Fran. - International Social Service

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Fran. - International Social Service
Centre International de Référence pour la protection de l’enfant dans l’adoption
CIR/SSI
Service Social International
32, Quai du Seujet
1201 Genève - Suisse
Tél. : +41 22 906.77.09
Fax : +41 22 906.77.01
[email protected]
www.iss-ssi.org
Mise à jour : avril 2004
Les fondements éthiques et juridiques de l’adoption des enfants délaissés,
Contribution au Colloque « Devenir adoptable, être adopté », organisé à Paris les 13
et 14 novembre 2003
Isabelle Lammerant,
Coordinatrice adjointe du CIR/SSI1,
Docteur en droit de l’Université de Louvain (Belgique)
Introduction : Brève présentation du CIR/SSI
I.
Devenir adoptable – être adopté : une réalité préoccupante à travers le monde
II.
Les fondements juridiques d’un véritable Code éthique international de l’adoption
III.
Pour un projet de vie familiale permanente pour chaque enfant
IV.
Etre adopté : des instruments juridiques diversifiés au service des enfants
V.
Nécessité d’un changement de mentalités des professionnels et des candidats
adoptants
Conclusion : Pour une remise en question régulière des professionnels et un
projet de vie permanent pour les enfants
1
Je remercie très chaleureusement Cécile Maurin, Assistante Droits de l’enfant au CIR/SSI, pour ses
recherches de droit et de pratique comparés.
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
1.- Je suis particulièrement honorée et intéressée d’avoir été invitée à prendre part à vos
travaux, et je vous en remercie chaleureusement.
Le sort des enfants en situation de placement temporaire constitue en effet une
préoccupation majeure pour les défenseurs des droits des enfants à travers le monde. Des
réseaux de professionnels se sont constitués sur le sujet, qui échangent informations, études
et pratiques2. L’Unicef et le CIR/SSI développent par ailleurs depuis 2004 un projet de
recherche et de plaidoyer intitulé « Improving Protection for Children without parental Care :
The Need for international Standards » (Améliorer la protection des enfants qui ne sont pas
pris en charge par leurs parents : le besoin de standards internationaux)3.
Votre approche interdisciplinaire me paraît en outre indispensable pour la compréhension
et l’action en la matière.
Mais précisons d’abord le lieu d’où je vous parle.
Introduction : Brève présentation du CIR/SSI
2.- Le Service Social International est une ONG internationale bénéficiant d’un réseau de
services sociaux nationaux dans plus de 160 pays. Elle intervient dans des cas individuels à
la demande de personnes, d’organismes ou d’autorités, pour offrir une aide aux personnes
et aux familles connaissant des problèmes juridiques ou sociaux causés par les migrations
ou les déplacements internationaux. Son mode d’action spécifique consiste dans la
promotion d’une coopération entre services sociaux, autorités administratives, voire
juridictions des pays concernés par une situation familiale internationale, en vue du
rétablissement ou du renforcement de liens familiaux, ainsi que de l’appui à la résolution des
conflits4.
Programme créé par le Service Social International, le Centre International de Référence
pour la protection de l'enfant dans l'adoption (CIR/SSI), situé à Genève, a pour but de
contribuer, à travers le monde, à une meilleure protection des enfants en situation ou en
risque de délaissement familial. Il travaille en réseau avec les Autorités des pays concernés,
les organismes de protection de l’enfance et d’adoption agréés et les professionnels
partageant une éthique fondée sur les droits de l’enfant.
Le CIR/SSI développe des activités de documentation, d’information, de recherche,
d’expertise et de formation orientées vers la promotion des droits de l’enfant. Il publie
notamment un Bulletin mensuel d’information et d’analyse, relatif aux législations et
pratiques de protection de l’enfant privé de famille à travers le monde. Ce Bulletin est
disponible gratuitement pour les professionnels engagés dans la promotion des droits de
l’enfant, qui en font la demande5.
2
Voyez notamment le Global Network on Better Care ; contacts : Alexandra Yuster, Unicef
[email protected]
et
John
Williamson,
Displaced
Children
and
Orphans
Fund,
[email protected].
3
Des documents seront prochainement disponibles à ce sujet sur le site du SSI, à l’adresse
http://www.iss-ssi.org/Resource_Centre/Reference/Documents_int_/documents_int_.html. Contacts:
Alexandra Yuster, Unicef, [email protected]; Nigel Cantwell, SSI, [email protected] et
Isabelle Lammerant, CIR/SSI, [email protected].
4
Pour plus d’informations, voyez le site internet du SSI : http://www.iss-ssi.org/index.html.
5
Site internet du CIR/SSI, contenant une description de ses activités ainsi que des documents de
référence
et
une
banque
de
données
bibliographiques:
http://www.issssi.org/Resource_Centre/resource_centre.html. Adresse e-mail du Centre: [email protected].
2
L’engagement mondial du CIR/SSI me permet de replacer la problématique de notre
Colloque dans un contexte international.
I. Etre adoptable – devenir adopté : une réalité préoccupante à travers le monde
3.- Etre adoptable et devenir adopté constituent deux phases d’un processus difficile dans
tous les pays du monde, surtout lorsque l’adoption ne concerne pas un jeune enfant en
relative bonne santé, confié avec l’accord de ses parents d’origine.
Dans les pays occidentaux, le nombre de nouveaux-nés en besoin d’adoption a diminué
drastiquement en raison de la généralisation de la contraception et de l’avortement, de la
levée de la stigmatisation sociale des mères célibataires, ainsi que du soutien prodigué aux
parents en difficulté6. Dans les pays en transition ou en développement, les mêmes causes
tendent progressivement à créer les mêmes effets ; des couples candidats à l’adoption
doivent parfois déjà y attendre plusieurs années pour se voir confier un enfant7, voire se
tourner vers l’adoption internationale dans un autre pays8.
Par contre, de nombreux enfants et jeunes, dans les pays en développement ou en
transition comme dans les pays occidentaux, passent leur vie en institution sans relations
familiales, ou en placement familial – solution en principe temporaire - en raison de l’absence
d’élaboration, par les professionnels responsables, d’un projet de vie permanent et familial
pour eux9, mais aussi de l’absence de familles de substitution acceptant de les accueillir
voire, pour certains d’entre eux, de leur incapacité acquise de s’intégrer encore dans une
famille, suite aux traumatismes de leur passé. A notre connaissance, dans certains pays
d’origine, la toute grande majorité des enfants adoptés internationalement le sont avec le
consentement de leurs parents (voire d’une autorité de substitution en cas d’absence des
parents) ; peu d’enfants adoptés ont fait l’objet d’une déclaration d’adoptabilité10 pour
délaissement. Plusieurs pays ne connaissent même pas ce type de procédure, et l’une des
premières recommandations du CIR/SSI lorsqu’il est saisi d’une demande d’expertise est
souvent de recommander sa mise en place. Seuls les pays anglo-saxons paraissent déclarer
adoptables, en raison de leur délaissement, y compris sans l’assentiment des parents, un
nombre important d’enfants11. Le problème est alors de leur trouver des adoptants12.
