REVE D`IRAT ? Par le Lieutenant-Colonel OLRAT (H
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REVE D`IRAT ? Par le Lieutenant-Colonel OLRAT (H
REVE D'IRAT ? Par le Lieutenant-Colonel OLRAT (H) Pierre DENAIN La première guerre du Golfe fut l’occasion exceptionnelle pour l’un d’entre nous de participer, presque clandestinement d’ailleurs, à des échanges au plus haut niveau. Clandestinement car, en 1991, il était impossible de faire participer un réserviste à des opérations militaires autres que de temps de paix. Ce n’est qu’avec la loi 93/4 qu’il est redevenu possible de convoquer des personnels autres que d’active en opérations. Expérience unique donc que le texte ci-dessous. « PAR ORDRE DU MINISTRE DE LA DEFENSE, IL EST PRESCRIT AU DESTINATAIRE DU PRESENT ODRE DE SE PRESENTER ... le 05 octobre 1991 à 08 heures à PARIS pour y accomplir une période obligatoire d'exercice de 6 jours », précise mon ordre de convocation n° 106/97. Une note de l'EMAT donne un détail différent : « début d'exercice : 05/10/91 ARABIE SAOUDITE » et fin d'exercice 10/10/91 ARABIE SAOUDITE. Il s'agit en fait d'une mission inhabituelle, le bilan militaire de la guerre du Golfe (suite à l'opération Desert Storm début 1991), objet d'un séminaire organisé par les autorités saoudiennes à RIYADH. Outre la puissance invitante, trois délégations y participeront, la française, l'américaine et la britannique. Côté français, le général ROQUEJEOFFRE est l'invité personnel du Roi, mais le chef de délégation est le général JANVIER, commandant de la Division DAGUET. Il est entouré de trois officiers généraux et 8 officiers supérieurs - les principaux commandants des éléments interarmées français engagés dans la guerre du Golfe - avec un IRAT, votre serviteur. Un Mystère 20 décolle donc de VILLACOUBLAY au matin du 5 Octobre pour un vol fractionné par deux étapes techniques à Athènes et à Louxor, dont nous atteignons en fin d'après-midi l'aéroport bordé de missiles Tomahawk. Le survol de l'embouchure et des rives du Nil ourlées de verdure a été d'une grande beauté. Celui de l'impressionnant désert minéral d'Arabie ne permet que de brèves vues avant la tombée de la nuit. Nous débarquons à RIYADH dans la fournaise ; la bienvenue nous est souhaitée courtoisement quelques instants à l'aide d'un thé à la cardamome et nous sommes conduits peu après jusqu'à notre hôtel. La nuit sera courte, comme celles qui vont suivre. La journée du 6/10 commence par un briefing sous la tente de Bédouin d'apparat dans le hall du HYATT REGENCY. Le chef de délégation évoque le déroulement des interventions et le rôle de chacun suivant le planning établi par le Ministère de la Défense et de l'Aviation du Royaume d'Arabie Saoudite. Pendant quatre jours consécutifs des séances de travail vont se dérouler dans le grand auditorium du Mess des Officiers de RIYADH, à un rythme soutenu à raison de 45 minutes par sujet abordé, entrecoupées d'une rapide pause. Ainsi -énoncées dans le désordredeux séances seront consacrées à la planification interarmées, deux à la mobilisation, deux à l'entraînement, six aux opérations interarmes/interarmées, quatre au renseignement, deux à la logistique, deux à l'interopérabilité, deux à la déception (mieux appelée tromperie) et trois à la communication, aux opérations psychologiques et au rôle des médias. Chacun des sujets était traité par chaque délégation à tour de rôle dont les représentants prenaient place sur l'estrade de l'auditorium, à une faible distance en dessous d'un appareil de climatisation assez efficace mais peu silencieux. Le jeu des questions émanant de l'amphithéâtre et des réponses apportées par les orateurs ou des interventions s'y greffant a été inégalement satisfaisant : certains de nos hôtes saoudiens qui espéraient des détails précis sur telle manœuvre américaine, par exemple, sont restés sur leur faim devant des pseudoréponses d'une absolue vacuité (attitude délibérée selon une confidence d'un général américain). On ne peut pas dire, cependant, que le dialogue n'ait pas fonctionné, même si l'intérêt essentiel des messages a été livré sous forme de monologues, ce qui est normal pour des briefings. Les orateurs de la délégation française avaient, naturellement, préparé leurs interventions avec finesse. La plupart étaient rédigées en français, peu d'entre elles en langue anglaise, rarement de bonne qualité. Hors du grand auditorium, le travail de L'IRAT (je préfère cette appellation à celle d'OLRAT parce qu'un interprète sait être un bon traducteur mais un traducteur ne sait pas nécessairement être un bon interprète, foi de professionnel) consistait à s'adapter constamment aux textes qui lui étaient soumis le soir ou la nuit en les traduisant en anglais, souvent jusqu'au petit matin, au son de l'inévitable psalmodie télévisuelle du muezzin. D’une manière générale, la concentration est maximale en fonction du