DNA du 13.05.2014 - Rittershoffen : le second

Transcription

DNA du 13.05.2014 - Rittershoffen : le second
WISSEMBOURG
MARDI13MAI2014 P
40
RITTERSHOFFEN Géothermie
Le second forage
vient de débuter
Depuis le 24 mars, l’activité s’est intensifiée sur la plateforme géothermique de Rittershoffen (sur la RD 243, entre Betschdorf
et Rittershoffen), avec le forage du second puits. L’opération, menée nuit et jour, devrait être terminée pour mi-juin.
L
ILS TRAVAILLENT LOIN
DE CHEZ EUX
es foreurs se relaient jour et
nuit depuis le 24 mars. Sur la
plateforme géothermique de
Rittershoffen, l’activité s’est intensifiée avec les travaux du second
forage, qui ont débuté le 24 mars et
qui devraient durer jusqu’à mi-juin.
Avec l’objectif d’utiliser la géothermie
profonde pour alimenter en chaleur
l’usine Roquette Frères de Beinheim.
Après la réalisation d’un premier forage achevé en janvier 2013 dont le
bilan et les résultats sont positifs en
terme de débit et de température, feu
vert a été donné pour effectuer le
second forage de réinjection. Une opération effectuée en plusieurs étapes
par la cinquantaine de travailleurs se
relayant sur le site — une dizaine
d’entreprises y travaillent, certaines
sont locales, d’autres, plus spécialisées dans le forage viennent de plus
loin. Après avoir foré une partie perpendiculairement au sol, les travailleurs continueront en creusant de
biais afin de permettre à l’eau de refroidir. D’une longueur de près de trois
kilomètres, le forage descendra jusqu’à 2 500 mètres de profondeur verticale.
« Il ne se passera pas ici
ce qui s’est produit
à Lochwiller. »
GUERRIC VILLADANGOS, CODIRECTEUR
GÉNÉRAL DE LA SOCIÉTÉ ÉCOGI.
Autant d’opérations qui, avant d’être
mises en œuvre, ont été longuement
expérimentées, notamment sur le site
pilote de Soultz-sous-Forêts (lire cidessous). « Toutes les précautions ont
été et sont encore prises pour éviter le
moindre risque », précise Guerric Villadangos, codirecteur général d’Écogi
(1), qui se montre rassurant : « Il ne se
passera pas ici ce qui s’est produit à
Lochwiller (2) car nous ne sommes pas
dans les mêmes configurations géologiques et nous utilisons ici des
moyens de géothermie profonde ». Les
mouvements de terrain sont issus de
la rencontre entre l’eau et le terrain de
surface, qui gonfle à la présence de
l’eau. « Or à Rittershoffen, l’eau géothermale ne remonte pas en surface et
ne sera pas en contact avec le terrain.
L’eau chaude géothermale passant par
le forage est isolée du terrain naturel
par trois couches de tubage, chacun de
Le deuxième forage a débuté fin mars et se poursuivra jusqu’à mi-juin.
ces tubages étant cimenté pour éviter
tout risque de fuite », ajoute Guerric
Villadangos, précisant d’ailleurs que
le forage a déjà dépassé les terrains de
surface et qu’aucun mouvement de
terrain n’a été observé. « Pour éviter
les risques, nous avons aussi mis en
place un suivi géologique très précis :
nous adaptons la manière de forer en
fonction des couches géologiques »,
ajoute le codirecteur d’Écogi.
Lorsque le forage sera totalement réalisé — ce qui est prévu pour mi-juin —,
il faudra encore tester le deuxième
puits : la température devrait être de
165 degrés. Viendra ensuite le temps
de réaliser des tests de circulation
entre les deux puits. Et en septembre,
si les tests sont positifs, le chantier se
poursuivra avec la réalisation des
15 kilomètres de conduites de liaison
entre l’usine Roquette et la plateforme
géothermique de Rittershoffen.
