THERAPIE TRADITIONNELLE CHEZ LES DAGARA

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THERAPIE TRADITIONNELLE CHEZ LES DAGARA
THERAPIE TRADITIONNELLE CHEZ LES DAGARA
LE PROBLEME DE LA MALADIE ET DE LA GUERISON
La maladie
Dans la maladie traditionnelle dagara, la maladie est considérée comme un désordre ; de ce
fait, la réalité même de la maladie, sous toutes ses formes, se désigne en dagara par
plusieurs termes :
-
Baalu, qui veut dire affaiblissement, épuisement ou perte d’énergie
-
Ba-laab, qui se transcrit par impossibilité de rire, malaise, indisposition
-
Lâ-tulu, qui signifie échauffement, fièvre
-
Bièb, qui désigne le fait de s’écarter de la route, et qui veut dire écartèlement,
discordance dans le fonctionnement des organes.
Par ailleurs, la maladie comme désordre se comprend à deux niveaux : Au niveau de
l’organisme, et au niveau du réseau des relations qui
constituent la personne humaine.
En fait, au niveau du corps, la maladie n’est rien d’autre
qu’une sorte de signal d’alarme déclenché par les
esprits, pour avertir qu’un désordre est intervenu
quelque part dans le réseau des relations du malade ou
de sa famille. Ceci dit, le véritable mal, pour les
Dagara, n’est pas d’abord la douleur que le malade
ressent dans son corps, mais la dysharmonie certaine provoquée entre lui et les forces
surnaturelles, les esprits et les ancêtres. (cf C. Gbanne Dabire, « Nisaal, l’homme comme relation »
Tome 1, Laval, Canada p. 245).
En effet, la maladie comme désordre est aussi forcément manifestation d’un
mécontentement de la part des esprits et des ancêtres. Car, s’ils assurent aux hommes la
santé, la sécurité et la prospérité, ils en attendent en retour une prompte reconnaissance
par des sacrifices sanglants notamment (op cit. p.245). Cette gratitude est toujours
considérée comme « une dette dont l’homme doit s’acquitter au plus tôt : malheur à celui
qui l’oublie ou tarde à s’exécuter. »
Cette conception de la maladie chez les Dagara va influer beaucoup sur celle de la guérison
et sur les moyens et méthodes de rétablissement de l’ordre brisé.
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La guérison
Pour les Dagara, la première réaction normale devant la manifestation d’un mal quelconque,
c’est de rechercher à savoir pourquoi ce mal est intervenu, surtout s’il s’agit d’un mal grave
ou mortel. En effet, comme l’ont affirmé la plupart de nos enquêtés, « chez les Dagara, il
n’y a pas de mal sans causes ». Par
conséquent, « ce qui importe, avant tout
c’est de découvrir l’auteur de l’alarme et
les raisons de son intervention, bien avant
la nature du trouble physiologique : le
diagnostic porte plus sur les
responsabilités engagées dans la situation que sur les causes physiques ou psychiques de la
maladie. » (op. cit.. 248) Dès lors, pour recouvrer la santé, pour retrouver la paix ou la
guérison, il faut se mettre à leur écoute, il faut les consulter. Mais où et comment ?
En milieu traditionnel d’Afrique noire, il existe toujours des structures qui permettent le
contact avec le monde invisible. Les pratiques ancestrales, en général, assurent cette
fonction-là. Dans le contexte particulier de notre étude, ce sont les guérisseurs
traditionnels ou tradipraticiens qui remplissent cet office.
LES GUERISSEURS TRADITIONNELS DAGARA
Diversité et complémentarité
Au pays dagara, il existe plusieurs catégories de gens reconnus comme compétents à
assurer, par médiation, les relations entre les humains et le monde invisible : les chefs de
terre, les sacrificateurs, les maîtres d’initiation, les guérisseurs etc…. Ce sont les
guérisseurs qui nous intéressent particulièrement ici.
Nous connaissons au moins 5 sortes de guérisseurs : le Baw-buwro (devin), le Tiw-tiwlo
(devin – voyant – charlatan), le Tîi-irè (guérisseur simple, phytothérapeute), le Taw-yâwno
(rebouteux), et le Jim-nyowro (pas de correspondance en français).
