Jean-Baptiste Huet, ou l`exaltation perpétuelle de la nature

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Jean-Baptiste Huet, ou l`exaltation perpétuelle de la nature
Jean-Baptiste
Huet,
ou
l’exaltation perpétuelle de
la nature
Au cœur d’un espace intimiste, le musée Cognacq-Jay offre à
l’artiste Jean-Baptiste Huet, sa première grande exposition
monographique. A travers plus de 72 œuvres, ce parcours
esquisse toute la richesse iconographique de cette figure du
ème
XVIII
siècle, aujourd’hui méconnue. Pourtant, de ses
compositions animalières et végétales, ou de ses décors pour
toiles de Jouy, émane une indéniable délicatesse, une élégance
emplie de légèreté.
Un dogue se jetant sur des
oies, vers 1768-1769, huile sur
toile, Paris, musée du Louvre,
département des Peintures ©
RMN-Grand Palais (musée du
Louvre) / Stéphane Maréchalle.
Dès l’entrée, la toile Un dogue se jetant sur des oies attire
le regard : affolés mais courageux, les volatiles se dressent
pour protéger leurs petits de l’animal revêche. Présentée au
Salon de 1769, l’œuvre puise son inspiration dans les thèmes
animaliers traditionnels du Siècle d’or hollandais, tout en
renouvelant le motif : imposante, cette œuvre surprend par sa
vraisemblance où chaque détail est magnifié, révélant ainsi
l’habileté et les qualités d’observateur de Jean-Baptiste Huet
face à la nature. Peintre du roi, il se confronte directement
à la faune de la ménagerie royale, sans délaisser les régions
plus rurales de l’Île-de-France. Ce sont en effet les animaux
de la ferme et de la campagne qui remportent ses faveurs :
chiens, moutons, coqs et poules composent l’essentiel de ses
productions. Un vocabulaire a priori restreint que l’artiste
parvient sans cesse à exalter, dans une ode éternelle au monde
sensible.
Bergère assise près d’un
arbre avec son troupeau de
moutons et un chien, vers
1770,
pierre
noire
et rehauts de blanc sur
papier
beige,
Vienne,
Albertina
©
Albertina
Museum, Vienne.
Plus loin, quelques études botaniques émergent ; issues d’un
recueil découvert en 1986, elles forment la part encore
méconnue de son abondante production. Courges, orties ou
mauvaises herbes, aussi prosaïques que soient ces motifs, Huet
leur concède une majesté saisissante, ainsi qu’une rare
finesse dans le trait.
Fidèle à son amour de la nature, il cède à l’iconographie de
la flânerie bucolique et des doux plaisirs amoureux, très en
vogue au XVIIIème siècle. Inspirées de la peinture italienne et
flamande de la Renaissance, mais aussi des œuvres de François
Boucher, les scènes poétisant la vie de campagne se
multiplient. Les artistes occultent alors l’amère réalité de
la vie rurale pour prêter aux bergers qu’ils dépeignent, une
allégresse et des amusements idéalisés. Cette Bergère assise
près d’un arbre avec son troupeau de moutons et un chien,
reflète cet idéal de simplicité que Huet et ses contemporains
recherchaient dans la nature : une quiétude fondamentale, loin
de la société qui altère la bonté naturelle de l’homme.
Un loup percé D’une lance, 1771, ©
David Rase.
Un homme qui parfois, se meut en redoutable prédateur pour le
monde animal. Ainsi, comment dénier l’intensité que l’artiste
place dans sa toile représentant Un loup percé d’une lance ?
Rarement un artiste du XVIII è m e siècle n’avait figuré la
souffrance animale avec une telle force ; et comme toujours
chez Huet, il faut prendre le temps d’observer les détails et
l’expressivité qui se cachent dans le regard de ces bêtes.
Ici, le loup blessé n’est pas un trophée glorifiant son
chasseur : il symbolise au contraire le tragique de la scène.
Et si la touche picturale peut constituer un frein à
l’émotion, la puissance de la composition se charge de toucher
l’âme.
Bergère avec chèvre, mouton
et lapin, Paris, Mobilier
national
©
Couilleaux.
Benjamin
La salle finale est consacrée à la production décorative de
ème
Huet, amorcée dans les dernières décennies du XVIII
siècle.
Empruntant à un art rocaille sur le déclin, autant qu’au
répertoire antique en plein essor, ses projets ornementaux
témoignent de sa productivité et de l’attention qu’il porte
aux goûts de son époque. Dans ce domaine, les commandes qu’il
honore pour des acheteurs privés remplacent désormais celles
du roi, et lui pourvoient un revenu constant. L’exposition
présente d’ailleurs quelques exemples décoratifs de l’artiste,
à l’instar de ce charmant carton pour dossier de fauteuil –
intitulé Bergère avec moutons et lapin.
