Des artistes mettent à nu les crimes abominables perpétrés au Sri

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Des artistes mettent à nu les crimes abominables perpétrés au Sri
Des artistes mettent à nu les crimes
abominables perpétrés au Sri Lanka
Exposition « Chercher ». Photo: Voix
d’Exils.
Trois jeunes artistes ont pris l’initiative d’aborder des sujets tabous
dont aucun Sri-Lankais n’ose parler à haute voix et qui sont tus par la
communauté internationale à l’occasion d’une exposition de dessins. Cette
exposition – offrant une vision crue sur la situation politique qui sévit
actuellement au Sri Lanka – s’est tenue du samedi 26 au mardi 29 octobre
au centre socioculturel Pôle Sud.
Samedi 26 octobre 18:00. Les curieux se pressent à l’entrée de l’une des
salles d’exposition du centre socioculturel Pôle Sud située au 1er étage
du bâtiment pour assister au vernissage de l’exposition de dessins
intitulée «Chercher». Les œuvres sont disposées le long des murs de la
salle et sont accompagnées de légendes fournies. L’un des jeunes artistes
prend la parole pour expliquer les sens de chaque image ainsi que le fil
rouge de l’exposition qui aborde, de manière émouvante et troublante, les
horreurs consécutives au bafouement des droits humains perpétrés par le
gouvernement sri-lankais. La démarche est à la fois simple et efficace :
c’est à travers les étapes du parcours biographique d’une femme, qui se
lisent comme les chapitres d’un livre, que les visiteurs s’immergent dans
la situation dépeinte. L’histoire débute avec la représentation d’une
femme enceinte et se termine par un tableau qui évoque sa fin tragique,
quelques années après la disparition de sa fille unique. A travers cette
initiative, les artistes cherchent à sensibiliser le public à propos de
la situation alarmante qui sévit actuellement au Sri Lanka, qui a succédé
à une guerre civile qui a ravagé le pays entre 1983 et 2009. Nombreux
sont celles et ceux qui ont entendu parler de la guerre au Sri Lanka,
mais peu sont informés des faits horribles qui continuent à se produire
encore aujourd’hui. Derrière les cocotiers et les plages de sable fin,
que peut apprécier le touriste qui se rend au Sri Lanka, se cache
certaines réalités mortifères. Ainsi, depuis la fin de la guerre en mai
2009, le taux de disparitions forcées de la population tamoule n’a cessé
d’augmenter. Ainsi, en 2013, le Sri Lanka est classé en deuxième position
après l’Irak dans la catégorie des États qui voient le plus grand nombre
de leurs ressortissants disparaître dans un rapport du Groupe de travail
sur les disparitions forcées ou involontaires du Conseil des droits de
l’homme édité au début de l’année. L’exposition mentionne aussi que le
Sri Lanka est l’un des pays les plus hostiles aux journalistes au monde.
En parallèle, les visiteurs de l’exposition étaient invités à signer une
pétition
d’Amnesty
International
dont
le
but
est
de
suspendre
définitivement la campagne d’expulsion des personnes déboutées de la
communauté sri-lankaise vivant en Suisse. Rappelons ici que dernièrement,
au courant du mois de septembre, des requérants Sri-Lankais déboutés de
la Suisse se sont faits arrêtés lorsqu’ils sont rentrés dans leur pays
d’origine. James*, l’un des trois jeunes artistes, a accepté de répondre
aux questions de Voix d’Exils.
Exposition « Chercher ». Photo:
Voix d’Exils : Pourquoi avez-vous choisi le dessin pour vous exprimer?
James : Nous avons choisi le dessin, car à travers ce dernier, le message
est plus vite transmis qu’à travers un long texte. Le dessin est plus
facilement enregistré par la mémoire de l’être humain et il dépasse les
frontières
langagières.
Ainsi,
grâce
au
dessin,
le
message
de
l’exposition peut aussi être transmis aux personnes qui ne maîtrisent
pars les langues française ou tamoul.
Pourquoi vos œuvres sont-elles toutes en noir et blanc, alors que juste
quelques éléments comme les bijoux et les broderies sont en couleur ?
Quelle est la signification de ce choix artistique ?
Nos œuvres sont en noir et blanc pour marquer le temps passé et l’état
d’angoisse des personnages représentés. La couleur sur les bijoux et les
broderies vise à attirer l’attention des visiteurs afin de les inviter à
questionner davantage les images et pour montrer la particularité
culturelle de la femme tamoule sri-lankaise.