Le Baw-buwro (devin)
Lorsque retentit La sonnette de la maladie en l’homme dagara, il se rend en premier lieu
chez le devin ou Baw-buwro. Le Baw-buwro est toujours un féticheur considéré comme
l’interprète le plus qualifié des volontés des puissances invisibles. Par sondage, il parvient à
découvrir « l’Esprit qui derrière l’évènement et en transmet les exigences au consulteur
venu l’interroger ; » (op. cit. p. 248) ;
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Tel est le principal rôle du Baw-buwro dans la pratique thérapeutique dagara. Son remède
se limite essentiellement à une prescription sacrificielle, à partir des causes et exigences
révélées. Cette prescription est toujours proportionnelle à la gravité du désordre et des
responsabilités engagées dans les causes. Par ailleurs, la véracité de son interprétation et
de la prescription est toujours vérifiées par l‘immolation d’un poulet aux fétiches devant le
consulteur. Et à la façon dont le poussin meurt (sur le dos), on est assuré que le devin ne
ment pas.
Ainsi, un tel peut être frappé d’un malheur (maladie, malchance, mort de ses parents),
parce qu’il a oublié d’offrir à Tê-gan ou aux ancêtres, le bélier promis depuis deux ans en
contrepartie d’une grâce sollicitée. Cela peut être aussi le résultat d’un ensorcellement,
d’un envoûtement, d’un empoisonnement, d’une violation d’interdit, ou d’une dévitalisation de
l’âme du malade (le Si-yira).
En principe, le Baw-buwro ne dispose pas d’autres produits thérapeutiques comme le Tiw-
tiwlo.
Le Tiw-tiwlo (devin – voyant – charlatan)
Le Tiw-tiwlo joue un double rôle : la détection des
causes, suive des soins. En effet, d’une part, il
interprète les réalités du monde invisible en tant que
devin-voyant. D’autre part, il pratique la
phytothérapie qu’il entoure volontiers d’un certain
mysticisme lié aux croyances dagara. Ses remèdes
sont souvent accompagnés de prescriptions
sacrificielles et de diverses interdictions ou
conduites particulières à tenir pendant le traitement.
Ainsi, tandis que le Baw-buwro est disposé et qualifié pour diagnostiquer tous les
problèmes qui pourraient se poser à l’homme, le Tiw-Tiwlo prétend y remédier, après les
avoir décelés. En cela, le Tiw-tiwlo est toujours vu comme un flatteur, bien que considéré
comme détenteur de pouvoirs surnaturels. C’est pourquoi il est très craint et respecté, en
raison des puissances invisibles dont il est censé être maître.
Le Tîi-irè (phytothérapeute)
Les Tîiré-irè sont des phytothérapeutes. Ils détiennent des connaissances et des remèdes
qu’aucun mystère n’entoure, même s’ils en gardent le secret pour eux seuls. Il s’agit de
produits qui soignent des maladies dont la nature est officiellement connue de tous :
otites, douleurs abdominales, panaris, furoncles, vieilles plaies, épilepsie, morsure de
serpents, dard de scorpion etc… Ces maladies n’ont souvent pas besoin de consultation ou
de sacrifice particulier pour être guéries. Il suffit d’en avertir le Tîi-irè le plus proche ou
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le plus réputé. Mais, ces maladies peuvent connaître des complications inquiétantes,
capables de pousser les victimes et leurs
familles à des consultations divinatoires.
Un Tîi-irè peut disposer d’un seul genre de
produit, qui soit à même de soigner une seule ou
un nombre déterminé de maladies. C’est dire
qu’il y a une grande variété de
phytothérapeutes, selon la particularité des connaissances en cette matière. De plus, ils
semblent inexistants, parce que leur offre se limite souvent à leur famille ou à leur village,
du fait qu’ils soignent occasionnellement, et de « petites maladies ».
Le Taw-yâwro
Le Taw-yâwro ou rebouteux, lui, est un spécialiste réparateur des fractures du corps et
des entorses. On en trouve très peu exerçant effectivement et officiellement. Pour cette
raison les Taw-yâwro sont souvent très sollicités un peu partout. Parfois certains sont
obligés d’héberger les malades chez eux pour suivre l’évolution du traitement.
On ne reconnait pas aux rebouteux une pratique divinatoire. Ce sont de simples guérisseurs
comme les Tîi-irè et les Jim-nyowro
Le Jim-nyowro
Un dernier type de guérisseurs traditionnels est celui des jim-nyowro Il s’agit souvent de
femmes spécialistes dans le traitement de maladies
infantiles. Les Jim-nyowro traitent particulièrement
les enfants évanouis sous le coup d’une forte fièvre
ou d’une forte grippe, appelée Jimè.
Tous ces guérisseurs traditionnels sont en général
des phytothérapeutes à l’exception du Baw-buwro.
