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L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro Par Franklin Nyamsi Professeur Agrégé de philosophie Docteur de l’Université de Lille III SOMMAIRE I Ebook spécial II III Le soroïsme 4 La haine viscérale de l’injustice 6 La défense des plus vulnérables 7 IV Le courage de ses idées: la sérénité tragique V Le projet soroiste pour la Côte d’Ivoire, l’Afrique et le monde DOCUMENT HISTORIQUE 10 14 Guillaume Soro, 23 “ Quand la guerre sera finie, chacun aura sa voie. Q u’on ne s’y trompe pas. Ce siècle africain périlleux a besoin d’institutions fortes soutenues par des personnalités fortes. Toute illusion sur cette nécessaire corrélation entre l’individualité exceptionnelle et l’institution efficiente aboutirait à la désespérance. Il fallait un Mandela pour que l’ANC 1 - par la lutte militaro-politique - vainque le régime de l’Apartheid. Un De Gaulle, pour que la résistance française vainque le nazisme. Il fallait, de la même manière, un Soro, pour que la politique criminelle de l’ivoirité, ce nazisme à l’ivoirienne, soit vaincue. Avec le recul réflexif que procurent vingt ans d’histoire syndicale, militaire et politique, il est possible de dégager à présent des actes et des discours d’un homme politique de premier rang, les éléments constitutifs d’une doctrine politique plus ou moins constituée et cohérente. Tel est le cas de l’actuel président de l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire. Apparu dans la vie publique de son pays depuis son élection en 1994 à la tête de la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI), Guillaume Kigbafori Soro, chef de la résistance militaro-politique ivoirienne du Mouvement Patriotique de Côte d’Ivoire, tour à tour ministre d’Etat, premier ministre, et aujourd’hui Chef du législatif de son pays sous le magistère du Président de la république Alassane Ouattara, est au centre de toutes les attentions. Celles qu’il peut espérer, sans doute. Mais aussi celles qu’il peut redouter. Avec raison, dans les deux cas. Car celui qui entre dans l’Histoire, épouse du même geste l’adversité des choses et des humains, tout comme il devient pour bien d’autres, une étoile polaire qui les oriente dans la nuit du quotidien. De 1994 à ce jour, Guillaume Kigbafori Soro a pensé, agi, discouru et servi dans son pays. Nous avons pu voir l’homme à l’oeuvre. Mieux, l’homme par l’oeuvre. Son êtrelà, - son Dasein diraient les Allemands - dans l’Histoire a généré des traces significatives. Il n’est pas trop tôt pour les rassembler dans un ordre qui en montrera la cohérence et la pertinence intrinsèques. L’ordre logique de l’être-Soro révèle dès lors Car dans le combat de L’ANC 1* de Nelson Mandela, on a souvent tôt fait d’oublier le rôle d’Umkhonto We Sizwe, « Le fer de lance de la Nation », la branche armée de l’African National Congress contre le régime criminel de l’Apartheid. Aux bien-pensants qui flétrissent volontiers et arrogamment la rébellion ivoirienne, je recommande de lire utilement cet article aide-mémoire: http://www.humanite.fr/monde/umkhonto-wesizwe-l’indispensable-branche-militaire-487500 Nous affirmons qu’aucun français cultivé et objectif, ne peut ignorer la hauteur éthique et politique du combat de Guillaume Soro en Côte d’Ivoire. Car l’idée de la révolution française, à savoir l’inclusion de tous les humains dans la communauté politique, fut la source de la résistance de De Gaulle contre le nazisme comme elle le sera plus tard, de la résistance, au coeur de l’Afrique francophone, de Guillaume Soro contre l’idéologie criminelle de l’ivoirité. A ceux qui jugent scandaleux le rapprochement que nous faisons, nous proposons de méditer davantage sur De Gaulle, à travers l’article suivant: http://www.lecanardrépublicain.net/spip.php?article340. Les mêmes jugeront difficilement scandaleux que la France gaulliste ait eu besoin des soldats africains pour combattre l’occupation criminelle nazie…Terribles complexes d’infériorité et de supériorité, aux deux bords de la méditerranée. Août 2016 2 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro une Orthodoxie. Du grec Orthos (droit) et Doxa (Opinion), l’idée d’Orthodoxie désigne la pensée correcte. Dans l’ordre, voici, me semble-t-il, les concepts que tout citoyen s’engageant aux côtés de Guillaume Soro doit pouvoir maîtriser, analyser, comprendre et diffuser à son tour: 1) Le soroïsme; 2) La haine viscérale de l’injustice; 3) La défense des plus vulnérables; 4) Le courage de ses idées; 5) La vision pragmatique d’une Côte d’Ivoire nouvelle, dans un espace panafricain redimensionné par l’humanisme cosmopolitique. La formulation d’une Orthodoxie soroïste vient justement de la