4.- En effet, si le nombre de personnes souhaitant adopter augmente en raison notamment
de l’importance de la réalisation du désir d’enfant dans la recherche de développement
personnel et de l’augmentation de la stérilité et de l’hypofécondité13, l’objet de leur désir, à
savoir souvent un très jeune enfant sans problème de santé sérieux et dont, le cas échéant,
6
Voyez par exemple I. LAMMERANT, L’adoption et les droits de l’homme en droit comparé, Librairie
générale de droit et de jurisprudence, Paris et Bruylant, Bruxelles, 2001 (ci-après cité I.
LAMMERANT), n°s 75-76.
7
Inde.
8
Bulgarie, Slovaquie. Pour mémoire, l’adoption des enfants dans leur propre pays est prioritaire par
rapport à l’adoption internationale: voyez ci-dessous, n° 8.
9
Voyez ci-dessous, n°s 10-11.
10
Appelée en France, de façon plus stigmatisante pour l’enfant, déclaration d’abandon.
11
Pour une tentative d’explication de cette situation, par la définition objective du délaissement en
droit anglo-saxon (par opposition à la définition subjective, liée à l’imputabilité d’une faute aux parents
d’origine, en droit français par exemple), et une discussion de cette définition, voyez I. LAMMERANT,
n°s 382-403, 432-434 et 782-786.
12
Voyez ci-dessous, n° 13.
13
Voyez par exemple I. LAMMERANT, n° 76 et Désir d’enfant, numéro 107/2003 de la Revue
Informations sociales.
3
le type ethnique se rapproche le plus possible du leur, correspond de moins en moins aux
caractéristiques des enfants adoptables.
Il résulte de ces tendances contraires un déséquilibre entre les besoins des enfants et les
demandes des parents adoptifs potentiels. En France par exemple, au moins « 35% des
familles agréées (pour l’adoption) chaque année ne se verront pas confier d’enfant »14.
Selon l’Unicef, à l’échelle mondiale, « il existe de nombreuses indications qui montrent que le
nombre de personnes cherchant à adopter un enfant dépasse de façon significative celui des
enfants qui ont préalablement été désignés comme étant en besoin d’adoption et qui
répondent aux critères posés par les futurs parents adoptifs. Les statistiques de l’Autorité
centrale italienne indiquent qu’entre 1994 et 1999, le nombre d’adoptions nationales
accordées correspondait tout juste à 10,2% des demandes, alors que le chiffre respectif pour
les adoptions internationales avoisinait en moyenne 34,1% pour la même période… Pour
conclure, il existe de très sérieux fondements pour soutenir que les demandes d’adoption
semblent excéder le nombre d’enfants adoptables en ce qui concerne les jeunes enfants en
bonne santé, bien qu’il soit nettement impossible à ce stade d’en estimer la proportion.
L’inverse semble toutefois avéré dans le cas des enfants considérés comme difficiles à
placer, pour lesquels il y a un manque sérieux de parents adoptifs potentiels »15. Ces
enfants, encore appelés « enfants à besoins spéciaux », sont plus âgés, porteurs d’un
problème de santé ou d’un handicap, en fratrie, voire ethniquement typés.
Face à cette situation, de plus en plus de pays d’origine insistent pour recevoir des
candidatures de parents à l’adoption internationale d’enfants plus âgés16 et soulignent
l’impasse à laquelle mène l’afflux de demandes d’adoptions de jeunes enfants17. Selon les
autorités françaises, le nombre d’enfants vietnamiens adoptables en bas âge et sans
handicap dans les orphelinats est limité18. Certains pays d’origine ont déjà annoncé que
dans le cadre de l’adoption internationale, ils donnent priorité aux adoptants acceptant
d’accueillir un enfant « à besoin spécial » (Chine), que la majorité de leurs enfants en besoin
d’adoption internationale sont des enfants « à besoins spéciaux » (Brésil, Bulgarie, Moldavie,
14
M.-Chr. LE BOURSICOT, L’accompagnement de l’adoption, Rapport sur l’adoption internationale
remis le 4 septembre 2002 à Monsieur Chr. JACOB, Ministre délégué à la famille, p. 3.
15
N. CANTWELL, « Adoption internationale – Commentaire du nombre d’enfants adoptables et du
nombre de personnes qui cherchent à adopter au niveau international », Protection internationale de
l’enfant. La lettre des juges publiée par la Conférence de La Haye de droit international privé, t. V,
printemps
2003,
pp.
69-73,
ftp://ftp.hcch.net/doc/spring2003.pdf
ou
http://www.issssi.org/Resource_Centre/Tronc_DI/Cantwell_Intercountry_Adoption_French.pdf (c’est l’auteur qui
souligne). Voyez aussi Rapport N. About sur la Recommandation de l’Assemblée parlementaire du
Conseil de l’Europe « Pour un respect des droits de l’enfant dans l’adoption internationale », doc.
8592, 2 décembre 1999, n° 10.
16
Voyez par exemple la demande de la Lettonie, répercutée par le Bulletin d’information du CIR/SSI
n° 60-61 de septembre-octobre 2003, de candidatures à l’adoption d’enfants âgés de 6 à 18 ans.
17
A titre d’exemples : « le centre d’adoption du Ministère de l’éducation à Kiev a confirmé à la Mission
de l’adoption internationale ses difficultés croissantes à répondre aux demandes d’adoption d’enfants
jeunes et en bonne santé, émanant tant des familles ukrainiennes que des familles étrangères » ; « la
Mission de l’adoption internationale a constaté que des propositions d’enfants ont été récemment
refusées par les familles adoptantes, principalement pour des motifs d’âge des enfants. La MAI
rappelle aux candidats que les exigences concernant les tranches d’âge fixées par l’ICBF, autorité
centrale colombienne, sont impératives » : site de l’Autorité centrale française, la Mission de l’adoption
internationale (MAI) : http://www.diplomatie.fr/MAI/ind_pays.html. Par ailleurs, le 23 mars 2004, le
Juge de la première chambre de l’enfance et de la jeunesse de Rio de Janeiro a suspendu pour un an
l’enregistrement des demandes des candidats adoptants brésiliens pour des nouveaux-nés de sexe
féminin, dans le but de rapprocher les demandes des candidats adoptants des besoins des enfants, et
en particulier de promouvoir l’adoption des garçons ainsi que des enfants de plus de quatre ans,
ethniquement typés, porteurs d’un handicap ou en fratrie : O Estado de Sao Paulo, 24 mars 2004
(Source : Terre des Hommes – Brésil).
18
http://www.diplomatie.fr/MAI/ind_last.html.
4
Philippines, Roumanie, Ukraine), voire qu’ils suspendent l’enregistrement des demandes
d’adoption internationale, sauf pour les enfants à besoins spéciaux (Thaïlande19).
L’image – répandue dans le public – d’un « Tiers-monde vaste réservoir de bébés
adoptables » ne correspond donc pas plus à la réalité20 que celle, semblable, qui a qualifié
les institutions d’hébergement des pays occidentaux. Par contre, le sort des enfants vivant
en institution mérite de faire l’objet plus systématiquement d’une évaluation continue, en vue
de rechercher, si c’est leur intérêt, une solution familiale permanente pour le plus grand
nombre d’entre eux21.
5.- La notion d’adoptabilité mérite à cet égard d’être éclaircie.