Combien de temps cela vous a-t-il pris pour réaliser ces œuvres d’art et
d’où proviennent vos sources d’inspiration ?
Exposition « Chercher ».
Photo: Voix d’Exils.
La création de ces œuvres d’art nous a pris 5 week-ends de travail à
raison d’un jour par week-end, vu que nous avons d’autres occupations
durant la semaine. En ce qui concerne nos sources d’inspiration, nous
avons-nous-même
vécu
au
Sri
Lanka
et
observé
plusieurs
scènes
représentées dans nos œuvres qui sont restées gravées dans nos mémoires.
Aujourd’hui, nous recevons encore des témoignages de gens qui évoquent
les situations que nous décrivons dans nos dessins.
Comment votre collectif d’artiste s’est-il formé et qu’est-ce qui vous a
inspiré pour initier cette exposition ?
Nous nous sommes rencontrés ici en Suisse en 2010 et nous avons tous des
intérêts en commun. Nous parlons souvent de sujets en lien avec le Sri
Lanka. Nous avons décidé de monter cette exposition après avoir entendu
parlé de la campagne du 22 septembre dernier sur le Sri Lanka qui avait
eu lieu à Olten et qui était organisée par des jeunes Sri-Lankais et des
jeune militants d‘Amnesty International.
Exposition « Chercher ». Photo: Voix
d’Exils.
Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez été confrontés lors de
la production de vos œuvres?
La plus grande difficulté que nous avons rencontré était d’assembler
simultanément et de manière cohérente dans nos tableaux nos interventions
individuelles, car il s’agit d’œuvres collectives. Parfois, le dessin ne
correspondait pas à l’idée de l’un ou de l’autre et, du coup, l’on devait
le refaire entièrement.
Combien de visiteurs avez-vous reçu depuis le début de l’exposition ?
Quelles ont été leurs réactions et quelles sont vos impressions ?
Nous avons déjà reçu une quarantaine de visiteurs jusqu’à maintenant.
Tous étaient prêts à nous écouter et ont appréciés cette initiative.
Plusieurs d’entre eux nous ont encouragés. Pour notre part, nous sommes
très satisfaits de la réussite de cette première exposition et, en
particulier, du fait que notre message puisse passer auprès de la
population suisse.
Quel est votre mot de la fin ?
Si nous nous taisons, qui parlera à notre place ? Nous sommes prêts à
courir ce risque pour amener un changement au Sri Lanka. Toutes ces
informations ont un lien direct avec la situation actuelle de notre pays.
Je tiens aussi à vous informer que l’exposition se poursuivra dans
d’autres lieux du canton de Vaud et dans d’autres cantons également.
* Nom d’emprunt.
Propos recueillis par :
Pastodelou
Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils
Infos :
Pour visionner le film sur l’exposition réalisé par 4TamilMedia cliquez
ici
Lire aussi sur Voix d’Exils «Pour le renforcement des droits humains au
Sri Lanka et la protection des requérants en Suisse
Pour le renforcement des droits
humains au Sri Lanka et la protection
des requérants en Suisse
Logo de la campagne « Protection, vérité
et justice pour la population srilankais »
Amnesty International, en collaboration avec la Société pour les peuples
menacés et l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), a lancé la
campagne «Protection, vérité et justice pour la population sri-lankaise».
Une pétition et un documentaire entendent sensibiliser la population
suisse à la situation délicate dans laquelle se trouvent les réfugiés
tamouls.
Quatre ans après la fin de la guerre civile entre les forces
gouvernementales et les Tigres tamouls, la situation des droits humains
au Sri Lanka reste alarmante. 26 ans de conflit armé ont laissé des
traces profondes et la paix a un goût amer. Selon Amnesty International
«Le gouvernement refuse toujours qu’une enquête indépendante soit menée
sur les crimes de guerre commis par l’armée et les Tigres tamouls. Les
voix critiques sont menacées, emprisonnées ou victimes de disparitions
forcées.»
Soupçonnée d’entretenir des liens avec les Tigres tamouls, la communauté
tamoule est la plus touchée par ces violences. C’est pourquoi les Tamouls
de Suisse vivent dans la crainte d’être renvoyés au Sri Lanka. En 2011,
un arrêt du Tribunal administratif fédéral prétendait que toutes les
régions tamoules du Sri Lanka étaient en sécurité ce qui justifiait des
expulsions. Entre temps, et au vu des risques encourus suite au renvoi et
à l’arrestation de plusieurs personnes lors de leur arrivée sur le sol
sri-lankais, la Suisse a provisoirement suspendu les renvois.