nécessité de fixer les catégories intellectuelles fondamentales du combat de l’un des plus brillants dirigeants politiques de sa génération africaine actuelle: Guillaume Kigbafori Soro, né le 8 mai 1972 à Diawala, dans le Nord de la Côte d’Ivoire africaine. La présente étude va se baser sur deux textes centraux de référence et notre expérience pratique et directe de l’homme politique Guillaume Soro : a La principale référence est l’ouvrage publié en 2005 par Guillaume Soro, sous le titre Pourquoi je suis devenu un rebelle, chez Hachette, à Paris. b La référence secondaire est une interview magistrale, accordée par Guillaume Soro à la presse burkinabé en 2006, dans laquelle les grandes lignes de la vision politique de l’actuel chef du parlement ivoirien. Nous mettrons la totalité de cette interview célèbre en annexe de la présente étude, dans la version électronique du livre qui sera servi au public. c Conseiller Spécial du Président de l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire depuis 2012, nous avons le rare privilège de passer des longues et nombreuses journées en sa compagnie, que ce soit en Côte d’Ivoire ou à l’étranger, dans le cadre professionnel ou dans celui d’une fraternité de lutte et de vision politique qui date de nos années estudiantines communes à l’Université de Côte d’Ivoire. Ecrivant ces lignes, nous tenons aussi à en préciser la finalité. A qui s’adresse la présente étude des thèmes fondamentaux de la vision soroïste? A l’ensemble de la génération émergente ivoirienne et africaine qui reconnaît en Guillaume Soro, la promesse Août 2016 de sa propre espérance. A la classe politique de nos aînés africains, qui se préparent à se retirer des affaires publiques africaines, après avoir apporté leur contribution au devenir du plus ancien continent de l’homme. Enfin, cet écrit de transition et de vulgarisation, dédié à la lecture du public le plus large possible, veut éveiller les intelligences de l’Occident, de l’Orient et du Grand Sud, à l’originalité du phénomène civilisationnel africain dont Guillaume Kigbafori Soro est le porte-drapeau : une élite nouvelle, redevable des efforts du passé, mais prête à prendre, hic et nunc, toutes ses responsabilités, pour assumer les défis de l’avenir qui nous appelle. 3 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro Le soroïsme Q u’est-ce que c’est que ce nouveau venu dans la pensée politique ivoirienne et africaine? Pour ne pas nous fourvoyer ou égarer nos lecteurs, commençons par nous débarrasser des fausses ententes de cette notion. Rassurons d’abord les iconoclastes. Nous n’entendons point par Soroïsme, un quelconque culte de la personnalité de l’Homme Guillaume Kigbafori Soro. Nous ne sommes point idolâtres. Il n’y a, pour nous, de Dieu que Dieu. Et cette foi fondamentale, faite d’humilité et de simplicité, anime intrinsèquement le leader générationnel que nous analysons. Soro exprime sa foi en Dieu, Créateur, Tout Puissant, Grand Architecte de l’Univers, en toutes circonstances, entretenant du reste l’un des dialogues les plus constants et quotidiens avec toutes les communautés religieuses de son pays. Le natif de Diawala n’a jamais aspiré au désir d’être pris pour un dieu, ni à la prétention d’être un saint. Bien au contraire, Guillaume Soro, dans toutes les manifestations de sa personnalité, se pré- I fère et se montre comme un fils de sa famille, de son pays, de son époque, de l’Afrique et de l’humanité. Humain, trop humain. Ceci n’est pas simplement un regard intellectuel sur l’homme, mais le dire d’un vécu attesté par de nombreux témoins de tous bords, pratiquant l’homme Guillaume Soro. Pour lui, vaut aussi la devise de Friedrich Nietzsche: « rien de ce qui est humain ne m’est étranger » 2 2* Mon ami Samir El Maarouf m’a fait remarquer à juste titre que le «Nihil humani a me alienum puto» est une parole d’un personnage de L’Heautontimoroumenos, comédie du dramaturge romain Térence avant d’être la devise de Nietzsche. Je cite cependant Nietzsche pour insister sur la philosophie du Surhomme, héroïsme spirituel promu par Nietzsche. Août 2016 4 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro Fils, frère, ami, compagnon, époux, camarade, père, combattant de la liberté et de la dignité, négociateur politique, homme d’Etat, homme de de mission, ami de la Veuve et de l’Orphelin, soutien de l’Etranger et du malade, homme d’engagement et de conviction, tels sont les visages que Guillaume Soro a régulièrement assumés depuis sa prise de conscience dans l’Histoire de ce monde. Qu’est-ce donc que le soroïsme? Tentons-en une définition inaugurale. C’est l’ensemble des valeurs de caractère, des valeurs communautaires, des valeurs cosmopolitiques, et