la lumière au bout des doigts

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RENCONTRE
J o s é
D a o u d a l
LA LUMIÈRE AU
BOUT DES DOIGTS
PAR A NDRÉE M AENNEL
Paysagiste, c’est ainsi que José Daoudal se définit. Et en
termes de paysages, la Bretagne n’a plus de secret pour
lui, avec ses ciels bas sur l’horizon, d’une richesse de tons
et de nuances époustouflante. L’eau et le ciel sont pour lui
des sujets d’exploration sans fin. Avec eux, il crée la
lumière. Et donne pour Dessins & Peintures une leçon de
pastel sur le motif.
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Quel est votre parcours ?
J’ai commencé à peindre à 20
ans. Je suis autodidacte, mais je
suis originaire du côté de PontAven, et j’ai toujours vu des gens
peindre. Pendant longtemps, j’ai
fait de l’huile, toujours du paysage. Et puis, il y a une dizaine
d’années, j’ai découvert le pastel,
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Retour au port, pastel, 24x33 cm
La Route du passage (détail), pastel, 35x50 cm
Promenade côtière,
pastel, 33x41 cm
et je me suis dit que j’avais perdu
20 ans de ma vie ! Ce fut la révélation. C’est si beau ! J’ai acheté
des bouquins, j’ai étudié la technique. J’ai fait quelques expositions, et j’ai senti que ce que je
faisais plaisait. J’ai rencontré de
très bons pastellistes, notamment
Chris, qui m’a fait travailler autre
chose que les paysages, cela
m’a aidé.
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Travaillez-vous sur
le motif ou
d’après photo ?
J’ai une maison dans le Morbihan
et je travaille à 90% sur le motif.
Je suis vraiment paysagiste. J’ai
toujours été attiré par le travail sur
le motif. On a une sensibilité à la
lumière, on croque la lumière
avec ses yeux. Dès que je suis
enfermé, ce n‘est pas mon truc.
Dans tous vos
tableaux, votre
ligne d’horizon est
très basse, est-ce
un parti pris ?
J’ai une règle, 1/3, 2/3 ; la ligne
d’horizon est toujours placée à
1/3 du bas du tableau. Parfois,
j’ai envie de ne peindre que le
ciel. Les ciels sont si beaux, si
changeants ! J’aime les ciels du
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La Marée, pastel, 33x41 cm
Du point de vue de la technique, une fois que les
automatismes sont acquis, il ne faut pas les corriger, au contraire, il faut les entretenir.
matin ou de la fin d’après-midi.
Cette règle de composition est
devenue un automatisme.
Comment travaillez-vous ?
Il faut faire avec la météo ; en
fonction du temps qu’il fait, je sais
où je vais aller pour être à l’abri du
vent ; une fois arrivé sur le motif,
je vois le tableau, il est fini dans
ma tête, avant même que je ne le
commence. Ma main peint toute
seule. Dès que je mets en place
la composition, je vois le tableau,
ce sont des automatismes.
Mais ces automatismes
ne risquent-ils pas de
brider la créativité ?
Ce qui est important en peinture,
c’est d’avoir un style que les gens
reconnaissent. Ces automatismes sont liés au style ; mais il y a
quand même une recherche permanente ; c’est la découverte
d’autres peintres, d’autres techniques. Pour moi, la remise en
question existe à travers des thématiques différentes. En ce
moment, je prépare une exposi Printemps à Origné, pastel, 50x65 cm
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Les meules, pastel, 35x50 cm
L’équipement du
pastelliste sur le motif
● « J’ai acheté mon chevalet aux EtatsUnis, où les pastellistes sont plus gâtés. Il
y a tout un matériel véritablement ‘‘ dédié ’’
aux pastellistes. Ce chevalet se présente
comme une boîte, dans laquelle on peut
ranger tous les bâtons de pastel ; quand
on l’ouvre, le couvercle sert de support.
● Je peins sur Pastelmat, c’est un papier
très agréable, très fin, doux à l’estompe, et
qui tient l’eau !
● J’ai toutes les marques de pastel. Chaque fabricant a ses teintes. Pour les verts
profonds, Sennelier est incomparable.
Pour les gris, c’est Unison. Et pour les
ciels, Schmincke ou Winson & Newton.
● La dureté ou la tendresse du bâton ont
également une influence. Chaque marque
a un toucher différent. Il faut apprendre à
les connaître. Les textures, les couleurs…,
on a ses habitudes, à tel point que si tel
ou tel bâton me manque, je me sens
perdu !
tion et je vais vers d’autres motifs,
comme la Mayenne.
Du point de vue de la technique,
une fois que les automatismes
sont acquis, il ne faut pas les corriger, au contraire, il faut les entretenir. On exprime mieux son
potentiel ainsi.
Vous achevez vous
tableaux en une séance
sur le motif ?
Oui, il faut environ trois heures. Il
ne faut pas aller au-delà, car la
lumière change. Quand j’arrive, je
mets tout de suite les lumières et
les ombres en place, pour qu’elles ne puissent plus bouger.
Et puis j’attaque le ciel, et je descends vers la ligne d’horizon.
La ligne d’horizon doit être floue,
la terre et le ciel s’interpénètrent.
Depuis peu, j’ajoute des personnages, c’est nouveau pour moi.
Je vois passer des gens, il m’arrive de leur demander de s’arrêter ;
ça met de la vie dans le tableau.
Récemment, je suis allé au
musée d’Orsay, j’ai regardé des
Corot, il y a souvent une tache
rouge dans son travail.
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Le travail sur le motif
implique des contraintes
techniques ; est-ce que
vous utilisez un fixateur ?
Je ne fixe jamais, jamais, jamais.
Ce qui m’intéresse, c’est la fraîcheur de tons. Et puis, avec mon
support, le Pastelmat, ça accroche bien. Une fois terminés, je
mets mes tableaux sous verre.
Et quand le travail sur le
motif n’est pas possible,
travaillez-vous en atelier ?
En atelier, je fais des bouquets,
des natures mortes, quand le
temps ne permet pas de sortir,
qu’il fait trop humide. Mais il m’arrive d’aller peindre dehors même
en hiver, entre 13 et 15 heures.
J’ai des mitaines pour peindre !
C’est être sur le motif qui déclenche l’envie de peindre. C’est tellement grandiose, la nature !
Pouvez-vous nous parler
de la lumière ?
C’est la vie du tableau ! Ce qui fait
les contrastes, ce sont les passa-
ges de l’ombre à la lumière. C’est
pour cela qu’il faut peindre tôt le
matin ou en fin d’après-midi.
Finalement, la lumière,
c’est votre sujet principal ?
Quelqu’un a dit un jour que j’avais
la lumière au bout des doigts. Il
m’est arrivé de faire des séries
sans bouger, le même motif à
des moments différents, pour justement rendre les changements
de lumière. En Bretagne, la
lumière est plus bleue. Il y a l’influence de la marée. La marée va
amener des changements ;
quand elle monte, le ciel se
charge de nuages. Selon la
marée et les saisons, les ciels
sont fabuleux. C’est d’une beauté
sans nom. Quand je ne suis pas
en Bretagne, je vis en Mayenne,
la lumière est différente, mais à
Laval, le long de la Mayenne, elle
est aussi très belle. En fait, j’aime
le ciel et j’aime l’eau !
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Contacts : reportezvous à notre carnet
d’adresses p.54
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