La tendresse de Dieu
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La tendresse de Dieu
1 La tendresse de Dieu Prédication donnée à l’Annonciation le 17 novembre 2013 par Christian Tanon Exode 34. 4-9, Ez. 16. 1-6, Luc 7. 11-16 Introduction Ce matin, alors que le typhon Haiyan aux Philippines laisse des millions de personnes sans abri, et que la guerre civile en Syrie continue de détruire des familles et gonfle les camps de réfugiés…, je souhaite vous parler de la tendresse de Dieu. La Bible n’est pas très explicite sur le sujet. Elle nous parle un peu de la tendresse, mais aussi beaucoup de violence et de guerre. La Bible est comparable à un tapis. Avez-vous remarqué comment sont fabriqués les tapis ? Les fils de couleurs, par exemple le fil rouge, qui apparait le long de la trame disparait un peu plus loin, puis réapparait quelque cm plus loin. Mais si vous retournez le tapis, vous vous apercevez que c’est le même fil qui en disparaissant est passé sous le tapis, pour ressortir après. Il n’y a pas de discontinuité, malgré les apparences. C’est la même chose pour la Bible : il n’y a pas de discontinuité entre l’AT et le NT. Prenons par exemple le fil rouge de la tendresse de Dieu. Oui, la tendresse de Dieu ! Cette expression peut surprendre. Elle apparaît dans certains passages de l’AT, puis disparaît pour laisser place à la colère de Dieu, puis réapparaît à nouveau dans le NT. Un peu comme le fil dans la trame du tapis. Dieu se révèle à Moïse Le premier passage de l’Ancien Testament, dans le livre de l’Exode, nous raconte comment Dieu se révèle à Moïse. La scène se déroule sur le mont Sinaï. Le texte précise que Dieu descendit dans la nuée et vint se placer auprès de Moïse. C’est une façon de dire que Dieu s’est révélé à Moïse dans l’intimité. Moïse était seul sur la montagne. Et Dieu s’est approché avec tact et délicatesse, tout enveloppé de sa nuée. Et c’est dans l’intimité d’une confidence que Dieu révèle qui il est : il proclama lui-même son nom, nous dit le texte. Cela donne à ce texte une importance considérable : rendez-vous compte : Dieu lui-même prend la parole et révèle à Moïse son nom, c’est à dire qui il est ! Il y a des milliers de livres et des millions de pages de théologie qui tentent de cerner qui est Dieu, et voilà que Dieu est en train de dire à un homme qui il est, en une seule petite phrase : et cette petite phrase, la voici : « Mon nom est l’Eternel, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité ». ((C’est la 2ème fois que Dieu se révèle à Moïse. La 1ère fois, c’était devant le buisson ardent, lorsqu’il lui a dit : je suis le Dieu de tes pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. Et il avait ajouté : mon nom est : je suis celui que je suis. Avouons-le, cela reste un peu énigmatique. Cette fois-ci, sur le mont Sinaï, Dieu en dit un peu plus sur ce qu’il est à l’égard des hommes : ce n’est pas un Dieu dur et sévère, mais un Dieu tendre et lent à la colère. )) Je retiens le mot « tendre ». Examinons d’un peu plus près ce que signifie pour nous la tendresse de Dieu. 2 Le deuxième texte de l’AT, tiré du prophète Ezéchiel, nous en donne un autre éclairage. « A ta naissance, au jour où tu es née, ton cordon n’a pas été noué, tu n’as pas été lavée dans l’eau pour être purifiée… » C’est Dieu lui-même qui s’adresse à Jérusalem, à travers la bouche du prophète. Jérusalem, ou le peuple de Dieu, est comparé à un nourrisson qui a été abandonné par ses parents naturels, qui n’a même pas été lavé ni enveloppé de langes, et qui a même été jetée dans les champs pour être dévoré par les corbeaux ! « nul n’a posé sur toi un regard de pitié pour te faire l’une de ces choses par compassion »…quelle horrible démarrage dans la vie pour un