des esquisses de vision politique, propulsées dans notre époque par l’action citoyenne et politique de Guillaume Soro dans son pays, dans sa sous-région et dans notre siècle. Pourquoi écrivons-nous soroïsme et non sorologie, ou soronité? Ce n’est point pour participer à une foire quelconque au néologisme le plus saillant. Encore moins pour invalider les autres néologismes, que nous n’assumons pas. A chacun la responsabilité de ses audaces intellectuelles. Nous parlons de soroïsme pour insister sur un fait fondamental: toute la personnalité de Guillaume Soro et son action politique sont traversées par un héroïsme spirituel, moral et politique qui fait de lui, le catalyseur-propulseur de la Côte d’Ivoire émergente, l’emblème d’une espérance assurée pour ce pays. Dans soroïsme, se dit donc l’intimité entre l’êtreSoro et l’être-héros. Car comme le préconise régulièrement Guillaume Soro, en guise de leitmotiv: « C’est quand c’est dur que les durs avancent! »; « On ne perd assurément que les batailles qu’on ne livre pas. Pourquoi ne pas y croire? » « Un dicton nous dit que : Celui qui ne sait pas est un imbécile, celui qui sait et qui se tait est un criminel ». Moi, j’ai décidé de réagir. » Et bien sûr, Soro n’est pas soroïste. Il est ce qu’il est. C’est nous qui dégageons de sa dynamique existentielle, les catégories fortes que nous soumettons au débat et à l’appréciation de toutes les intelligences. Nous pourrions certes en partie nous tromper, mais ce ne serait, une fois de plus, que la rançon des pionniers de l’élaboration intellectuelle du soroisme que nous sommes. Il fallait que commence cette récapitulation intellectuelle: le siècle requiert cette synthèse, en vue d’un des plus belles aventures politiques de l’Afrique contemporaine. Formule régulièrement employée par Guillaume Soro sur son compte twitter, en 2013-2014 Guillaume Soro, Pourquoi je suis devenu un rebelle, Paris, Hachette, 2005, p.20 Août 2016 5 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro La haine viscérale de l’injustice L II a manière d’être de Guillaume Soro dans le monde se signale très tôt, pendant ses études secondaires au Grand Séminaire de Katiola dans le Nord de la Côte d’Ivoire, par le refus de l’injustice: « Je ne sais pas si c’est le virus de la politique qui agissait déjà, mais je voulais combattre les injustices. J’aimais la liberté. » J’avais des copains Musulmans. Musulmans et catholiques se congratulaient Qu’est-ce que l’injustice? C’est la spoliation d’autrui, par la ruse ou par la force, de ses droits ou de ses devoirs. Le contraire de l’injustice, c’est la reconnaissance du principe rassembleur de l’égalité humaine. La justice, ou la pratique de l’égalité, est à la fois arithmétique et géométrique, comme a su le rappeler très tôt Aristote dans son Ethique à Nicomaque. Elle se traduit par des lois justes, c’est-à-dire, maximalement inclusives. Il y a une justice arithmétique, celle qui veille strictement à assurer les mêmes droits et les mêmes devoirs à tous les citoyens. Si le citoyen A=1, et le citoyen B=1, alors, A=B. Géométrique par ailleurs, la justice requiert la pratique de la proportionnalité, qui veut qu’à chacun, revienne son mérite. Ici, si le citoyen A vaut 10 et si le citoyen B vaut 20, il serait injuste de donner la même chose à A et à B. On établira donc une égalité proportionnelle entre A et B, de telle sorte que A soit égal à B/2. On ne peut pas verser le même salaire au manoeuvre et à l’ingénieur, sans être injuste envers le mieux formé des deux. L’amour du peuple, chez Soro, n’est donc pas incompatible avec le respect des compétences, la passion du mérite. Séminariste catholique, Soro se fait justement remarquer dans son adolescence naissante par l’organisation d’une célèbre grève des nouilles au terme de laquelle, la qualité des repas servis à ses camarades par l’Eglise catholique est dénoncée et améliorée. Comment s’étonner dès lors que l’étudiant Guillaume Soro s’engage dans la FESCI, au coeur de ces années 90, consacrées à la lutte contre le monopartisme, et pur l’avènement de la démocratie pluraliste? Comment être surpris, par la suite, de voir Guillaume Soro prendre fait et cause pour tous les exclus de Côte d’Ivoire, ces nordistes et ses ivoiriens métissés que stigmatisera à partir de 1989, l’idéologie politique criminelle de l’ivoirité? Comment être surpris que Soro, premier ministre de Côte d’Ivoire, ait été l’un des premiers à soumettre des postes dans les ministères au critère d’objectivité de l’appel d’offres public, contre la pratique archaïque et clientéliste, voire carrément ethniciste du gré à gré dans les hauts recrutements? Comment s’étonner que le gréviste des nouilles de Katiola