Le tatouage en héritage - La semaine de la mémoire

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Le tatouage en héritage - La semaine de la mémoire
LE TATOUAGE EN HERITAGE : QUAND LES JEUNES ISRAËLIENS SE FONT
TATOUER LE N° DE MATRICULE DES DEPORTES D’AUSCHWITZ-BIRKENAU
Jeudi 22 septembre 2016 – Université Bordeaux - Amphi Léon Duguit
Conférence de Christophe Lastécouères, Maître de conférences en histoire contemporaine.
Le tatouage en héritage, ou comment un numéro déshumanisant peut devenir un symbole à la fois
personnel et collectif… Le rapport à la mémoire de la Shoah est reconstruit à chaque génération, et ce
sont aujourd’hui les petits-enfants de déportés qui s’en emparent. En Israël, où l’Etat hébreu était
préoccupé par sa construction et sa défense, vivre avec la mémoire de la Shoah n’a pas été plus facile
qu’ailleurs pour les anciens déportés. Cette première génération s’est tue, renvoyée à ses cauchemars
éprouvants. En 2025, on estime que les anciens déportés vivant aujourd’hui en Israël ne seront plus
que 48 000. La 3e génération se sent à présent investie de leur mémoire, comme en témoigne le
film « Numbered », de Dana Doron et Uriel Sinai en 2012. L’une des témoins interrogés, Ruth Bondy,
déportée pendant la guerre, a vécu son tatouage comme une marque d’infamie, un stigma dont elle a
voulu se débarrasser. « Ici, en Israël, les juifs m’ont demandé : qu’avez-vous fait pour rester en vie ?
[…] Après une année, j’ai voulu faire enlever ce numéro par la chirurgie. […]. Un numéro n’est qu’un
numéro. Je n’en ai pas besoin pour me souvenir de l’Holocauste ». Pour Léo Luster, en revanche, ce
n’est pas une cicatrice, mais une médaille. Il rejette le sentiment de honte sur les Allemands. Entre
ces deux extrêmes - le rejet et la fierté - il y a peu de mémoire intermédiaire. Et les jeunes ? Pour les
descendants de déportés qui avaient été tatoués d’un numéro de matricule à Auschwitz-Birkenau,
cette mémoire peut s’imprimer sur le corps, en reproduisant le tatouage de leurs grands-parents.
Pour ce petit-fils de 28 ans, Ayal Gelles, cet acte lui permet de « matérialiser la relation qu’[il] a avec
[son] grand-père et de lui rendre hommage ». Mais son geste ne fait pas l’unanimité, d’autant que
pour certains religieux observants, se tatouer la peau est vécu comme un interdit. Embrayeur de
mémoire, ce geste est aussi un mode d’appropriation, comme dans cette autre famille, les Diamnt, où
deux générations se sont approprié cette marque, en ajoutant un symbole au matricule. Ainsi, après
une telle pulsion de silence pendant 70 ans, on assiste à présent à une passation du stigmate : pour
les descendants des rescapés, il est l’emblème d’un devoir de mémoire essentiel et collectif.
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