-
Un enfant est juridiquement adoptable si ses parents d’origine ont consenti à son
adoption ou si une Autorité habilitée a pallié à l’éventuel défaut de ce consentement,
dans des situations strictement définies par la loi (décès des parents, parents inconnus
ou introuvables, refus abusif des parents, abandon de l’enfant par les parents)22.
L’adoptabilité juridique est une condition nécessaire mais non suffisante de l’adoption.
-
L’adoptabilité psycho-sociale d’un enfant concerne sa capacité de créer de nouveaux
liens avec des figures parentales, et de s’intégrer dans un système familial. Tous les
enfants et les jeunes juridiquement adoptables ne présentent pas cette capacité.
-
L’adoptabilité de fait s’intéresse aux possibilités réelles de trouver une famille désirant
accueillir un enfant juridiquement et psycho-socialement adoptable, en fonction de ses
caractéristiques concrètes: âge, état de santé physique, mentale et émotionnelle, origine
ethnique, handicap, appartenance à une fratrie que l’on ne peut séparer23, … En raison
de la priorité des solutions de protection familiale sur le placement institutionnel, le travail
des professionnels doit tendre à augmenter l’adoptabilité de fait des enfants
juridiquement et psycho-socialement adoptables. Réalistement, tous ne trouveront
cependant pas une famille de substitution.
II.
Les fondements juridiques d’un véritable Code éthique international de
l’adoption
Le 1er septembre 2003, le Mali également a suspendu l’acceptation de nouveaux dossiers de
candidats adoptants étrangers, en raison du grand nombre de dossiers déjà en attente.
20
Le silence sur la réalité des enfants en besoin d’adoption internationale, l’inaction des autorités, a
fortiori l’encouragement des désirs – certes légitimes mais sans doute en partie irréalistes –
d’adoptions de l’enfant « rêvé », rendraient les Etats d’accueil co-responsables des inévitables abus et
dérives engendrés par la force de ces désirs d’enfants : pressions sur les parents d’origine pour qu’ils
abandonnent les enfants, pressions sur les pays d’origine, corruption, trafic d’enfants, …, ainsi que de
leurs corollaires inévitables, à savoir un risque accru d’échec des adoptions ainsi obtenues et le
discrédit public sur l’ensemble des adoptions. Pour des propositions de changement de la pratique de
l’adoption internationale tenant compte de la disproportion de la demande des adoptants par rapport
aux besoins des jeunes enfants adoptables en relative bonne santé, voyez l’Editorial du Bulletin
d’information du CIR/SSI n° 65 de mars 2004, prochainement sur le site du CIR/SSI à l’adresse
http://www.iss-ssi.org/Resource_Centre/Reference/Documents_int_/documents_int_.html.
21
Voyez ci-dessous, n°s 10-11.
22
Voyez I. LAMMERANT, Ch. VI.
23
En ce qui concerne les fratries, voyez I. LAMMERANT, n°s 102-103 et 137, notamment à propos de
la loi française du 30 décembre 1996 « relative au maintien des liens entre frères et sœurs » ainsi que
de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (par exemple l’arrêt Olsson I, 24
mars 1988, Série A, n° 130, §§ 78-83, http://www.echr.coe.int/).
19
5
6.- Plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits de l’enfant et de l’homme forment
le cadre juridique de l’adoption, et constituent un véritable Code éthique international de
l’adoption:
- la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant du 20 novembre 198924 ;
- la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière
d'adoption internationale du 29 mai 199325;
- la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales du
4 novembre 1950, telle qu’interprétée par la Cour européenne des droits de l’homme26.
7.- Ces textes internationaux, en particulier la Convention des Nations Unies, consacrent des
droits de l’enfant, notamment de l’enfant en situation de rupture familiale, droits fondés sur
une pratique psycho-sociale développée durant plusieurs décennies et à propos desquels la
Communauté internationale s’est mise d’accord. Les adultes, parents d’origine et éventuels
candidats adoptants, se voient reconnaître corrélativement des droits, lesquels doivent
cependant être exercés dans la limite de l’intérêt supérieur de l’enfant27. L’intérêt de l’enfant
doit l’emporter sur les intérêts des adultes. Il n’existe en effet pas de droit à l’enfant28 ni sur
l’enfant.
Il ne convient cependant pas d’isoler l'intérêt de l'enfant de celui de sa famille, d’origine
ou adoptive. L’intérêt de l’enfant est inséparable de celui de la famille. « Ignorer la famille,
c'est amputer l'enfant »29 et « à s'occuper uniquement de l'enfant, on l'ignore comme sujet »30. Ou encore, comme l'affirme l'article 2 de la Déclaration de l'Assemblée générale des
Nations Unies du 3 décembre 198631, « child welfare depends upon good family welfare ».
D. Manai32 a ainsi pu écrire: « L'enfant, être inachevé et en devenir, n'est pas un sujet
de droit ordinaire. Il est ambivalent. Dès lors, la notion d'intérêt de l'enfant ne peut être
cernée en tant que telle, car elle n'est pas une catégorie juridique autonome; elle est dépendante et subordonnée. Elle n'est envisageable que dans la relation de l'enfant soit avec
24
Ratifiée par la France; pour le texte de la Convention et des commentaires, voyez le site du Comité
des droits de l’enfant des Nations Unies : http://www.unhchr.ch/french/html/menu2/6/crc_fr.htm ou de
l’Unicef: http://www.unicef.org/french/crc/crc.htm.
25
Ratifiée par la France ; pour le texte de la Convention, son Rapport explicatif, les documents des
Commissions spéciales, l’état complet des signatures, ratifications et adhésions (59 Etats membres le
30 mars 2004) et la désignation des Autorités chargées de son application, voyez le site du Bureau
permanent
de
la
Conférence
de
La
Haye
de
droit
international
privé :
http://www.hcch.net/f/conventions/menu33f.html.
26
Convention ratifiée par la France ; pour le texte de la Convention et de son Rapport explicatif, voyez
le site du Conseil de l’Europe : http://conventions.coe.int/treaty/FR/WhatYouWant.asp?NT=005. Pour
les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, voyez le site de celle-ci :
http://www.echr.coe.int/. Pour une analyse de ces arrêts, voyez notamment I. LAMMERANT, n°s 3256.
27
Art. 3 et 21 de la Convention des droits de l’enfant, art. 1er de la Convention de La Haye et
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ; voyez aussi I. LAMMERANT, n°s 62-63.
28
Sur l’inexistence d’un prétendu « droit d’adopter », voyez I. LAMMERANT, n°s 59-61.
29
P. VERDIER, L'enfant en miettes, Privat, Toulouse, 1978, p. 124.
30
M. MANONI citée par P. VERDIER, L'adoption aujourd'hui, Paidos/Le Centurion, Paris, 1985, p.
146.
31
« Déclaration sur les principes sociaux et juridiques applicables à la protection et au bien-être des
enfants, envisagés surtout sous l’angle des pratiques en matière d’adoption et de placement familial
sur le plan national et international ».
32
« La dispense de consentement en matière d'adoption: autonomie individuelle et contrôle social »,
Déviance et Société (Genève), 1990, n° 3, pp. 275-294, sp. pp. 292-293.
6
ses parents biologiques soit avec les adoptants. Et c'est la nature de la relation qui
détermine le contenu de l'intérêt de l'enfant »33.