Mais, avec les Baw-buwro, certains sont
effectivement des alliés des esprits, notamment des
kôtô-bil qui sont les véritables médiateurs entre
l’homme et le monde invisible. Ce sont les Tiw-tiwlo.
Par ailleurs, tous les guérisseurs n'ont pas les mêmes
connaissances sur les plantes médicinales et sur leurs
alliages thérapeutiques. Car chacun s'en tient
toujours à sa spécialité et aux indications reçues de
son "maître " ou de son prédécesseur, dont il tient son pouvoir de guérisseur.
Mais alors, en quoi consiste concrètement l'acquisition de ce pouvoir ?
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ORIGINE ET ACQUISITION DU POUVOIR DE GUERISSEUR
Il existe quatre formes d'acquisition du pouvoir de guérisseur traditionnel dagara que l'on
peut qualifier de : mystique, traditionnel, autodidacte et mercantile.
La forme mystique
La plupart des guérisseurs traditionnels dagara conquièrent leur pouvoir de façon mystique.
Il en existe trois groupes différents de par le genre d'expérience mystique.
- Il y a d'abord ceux qui ont disparu mystérieusement pendant des années ou des mois, au
cours desquels ils ont suivi une formation auprès d'êtres mystérieux, avant de réintégrer
leur milieu pour exercer ce métier.
- Il y a ensuite ceux qui, au cours de leurs aventures en brousse, ont rencontré des êtres
mystérieux qui leur ont montré des plantes de la brousse que l'on peut associer pour
soigner un certain nombre de maladies.
- Il y a enfin ceux qui ont été inspirés de façon
mystérieuse pendant qu'ils se trouvaient dans
une grave épreuve. Pour ce dernier cas, un
mythe raconte qu'une orpheline avait brisé le
pilon de sa marâtre par inadvertance. Furieuse,
celle-ci lui enjoignit de lui remettre le pilon en
bon état, vite, et pas un autre. Devant cette
épreuve, l'orpheline, à force de pleurer son
impuissance, finit par être mystérieusement
inspirée, et put souder le pilon qu'elle remit à la
propriétaire. Depuis lors, l'éprouvée découvrit et reçut ainsi le don et le pouvoir de
rebouteuse.
En général, ces guérisseurs commencent leur "ministère" par l'installation d'un ou de
plusieurs fétiches. Ceux-ci représentent les êtres mystérieux (les kôto-bil ou jini) qui els
ont initiés à ce métier.
La forme traditionnelle
Il est des guérisseurs qui le deviennent par initiation ou formation pratique. Il s'agit
souvent de connaissances reçues et transmises de générations en générations, au sein
d'une même famille.
La forme autodidacte
Il existe des guérisseurs qui, par leur propre intelligence ou créativité, sont arrivés ou
arrivent à associer des plantes pur le soin de certaines maladies. C'est le cas de la plupart
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des Tîi-irè. Chez eux, on reconnaît avec émerveillement un réel don naturel. Ce sont en
général de fins observateurs et des amis de la nature, de la brousse.
La forme mercantile
Enfin, il y a des guérisseurs qui ont acquis leurs connaissances à l'extérieur du pays dagara,
tel la Côte d'Ivoire, le Ghana, et autres pays ou villes. La plupart du temps, il s'agit, chez
eux, de connaissances et de pouvoirs magiques acquis à prix d'argent ou sous d'autres
formes de troc.
Tout compte fait, la plupart de ces guérisseurs connaissent une acquisition mystérieuse de
leur pouvoir de guérison. Mais en fonction de la source et de la forme d'acquisition, les
thérapeutes dagara se comporteront différemment. Bien plus, ils auront des procédés
thérapeutiques très diversifiés, bien qu'ayant des points de recoupement.
LES PROCEDES THERAPEUTIQUES
Le diagnostic
La consultation divinatoire
La consultation divinatoire est une principale étape du diagnostic dans la pratique
thérapeutique dagara. Elle est l'activité spéciale des Baw-buwro (devins) et la première
activité des Tiw-tiwlo (voyants-guérisseurs).
Ceux-ci assurent la communication entre les humains
et les invisibles, en tant qu'alliés des kôtômo, ces
merveilleux conseillers de l'homme représentés par
des fétiches dans un sanctuaire.
Dans les sanctuaires où ils consultent, les devins
disposent d'un certain nombre de matériels et
d'objets dévolus à la fonction divinatoire : le Dagol
(gourdin), le Libi-pla (cauris), le Wuo (besace), le Zuur (queue ou chasse-mouches), le
Sâsawr (castagnettes), le Guor (cola), des peaux d'animaux et bien d'autres objets dont
souvent des objets de piété chrétienne.