Mais cela ne suffit pas. Amnesty International, l’OSAR et la Société pour
les peuples menacés dénoncent la violation des droits humains, l’absence
d’enquête fiable sur les crimes de guerre et la situation des requérants
d’asile en détresse. Ces organisations ont lancé une pétition afin que la
Suisse s’engage pour le renforcement des droits humains au Sri Lanka et
la protection des requérants.
La campagne prévoit encore la projection d’un documentaire sur les crimes
de guerre commis pendant la dernière phase de la guerre civile en 2009 :
« No Fire Zone : Les champs de la mort du Sri Lanka » (2013). Prévue le 4
novembre à 18:30, au Casino de Montbenon, à Lausanne, la séance est
gratuite et sera précédée d’un cocktail sri-lankais, occasion d’une
rencontre avec la communauté sri-lankaise de Suisse romande.
Pour mieux comprendre la situation de la grande communauté sri-lankaise,
composée pour la Suisse de 50’000 personnes dont 22’000 naturalisés, Voix
d’Exils a interviewé David Cornut, coordinateur de campagne d’Amnesty
International, et vous propose de partager l’histoire de Vignesh qui
explique comment il a évité in extremis d’être renvoyé au Sri Lanka après
avoir été débouté.
Interview de David Cornut, Coordinateur de la
campagne «Protection, vérité et justice pour la
population sri-lankaise» d’Amnesty International
Ganimete Heseti et David Cornut
Voix d’Exils : Quel est le but principal de votre campagne ?
David Cornut : Amnesty International veut dénoncer la situation qui
prévaut au Sri Lanka, un pays qui viole les droits humains, est coupable
de persécutions, de tortures et d’atteintes à la liberté d’expression.
Pourtant, la Suisse considère le Sri Lanka comme un pays sûr. Des accords
de facilitation des réadmissions entre la Suisse et le Sri Lanka sont
actuellement en cours. Or, les renvois dans un pays qui n’est pas sûr
sont complètement interdits par la loi suisse.
Pourtant, le gouvernement suisse a décidé de stopper l’exécution de
renvois vers le Sri Lanka…
Cette mesure est provisoire et ne suffit pas. Amnesty demande que la
Suisse stoppe tous les renvois sur le long terme, et pas seulement de cas
en cas, tant que la situation au Sri Lanka n’est pas sûre pour tout le
monde.
Comment peut-on aider la population du Sri Lanka?
Il faut faire toute la lumière sur les crimes de guerre et rendre la
justice dans les deux camps : l’armée officielle et les Tigres tamouls.
Grâce
aux
pressions
politiques
et
économiques
de
la
communauté
internationale, qui observe en permanence le Sri Lanka, la situation de
la population sri-lankaise va pouvoir changer. L’Inde, par exemple, a
passé une résolution sur la violation des droits humains au Sri Lanka. Et
l’inde est un partenaire important.
Quelles sont les chances de succès de votre campagne ?
L’arrêt – même provisoire – des renvois au Sri-Lanka est un premier
succès. Maintenant, on a besoin que les gens signent la pétition pour la
Suisse. On a besoin que les gens parlent du Sri Lanka, car le pire c’est
le silence. C’est important que l’opinion publique pense au Sri Lanka
autrement que comme une destination pour passer des vacances. Et aussi,
pour que la population suisse sache qui sont les Tamouls.
A votre avis, quelles seront les réactions du gouvernement du Sri Lanka
vis-à-vis de votre campagne ?
Il est difficile de faire des pronostics… Le gouvernement du Sri Lanka
est très sensible à la critique. Il essaie de se construire une nouvelle
image et il a essayé d’empêcher la projection du film «No Fire Zone : Les
champs de la mort du Sri Lanka» à Genève.
Propos recueillis par Lamin et Sara Pages
Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils
Vignesh, débouté Sri-Lankais, évite in extremis
d’être renvoyé de Suisse
Vignesh*, 25 ans, est un demandeur d’asile Sri-Lankais. Arrivé en Suisse
en 2009, il a reçu une décision négative à sa demande d’asile à deux
reprises, et aurait dû être renvoyé au Sri Lanka le 8 août dernier.
Mis sous pression, Vignesh appose sa signature pour l’obtention d’un
passeport provisoire valide pour trois jours et, de manière inattendue,
se voit remettre immédiatement un ticket de vol pour le 8 août avec
l’ordre de se présenter à l’aéroport de Cointrin à Genève pour son
rapatriement.