8.- Les conventions internationales et les arrêts de la Cour européenne des droits de
l’homme dessinent également les principes d’une politique intégrée de protection de
l’enfant34, et précisent la place de l’adoption dans une véritable hiérarchie des mesures
d’aide à l’enfant. Les lignes essentielles de cette politique sont les suivantes35 :
-
primauté de la famille (sur l’institution) comme lieu de développement pour l’enfant ;
-
priorité du soutien à la famille d’origine (nucléaire et élargie) et de la prévention de
l’abandon et du placement;
-
lorsque l’enfant est placé temporairement, priorité au rétablissement ou au renforcement
des liens avec la famille d’origine et à la réintégration familiale de l’enfant ;
-
subsidiarité de l’adoption nationale par rapport au soutien de la famille d’origine et à la
réintégration familiale ;
-
double subsidiarité de l’adoption internationale, d’une part par rapport au soutien de la
famille d’origine et à la réintégration familiale, d’autre part par rapport à l’adoption
nationale36.
Pour rappel, ces principes sont présentés comme des droits des enfants – et non des
adultes – et doivent être appliqués de façon individualisée pour chaque enfant, dans son
intérêt supérieur.
9.- L’application individualisée de cette politique intégrée de protection de l’enfant suppose le
respect de deux garanties également présentées par les conventions internationales et les
arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme comme des droits de l’enfant, à savoir
- le droit à une décision dans un délai raisonnable, pas trop long pour tenir compte de
la perception spécifique du temps par l’enfant, de la rapidité de ses attachements et des
effets insécurisants des situations provisoires; pas trop court pour permettre l’évolution de
l’enfant – voire de la famille d’origine et des professionnels – et une évaluation
professionnelle de la situation37;
- la révision périodique de toute mesure de placement temporaire, que l’on pourrait
utilement préciser en parlant de l’établissement et la mise en œuvre d’un projet de vie
familiale permanente pour chaque enfant.
III. Un projet de vie familiale permanente pour chaque enfant
33
Voyez aussi F. TULKENS, « Le placement des mineurs et le droit au respect de la vie familiale »,
observations sous affaire Andersson, Cour europ. dr. h., 25 février 1992, Revue trimestrielle des droits
de l’homme, 1993, pp. 557- 573, sp. p. 564.
34
Voyez par exemple I. LAMMERANT, n°s 69 et 135.
35
Le CIR/SSI considérant en principe le placement familial comme une solution provisoire – et non
permanente – de protection de l’enfant.
36
Art. 21 de la Convention des droits de l’enfant; Préambule et art. 4 de la Convention de La Haye.
37
Voyez par exemple I. LAMMERANT, n°s 43-46 et 787-790.
7
10.- Selon les conventions internationales et les arrêts de la Cour européenne des droits de
l’homme, tout enfant en difficulté familiale a droit à une révision systématique des mesures
prises pour sa protection, en vue de l’élaboration rapide, par des professionnels de l’aide à
l’enfance, du projet de vie individualisé, familial et permanent correspondant le mieux à son
intérêt38.
L’élaboration de ce projet de vie suppose une évaluation, par des professionnels, de la
situation psycho-médico-sociale et juridique de l’enfant et de la famille d’origine. Si le
maintien ou la réintégration de l’enfant dans la famille d’origine n’est pas possible ou ne
correspond pas à l’intérêt de l’enfant, l’évaluation inclut la détermination de l’adoptabilité
éventuelle de l’enfant, tant juridique que psycho-sociale et de fait39. Si un enfant remplit les
conditions de l’adoptabilité juridique sans cependant avoir de réelles chances d’être un jour
adopté, malgré tous les efforts des professionnels, on peut se demander s’il convient de le
déclarer juridiquement abandonné et adoptable, termes qui, s’il éclairent – (trop ?)
douloureusement – sa situation, sont aussi susceptibles d’entretenir des espoirs irréalistes40.
L’intérêt supérieur de l’enfant suppose également qu’il soit informé des projets élaborés à
son sujet41, qu’il soit entendu et consulté dans la mesure de son entendement42, qu’il soit
préparé à tout changement de vie, notamment au placement en vue d’adoption43 et que
celui-ci fasse l’objet d’un suivi au moins jusqu’à la réalisation définitive de l’adoption44, toutes
ces actions étant entreprises par des professionnels de la protection de l’enfance.
Selon de nombreux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, la famille
d’origine doit également être associée à tout processus de décision relatif à l’enfant. A cet
égard, selon la Fédération belge francophone des services de placement familial, un
accompagnement plus systématique des parents d’origine pourrait en conduire certains à
une réflexion et à une décision libre et éclairée de consentement à l’adoption dans l’intérêt
de l’enfant, et donc éviter de longues procédures de déclaration d’adoptabilité ou d’adoption
conflictuelle45.
11.- Dans la pratique, une telle évaluation orientée vers un projet de vie familiale
permanente, à la fois immédiate, dès la prise en charge des enfants, et régulière, durant
38
Article 25 de la Convention relative aux droits de l’enfant, à lire en lien avec l’ensemble de la
Convention : voyez ci-dessus, n° 8 ; ainsi que CENTRE INTERNATIONAL DE REFERENCE POUR
LA PROTECTION DE L’ENFANT DANS L’ADOPTION/ SERVICE SOCIAL INTERNATIONAL, Les
droits de l'enfant dans l'adoption nationale et internationale - Fondements éthiques - Orientations pour
la
pratique,
Genève,
1999-2204,
n°s
7-8,
http://www.issssi.org/Resource_Centre/guide_ethique_fr.PDF.
39
Sur ces trois notions, voyez supra, n° 5. Voyez aussi CENTRE INTERNATIONAL DE REFERENCE
POUR LA PROTECTION DE L’ENFANT DANS L’ADOPTION/ SERVICE SOCIAL INTERNATIONAL,
Les droits de l'enfant dans l'adoption nationale et internationale - Fondements éthiques - Orientations
pour
la
pratique,
Genève,
1999-2004,
n°s
1-5
et
9,
http://www.issssi.org/Resource_Centre/guide_ethique_fr.PDF.
40
Pour des éléments de réflexion, voyez C. GORE, Enfants délaissés, adoptions tardives en France et
en Europe, ESF, Paris, 2001, pp. 84 et 80 (ci-après cité C. GORE).
41
Art. 4.d de la Convention de La Haye (s’agissant, plus restrictivement, des situations dans
lesquelles l’enfant doit donner son consentement à l’adoption).
42
Art. 12 de la Convention relative aux droits de l’enfant ; art. 4.d de la Convention de La Haye et
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
43
Art. 4.d de la Convention de La Haye (s’agissant, plus restrictivement, des situations dans
lesquelles l’enfant doit donner son consentement à l’adoption).
44
Art. 20 de la Convention de La Haye.
45
Réactions au projet de loi sur la déclaration d’abandon, doc. ron., Bruxelles, 2 janvier 1987, p.2. Sur
les problèmes de compréhension, par les professionnels, des familles des enfants placés, ainsi que
de communication avec elles, voyez I. LAMMERANT, n°s 138-140.
8
toute la durée des placements temporaires, ne semble pas opérationnelle dans de nombreux
pays occidentaux.