Après avoir écouté le client, les devins procèdent par interrogation des kôtômo avec le
Dagol ou le Libi-pla. Dans le premier cas, le client et le devin attrapent ensemble le Dagol.
Puis, suivant un questionnement de la part du devin, le Dagol bouge de soi, dit-on, avec eux.
En bougeant, il fait des gestes approbateurs ou non. De plus, il indique des objets dont le
symbolisme permet au devin de donner l'interprétation qu'il faut aux clients. Dans le
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second cas, le devin jette des cauris à terre, et use d'une technique ésotérique pour
traduire les révélations de ces cauris.
Il existe un troisième cas où le devin peut lire les causes d'un mal dans une marmite sacrée
pleine d'eau ou contenant des objets secrets.
La consultation simple
Lorsque quelqu'un souffre d'un mal donné et qu'il
se présente à un Tîi-irè, celui-ci procède
autrement pour le diagnostic. S'il s'agit d'un mal
non-déterminé ni localisé, il l'ausculte en tâtant
son corps de ses mains, après l'avoir écouté. Dans
ce procédé, certains guérisseurs utilisent leur
salive pour se frotter les mains, d'autres des
feuilles de plantes connues d'eux seuls. D'autres
enfin n'utilisent rien, ils ont le don naturel de
discerner les maux, même sans avoir entendu le
patient qui se présente.
Ces deux types de diagnostic sont toujours
précédés par un troisième que l'on peut appeler
volontiers diagnostic populaire
Le diagnostic populaire
Lorsqu'un mal s'abat sur quelqu'un, la personne est toute affligée. Pourtant elle s'établit
souvent dans une sorte d'optimiste inqualifiable. en effet, la personne peut souffrir
atrocement tout en se disant avec son entourage que "çà va passer " d'ici peu. en
conséquence, tous vont s'abstenir d'entreprendre tout autre soin en dehors de
l'alimentation.
Presqu'au même moment, tous ceux qui en sont informés viennent rendre visite, et
constatent parfois avec le malade que sa situation s'aggrave. alors l'inquiétude montant,
les visiteurs commencent à donner des interprétations de tous ordre sur la nature du mal,
avec des conseils à l'appui. Bien plus, ils ajoutent des interpellations du genre : "Yê zo dè !"
( "il faut courir, hein ! ") ; " Yê yâw bo nyê a yel gna na " (" il faut chercher voir cette
affaires ") ; " yêe ba wa de a bie zo ni na ! " ( " si vous ne courez pas avec l'enfant !...").
Par ailleurs, des orientations vers différents guérisseurs accompagnent toujours aussi des
interpellations.
Ces genres de propos poussent rapidement le malade et ses proches à la peur ; ils sèment
en eux l'ide d'une mort imminente. Dans ces conditions, un bon Dagara ne peut s'empêcher
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de se poser des questions sur sa vie et ses relations avec les ancêtres et les esprits. Et,
pour en avoir le coeur net, la pratique divinatoire est le meilleur moyen. Malheureusement,
de nos jours, comme l'a souligné un enquêté, " avec le grand besoin d'argent, nos
guérisseurs sont de moins en moins honnêtes dans leur métier " (Joachim Dabire). C'est
pourquoi on voit souvent des gens courir de guérisseurs en guérisseurs jusqu'à épuisement
de leurs biens, voire de leur vie, sans satisfaction aucune.
Ainsi le diagnostic comme première phase des procédés thérapeutiques comporte trois
étapes qui débouchent sur la phase de soins proprement dits.
LE TRAITEMENT DES MALADIES
Les prescriptions sacrificielles
Le traitement des maladies comporte souvent des prescriptions sacrificielles obligatoires.
Celles-ci peuvent concerner, soit le malade, soit le guérisseurs, ou les deux à la fois,
séparément. tout dépend des responsabilités et exigences engagées dans la situation qui
prévaut au sortir de la consultation divinatoire. quoiqu'il en soit, chez les voyantsguérisseurs, les sacrifices sont souvent condition d'une guérison effective et totale. En
quelque sorte, les remèdes seraient inefficaces si le malade venait à négliger cette
ordonnance sacrificielle. en plus, il court le risque d'être frappé à mort par les ancêtres ou
les esprits, même en cas d'oubli ou de manque de moyens pour honorer la prescription.
