Agnès florin.pub \(Lecture seule\) - SNUipp

Transcription

Agnès florin.pub \(Lecture seule\) - SNUipp
FCPE
AGEEM
FRANCAS GERMEA GFEN
ICEM
Ligue de l’enseignement MGEN
OCCE
PEP Prévention MAÏF Collectif théâtre jeune
SE-UNSA
USEP
SGEN-CFDT
SNUIPP-FSU
FERC-CGT
Journée départementale
Samedi 20 juin à Socoa
La qualité de l’éducation de la
petite enfance
et le rôle de l’école maternelle,
un enjeu pour l’avenir.
Agnès Florin
Professeur de Psychologie du développement et de l’éducation à
l’Université de Nantes (UN) depuis 1990. Responsable de l’Equipe
« Contextes Educatifs, Développement, Représentations, Evaluation » (CEDRE) du Laboratoire de Psychologie “Education, Cognition, Développement” (Labécd – EA 3259).
Présidente du groupe de pilotage pour l’évaluation nationale des
élèves en grande section de maternelle et au cours préparatoire
(Ministère de l’Education Nationale : 2000-02). Participation au
plan de lutte contre l’illettrisme et à l’évaluation nationale de la maîtrise de l’écrit en CE1.
Consultante pour les Nations Unies (UNICEF) 2001-2003.
Thèmes de recherche actuels : éducation et développement des jeunes enfants ; qualité
des modes d’accueil préscolaires ; développement du langage et interactions adultesenfants ; évaluation des compétences des jeunes enfants ; prévention des difficultés d’apprentissage ; dimensions conatives des apprentissages ; effets du redoublement précoce ;
apprendre à apprendre ; imagination et raisonnement chez l’enfant.
Petit extrait de bibliographie:
Florin, A., Braun-Lamesch, M.M., Bramaud Du Boucheron, G. (1985). Le langage à l'école maternelle. Bruxelles : Mardaga.
Florin, A. (1991). - Pratiques du langage en maternelle et prédiction de la réussite scolaire. Paris :
Presses Universitaires de France, Croissance de l'Enfant, Genèse de l'homme.
Florin, A. (2000). La scolarisation à deux ans et autres modes d’accueil. Paris : INRP.
Florin, A. (2007). Petite enfance et modes d’accueil : qu’en dit la recherche internationale. Toulouse :
Erès.
Macé, S. Florin, A. (2005). Amitié et attachement à la crèche et à l’école maternelle. In Scolariser la
petite enfance ? Actes du 2ème Colloque international « Constructivisme et éducation ». Genève :
SRE.
Participation à Gaillard, M. (2005). Réussir en maternelle : des spécialistes répondent à vos questions. Paris : Albin Michel.
Les spécificités des modes d’accueil
pour les enfants de deux ans
Agnès Florin, professeur de psychologie, Laboratoire Éducation, Cognition, Développement, université de Nantes, Loire-Atlantique
En quoi les modes d’accueil des enfants de deux ans
sont-ils ou devraient-ils être spécifiques ?
Les structures de la petite enfance et l’école maternelle constituent des lieux d’accueil
adaptés à cet âge, mais il me semble que l’une comme l’autre nécessitent des adaptations
pour que cela se fasse dans de meilleures conditions. Les deux ans représentent une tranche d’âge un peu charnière et très souvent ces enfants ne sont bien ni à la crèche ni à l’école.
Ils sont souvent un peu grands pour la crèche, même si ces structures sont bien adaptées
sur le plan du respect du rythme de l’enfant. La crèche est organisée autour des plus petits
et les deux ans exigent un autre mode de prise en charge, d’autres organisations pédagogiques.
L’école maternelle, par son organisation et les professionnels qui y exercent, met l’accent
sur les apprentissages, mais les tout-petits ont besoin d’être accueillis, avec tout ce que
cela veut dire de respect de l’enfant. Cela nécessite des temps d’observation sur la façon
dont l’enfant se comporte, dont il manifeste sa propre curiosité, ses modes d’interactivité
avec les autres, des temps pour être attentif à leur curiosité individuelle et accompagner
leur découverte de l’objet qu’ils ont choisi. Il s’agit davantage de proposer des situations
pédagogiques ou éducatives que de les organiser de façon formelle. L’imposition d’activités
ou de temps collectifs ne permet pas de saisir toutes les petites explorations du monde
dans lesquels l’enfant s’engage. Cette dimension collective est nécessaire et fait partie des
rituels, des rythmes de vie du groupe, à l’école comme à la crèche, mais elle ne doit pas
empêcher l’enfant de mener ses propres explorations.
À deux ans, l’enfant a des besoins de sécurité affective importants, mais il a également besoin d’ouverture, d’éveil. Le tête-à-tête permanent avec un adulte dans un appartement
n’est pas une situation idéale. Des lieux d’accueil parents-enfants existent, mais pas partout
et loin s’en faut. Les parents ont besoin de soutien éducatif dans la prise en charge de ces
enfants de deux ans.
Il me semble que l’accueil des parents n’est pas encore suffisamment développé. Les directives ministérielles pour l’école maternelle encouragent vivement ce travail en direction des
familles, mais il est centré sur des aspects administratifs, matériels ou organisationnels.
Lors de l’inscription à l’école, il serait intéressant de pouvoir échanger avec les parents, de
façon approfondie sur ce que représente la scolarisation de leur enfant, sur la façon dont il
va être préparé à son entrée à l’école. L’école fonctionne sans doute souvent dans des formes d’évidence qui empêchent de prendre en considération ce qui se passe à la maison,
ce que pensent les parents, ce qu’ils imaginent que ça va apporter à l’enfant. La simple présentation du cadre scolaire ne permet pas d’aborder tous ces aspects. Accueillir l’enfant de
deux ans, c’est aussi accueillir ses parents et leur donner les moyens de trouver leur place
à l’école. Cette question est plus sensible pour les enfants de deux ans en raison de leur
très jeune âge, mais la réflexion qu’elle suscite peut bénéficier aussi aux plus âgés.
