la lumière au bout des doigts
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la lumière au bout des doigts
DEP049P56-59 1/06/10 8:08 Page 56 RENCONTRE J o s é D a o u d a l LA LUMIÈRE AU BOUT DES DOIGTS PAR A NDRÉE M AENNEL Paysagiste, c’est ainsi que José Daoudal se définit. Et en termes de paysages, la Bretagne n’a plus de secret pour lui, avec ses ciels bas sur l’horizon, d’une richesse de tons et de nuances époustouflante. L’eau et le ciel sont pour lui des sujets d’exploration sans fin. Avec eux, il crée la lumière. Et donne pour Dessins & Peintures une leçon de pastel sur le motif. 56 Quel est votre parcours ? J’ai commencé à peindre à 20 ans. Je suis autodidacte, mais je suis originaire du côté de PontAven, et j’ai toujours vu des gens peindre. Pendant longtemps, j’ai fait de l’huile, toujours du paysage. Et puis, il y a une dizaine d’années, j’ai découvert le pastel, Dessins et Peintures n° 49 DEP049P56-59 1/06/10 8:08 Page 57 Retour au port, pastel, 24x33 cm La Route du passage (détail), pastel, 35x50 cm Promenade côtière, pastel, 33x41 cm et je me suis dit que j’avais perdu 20 ans de ma vie ! Ce fut la révélation. C’est si beau ! J’ai acheté des bouquins, j’ai étudié la technique. J’ai fait quelques expositions, et j’ai senti que ce que je faisais plaisait. J’ai rencontré de très bons pastellistes, notamment Chris, qui m’a fait travailler autre chose que les paysages, cela m’a aidé. Dessins et Peintures n° 49 Travaillez-vous sur le motif ou d’après photo ? J’ai une maison dans le Morbihan et je travaille à 90% sur le motif. Je suis vraiment paysagiste. J’ai toujours été attiré par le travail sur le motif. On a une sensibilité à la lumière, on croque la lumière avec ses yeux. Dès que je suis enfermé, ce n‘est pas mon truc. Dans tous vos tableaux, votre ligne d’horizon est très basse, est-ce un parti pris ? J’ai une règle, 1/3, 2/3 ; la ligne d’horizon est toujours placée à 1/3 du bas du tableau. Parfois, j’ai envie de ne peindre que le ciel. Les ciels sont si beaux, si changeants ! J’aime les ciels du 57 DEP049P56-59 1/06/10 8:08 Page 58 RENCONTRE La Marée, pastel, 33x41 cm Du point de vue de la technique, une fois que les automatismes sont acquis, il ne faut pas les corriger, au contraire, il faut les entretenir. matin ou de la fin d’après-midi. Cette règle de composition est devenue un automatisme. Comment travaillez-vous ? Il faut faire avec la météo ; en fonction du temps qu’il fait, je sais où je vais aller pour être à l’abri du vent ; une fois arrivé sur le motif, je vois le tableau, il est fini dans ma tête, avant même que je ne le commence. Ma main peint toute seule. Dès que je mets en place la composition, je vois le tableau, ce sont des automatismes. Mais ces automatismes ne risquent-ils pas de brider la créativité ? Ce qui est important en peinture, c’est d’avoir un style que les gens reconnaissent. Ces automatismes sont liés au style ; mais il y a quand même une recherche permanente ; c’est la découverte d’autres peintres, d’autres techniques. Pour moi, la remise en question existe à travers des thématiques différentes. En ce moment, je prépare une exposi Printemps à Origné, pastel, 50x65 cm 58 Dessins et Peintures n° 49 DEP049P56-59 1/06/10 8:08 Page 59 Les meules, pastel, 35x50 cm L’équipement du pastelliste sur le motif ● « J’ai acheté mon chevalet aux EtatsUnis, où les pastellistes sont plus gâtés. Il y a tout un matériel véritablement ‘‘ dédié ’’ aux pastellistes. Ce chevalet se présente comme une boîte, dans laquelle on peut ranger tous les bâtons de pastel ; quand on l’ouvre, le couvercle sert de support. ● Je peins sur Pastelmat, c’est un papier très agréable, très fin, doux à l’estompe, et qui tient l’eau ! ● J’ai toutes les marques de pastel. Chaque fabricant a ses teintes. Pour les verts profonds, Sennelier est incomparable. Pour les gris, c’est Unison. Et pour les ciels, Schmincke ou Winson & Newton. ● La dureté ou la tendresse du bâton ont également une influence. Chaque marque a un toucher différent. Il faut apprendre à les connaître. Les textures, les couleurs…, on a ses habitudes, à tel point que si tel ou tel bâton me manque, je me sens perdu ! tion et je vais vers d’autres motifs, comme la Mayenne. Du point de vue de la technique, une fois que les automatismes sont acquis, il ne faut pas les corriger, au contraire, il faut les entretenir. On exprime mieux son potentiel ainsi. Vous achevez vous tableaux en une séance sur le motif ? Oui, il faut environ trois heures. Il ne faut pas aller au-delà, car la lumière change. Quand j’arrive, je mets tout de suite les lumières et les ombres en place, pour qu’elles ne puissent plus bouger. Et puis j’attaque le ciel, et je descends vers la ligne d’horizon. La ligne d’horizon doit être floue, la terre et le ciel s’interpénètrent. Depuis peu, j’ajoute des personnages, c’est nouveau pour moi. Je vois passer des gens, il m’arrive de leur demander de s’arrêter ; ça met de la vie dans le tableau. Récemment, je suis allé au musée d’Orsay, j’ai regardé des Corot, il y a souvent une tache rouge dans son travail. Dessins et Peintures n° 49 Le travail sur le motif implique des contraintes techniques ; est-ce que vous utilisez un fixateur ? Je ne fixe jamais, jamais, jamais. Ce qui m’intéresse, c’est la fraîcheur de tons. Et puis, avec mon support, le Pastelmat, ça accroche bien. Une fois terminés, je mets mes tableaux sous verre. Et quand le travail sur le motif n’est pas possible, travaillez-vous en atelier ? En atelier, je fais des bouquets, des natures mortes, quand le temps ne permet pas de sortir, qu’il fait trop humide. Mais il m’arrive d’aller peindre dehors même en hiver, entre 13 et 15 heures. J’ai des mitaines pour peindre ! C’est être sur le motif qui déclenche l’envie de peindre. C’est tellement grandiose, la nature ! Pouvez-vous nous parler de la lumière ? C’est la vie du tableau ! Ce qui fait les contrastes, ce sont les passa- ges de l’ombre à la lumière. C’est pour cela qu’il faut peindre tôt le matin ou en fin d’après-midi. Finalement, la lumière, c’est votre sujet principal ? Quelqu’un a dit un jour que j’avais la lumière au bout des doigts. Il m’est arrivé de faire des séries sans bouger, le même motif à des moments différents, pour justement rendre les changements de lumière. En Bretagne, la lumière est plus bleue. Il y a l’influence de la marée. La marée va amener des changements ; quand elle monte, le ciel se charge de nuages. Selon la marée et les saisons, les ciels sont fabuleux. C’est d’une beauté sans nom. Quand je ne suis pas en Bretagne, je vis en Mayenne, la lumière est différente, mais à Laval, le long de la Mayenne, elle est aussi très belle. En fait, j’aime le ciel et j’aime l’eau ! ■ Contacts : reportezvous à notre carnet d’adresses p.54 59