enfant ! Mais Dieu est passé par là, il a vu cet enfant abandonné, et il a accompli tous les gestes d’une mère : nouer le cordon ombilical, laver, frotter avec du sel, envelopper de langes, et nourrir au lait maternel. Le texte ne le dit pas explicitement, mais c’est sous-entendu. Il y a comme une émotion toute maternelle qui transparaît à travers ces lignes. Comment parler de la tendresse de Dieu ? Il y a deux écueils qu’il faut éviter quand on parle de la tendresse de Dieu : - - le premier, c’est le sentimentalisme à l’eau de rose. La tendresse est alors vue comme de la gentillesse un peu mièvre et finalement sans effet sur l’autre. Or la tendresse de Dieu, nous le verrons, a une force vitale, une puissance de transformation hors du commun. Le deuxième, c’est de refuser d’envisager que Dieu puisse avoir des émotions. Et par conséquent, puisque la tendresse est une émotion, Dieu ne peut pas avoir de la tendresse à notre égard, ce n’est qu’une vue de l’esprit, une projection de l’homme sur Dieu, un anthropomorphisme. Entre ces deux écueils se tient une vérité de ce qu’est Dieu pour nous, et que nous pouvons qualifier de tendresse. Le mot tendresse Qu’est-ce au juste que la tendresse ? Si on fait une recherche d’image autour de ce mot sur Internet, on trouve un enfant contre la joue de sa mère, un chaton lové contre un gros chien, une mouette au bec impressionnant et son petit. Nous remarquons que le fort prend d’infinies précautions pour ne pas blesser le faible. La tendresse est une relation asymétrique entre deux êtres, caractérisée par une proximité respectueuse. Elle exclut toute forme de possessivité ou de condescendance. La tendresse est une émotion proche de la compassion, qui le plus souvent se traduit par un geste. Un regard, une caresse, un contact selon les situations, et qui semblent dire à l’autre : tu es précieux pour moi, mon cœur est attendri par ta présence, et je désire te faire du bien. Le geste de tendresse n’est pas calculé, il nous échappe, il est nature, il est gratuit. Et l’autre le reçoit comme tel. Revenons à la Bible. Le fil rouge de la tendresse de Dieu apparaît à plusieurs endroits dans la trame de la Bible. Le mot tendresse, en hébreu réhèm, évoque les organes internes, et en particulier ceux de la femme. Cela bouscule notre vision traditionnelle de Dieu. Dans Jérémie, Dieu frémit dans ses entrailles (encore le mot « réhèm ») pour son peuple qui souffre. Dans Osée, Dieu est comparé à une femme qui porte son enfant contre sa joue. La force de la tendresse La tendresse n’a rien d’une mièvrerie, car elle possède une force qui peut surmonter tous les obstacles. Herman Hesse a écrit : La tendresse est plus forte que la dureté, l'eau est plus forte que le rocher, l'amour est plus fort que la violence. 3 La tendresse manifestée par Jésus Christ a une force incroyable. Elle est capable de réveiller un mort ! Selon notre texte de l’Evangile de Luc, Jésus rencontre un jour une veuve dans un village du nom de Naïn. Elle vient de perdre son fils unique. Quand Jésus voit cette femme marchant à côté du cercueil de son fils, il est ému aux entrailles, nous dit le texte. Avec une infinie délicatesse, Jésus va regarder cette femme et lui dire : « ne pleure pas ! ». Non pas avec dureté ou agacement, mais avec douceur. Puis il touche le cercueil. Encore un geste de tendresse. Et Il parle au défunt de telle manière qu’il ressuscite : Jeune homme, je te le dis, lève-toi !, puis il remet l’enfant à sa mère, ce qui est encore un geste de tendresse pour consoler cette veuve. Il y a dans la tendresse divine à la fois une infinie douceur, et une force incroyable, une puissance capable de ressusciter un mort. Dans le texte d’Ezéchiel aussi, la tendresse de Dieu