Nouvelles technologies d`analyse de l`ADN (VLM

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Nouvelles technologies d`analyse de l`ADN (VLM
RECHERCHE
Maladies neuromusculaires
NOUVELLES TECHNOLOGIES
D’ANALYSE DE L’ADN
Grâce aux nouvelles technologies d’analyse de l’ADN, le diagnostic des maladies
neuromusculaires devrait s’accélérer sous peu. Une bonne nouvelle pour les 30 à 40 %
de malades toujours sans diagnostic génétique.
ncore aujourd’hui, 30 à 40 %
des personnes affectées par
une maladie neuromusculaire ne disposent pas de
diagnostic génétique. Cependant,
sous peu, ces chiffres pourraient être
revus à la baisse grâce notamment au
projet européen NMD-Chip, initié
par l’AFM et différents laboratoires
européens en octobre 2008 et qui
s’est terminé en septembre dernier.
L’objectif de ce projet, coordonné par
Nicolas Lévy de l’Inserm de Marseille (1), était d’utiliser les nouvelles
technologies d’analyses de l’ADN
pour étudier le génome des malades
plus rapidement qu’avec les méthodes
classiques.
« Pour l’instant, le diagnostic se fait
gène par gène. Après avoir posé un
diagnostic clinique, le médecin
demande au laboratoire de diagnostic moléculaire d’étudier un gène.
Puis, si celui-ci n’est pas le bon, il en
propose un autre, et ainsi de suite. La
démarche prend donc au mieux plusieurs semaines, au pire des années »,
constate Gisèle Bonne, responsable
de l’équipe «Génétique et physiopathologie des Maladies Neuromusculaires » à l’Institut de Myologie (2). Or,
les technologies comme les puces à
ADN ou la capture de l’ADN associée au séquençage haut débit ont
gagné en fiabilité tout en devenant
moins coûteuses. D’où l’idée de les
E
utiliser pour le diagnostic des maladies neuromusculaires. « Dans le
cadre du projet, nous avons travaillé
à la mise au point et à la validation
de ces deux types d’outils avec des
gènes connus pour être impliqués
dans différentes maladies neuromusculaires (3) et avec ceux soupçonnés de l’être [dits « gènes candidats
», ndlr.] », précise Gisèle Bonne. Pour
les puces à ADN appelées CGH
NMD-Chip, très schématiquement,
la technique consiste à fixer sur une
lame des fragments d’ADN simples
brins dont les séquences correspondent à des gènes d’intérêt des
maladies
neuromusculaires.
Ensuite, sont déposés sur ces
plaques les ADN simples brins de
malades. Si ceux-ci « se collent » à
l’ADN de la plaque, on en déduit
qu’ils renferment une séquence
identique, mais si une séquence de
l’ADN n’est pas complémentaire de
celle de l’ADN normal, c’est qu’elle
est absente ou qu’elle présente des
anomalies.
Une fois mises au point, ces puces
ont été testées sur l’ADN de malades
non diagnostiqués par diverses
équipes dont celle d’Isabelle Richard
de Généthon. « Nous avons analysé
l’ADN de plusieurs dizaines de
malades et, pour nombre d’entre eux,
nous avons pu poser un diagnostic
génétique, indique la chercheuse. Par
ailleurs, nous avons identifié de nouvelles anomalies parmi les gènes candidats dont l’étude est toujours en
cours. » Forts de ces résultats, les responsables du projet NMD-Chip souhaitent maintenant diffuser ces puces
vers les laboratoires de diagnostic
génétique. Toutefois, malgré
PUCES CGH NMD-Chip.