Lorsque le jour du vol arrive, il ne se présente pas à l’aéroport. Il se
cache dans différents lieux : chez des amis, à la gare ferroviaire de
Genève ou dans un arrêt de bus, ce par temps froid comme par temps chaud.
Durant la même période, deux familles renvoyées par le canton de Saint
Gall sont arrêtées sur le sol sri-lankais. Suite à ces événements, le
gouvernement suisse décide de geler immédiatement tous les rapatriements
des ressortissants Sri-Lankais.
Vignesh prend connaissance de cette nouvelle, en parle à un avocat
social, se rend au Service de la population du canton de Vaud (SPOP), et
demande à nouveau l’aide d’urgence. Le SPOP refuse de répondre
favorablement à sa demande, car il n’a pas été notifié de la décision de
l’Office fédéral des migrations (ODM) et lui reproche de séjourner de
manière illégale en Suisse à partir de la date arrêtée pour son renvoi.
Un jour plus tard, le SPOP prend contact avec son avocat pour l’informer
qu’il entre en matière à propos de l’octroi de l’aide d’urgence. Ce
retournement de situation est tout à fait exceptionnel par rapport à la
situation des Sri-Lankais déboutés résidant en Suisse et témoigne de la
force de la décision de l’ODM. A nouveau, Vignesh est logé dans l’abri de
la protection civile où il séjournait auparavant et, de surcroît, il a
obtenu un permis N.
Que lui serait-il arrivé s’il avait été renvoyé le jour prévu au Sri
Lanka ? Le gouvernement suisse affirmait à l’époque être en mesure de
conserver le contact avec les personnes renvoyées. Dans les faits, ce
contrôle s’est avéré très difficile à mettre en œuvre, en particulier en
dehors de Colombo, la capitale, à fortiori après que plusieurs mois se
soient écoulés depuis la date du renvoi. Mentionnons également qu’une loi
anti-terroriste promulguée par le gouvernement sri-lankais menace
potentiellement quiconque appartenant à la diaspora sri-lankaise, dont
les membres sont suspectés presque systématiquement de collaborer avec
les Tigres tamouls. La suspicion concerne, en particulier, les personnes
provenant
de
Suisse
;
et
celles-ci
s’exposent
à
des
peines
d’emprisonnement de 12 ans au minimum.
Pour l’heure, Vignesh est satisfait de sa situation et espère pouvoir
rester en Suisse. Il pense qu’il obtiendra un statut de réfugié ou que
son autorisation de séjour temporaire sera prolongée sur le long terme,
étant donné que la situation au Sri Lanka met en danger les populations
tamoules. Il est également persuadé que le gouvernement et le peuple
suisses comprennent aujourd’hui la dangerosité de la situation qui règne
dans son pays.
L. et S.P.
*Nom d’emprunt
Informations
NO FIRE ZONE : LES CHAMPS DE LA MORT DU SRI LANKA, documentaire, 2013,
Vo/St.fr, Callum Macrae
Affiche du film « No
fire zone »
Présenté par Amnesty International, ce film braque les projecteurs sur
les crimes de guerre commis pendant la dernière phase de la guerre
civile, en 2009. Le documentaire, dont les réalisateurs ont été nominés
au Prix Nobel de la Paix, a provoqué une vive émotion lors de sa
projection en marge du Conseil des droits de l’homme des Nations unies.
Avec une introduction de Manon Schick, directrice d’Amnesty International
Suisse
et Namasivayam Thambipillai, conseiller communal de la ville de
Lausanne.
Quand
4.11.2013
18h30 Cocktail sri lankais, 19h00 Film
Où
Casino de Montbenon – Salle des Fêtes
Allée Ernest-Ansermet 3
1003 Lausanne
m1: Vigie; m2, LEB: Lausanne-Flon; tl 3, 6, 21:
Cécil
Entrée
Entrée libre – inscription préalable : [email protected]
Scènes choquantes, destiné à un public adulte.
« Créer un business était la seule
solution pour nous »
M. Mathiyarasan, propriétaire du S.M.T.
New Asia Shop. Photo: Sara
Fuyant la guerre civile au Sri Lanka qui opposait le gouvernement
Sri lankais aux Tigres tamouls, les premiers Tamouls ont trouvé
refuge en Suisse dans les années quatre-vingt. A cette époque, la
majorité des Tamouls travaillait dans des restaurants comme aidescuisiniers et plongeurs. Avec le temps et grâce à leur travail
acharné, certains ont réussi à devenir chef de cuisine ou
propriétaire de restaurants et à servir leurs propres clientèles.