suscite la vie. L’Eternel, après avoir jeté un regard de compassion sur le nourrisson abandonné qui gigotait dans son sang, se penche sur lui et lui dit par deux fois : « vis ». Une parole, un commandement même, qui produira ce qu’elle commande, à savoir la vie pour cet enfant. La caresse de l’âme Oui, un geste ou une parole de tendresse peut donner la vie. Cela me fait penser aux personnes que l’on arrive parfois à sauver du coma par les caresses et des paroles aimantes à leur égard. La tendresse qui donne la vie ! Pourquoi ? Parce qu’elle touche l’âme. Heureux celui qui connaît la tendresse de Dieu car elle est une caresse de l’âme. Pause J’ai conscience qu’une telle affirmation peut choquer, au moment où les violences se perpétuent en Syrie, et où les Philippins pleurent leurs disparus. Sans oublier tous ceux qui, plus près de nous, vivent une dure épreuve, ne se remettent pas de la perte d’un être cher, connaissent la maladie ou subissent en vieillissant la perte d’organes essentiels comme la vue ou l’ouïe. Où est la tendresse de Dieu dans de telles situations ? Ces personnes qui souffrent reçoivent-ils un baume de consolation pour leur âme en peine ? Certains oui, d’autres non. Et c’est là un mystère. Je crois personnellement que la bienveillance de Dieu est pour tous les humains sans exception, mais force est de constater que tous ne perçoivent pas, ou n’accueillent pas la présence bienfaisante de Dieu. Ne me demandez pas pourquoi… Avoir un cœur d’enfant Peut-être les enfants sont-ils plus à même d’accueillir la tendresse de Dieu ? Ou ceux qui leur ressemblent, comme le dit Jésus dans le 2 ème récit de Matthieu que nous avons lu à l’occasion de la présentation de John. « Laissez les petits enfants, et ne les empêchez pas de venir à moi ; car le royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent » (Mt 19. 14) Pour ceux qui ont un cœur d’enfant. Pourquoi en serait-il ainsi ? Que signifie « avoir un cœur d’enfant » Est-ce avoir l’esprit fantasque, poète, joueur ? 4 Dans le contexte biblique, c’est plutôt avoir confiance en Dieu, à la manière d’un enfant qui a totalement confiance en son père ou sa mère. C’est aussi avoir une capacité d’émerveillement pour les petites choses de la vie. Notre fille Claire, à l’âge d’un an et demi, le même âge que John, nous avait bien fait rire quand nous l’avons posée sur la pelouse un jour à la campagne. Au lieu de trotter partout, elle restait immobile. En fait elle observait attentivement la pointe d’un brin d’herbe, en l’effleurant du bout des doigts. Elle était toute heureuse de constater qu’il ne piquait pas. Emerveillement d’un petit enfant, confiance totale en ses parents. Alors faut-il avoir ces deux qualités pour percevoir la tendresse de Dieu ? Sans doute, mais comment y parvenir ? Car on ne retourne pas en enfance ! Peut-on oublier toutes les fois où, durant notre vie d’adulte, nous avons appris à mesurer notre confiance à un autre parce qu’il nous a déçu ? Avec tous les soucis qui nous trottent dans la tête, peut-on encore nous émerveiller devant une fleur qui pousse dans les failles d’une route goudronnée, ou le sourire d’un passant dans la rue ? Et bien oui, je le crois. Avec l’aide de Dieu, car par notre seule volonté cela paraît bien difficile. Comme dit l’apôtre Paul : « l’Esprit Saint lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu » (Rom. 8. 16) N’est-ce pas par la puissance de l’Esprit Saint que nous devenons peu à peu enfants de Dieu ? Et que nous percevons dans les petites choses de la vie, mais aussi à travers ses épreuves, combien Dieu est tendre et miséricordieux, lent à la colère et riche en bonté ? Je le crois. C’est alors que le fil rouge de la Bible devient le fil rouge de notre vie… Amen