L’enfant de deux ans devrait avoir un droit d’accès à une éducation gratuite, comme cela
est inscrit dans un certain nombre de documents relatifs aux droits de l’enfant. Ce droit
d’accès ne constituant pas une obligation de fréquentation mais une possibilité d’intégration, même partielle, dans une école ou une structure de la petite enfance. Il serait important de pouvoir offrir, dans un cadre de lutte pour l’égalité des chances, cet accueil aux enfants de milieux défavorisés qui, comme tous les enfants de deux ans, ont besoin d’être sollicités, de développer du lien social, d’élargir leur horizon, d’utiliser leurs compétences. L’école ou la structure d’accueil sont souvent utilisés comme des modes de garde et il nous
revient, en tant que professionnels, d’en faire des lieux d’éducation, d’éveil et faire partager
ces dimensions aux parents.
Quels pourraient être les aménagements à apporter à l’école maternelle
pour développer un accueil de qualité des enfants de deux ans ?
On pourrait envisager de nouvelles formes de collaborations entre professionnels, comme
c’est le cas dans d’autres pays européens. Au Danemark, en Suède et en Hollande, l’accueil des petits est réalisé par une équipe qui regroupe plusieurs professionnels de la petite
enfance. Avec cette présence d’autres professionnels, la question de la propreté pour l’entrée à l’école pourrait être traitée autrement car elle ne constitue pas un préalable à la scolarisation, en tout cas les textes ne le mentionnent pas clairement à ma connaissance.
Un certain nombre d’enseignants de maternelle partagent ce constat d’une nécessité d’aménagements de l’école pour accueillir les plus petits. Les créations de « classes passerelles » sont à ce titre tout à fait intéressantes et des duos d’éducatrices de jeunes enfants et
enseignantes de maternelle y fonctionnent de façon efficace et harmonieuse. Sur le plan
administratif, légal, les dispositifs de ce genre ne sont pas simples à mettre en œuvre parce
que les statuts, les horaires ne sont pas les mêmes. Il faut faire preuve de beaucoup de
convictions et s’assurer le soutien d’autres professionnels, comme les membres de la PMI,
du centre social, pour arriver à faire vivre ces nouvelles modalités d’accueil.
Dans certains quartiers en grandes difficultés, de nombreux professionnels finissent par
être un peu débordés par les problèmes qu’ils rencontrent et, pour faire face à ces situations souvent dramatiques, ils ont besoin de se retrouver et d’inventer ensemble de nouveaux dispositifs. La confrontation à des difficultés massives oblige en quelque sorte les
acteurs de terrain à travailler ensemble.
Je n’appartiens ni à l’école maternelle ni aux structures de la petite enfance et cette position
me permet de questionner l’une et les autres, de constater les difficultés que chacune rencontre pour l’accueil des deux ans. Je ne saurais dire laquelle est la plus adaptée à un enfant de cet âge, mais je crois que l’on aurait tout intérêt à développer cette idée de transversalité et à lutter contre les clivages professionnels qui sont particulièrement marqués en
France et qui ne sont pas pertinents.
Peut-être pour conclure, une réflexion sur la façon dont on parle de la scolarisation des
deux ans : celle-ci est souvent qualifiée de précoce dans une école maternelle qui relève de
l’éducation préscolaire, je m’interroge sur ces termes comme si l’accueil des petits ne se
justifiait toujours que dans un « après ».
Propos recueillis par Joce Le Breton,
coordinatrice REP à Paris
La scolarisation avant trois ans a-t-elle
une influence sur la suite de la scolarité ?
Quelle est votre opinion sur la scolarisation des enfants âgés de deux à
trois ans ?
J’y suis plutôt favorable, mais pas pour
tous les enfants et pas dans toutes les
écoles. D’ailleurs, lorsque l’on évoque la
scolarisation des enfants entre deux et
trois ans, il faut savoir que la plupart
ont entre deux ans et demi et trois ans.
Ces six mois sont importants car, pour
pouvoir aller à l’école, l’enfant doit savoir contrôler ses sphincters et ne doit
pas être un gros dormeur du matin. Par
ailleurs, il faut qu’il soit en bonne santé.
Mais par delà ces aspects purement
physiologiques, il faut également qu’il
possède un mode d’expression, verbal ou
non verbal, sinon il sera malheureux. Car
il aborde de nouvelles phases de son développement, découvrant la dimension
collective de la communication puis, rapidement, passant de la communication à
la verbalisation.
Propos recueillis par Patrick Lallemant
Des enquêtes ont été menées sur ce sujet...
spécifiquement français, puisque nous sommes le seul pays au monde, avec la Belgique,
qui scolarise les enfants avant l’âge de
trois ans. Toutes les études portant sur
des populations nombreuses — l’une d’elles
a permis de suivre près de 10.000 enfants
— attestent de gains durables dans des
domaines tels que la compréhension orale,
les exercices numériques ou logiques et
même l’écriture. Les bénéfices les plus importants concernent les enfants issus d’un
milieu défavorisé et sont constatés au
moins jusqu’à l’arrivée en cours préparatoire. Mais ils ne compensent pas totalement les différences induites par d’autres
facteurs, comme le trimestre de naissance
ou l’origine sociale. Sur un plan cognitif, la
scolarisation précoce peut atténuer des
différences, mais elle ne les supprime pas.