Il serait d’ailleurs intéressant de vérifier si l’importance relative du nombre des enfants
placés et délaissés46 est comparable dans les principaux pays occidentaux, et quels facteurs
peuvent expliquer les éventuelles différences, facteurs liés notamment au type de travail
psycho-social développé avec les enfants et les familles mais également à la politique
sociale globale des pays, premier élément de prévention de la dislocation des familles.
Diverses modalités légales de suivi de la situation des enfants placés sont prévues en
droit occidental comparé : visites régulières au mineur par l’autorité de placement ; obligation
pour l’institution d’hébergement, voire la famille d’accueil, d’adresser un rapport (régulier) à
l’autorité de placement ; imposition d’une durée déterminée aux placements ; révision
périodique, par l’autorité, de la situation des enfants placés47.
La difficulté concrète, pour les professionnels, semble consister dans l’évolution du projet
relatif à l’enfant et du travail psycho-social avec la famille et l’enfant. Le début d’une prise en
charge suppose en principe un investissement à l’égard de la famille d’origine, en vue
d’évaluer ses ressources et ses limites. Après une durée à déterminer dans chaque
situation, si la famille d’origine ne peut offrir un cadre de développement suffisant pour
l’enfant, les intervenants, dans l’intérêt de l’enfant, doivent changer de projet et envisager le
recours à une famille de substitution. Ce changement de projet paraît susciter des difficultés
de timing, d’investissement, de remise en question, voire de loyauté pour les professionnels
ayant pris en charge l’enfant. En outre, en raison du cloisonnement de l’aide à l’enfance, les
différentes solutions de protection de l’enfant (travail avec la famille d’origine, adoption,
placement familial, placement institutionnel) ne sont pas nécessairement mises en œuvre
par les mêmes professionnels, organismes et autorités48, système qui complique le passage
d’une solution à une autre mais peut respecter la spécificité de chaque approche à condition
d’être combiné avec une coordination interdisciplinaire adaptée. Par ailleurs, des instruments
méthodologiques doivent être développés, comme en Angleterre49 et au Québec,
d’évaluation de l’état de l’enfant, de ses besoins (matériels, émotionnels, …) ainsi que des
capacités des parents d’origine de répondre à ces besoins, pour permettre de déterminer le
projet de vie permanente le plus adéquat pour chaque enfant. Enfin, la durée de la
procédure d’adoptabilité et le délai entre la déclaration d’adoptabilité d’un enfant et son
placement en vue d’adoption peuvent être longs (jusqu’à plusieurs années) dans certains
pays (Angleterre50, France51). La longueur du délai entre la déclaration d’adoptabilité et le
placement en vue d’adoption révèle à la fois le besoin de l’enfant de se voir accorder du
temps afin d’élaborer l’évolution de sa situation52, et la difficulté des professionnels de mettre
en œuvre rapidement le projet d’adoption, notamment de trouver une famille candidate.
IV. Etre adopté : des instruments juridiques diversifiés au service des enfants
12.- Si l’adoption correspond à l’intérêt d’un enfant en situation de délaissement familial et
que cet enfant est adoptable, il reste encore à lui trouver une famille adoptive adéquate. Or,
46
La question est par exemple présentée comme problématique dans les pays anglo-saxons.
Voyez I. LAMMERANT, n°s 107-116 et 93-94.
48
Pour un exemple contraire, anglais, voyez I. LAMMERANT, n° 70.
49
Voyez l’exposé d’H. JONES lors du présent Colloque.
50
Voyez par exemple C. BECKETT et B. McKEIGUE, “Children in limbo. Cases where court decisions
have taken two years or more” (Des enfants dans les limbes. Procédures judiciaires ayant pris deux
ans ou plus), Adoption and Fostering, British Association for Adoption and Fostering (BAAF,
http://www.baaf.org.uk/), automne 2003, pp. 31-40.
51
C. GORE, pp. 89-90 et 96.
52
C. GORE, pp. 120-121.
47
9
bien que l’adoption d’enfants « à besoins spéciaux » se soit développée avec des succès
établis53 depuis quelques décennies54, le nombre d’enfants délaissés en besoin d’adoption
excède celui des candidats à leur adoption55. Par ailleurs, ce type d’adoption présente des
spécificités par rapport à l’adoption de nouveaux-nés en relative bonne santé. L’analyse de
certaines pratiques occidentales comparées révèle la diversité des méthodes mises en
œuvre pour aborder ces questions.
a) Recherche de candidats adoptants
13.- Plusieurs pays (Allemagne, Angleterre, France) prévoient, après l’écoulement d’un
certain délai sans que les professionnels chargés de confier l’enfant en adoption lui aient
trouvé une famille, le recours à une instance supérieure, fédérant les organismes d’adoption
ou les services locaux d’aide à l’enfance, en vue d’une mise en commun des candidatures
de parents à l’adoption d’enfants à besoins spéciaux56.
Au Royaume-Uni, au Canada et aux Etats-Unis, les services ou organisations de
protection de l’enfance présentent également à la population, par voie de presse (presse
écrite, éventuellement spécialisée57; radio et télévision58 ; internet en Amérique du nord59) et
en respectant leur anonymat, des enfants adoptables pour lesquels aucune famille n’a été
trouvée parmi les familles candidates à l’adoption, en vue de susciter de nouvelles
candidatures. Fréquemment, la photographie ou un film vidéo des enfants est accompagné
d’une description de leur personnalité, de leur histoire et de leurs besoins spéciaux60. Les
critiques contre cette pratique soulignent l’importance du professionnalisme dans la sélection
des candidats adoptants et l’apparentement de chaque enfant avec la famille la plus
adéquate61, ainsi que le droit de l’enfant au respect de sa vie privée et de son image. Les
défenseurs de la pratique invoquent son efficacité62.
53
Selon plusieurs études en effet, les adoptions d’enfants à besoins spéciaux, si elles sont encadrées
professionnellement et malgré des difficultés et un certain nombre d’échecs, se révèlent globalement
positives pour les enfants et les familles adoptives. Voyez par exemple I. LAMMERANT, n° 23 et la
bibliographie citée ; C. GORE ; J.A. ROSENTHAL et V.K. GROZE, Special-Needs Adoption. A Study
of intact Families, Praeger, New York, 1992, pp. 6-13, 149-151 et 203-206.
54
Voyez I. LAMMERANT, n°s 91-96.
55
Voyez supra, n° 4.
56
Voyez aussi I. LAMMERANT, n° 94, C. GORE p. 93 et l’intervention, lors du présent Colloque, de
EFA (Enfance et familles d’adoption) et ERF (Enfants en recherche de famille).
57
A titre d’exemple, voyez le journal Be my parent de la British Association for Adoption and Fostering
(BAAF): http://www.baaf.org.uk/.
58
Voyez par exemple, en Alberta (Canada), le programme TV « Wednesday’s Child » :
http://www.child.gov.ab.ca/whatwedo/adoption/page.cfm?pg=Wednesday%27s%20Child.