texte de départ et de l'immédiateté de l'échange verbal improvisé, public et privé. C'est ainsi que j'ai pieusement conservé la traduction du discours inaugural du général JANVIER et celle de son propos de clôture, l'oralité restant par ailleurs dans ma mémoire. De temps libre personnel, il ne pouvait être question. Impossible de faire un saut à DIRANI, l'archaïque ville originale dont les maisons de pisé avaient des murs comportant des ouvertures haut placées pour empêcher un homme à dos de chameau d'entrevoir une présence féminine à l'intérieur. Deux moments de détente collective, quand même : un repas de midi partagé avec la délégation britannique (menée par le général SIR PETER DE LA BILLIERE) qui avait invité par mon intermédiaire la délégation française à cette rencontre, et une réception à la résidence de l'Ambassadeur de France, M. Jacques BERNIERE, à l'occasion de son proche départ : cocktail en bordure de la piscine ; toujours revêtu de mon uniforme pré«terre de France», j'ai regretté que personne n'ait songé à m'y pousser. Cet article est destiné, non pas à être un rapport sur le bilan militaire de la guerre du Golfe, mais à évoquer, au travers de mon expérience, quelques idées-force et quelques images s'y rapportant. Tous mes camarades interprètes savent qu'une fois terminé le travail simultané, on ne peut pas restituer la teneur des propos ainsi traduits, bien qu'on soit imprégné de leur sens profond et de leur pouvoir de conviction. Pour la délégation française, ce séminaire, remarquablement organisé par les autorités saoudiennes, a été le prolongement d'une fraternité d'armes réalisée sur le terrain. Il a montré l'importance de la planification et de la coordination interarmées et interarmes, du prépositionnement des forces et des équipements, le rôle essentiel de la préparation psychologique au niveau national et de l'arme psychologique dans le théâtre d'opération, de la liaison avec les médias. Grâce à la coordination des feux air-sol et au contexte physique de la guerre du désert, l'effort de la coalition a été source d'enseignements pour la seconde guerre du Golfe de 2003. Il est ressorti également que, quelle que soit la perfection technologique des équipements et des armements utilisés et leur efficacité, la victoire repose en dernier ressort sur la qualité des hommes, comme le rappelait le chef de la délégation française. C'est ce qui devait être mis en évidence par l'abandon récent de la « doctrine du zéro mort » en 2003 en Irak. La prise de congé d'avec nos alliés fut empreinte d'une courtoisie militaire dénuée de sécheresse. Arrivés le samedi dans la nuit, nous repartirions le jeudi 10 Octobre au petit matin. Il ne fallait rien oublier. Symbole d'un regret inexprimé, la clé de ma chambre resta dans mes bagages, inutile objet encombrant. Le contact avec l'Europe fut retrouvé à BARI, et le Mystère 20 décolla en direction de NICE, où un V.L. attendait sur le tarmac de l'aéroport le général JANVIER pour le conduire à NIMES à son P.C. de la 6° D.L.B. Peu après nous atterrissions à VILLACOUBLAY dans la fraîcheur tempérée de l'automne francilien. Au volant de ma voiture sur l'A 86, je songeai au déroulement kaléidoscopique de ces 5 jours de mission. J'étais fier de m'être défoncé à la drogue de la traduction-interprétation à laquelle, dans les grandes occasions, les OLRAT se shootent avec délectation. Fier, surtout, d'avoir donné le meilleur de moi-même pour la France en compagnie de l'élite des acteurs français de la guerre du Golfe. L'histoire ne s'arrête pas là: le vendredi 11 octobre au matin, je retrouvai mon bureau de directeur de l'UFR Angellier (Langues, littératures et civilisations des pays anglophones) à l'Université Charles de Gaulle-Lille III. Quelques semaines plus tard, j'avais connaissance de ma feuille de notes signée du général JANVIER. Des appréciations élogieuses sur mon comportement militaire et sur les services rendus comme interprète de langue anglaise se terminaient par l'affirmation que j'avais été « un participant essentiel de la délégation française en ARABIE SEOUDITE » au séminaire sur les enseignements de la guerre du Golfe. A la demande du B.R.I. j'ai évoqué ensuite brièvement mon expérience dans les « Cahiers de Mars » (N° 133, 2° trimestre 1992). Expérience exaltante ; Mais n'avais-je pas rêvé ? Si, tout à fait: je n'avais pas été à RIYADH, mais à PARIS. RIYADH n'était qu'un rêve. A preuve la solde qui m'a été versée, sans décompte, pour 6 jours de mission effectués, conformément à ma convocation, à PARIS : 2460 francs. Qui dira que les officiers de réserve effectuent des missions par esprit de lucre ? Pierre DENAIN Ex-sous lieutenant au 4° Régiment de Chasseurs Lieutenant-colonel OLRAT (H) Instructeur à l'Ecole des Officiers de la Gendarmerie Nationale Professeur (H) à l'Université de Lille III Expert traducteur juré près la Cour d'appel de DOUAI