Le tout devrait être achevé
pour mi-2015
« Parallèlement, la centrale géothermique sera construite sur le site de
PHOTOS DNA – GUILLEMETTE JOLAIN
Rittershoffen et l’usine Roquette mènera les travaux d’adaptation de son
côté », précise Guerric Villadangos,
précisant que le tout devrait être achevé pour mi-2015. D’autres tests seront
alors réalisés avant l’utilisation concrète du dispositif par l’usine Roquette. Et pendant la période d’exploitation, des dispositions seront
également mises en place pour éviter
les risques. « Tous les trois ans, les
puits et tubages seront inspectés pour
s’assurer qu’il n’y ait pas de fuite et
l’installation sera surveillée 24 heures
sur 24. Quant aux canalisations jusqu’au site de Roquette, des capteurs
fonctionneront en continu afin de mesurer les éventuelles fuites. »
Lorsque le dispositif sera opérationnel, l’usine Roquette utilisera la chaleur de l’eau pour son usine qui fabrique de l’amidon, du glucose et du
bioéthanol à partir de céréales.
GUILLEMETTE JOLAIN
R
Q (1) La société Écogi (exploitation de la
chaleur d’origine géothermale pour
l’industrie) est maître d’ouvrage de ces
travaux et financeur. Créée le 6 juin 2011,
elle réunit trois partenaires : 40 % de son
capital est détenu par Électricité de
Strasbourg (És), 40 % par l’usine Roquette
frère de Beinheim et 20 % par la Caisse
des dépôts. L’investissement pour ce
projet géothermique est de 50 millions
d’euros, avec un soutien de l’Ademe à
hauteur de 25 millions d’euros. « Fort des
expériences menées à Soultz-sous-Forêts,
le groupe És a inscrit les projets de
géothermie dans sa stratégie de
développement, avec la volonté de
proposer un accompagnement dans cette
transition énergétique », précise Bernard
Kempf, directeur de développement du
groupe És.
Les salariés travaillant sur le site du
forage viennent un peu de toute la
France. Spécialisés dans le forage, ils
vont de chantier en chantier. Et alternent les périodes de travail loin de chez
eux de plusieurs semaines et les périodes de repos, pendant lesquels ils peuvent rentrer. Eva Para, 29 ans, habite à
Martigues (Bouches-du-Rhône) et
s’occupe de la mise en sécurité du site
et du personnel sur le site. Elle travaille
dans le domaine du forage depuis
février 2013 et enchaîne les chantiers.
Rare femme sur le site, elle a élu domicile à Betschdorf, dans un gîte. « J’ai
bien discuté avec la propriétaire, qui
m’a conseillé des balades », commentet-elle, concédant toutefois avoir peu de
temps à consacrer à la visite des environs. « Mais j’aime mon métier car il me
permet de voir des gens de tous horizons. Et puis, mon copain est indulgent. » En dehors du chantier, où elle
passe la plupart de son temps, elle n’a
pas trop le temps de discuter avec les
gens du secteur. « Mais quand ça arrive,
ils me posent des questions sur le chantier. Ils se renseignent. Certains pensaient qu’on creusait des puits de pétrole », sourit-elle. Si elle n’a pas eu le
temps de jouer la touriste, une chose l’a
marquée en arrivant : « J’ai halluciné en
voyant les noms des communes ! ».
François Fillion, foreur et chef d’équipe
de 57 ans, trimbale sa caravane de
chantier en chantier depuis 34 ans.
Originaire de Nancy, il a l’a garée cette
fois à Rittershoffen, chez un agriculteur,
avec qui « ça se passe bien. Il m’a bien
accueilli ». Les horaires décalés — les
foreurs se relaient jour et nuit sur le
chantier — et l’éloignement avec sa
famille sont des contraintes auxquelles
il s’est habitué.
Après Rittershoffen, les travailleurs
feront de nouveau leur valise pour
retourner sur le chantier de Vauvert
(près de Nîmes), où ils avaient d’ailleurs
déjà travaillé avant de venir en Alsace.
Q (2) Un état de catastrophe minière a été
déclaré pour la commune de Lochwiller
car des habitations aux murs fissurés
menacent de s’écrouler. Les sinistres
constatés sur les maisons et les rues de
Lochwiller ont été causés par le
gonflement d’argilites à anhydrite en
présence d’eau, à la suite du forage
géothermique réalisé dans le jardin d’un
particulier en 2008.
Eva Para.
François Fillion.