59
Voyez
par
exemple
les
sites
internet
des
EtatsUnis, http://www.adoptuskids.org/servlet/page?_pageid=69&_dad=portal30&_schema=PORTAL30
ainsi que, au Canada, de l’Alberta, http://www.child.gov.ab.ca/whatwedo/adoption/profilelookup.cfm;
de
British
Colombia,
http://www.mcf.gov.bc.ca/adoption/bulletin_external/;
de
l’Ontario :
http://www.children.gov.on.ca/CS/en/programs/Adoption/Publications/tcadopt.htm (Today’s Child: un
enfant ou une fratrie à besoins spéciaux présenté chaque mois); du Québec
(http://www.mtl.centresjeunesse.qc.ca/services/adoption/adopt_quebec.htm); et de l’ONG Canada’s
Waiting Kids, http://www.canadaswaitingkids.ca/index.html (pour ses principes d’action, notamment
l’accompagnement et la participation des enfants et la nécessité pour les candidats adoptants
d’obtenir un mot de passe personnalisé : http://www.canadaswaitingkids.ca/cwk_guidelines.html).
Voyez aussi J.A. ROSENTHAL et V.K. GROZE, pp. 206-207.
60
Les mêmes procédés sont utilisés dans le cadre de l’adoption internationale, avec
vraisemblablement moins de garanties de professionnalisme, par certains intermédiaires américains
non agréés, voire par des trafiquants d’enfants.
61
En effet, l’adoption n’est pas une affaire privée entre individus ou familles. L’apparentement d’un
enfant et d’une famille doit être une décision professionnelle, prise de préférence par une équipe
interdisciplinaire et déterminant la famille la plus adéquate pour un enfant, en fonction des besoins et
10
L’Angleterre célèbre par ailleurs chaque année, en novembre, la semaine nationale de
l’adoption63, et les Etats Unis le mois de l’adoption64, en vue d’encourager plus de personnes
à se porter candidates à l’adoption des enfants adoptables résidant en famille d’accueil ou
en institution sur leur territoire.
b) Sélection, préparation et accompagnement spécifiques des adoptants
14.- Dans le monde anglo-saxon, la nécessité d’une préparation et d’un accompagnement
(pré- et post-adoption) spécifiques des candidats adoptants et de l’enfant65 est largement
reconnue par les professionnels, qui, en Angleterre, se voient proposer66 des formations
adaptées à la situation des enfants à besoins spéciaux.
La nécessité d’une sélection spécifique des candidats adoptants est soulignée par la
réglementation suisse67.
A cet égard, il convient de relever que plusieurs pratiques nationales (notamment en
Suisse et en Amérique du nord) tendent à confier plutôt les jeunes enfants en bonne santé
aux couples, et par conséquent des enfants à besoins spéciaux aux personnes seules68.
Certains enfants à besoins spéciaux sembleraient certes connaître plus de difficultés pour se
lier à deux adultes à la fois, et pourraient effectivement bénéficier de pareilles adoptions.
Demander systématiquement aux personnes seules – si l’on considère qu’il convient de leur
confier des enfants en adoption69 - de prendre en charge les besoins spéciaux des enfants
adoptables ne paraît cependant pas coïncider avec l’intérêt supérieur de chaque enfant.
Par ailleurs, selon des études anglo-saxonnes70, les parents adoptifs appartenant à un
milieu socio-économique moins élevé que la moyenne des adoptants, ou à une minorité
ethnique, conviendraient particulièrement pour accueillir certains enfants à besoins spéciaux.
En effet, dans ces circonstances, le niveau de satisfaction après adoption serait supérieur et
caractéristiques de celui-ci. L’intérêt supérieur d’enfants vulnérables doit être garanti par un tiers,
l’Etat, avec une possibilité de délégation de certaines de ses compétences à des organismes privés
agréés et contrôlés. Certains psychologues insistent également sur les dangers à long terme, pour le
développement tant de l’enfant que du lien adoptif, du « choix » de l’enfant par les candidats adoptants :
voyez par exemple I. LAMMERANT, n° 261.
62
Voyez aussi I. LAMMERANT, n° 93.
63
http://www.baaf.org.uk/naw/.
64
http://www.whitehouse.gov/news/releases/2003/11/20031107-12.html.
65
Y compris des groupes d’entr’aide et des possibilités de “respite care”, placements de très court
terme de l’enfant adopté hors de la famille adoptive, lorsque celle-ci a besoin de retrouver son
équilibre. Sur tous ces points, voyez notamment J.A. ROSENTHAL et V.K. GROZE, ainsi que The
Society
of
Special
Needs
Adoptive
Parents
en
British
Columbia
(Canada) :
http://www.snap.bc.ca/index.php.
66
Par la British Association for Adoption and Fostering (BAAF): http://www.baaf.org.uk/.
67
Voyez I. LAMMERANT, n° 95.
68
Voyez par exemple I. LAMMERANT, n°s 95 et 152.
69
Selon le CIR/SSI, « sauf cas particuliers justifiés, un couple, constitué par une femme et un homme,
d’un âge en rapport avec celui de l’enfant, présente un environnement plus favorable au
développement de l'enfant qu'une personne seule, qu'un couple de deux personnes du même sexe ou
qu'un couple dont certaines caractéristiques (âge élevé de l’un ou des deux partenaires, problème
médical grave, etc.) constituent un facteur d’inadaptation aux besoins de l’enfant ou de risque eu
égard à la durée de la protection parentale ». Voyez, ainsi que pour les justifications de cette position,
CENTRE INTERNATIONAL DE REFERENCE POUR LA PROTECTION DE L’ENFANT DANS
L’ADOPTION/ SERVICE SOCIAL INTERNATIONAL, Les droits de l'enfant dans l'adoption nationale et
internationale - Fondements éthiques - Orientations pour la pratique, Genève, 1999-2204, n°s 11-12,
http://www.iss-ssi.org/Resource_Centre/guide_ethique_fr.PDF.
70
J.A. ROSENTHAL et V.K. GROZE, pp. 7-8, 12-13, 41-42, 53-54, 151-165, 201 et 207-208.
11
le taux de rejet des enfants inférieur que dans des adoptions par des adoptants blancs de
milieu socio-économique supérieur. Ces différences s’expliqueraient par des attentes moins
élevées et plus réalistes des adoptants à l’égard des enfants, ainsi que par une proximité
plus grande avec les circonstances de vie de la famille d’origine et de l’adopté (qui lui aussi,
en tant qu’adopté, et parfois que personne ethniquement typée, handicapée ou malade, peut
se vivre comme « minoritaire » dans la société). Les critères de sélection des candidats
adoptants devraient donc probablement être revus en référence aux besoins concrets des
enfants.
Dans le même ordre d’idées, pour permettre à plus de personnes d’assumer l’adoption
d’enfants nécessitant parfois des prises en charge médicale, psychologique ou éducative
lourdes, plusieurs pays occidentaux (Angleterre, Canada, Etats-Unis, France, Irlande)
connaissent l’adoption subsidiée, adoption parfaite sur le plan civil mais donnant droit,
comme le placement familial, au payement de subsides71.
c) Adoption simple, adoption plénière ouverte
15.- L’adoption plénière, coupant totalement l’enfant de sa famille d’origine, ne correspond
pas toujours aux besoins des enfants adoptés plus grands, alors qu’ils ont parfois développé
des liens avec certains membres de leur famille d’origine (grand parent, frère ou sœur, voire
parent).
