La lettre Défense et Sécurité
Transcription
La lettre Défense et Sécurité
La lettre Défense et Sécurité Mars 2012 L’activité des sociétés militaires privées françaises bientôt régulée ? Dans un Rapport d’information enregistré à la Présidence de l’Assemblée Nationale le 14 février dernier, les députés C. Ménard et J-C. Viollet brisent un tabou et préconisent le développement d’Entreprises de Services de Sécurité et de Défense (ESSD) françaises. Le Rapport d’information était attendu et sa publication a suscité de nombreuses réactions chez les acteurs, publics comme privés, du secteur de la défense. Plus que briser un tabou, les députés Christian Ménard et Jean Claude Viollet ont pris la mesure d’une réalité économique présente sur notre territoire depuis plus d’une décennie et dont l’existence a longtemps été ignorée. Le Rapport invite ainsi à rompre avec le déni de réalité qui a longtemps prévalu en la matière et fait le constat de la faiblesse de l’offre française dans ce secteur, comparativement aux Etats anglo-saxons notamment. Les deux parlementaires préconisent le renforcement de ce secteur d’activité qu’il convient, selon eux, d’encadrer tant sur les plans législatif que réglementaire. Leur constat de l’inadaptation du cadre législatif qu’instaurent les lois n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité et n°2003-340 du 14 avril 2003 relative à la répression de l’activité de mercenaire, à l’évolution d’une profession souvent étrangère à la fourniture de services proprement combattants mais tout de même réalisés hors du territoire national, est indéniablement fondé. Cependant, la régulation des Entreprises de Services de Sécurité et de Défense soulève un certain nombre d’interrogations afférentes à l’articulation des compétences des différents ordres juridictionnels, au régime juridique applicable en matière de contrats, au statut des personnels ou encore au droit des assurances, entre autres. En tout état de cause, le développement de fleurons nationaux en matière de services de sécurité et de défense reste subordonné à la modernisation du cadre législatif et réglementaire, adapté aux réalités économiques de leur activité. Un secteur d’activité longtemps ignoré Le poids des héritages historiques Dans sa première partie, le Rapport souligne que dans le sillage de la Révolution française, s’est répandue une conception étatiste de la sécurité et de la défense qui instaure une césure entre les activités mercantiles et la sécurité publique. Le souvenir de la bataille de Valmy, couplé à l’instauration de la conscription, ont été à l’origine d’un attachement indéfectible au caractère essentiellement public des forces armées de la Nation. L’article XII de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen constitutionnalise le principe du primat de la « force publique » sur la force privée et, sur ce fondement, les jurisprudences constitutionnelles et administratives ont posé puis constamment rappelé le principe d’interdiction de la délégation des services publics de sécurité et de défense à un prestataire privé. En 2003, la loi relative à la répression de l’activité de mercenaire précitée répond ainsi à un double objectif de cristallisation de ce paradigme hérité de la Révolution française et d’adresse d’un message d’exemplarité à la communauté internationale, au risque de jeter l’opprobre sur le secteur français de la sécurité privée dans son ensemble. Une offre française encore sous-dimensionnée Les rapporteurs voient tant dans la réprobation morale de l’activité de mercenaire que dans sa pénalisation, les principales causes du faible développement des sociétés militaires privées en France. Toute association contractuelle entre le secteur public de la sécurité et la défense et des prestataires de service est désormais suspecte et ce, alors même que la nature des prestations proposées n’est en rien similaire à l’activité qu’auraient pu mener autrefois Bob Denard et consorts. Le secteur français est de ce fait peu structuré et peu de sociétés sont en mesure d’assurer des prestations d’accompagnement sécuritaire global (audit de sécurité, envoi de personnels sur zone, formation et recrutement local) au profit des grands groupes français. Aussi robustes soient-elles sur le plan économique, les sociétés françaises sont de taille très inférieure à leurs consœurs anglo-saxonnes. C’est notamment le cas au Sahel, au Maghreb et ou encore en Cyrénaïque où les entreprises françaises intéressées par la reconstruction de la Libye ont trouvé dans les sociétés britanniques des solutions de sécurité mieux adaptées à leur taille et à l’étendue de leurs besoins. En réponse, les rapporteurs préconisent l’édification d’un véritable secteur français des services de sécurité et de défense dont le développement tient, en premier lieu, à la structuration législative et réglementaire de l’activité. Vers une régulation par la loi ? Le droit applicable Notre droit interne ne méconnaît pas la totalité des activités privées dans le secteur de la sécurité et de la défense. L’activité des sociétés privées de sécurité est encadrée et régulée. La loi du 12 juillet 1983 précitée circonscrit l’activité des sociétés privées de sécurité au seul territoire national et limite leurs domaines d’intervention à la surveillance humaine, au transport de fonds et à la protection de l’intégrité physique des personnes. Depuis le 1er janvier 2012, le Conseil National des Activités Privées de Sécurité (CNAPS) est l’autorité de régulation chargée de l’agrément et du contrôle des entreprises du secteur mais son champ de contrôle ne concerne cependant que les ESSD dont les prestations fournies rentrent dans le champ de la loi de 1983 précitée. Parallèlement, la loi du 14 avril 2003 précitée pénalise le mercenariat. Les articles 436-1 et suivants du code pénal prévoient ainsi des peines pouvant aller jusqu’à cinq années d’emprisonnement, 75 000 euros d’amende, la privation des droits civiques et l’interdiction de séjour pour toute personne physique ou morale qui se livrerait ou participerait à une activité mercenaire. Or, pour caractériser ce délit, six critères cumulatifs doivent être réunis ce qui complique l’application effective de la loi et lui ôte de sa substance proprement pénale au profit d’une portée plus symbolique. 