez les tourterelles, plus d’une semaine. Les tourterelles se sont donc révélées incapables d’élever les poussins sevrés trop tôt. Les Gallicolombes pourraient être de bons parents de remplacement mais cette théorie a été testée par les HENDRIKX avec si peu de succès qu’ils ont préféré l’élevage à la main malgré sa difficulté qui est supérieure à celle des gouras ou des pigeons frugivores. Pour ce faire, ils utilisent de l’aliment KAYTEE poussins de perroquets, nourriture diluée à 50 % au moins pour les premiers jours, donnée avec une seringue à embout mou dans le bec de l’oisillon qui avale seul. Trop riche, il n’est pas digéré par le poussin qui développe un dysfonctionnement digestif mortel en quelques heures. Patricia surveille en permanence la digestion au niveau du jabot. Si le transit se fait bien, elle nourrit un peu toutes les deux heures, sinon elle attend. La première semaine est donc la plus critique. Petit à petit l’alimentation est enrichie et enfin les fruits et granulés seront introduits. À un mois ils sont autonomes, un peu plus à la main car ils grossissent moins vite. Autrefois importés en quantité au détriment de leur survie, ils sont aujourd’hui élevés assez communément ce qui permet d’assurer les besoins des amateurs de ces magnifiques et intéressants volatiles. oiseaux exotiques, Février 2007 Oiseaux de parcs et volières - Indonésie 35