Dans les systèmes juridiques où elle coexiste avec l’adoption plénière, l’adoption
simple devrait être envisagée chaque fois qu’elle correspond à la situation de vie de
l’enfant72. En effet, l’adoption simple conserve les liens juridiques de l’adopté avec la famille
d’origine tout en lui créant une filiation à l’égard des adoptants. L’adoptive simple est par
exemple encouragée par la loi italienne, avec le consentement des parents d’origine, pour
les enfants à besoins spéciaux73.
L’intérêt de l’enfant dans l’adoption simple mérite cependant d’être soigneusement
évalué. Le mécanisme de l’adoption simple est sans doute susceptible de permettre à
certains enfants d’être adoptés, voire à certains parents d’origine de consentir à l’adoption de
leur enfant. Cependant, en droit comparé, l’adoption simple ne crée en principe de liens dans
la famille adoptive qu’entre l’adopté et les adoptants – mais non la famille de ceux-ci, en ce
compris leurs autres enfants74. Cette situation peut engendrer des inégalités, en particulier
successorales, entre l’adopté et les autres descendants – notamment biologiques - des
adoptants. Sur les plans symbolique et affectif, l’adopté par adoption simple peut également
vivre sa filiation adoptive comme « de second rang » et insécurisante75. La création, par le
législateur, d’une forme d’adoption plénière sans rupture des liens avec la famille d’origine
pourrait sans doute correspondre à l’intérêt de certains enfants ; cette forme juridique existe
déjà en droit allemand pour régler des situations d’adoptions intrafamiliales76.
16.- En l’absence d’adoption simple dans leur système juridique, les pays anglo-saxons ont
quant à eux développé, notamment pour l’adoption d’enfants à besoins spéciaux, l’adoption
71
Voyez par exemple I. LAMMERANT, n° 96 et J.A. ROSENTHAL et V.K. GROZE, pp. 162, 166 et
215-216.
72
Pour un plaidoyer en faveur d’une revalorisation de l’adoption simple, notamment dans les
hypothèses d’adoption intrafamiliale (adoption de l’enfant du conjoint, adoption par un membre de la
famille élargie) ou d’enfants plus âgés, voyez par exemple I. LAMMERANT, n°s 238, 251-254 et 796.
73
Voyez par exemple I. LAMMERANT, n° 94.
74
Pour un tableau comparatif des effets de l’adoption simple et de l’adoption plénière en droit
européen occidental, voyez I. LAMMERANT, n° 233.
75
L’adoption simple étant révocable, au contraire de l’adoption plénière dans la plupart des pays
occidentaux : voyez I. LAMMERANT, Ch. X, notamment n°s 689-690, 709-711, 717 et 726.
76
Voyez I. LAMMERANT, n°s 233, 238-239 et 241.
12
ouverte. Il s’agit d’une adoption plénière dans ses effets juridiques, où les familles d’origine
(parent(s), frère, sœur, grand(s) parent(s) ou toute personne signifiante pour l’enfant) et
adoptive développent des contacts sur une base volontaire, avant et/ou après la finalisation
de l’adoption77. Ces contacts consistent soit en un échange d’informations et de nouvelles, le
cas échéant anonymes et par l’intervention d’un tiers professionnel (adoption « semiouverte »), soit en des contacts directs78.
Aux Etats-Unis en 1999, 79% des agences d’adoption nationale proposaient l’option
de l’adoption ouverte, pour 36% en 1987 ; cette évolution s’expliquerait essentiellement par
les demandes des mères d’origine79. En Californie, deux familles adoptives sur trois auraient
rencontré un ou les parent(s) d’origine, et 50% des parents adoptifs auraient des contacts de
formes diverses avec les familles d’origine depuis le placement de l’enfant (lettres, courrier,
entretiens téléphoniques)80.
Un accompagnement ou une possibilité de soutien professionnels paraissent
indispensables dans les situations d’adoption ouverte, pour garantir qu’elles respectent
l’intérêt supérieur de l’enfant, notamment son besoin de sécurité et d’intégration dans la
famille adoptive, ainsi que la liberté de chaque intéressé.
d) Au Québec : la « banque mixte »
17.- Enfin, au Québec, dans le cadre de la « banque mixte », des enfants « à haut risque
d’abandon » mais non encore adoptables sont placés immédiatement chez des candidats
adoptants. Les services de protection de l’enfance continuent leur travail avec les familles
d’origine, avec la participation des candidats adoptants considérés dans un premier stade
comme des parents d’accueil. Environ 90% des situations aboutissent à une adoption, les
autres enfants retournant dans leur famille d’origine ou étant orientés vers un autre type de
prise en charge. Les adoptions « banque mixte » sont plus fréquentes dans la région de
Montréal que les adoptions de nouveaux-nés.
Les avantages présentés par les défenseurs de cette formule résident dans la prise en
charge familiale immédiate des enfants, ainsi que dans la possibilité d’une continuité
familiale si l’enfant est adopté par la famille d’accueil. Les inconvénients découleraient de
l’absence de cadre légal spécifique de l’institution, ainsi que de la confusion des projets de
placement familial et d’adoption, pour les candidats adoptants, pour l’enfant, mais également
sans doute pour les familles d’origine et les professionnels81.
Cette formule pose plus globalement la question du lien entre adoption et placement
familial. Certains pays (Belgique) ont en effet opté, en termes de politique de protection de
77
Ces contacts pouvant être consacrés par les tribunaux en droit anglais : I. LAMMERANT, n°s 646649.
78
Voyez par exemple I. LAMMERANT, n°s 248-251 ; J.A. ROSENTHAL et V.K. GROZE, pp. 189-195
et Canada, Gouvernement du Nouveau Brunswick, http://www.gnb.ca/0017/adoption/guidef.asp#Anchor-Ouvertur-4006.
79
Evan B. Donaldson Adoption Institute Newsletter (http://www.adoptioninstitute.org/), septembre
2003.
80
S.C.TOTARO et Jr. ESQUIRE, « Open Adoption : An Alternative for the 90s”, in Newsletter of the
Adoption Studies Institute (Washington), 1996, vol. 4.
81
Pour
une
première
approche,
voyez
Centres
jeunesse
de
Montréal,
http://www.mtl.centresjeunesse.qc.ca/services/adoption/banque_mixte.htm
et
http://www.mtl.centresjeunesse.qc.ca/cmulti/Defi_jeunesse_9602/banque_mixte.htm; site internet
Enfants venus de loin, http://www.quebecadoption.net/adoption/00locale.html; F.-R. OUELLETTE, C.
METHOT et J. PAQUETTE, « L’adoption, projet parental et projet de vie pour l’enfant. L’exemple de la
banque mixte au Québec », Informations sociales, numéro 107/2003 consacré au Désir d’enfant, pp.
66-75.
13
l’enfance, pour une séparation nette entre l’adoption et le placement familial, distinguant
notamment les instances compétentes, les projets proposés aux familles et donc les critères
et procédures de sélection des candidats. Par ailleurs, la politique consistant à déclarer
adoptables les enfants placés en famille d’accueil puis à les déplacer dans des familles
adoptives si les familles d’accueil ne veulent ou ne peuvent les adopter (France82), n’est pas
pratiquée par tous les pays (Belgique) et peut sans doute faire l’objet de débats83.
V. Nécessité d’un changement de mentalités des professionnels
et des candidats adoptants
18.- La situation des enfants placés et délaissés incite professionnels et familles à un
changement de mentalités important.