La phytothérapie locale
Les Tiw-tiwlo, les Tîi-irè et les Taw-yâwno sont en général des phytothérapeutes
empiriques. Ils disposent toujours d'un certain nombre de remèdes faits à base de plantes
médicinales. Ces remèdes sont faits par eux-mêmes selon les indications reçues de leurs
"maîtres" ou selon leurs propres expériences sur les alliages thérapeutiques des plantes.
Comme le témoigne un enquêté, " les remèdes sont multiples, il y en a en poudre de toutes
couleurs que l'on absorbe associés à l'eau, à la bouillie de mil, au dolo (bière de mil), ou
mélangés au beurre de karité pour massage. Il y en a en feuilles, écorces et racines en
grand nombre pour décoction à fonction buccale, ou en vie de se laver. Les produits sont
divers selon les maladies et les guérisseurs". (Joachim DAbire).
En somme, les soins thérapeutiques traditionnels sont d'une grande valeur aux yeux des
Dagara, parce que très efficaces.
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Aboutissement ou efficacité de la thérapeutique dagara ?
Il est incontestable que les thérapeutes dagara opèrent beaucoup de guérisons. Ils
guérissent diverses sortes de maladies et de langueurs, à partir des connaissances et des
moyens thérapeutiques dont ils disposent. en effet, chacun témoigne toujours, dans son
domaine d'une certaine maîtrise de sa spécialité. Tous usent de procédés qui visent à
enrayer le mal à sa racine et à guérir la personne effectivement. D'une part, les
prescriptions sacrificielles jouent un rôle de libération psychologique par rapport aux dites
responsabilités engagées dans la situation du malade. Car dans certains cas comme celui du
Siè-yib (dévitalisation), le sacrifice rituel suffit, pour recouvrer la santé et la paix.
D'autre part, la phytothérapie, quelle qu'en soit la forme, est d'une efficacité notoire,
malgré sa nature empirique et ésotérique chez nos thérapeutes.
Par contre, en raison même de cette nature empirique et ésotérique, notre thérapie
traditionnelle souffre de graves limites. La manière dont les maux sont traités ne semble
pas se fonder réellement et en totalité sur les
croyances ancestrales. du moins, elle semble se baser
malencontreusement sur les différents possibilités
des puissances invisibles selon la mentalité
traditionnelle dagara. Le phénomène du diagnostic
populaire se situe particulièrement dans ce cadre. Car
les dires des visiteurs font naître et se développer
démesurément l'angoisse et la peur de la mort, tant
chez les malades que chez leurs parents. Ce qui provoque par la suite une agitation et un
empressement incontrôlés dans la recherche des soins.
Par ailleurs, il faut reconnaître que c'est dans leur complémentarité que les guérisseurs
dagara peuvent acquérir une réelle efficacité. Autrement dit, le caractère limité et
empirique de leurs connaissances et de leurs procédés thérapeutiques ne leur permet pas
de venir individuellement à bout de toutes les maladies à tout moment.
CONCLUSION
Notre étude de la thérapie chez les Dagara nous a conduit à la connaissance d'une vérité
indubitable : la pratique thérapeutique traditionnelle est une réalité constitutive de la vie
ordinaire des Dagara. Car leur foi et leurs croyances religieuses ancestrales sont à la vase
des sources et modes d'acquisition du pouvoir de guérison et de son exercice concret. La
découverte de l'homme dagara et de son milieu, quoique succinte et incomplète, nous a
permis de mieux cerner cette réalité qui fonde la nécessité, voire l'obligation de pratiquer
la thérapie de la manière qui prévaut en milieu traditionnel dagara.
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Quelles qu'en soient la manière et les modalités d'application, la pratique thérapeutique
traditionnelle dagara, reste une valeur culturelle d'une grande importance. Les guérisons
incontestables qui s'opèrent grâce à cette médecine sont très nombreuses.
Cependant de nos jours, cette pratique subit beaucoup de déformations, à plusieurs points
de vue : l'esprit mercantile et la malhonnêteté sont deux vices qui entachent de plus en
plus ce métier des guérisseurs traditionnels. Dans ces conditions, comme l'a souligné un des
enquêtés, les chrétiens sont davantage incapables de "discerner ce qui est naturel de ce
qui est diabolique " (joachim Dabire).
Tiré de (avec son aimable autorisation)
Abbé Hippolite Zaw Hien
" Du guérisseurs traditionnel dagara au médecin sauveur : Jésus-Christ : étude sociologique et
théologico-pastorale sur la thérapie en milieu dagara du diocèse de Diébougou "
Mémoire en théologie, 6ème année
Koumi, juin 2000
Courriel : [email protected]
Tel : (00 226) 70 68 63 85
http://www.burkinafaso-cotedazur.org
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