2 L’activité des sociétés militaires privées françaises bientôt régulée ? Les prestations de services offertes par les ESSD françaises répertoriées par les rapporteurs ne rentrent toutefois pas dans le champ de la loi si bien que le droit français peut être jugé relativement silencieux au sujet des sociétés militaires privées. Convaincus que ce secteur doit pourtant compter des champions nationaux, les rapporteurs préconisent alors des inflexions législatives et réglementaires. L’avis des rapporteurs et les inquiétudes qu’il suscite Le rapport d’information préconise trois inflexions législatives majeures. La première consiste à ouvrir le secteur dans le cadre de la protection contre les actes de piraterie maritime. Les rapporteurs proposent d’insérer dans la loi de 1983 précitée des dispositions relatives aux prestations assurées à bord de navires battant pavillon français afin de dissuader et prévenir d’éventuelles attaques pirates. Parallèlement, les rapporteurs préconisent d’envisager une loi qui, sur le même modèle que la loi de 1983, caractériserait les ESSD et définirait limitativement leur champ d’activité. Enfin, les députés Christian Ménard et Jean Claude Viollet estiment urgent d’instaurer des mécanismes de labellisation et de contrôle des activités du secteur, le cas échéant en suivant l’exemple du CNAPS. S’il faut se féliciter de la progression vers plus de réglementation, de nombreuses interrogations subsistent néanmoins. Les États-majors français font de l’externalisation un enjeu sous-jacent à la question des ESSD et craignent que leur développement ne conduise à davantage d’externalisation et de pertes de compétences. Parallèlement, certains dirigeants d’ESSD ont pointé les difficultés liées au contrôle des activités réalisées par leurs filiales offshore. Dans les deux cas, ces inquiétudes traduisent une mauvaise appréhension des enjeux juridiques de la réglementation des activités des ESSD. Par définition, les ESSD de droit étranger ne seraient soumises à une éventuelle réglementation française que lorsqu’elles seraient amenées à conclure des contrats avec des personnes morales, publiques ou privées, de droit français. De la même manière, le développement des activités des ESSD dans un cadre juridique de droit privé au profit de clients privés n’empiète pas sur le service public régalien, dans la mesure où il n’appartient pas aux militaires d’active français d’offrir des prestations commerciales de sécurité aux industriels français pour des activités menées dans des Etats où l’armée française n’est pas engagée au titre des opérations extérieures. Inversement, la passation de marchés publics avec des ESSD dans le cadre de projets d’externalisation, reste soumise au droit public français qui exclut les services proprement régaliens du champ des activités pouvant être sous-traitées. Dans sa conclusion, le rapport d’information préconise de favoriser l’émergence d’acteurs français de taille critique. Cet objectif prend acte des transformations majeures d’un secteur d’activité en mal de structuration. Il ne pourra toutefois être atteint qu’au moyen d’inflexions législatives et réglementaires que les parlementaires appellent de leurs vœux. Leur compréhension et leur intégration par les ESSD nécessitera alors un accompagnement juridique de qualité, de sorte à délivrer une prestation à la fois fiable aux yeux des industriels français et au dessus de tout soupçon de la part des acteurs institutionnels du monde de la sécurité et de la défense. Matthieu de Varax Guillaume Fonouni-Farde Mayer Brown is a global legal services organisation advising many of the world’s largest companies, including a significant portion of the Fortune 100, FTSE 100, DAX and Hang Seng Index companies and more than half of the world’s largest banks. Our legal services include banking and finance; corporate and securities; litigation and dispute resolution; antitrust and competition; US Supreme Court and appellate matters; employment and benefits; environmental; financial services regulatory & enforcement; government and global trade; intellectual property; real estate; tax; restructuring, bankruptcy and insolvency; and wealth management. OFFICE LOCATIONS AMERICAS: Charlotte, Chicago, Houston, Los Angeles, New York, Palo Alto, Washington DC ASIA: Bangkok, Beijing, Guangzhou, Hanoi, Ho Chi Minh City, Hong Kong, Shanghai, Singapore EUROPE: Brussels, Düsseldorf, Frankfurt, London, Paris TAUIL & CHEQUER ADVOGADOS in association with Mayer Brown LLP: São Paulo, Rio de Janeiro ALLIANCE LAW FIRM: Spain (Ramón & Cajal) Please visit our web site for comprehensive contact information for all Mayer Brown offices. www.mayerbrown.com Mayer Brown is a global legal services provider comprising legal practices that are separate entities (the “Mayer Brown Practices”). The Mayer Brown Practices are: Mayer Brown LLP and Mayer Brown Europe–Brussels LLP, both limited liability partnerships established in Illinois USA; Mayer Brown International LLP, a limited liability partnership incorporated in England and Wales (authorised and regulated by the Solicitors Regulation Authority and registered in England and Wales number OC 303359); Mayer Brown, a SELAS established in France; Mayer Brown JSM, a Hong Kong partnership and its associated entities in Asia; and Tauil & Chequer Advogados, a Brazilian law partnership with which Mayer Brown is associated. “Mayer Brown” and the Mayer Brown logo are the trademarks of the Mayer Brown Practices in their respective jurisdictions. © 2012. The Mayer Brown Practices. All rights reserved. 0124bru Mars 2012 XXXX