D’autres ont ouvert des épiceries. Les entreprises dirigées par des
Tamouls se multiplient à partir des années 90 et occupent une bonne
place dans les commerces tenus par des étrangers en Suisse. Voix
d’Exils est allé à la rencontre de Mathiayarasan, le patron du plus
ancien magasin sri-lankais de Lausanne sis à la rue du Simplon 12 :
le S.M.T New Asia Shop.
Nous sommes le jeudi 24 mai 2012, il est 14 heures et c’est le
moment creux de la journée. Renseignant les clients présents dans
le magasin tout en déballant des palettes de marchandises qui
viennent
d’être
réceptionnées,
Mathiayarasan
est
néanmoins
disponible pour répondre à quelques questions.
Photo: Sara
Voix d’Exils : Pouvez-vous retracer l’histoire du S.M.T. New Asia
Shop?
Mathiyarasan : J’étais soldat et j’ai été blessé durant la guerre
civile. J’ai donc dû quitter mon pays en 2003. Lorsque ma femme et
moi sommes arrivés en tant que demandeurs d’asile en Suisse,
j’étais vraiment triste pour elle car elle cherchait du travail et
n’en trouvait pas. Elle ne voulait pas rester à l’aide sociale.
Mais je ne voulais pas qu’elle fasse un travail de nettoyeuse dans
un restaurant ou un bureau. A ce moment-là, je travaillais dans un
autre magasin. Cela me révoltait, qu’en général, les employeurs
chargent les employés Tamouls pour réaliser les travaux les plus
durs. Moi, j’étais souvent submergé de travail. Ma femme et moi,
nous avons alors songé à créer notre propre business. C’était la
seule solution pour nous. Après des efforts acharnés pendant huit
ans, j’ai enfin ouvert mon propre magasin en reprenant le S.M.T New
Asia Shop. Jusqu’à maintenant, nous n’avons pas fait de grands
bénéfices, mais ma femme jouit de son indépendance et elle semble
très contente.
Photo: Sara
Est-ce un bon travail ?
Notre revenu ne suffit pas. Si on avait des enfants, il faudrait
que l’un de nous trouve un autre travail. Pour le moment, on dégage
des bénéfices pour payer un salaire. C’est tout. A cause des
préparatifs nécessaires pour le lendemain, ma femme et moi
travaillons de 06h00 jusqu’à 20h00 tous les jours, week-ends
compris. Nous n’avons pas de temps pour nous, même pour cuisiner.
Il est parfois arrivé qu’on doive jeter une grande partie des
produits à la poubelle à cause du retard d’une livraison de légumes
du Sri Lanka par exemple. En outre, ma femme se retrouve souvent
face un problème grave l’après-midi. Il arrive que lorsqu’elle est
seule dans le magasin, des jeunes gens ivres entrent et la
perturbent. Quelques fois, ils ont essayé de voler des produits du
magasin et on a dû déposer plainte auprès de la police.
Photo: Sara
Quels genres de produits vendez-vous le plus ?
Le riz, les épices, les fruits en conserve, les légumes frais, les
exhausteurs de goût, le dal, les haricots, les lentilles et les
poissons Indiens. Nous vendons aussi du Siddhalepa, qui est une
baume à base de plantes très populaire an Sri Lanka.
Qui sont vos clients ?
Des Européens, des Suisses, des Sri Lankais, des Africains, des
touristes…On reçoit plus de 150 personnes chaque jour.
Où avez-vous trouvé les fonds pour ouvrir votre magasin ?
J’ai vendu le terrain résidentiel que j’avais chez moi et j’ai
investi l’argent dans ce magasin. Cela m’a coûté plus de CHF 8000.pour réaliser les travaux de rénovation qui étaient nécessaires
pour la reprise du magasin.
Quels sont vos plans d’avenir ?
J’aimerais retourner chez moi, je l’espère dans moins de 10 ans. Je
conseille aux jeunes de ne pas ouvrir leur propre négoce avant
d’avoir acquis les connaissances nécessaires. Je leur conseille
aussi d’étudier dur et de choisir un métier qui leur permette de ne
pas travailler plus de huit heures par jour et de profiter de la
vie.
Propos recueillis par :
Sara
Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

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