La géothermie en Alsace du Nord
Les premières réflexions sur la
géothermie ont débuté à la fin des
années 1980 au sein du site pilote
de Soultz-sous-Forêts. Depuis, les
recherches ont permis la concrétisation de projets comme celui
visant à alimenter en chaleur l’usine Roquette à Beinheim. À Wissembourg, où un potentiel a été
détecté, des pistes d’utilisation
sont à l’étude.
À Soultz-sous-Forêts,
le groupement européen
d’intérêt économique (GEIE)
C’est un peu le papa des projets de
géothermie. Né à la fin des années
1980, le GEIE a mené des recherches
ayant permis de découvrir une ressource locale : un flux de géothermie
local chaud permettant de produire de
la chaleur et de l’électricité. Les re-
cherches sur le site pilote soultzois, où
travaillent six personnes, ont mis en
évidence le système géothermique
amélioré et la possibilité d’exploiter
cette ressource. « Il a permis de montrer qu’il était possible de créer une
boucle géothermique avec un puits
producteur et un puits injecteur et de
s’assurer qu’il n’y avait pas de perte,
ni de température ni de fluide », ajoute Guerric Villadangos, cogérant du
GEIE.
Depuis, le site de Soultz-sous-Forêts a
évolué. Il est aujourd’hui en exploitation mixte avec une partie de son
activité dédiée à la production d’énergie et une partie consacrée à la recherche. « Il y a une inflexion pour que la
partie « production énergie » soit plus
importante que par le passé, où la
recherche primait. Nous travaillons
pour le faire évoluer vers une composante plus industrielle de production
d’énergie. Ce travail est en cours. Nous
en sommes au début de la réflexion »,
ajoute Guerric Villadangos, qui ajoute
que « les puits sont là. Cette ressource
et ce travail ne sont donc pas délocalisables ».
En prévision de ce développement, la
Ville de Soultz-sous-Forêts a réservé,
dans le plan local d’urbanisme (PLU),
une zone dédiée à l’activité géothermique. « Le Comptoir agricole s’est
d’ailleurs montré intéressé quant à
l’utilisation de la chaleur géothermique pour sécher les grains », indique
le maire Pierre Mammosser, précisant
« qu’il faut que le site produise afin
qu’il dégage des fonds et ne dépende
plus des financements publics. » Le
PLU de Soultz a également prévu une
zone de servitude de projet autour du
périmètre où est actuellement implanté le Comptoir agricole. « L’idée est de
créer, dans le volet recherche et formation, des locaux qui pourraient être
utilisés pour les travaux pratiques
d’un cursus de formation, puisqu’une
chair géothermie a été créée à l’université de Strasbourg », détaille Pierre
Mammosser.
À Wissembourg,
des potentiels géothermiques
Des recherches menées à Wissembourg ont mis en évidence un « potentiel de ressources géothermiques au
sud de de la ville, dans la zone industrielle », indique Bernard Kempf,
directeur de développement du groupe
És, précisant que ce « potentiel est
suffisant en terme de température
pour développer un projet avec production d’électricité et de chaleur ».
Sauf que lorsque l’on produit de la
chaleur de cette manière, il faut pouvoir la consommer et l’utiliser. Or pour
l’instant, « aucune industrie existante
ne peut absorber » cette chaleur,
comme le fera Roquette avec la chaleur venue de la plateforme de Ritters-
hoffen. Un rapprochement s’est donc
opéré avec l’Adira afin « d’intéresser et
d’inciter les industriels, cherchant
une énergie renouvelable non volatile
dont les coûts ne fluctuent pas, à
s’implanter dans ce secteur », commente Bernard Kempf. Aujourd’hui,
quelques pistes sont à l’étude mais
rien n’est encore concret. « Il s’agit
d’un projet générateur d’emplois », a
précisé le directeur de développement
du groupe És. « Je m’intéresse à ce
dossier depuis 2008-2009, ajoute le
maire Christian Gliech. À terme, cette
source d’énergie propre permettra des
débouchés à Wissembourg, c’est un
facteur de développement. Je suis
également en contact avec l’Adira pour
trouver des entreprises prêtes à s’installer. Le travail autour du bois, la
chimie verte ou la culture sous serre
sont des pistes intéressantes. » Autant
de réflexions menées à long terme.
GUILLEMETTE JOLAIN
R
RHA 02