Fontaine et animaux (modèle
de toile de Jouy), vers
1803-1806, plume et encre
brune, lavis brun et gris,
rehauts
de
gouache
sur papier, Paris, musée
des
Arts
décoratifs,
département
des
Arts graphiques © Les Arts
décoratifs, Paris / Jean
Tholance.
Mais si Huet intensifie son rythme de création, notamment en
s’associant à la Manufacture de Jouy, ça n’est pas seulement
pour l’argent : les tissus figuratifs lui permettent
d’exprimer son imaginaire dans des compositions novatrices et
d’une étonnante complexité. Très organisés et géométriques par
leur référence à l’antique, ces décors de tapisseries révèlent
en filigrane de subtils détails pittoresques, si chers à cet
homme épris de nature.
Succincte, cette exposition atteint néanmoins sa finalité avec
grâce : redonner ses lettres de noblesse à un illustre inconnu
que l’Histoire de l’art avait dérobé aux regards, et dont le
musée Cognacq-Jay, ressuscite les charmes avec raison.
Thaïs Bihour
« Jean-Baptiste Huet. Le plaisir de la nature (1745 – 1811) »
– L’exposition se tient jusqu’au 5 juin 2016 au Musée
Cognacq-Jay. Plus d’informations
sur http://museecognacqjay.paris.fr/
J. S. Foer – Dis-moi ce que
tu manges …
Quoi ? Vous avez mangé de la viande à midi ?
Vous préparez du poisson pour ce soir ?
Tout laisse à penser que le nom de Jonathan Safran Foer vous
est encore inconnu …
Dans son ouvrage, l’écrivain new-yorkais se livre en effet à
une étude de nos comportements alimentaires et de leurs
conséquences sur les élevages et les traitements infligés aux
animaux.
Si vous pensiez vous abriter derrière les labels et
appellations tels qu’ « élevés en plein air », « bio », et
j’en passe, jetez un oeil à « Faut-il manger les animaux ? ».
Loin des discours moralisateurs de certains extrémistes
végétar/l/iens, J. S. Foer livre par écrit ses propres
réflexions sur quelle alimentation donner à son jeune fils.
Et il tient à ce que le lecteur garde à l’esprit que c’est le
père de famille qui est allé visiter des élevages considérés
comme traditionnels. Il a également rencontré d’anciens (ou
actuels) employés d’élevages industriels (…ayant presque
toujours souhaité garder l’anonymat).
Ces mêmes élevages où vetusté, torture et barbarie
représentent souvent le quotidien des animaux qui y sont
cultivés (peut-on vraiment parler d’élevages dans ces
conditions), abattus, et « préparés » en vue de les rendre
« propres » à la consommation humaine.
Privations,
enfermement,
dégénérescence
génétique,
démembrements à vif … les pires pratiques y passent … et
créent des espèces animales mutantes, incapables de vivre à la
lumière du jour ou encore de se reproduire entre elles …
Des dindes assexuées, des poulets n’ayant comme espace vital
que la surface d’une feuille A4, des porcs électrocutés,
torturés, de jeunes boeufs castrés à vif … Il est préférable
de terminer son assistte avant de reprendre sa lecture…
Et pourtant, jamais l’auteur ne se pose en extrêmiste
moralisateur mais se propose toujours de fournir les clés pour
que chaque lecteur puisse répondre, en son for intérieur, à
cette question essentielle, et universelle : « Est-il vraiment
naturel de manger des cadavres d’animaux ? »
Vous vous en doutez, cette lecture interroge. Retourne.
Bouleverse.
A découvrir de toute urgence pour se faire sa propre opinion
sur la question !
Cet ouvrage, qui fait suite dans l’oeuvre de Foer au succès de
« Extrêmement fort et incroyablement près » est le fruit de
trois années de recherches et de rencontres. Jeune père,
compagnon de la romancière Nicole Krauss, Foer s’affirme comme
une vraie figure de la nouvelle littérature états-unienne.
Il sort en 2011 son nouveau roman « Tree of Codes ».
Bibliographie de J. S. FOER :
2009 : Eating Animals (Faut-il manger les animaux ?)
2005 : Extremely Loud and Incredibly Close (Extrêmement fort
et incroyablement près)
2005 : The Unabridged Pocketbook of Lightning
2005 : A Beginner’s Guide to Hanukkah
2004 : The Future Dictionary of America
2002 : Everything Is Illuminated (Tout est illuminé)
2001 : A Convergence of Birds

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