- Ce changement devrait reconnaître l’importance structurante pour l’enfant d’un lien de
filiation correspondant à la réalité de ses liens affectifs concrets. Un enfant a en principe non
seulement besoin d’une famille où grandir, mais d’une famille qui soit sienne, dans laquelle il
soit juridiquement et définitivement intégré par un lien de filiation. Soit il s’agit de sa famille
d’origine, soutenue si nécessaire par des professionnels, soit il s’agit d’une famille adoptive.
Les solutions de placement, familial et encore plus institutionnel, sont en principe conçues
comme temporaires84, doivent être révisées périodiquement en vue de la planification d’un
projet de vie permanent pour l’enfant, et prendre fin par des décisions professionnelles
courageuses, prises par une équipe pluridisciplinaire.
- Dans de nombreux pays, pareille politique suppose une amélioration des relations
des professionnels avec les familles d’origine et le développement de projets précis relatifs
aux relations des enfants avec leur famille d’origine. Comme le précisait le législateur de la
Communauté française de Belgique en 1990-1991, l’équipe socio-éducative de chaque
institution apprendra « à comprendre les familles des enfants et à communiquer avec cellesci alors que jusqu’à présent, les rapports des services d’hébergement avec les familles…
sont trop souvent marqués par une incompréhension mutuelle qui renforce et accélère … le
désinvestissement de la famille à l’égard de l’enfant»85.
Selon une étude scientifique ayant procédé en 1995 à l’ « état de lieux » de la situation
des enfants placés en Communauté française de Belgique86, le regard des intervenants sur
82
Pour des évaluations de ce type d’expériences, voyez C. GORE, ainsi que O. OZOUX TEFFAINE,
Adoption tardive. D’une naissance à l’autre, Stock, Paris, 1987.
83
Voyez par exemple I. LAMMERANT, Ch. Ier, note 312.
84
Reste le problème très difficile des enfants et des jeunes trop marqués par leur passé pour être
réintégrés dans une famille, ou pour lesquels les professionnels, malgré leurs efforts, ne trouvent pas
de famille de substitution. Le respect de leur intérêt et de leurs droits implique à tout le moins un projet
de vie permanent dans l’institution la plus adaptée à leurs besoins, ainsi que le maintien de liens, s’ils
sont structurants, avec leur famille d’origine ou avec une famille de parrainage. La nécessité d’une
continuité dans la situation de vie des mineurs (art. 20.3 de la Convention des droits de l’enfant)
implique sans doute alors de remettre en question, lorsque le choix d’un type de placement
permanent a été fait, les dispositions réglementaires imposant une révision régulière de la décision,
celle-ci pouvant déstabiliser les mineurs. La révision périodique du placement prévue par l’article 25
de la Convention pourrait alors porter sur les modalités du placement et non plus, sauf changement
de circonstances, sur son principe. Il en irait de même pour les placements familiaux éventuellement
considérés comme permanents : voyez ci-dessus, n° 17.
85
Exposé des motifs du projet de décret relatif à l’aide à la jeunesse de la Communauté française de
Belgique (devenu le décret du 4 mars 1991 relatif à l’aide à la jeunesse), Doc. Cons. Comm. fr., sess.
ord. 1990-1991, n° 165/1, p. 31.
86
I. RAVIER, Le lien familial à l’épreuve du placement, Rapport de recherche, Facultés universitaires
Notre-Dame de la Paix et Ministère de l’aide à la jeunesse de la Communauté française de Belgique,
février 1995. Voyez aussi I. LAMMERANT, n° 113.
14
les enfants et leurs familles, ainsi que leur action et leur projet (ou leur inaction et leur
absence de projet) sont déterminants pour l’avenir des relations entre enfants et parents. A
titre d’exemple, dans près d’un tiers des décisions de placement, le tribunal ne précise pas le
type de contacts autorisés ou préconisés avec la famille d’origine. Dans 17% des
placements, les responsables n’ont aucun projet relatif aux relations familiales des enfants,
et dans 60%, aucun projet de réinsertion familiale. En outre, dans 17,5% des cas, ces
responsables n’effectuent aucun travail avec la famille d’origine. L’absence de mandat donné
par l’autorité de placement à propos des relations familiales de l’enfant est deux fois plus
fréquente pour les mineurs en rupture de contact que pour ceux qui ont gardé des contacts
avec leur famille. Et les responsables de la prise en charge de l’enfant ont
proportionnellement moins de projet relatif aux relations familiales de l’enfant en cas de
rupture de contact. A partir de la quatrième année de prise en charge en outre, le risque de
délaissement devient plus important.
Dans le même sens, selon une revue québécoise de la littérature occidentale,
essentiellement anglo-saxonne87, les facteurs les plus prédictifs de la réintégration familiale
d’un mineur placé sont la fréquence des contacts avec la famille d’origine durant la première
année de placement, l’intensité des contacts entre les parents et les travailleurs sociaux de
même que la nature du jugement porté par les seconds sur les premiers, ainsi que
l’existence dans le chef des parents d’un projet à l’égard de l’enfant.
- Enfin, rendre possible l’adoption d’enfants délaissés suppose un changement de
mentalités et de pratiques en matière d’adoption, notamment une information réaliste des
candidats adoptants ainsi que de l’ensemble de la population, sur la réalité et les besoins
des enfants adoptables; un accompagnement des candidats adoptants dans l’élaboration de
leur demande et dans l’ « élargissement » de leur désir, s’il est possible, vers les enfants
réellement en besoin de famille ; la révision des critères de sélection des candidats
adoptants ; et la remise en cause de la logique d’exclusivité à l’œuvre dans la conception
traditionnelle de l’adoption plénière, pour la remplacer, lorsqu’elle correspond au vécu de
l’enfant, par la notion de filiation additionnelle proche de l’adoption ouverte ou de l’adoption
simple, laquelle serait peut-être être plus acceptable pour certains parents d’origine… et
accélérerait en retour l’établissement de l’adoptabilité de l’enfant…
Conclusion : Pour une remise en question régulière des professionnels
et un projet de vie permanent pour les enfants
19.- Le sort des enfants délaissés dans une situation de placement en principe temporaire
interpelle les professionnels et la société dans leurs pratiques, leurs législations, mais aussi
leurs représentations des enfants et des familles et leurs idéologies88. Répondre aux besoins
des enfants suppose à la fois une remise en question régulière des décisions temporaires
les concernant et des pratiques des professionnels, et l’élaboration, dans les meilleurs
délais, de projets de vie permanents : un équilibre à rechercher perpétuellement, pour guider
l’action des professionnels mais aussi proposer aux enfants un sens et une orientation de
leur présent, dans le respect des spécificités de chacun d’entre eux.
87
G. TURCOTTE, Antécédents et conséquences de l’abandon d’enfants : revue de littérature,
Direction des services professionnels, Centre des services sociaux du Montréal métropolitain, juin
1992, pp. 35-42.
88
Voyez notamment l’Editorial du Bulletin d’information du CIR/SSI n° 64 de février 2004, sur le thème
« Adoption et politique », disponible prochainement sur le site internet du CIR/SSI à l’adresse
http://www.iss-ssi.org/Resource_Centre/Reference/Documents_int_/documents_int_.html.
15