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RECHERCHE
Le peignage moléculaire : un
diagnostic plus précis et
plus rapide de la FSHD
LES NOUVELLES TECHNOLOGIES d’analyse de l’ADN
au service de l’étude du génome des malades.
leur grand intérêt, ces puces
ne permettent d’identifier que des
délétions et insertions internes aux
gènes. Pour les autres mutations, il
s’agit d’analyser plus finement le
génome, d’où le deuxième volet du
projet. Là encore, très schématiquement, la première étape consiste à
capturer dans le génome d’un
malade les gènes d’intérêt des maladies neuromusculaires. Ceux-ci sont
ensuite amplifiés, séquencés puis
comparés à des gènes normaux afin
de déterminer s’il existe des différences entre eux, des variations susceptibles d’être des mutations. À ce
jour, ces outils ont été validés pour
les variations déjà connues, mais ils
doivent encore faire leurs preuves
avec les gènes candidats. Un travail
auquel contribue l’équipe de Gisèle
Bonne. « Après avoir testé sans succès une vingtaine de malades non
diagnostiqués avec des puces CGH
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LES MYOP ATHIES
Genomic Vision
Grâce au peignage moléculaire, une analyse de l’ADN
développée par la société de biotechnologie Genomic
Vision, le département de Génétique médicale de l’hôpital
La Timone à Marseille a mis au point un diagnostic fiable
et rapide de la dystrophie facio-scapulo-humérale
(FSHD) (1). Cette technique consiste à obtenir, à partir
d’une molécule d’ADN qui est en « pelote », des filaments
d’ADN étirés, alignés et fixés sur une lame de microscope
puis, après traitement, de les analyser directement. Pour
la FSHD, il est alors possible de compter précisément le
nombre de régions D4Z4 du chromosome4, un nombre
qui est inférieur à dix chez les malades. « Par ailleurs, il
permet de faire la différence entre ces D4Z4 et ceux du
chromosome 10 qui perturbent le diagnostic dans les
analyses classiques, complète Rafaëlle Bernard, un des
médecins biologistes ayant participé à ce travail. Enfin, le
peignage moléculaire ne prend qu’une dizaine de jours
pour chaque malade. » D’ores et déjà, 180 malades ont
bénéficié de cette technique dans le laboratoire
marseillais et ils pourraient être rapidement plus
nombreux, y compris pour d’autres maladies.
(1) Molecular Combing Reveals Allelic Combinations in
Facioscapulohumeral Dystrophy, Annals of Neurology, vol. 70,
pp. 627-33.
NMD-Chip, nous les analysons
maintenant avec le séquençage haut
débit, indique la chercheuse. Plus
précisément, nous avons opté pour
deux types d’analyse : une en capturant uniquement les gènes d’intérêt
et l’autre en capturant tous les exons
du génome, c’est-à-dire toutes les
régions codantes de l’ADN. »
En effet, la technologie avance si vite
que des sociétés séquencent maintenant l’exome des gens, c’est-à-dire
tous les exons de leur ADN, et fournissent toutes les variations existant
entre l’exome d’un individu et un
exome « normal ». L’idée est donc
séduisante, mais elle a peut-être des
limites. D’une part, « toutes les anomalies ne se situent pas uniquement
dans les exons », indique Gisèle
Bonne. Par ailleurs, « cette technique
fournit un nombre colossal de données qu’il faut ensuite traiter »,
complète Isabelle Richard. D’où la
nécessité des outils de bio-informatique développés en particulier
par Christophe Béroud de l’Inserm
de Montpellier. Le prochain défi
sera donc le transfert en diagnostic
de routine de ces outils, mais une
chose est sûre, sous peu, le diagnostic va gagner en fiabilité et en
rapidité. Et pour cause. Rien qu’avec
les puces à ADN, l’analyse du
génome d’une vingtaine de malades
pour tous les gènes d’intérêt prend
à peine… deux mois !
FRANÇOISE DUPUY-MAURY
(1) Directeur de l’unité Inserm - Université
U910.
(2) UMRS 974 (UPMC, Inserm, CNRS, Institut
de Myologie) - Thérapie des maladies du
muscle strié.
(3) Myopathies de Duchenne, de Becker et
des ceintures (LGMD), dystrophies musculaires congénitales, maladies de CharcotMarie-Tooth.

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