se soit dressé dès 2002 contre la même usurpation par laquelle, en 2010-2011, Laurent Gbagbo et le FPI ont voulu confisquer l’expression souveraine du peuple de Côte d’Ivoire, qui avait démocratiquement élu Alassane Ouattara? Idem, p.35 - Idem, op.cit, p. 31 Août 2016 6 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro La défense des plus vulnérables L Il ne suffit point de détester l’injustice. Il faut agir contre elle, concrètement. On rencontre alors la faiblesse humaine dans sa démesure. La vulnérabilité. C’est la plus profonde limitation de l’humaine condition, soumise au besoin, au désir, à la maladie, à la dépendance affective et à la mort. Livrés à la finitude de l’Espace et sous l’épée de Damoclès du Temps, dont le sablier coule impitoyablement, nous sommes tous des êtres fragiles, dont Blaise Pascal, penseur français du 17ème siècle, fit à juste titre remarquer: « Toute la grandeur de l’Homme consiste en ce qu’il se sait misérable. » Or Il y a cinq lieux, où Guillaume Soro a pris conscience des valeurs fondamentales de l’existence humaine: la famille, les lieux sacrés, l’école, l’hôpital, la prison. Août 2016 Né dans une famille enracinée dans la tradition africaine sénoufo, il a pris conscience de l’intime union de l’Homme avec la Nature. Le père est un technicien d’agriculture. Le rapport de la famille Soro à la terre est non seulement traditionnel, mais aussi moderne. Il y a l’incontournable présence de Kolotiolo, le DieuDémiurge Sénoufo, véritable Grand Architecte de l’Univers. L’animisme, présent dans toutes les langues du nord que pratiquera Guillaume Soro, est la religion de l’écologie fondamentale. L’homme, en transformant la Nature, doit prendre garde de ne pas pas la détruire, il doit veiller sur elle afin qu’en retour, elle lui soit clémente. Toute la religion traditionnelle des Sénoufo est une célébration de la reconnaissance de l’Homme envers Dieu, par la médiation des entités III fécondes de la Nature, qui conditionnent la poursuite de la Vie. La famille est donc le lieu de refuge ultime de la fragilité humaine, car c’est le lieu du berceau et celui du tombeau de tout homme. On vient au monde parmi les siens, c’est aussi parmi les siens qu’on en repart. Mais Soro s’est aussi imbibé du Christianisme de ses pères éducateurs catholiques, dont la pédagogie de l’amour du prochain l’aura sans aucun doute également pétri. Les liens étroits et affectueux conservés avec le Père Marcel Dussud, devenu l’homonyme de son propre premier fils Marcel Soro, mais aussi avec toutes les Soeurs soignantes et enseignantes de son enfance, en atteste encore à ce jour. Le lien de Soro au Christianisme est naturel, car le christianisme est sa culture d’ouverture au monde, en même temps que l’école moderne. C’est 7 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro par le Christianisme qu’il a acquis sa conscience de l’universalité du genre humain, puisqu’il y a notamment fait sa connaissance élémentaire de l’Occident gréco-romain et judéo-chrétien. Il y a aussi, dans la Côte d’Ivoire africaine de Guillaume Soro, la présence de l’Islam, religion de soumission absolue à Dieu et de paix fraternelle. Dans son nord ivoirien natal, Soro est né et a grandi sous l’appel des muezzins, les prêches des Imams et les fêtes religieuse si africanisées de l’Islam, le Ramadan et la Tabaski. Par certains aspects de sa personnalité spirituelle, Guillaume Soro est donc aussi un musulman de culture, au sens strict du terme, si l’on se souvient notamment que le muslimin, c’est simplement l’individu entièrement soumis à la Volonté de Dieu Tout-Puissant. Guillaume Soro explique fort simplement la complexité et l’enchevêtrement de ses appartenances de métis culturel, véritable laminaire : « …Je me considère comme une laminaire. Si le nord de la Côte d’Ivoire est à dominante musulmane, le département de Ferkéssédougou dont je suis originaire est quant à lui majoritairement chrétien. C’est dans cet îlot de catholicisme que se trouvent les racines de mes parents. C’est là qu’ils ont mis pied à l’école pour la première fois, ce qui leur a fait rejoindre le catholicisme. Le développement des églises et des écoles missionnaires catholiques a permis d’amener beaucoup d’lèves vers la foi chrétienne. Mais mon milieu n’était pas exclusivement catholique. J’avais des copains musulmans et catholiques se congratulaient lors des faites religieuses des uns et des autres. » La vulnérabilité humaine est aussi découverte par Guillaume Soro dans l’espace ouvert de l’école. L’ascenseur social de toute société moderne, c’est son système éducatif. Or, ce que Soro découvre dans le système éducatif ivoirien le choque. Il y voit les disparités entre ceux qui naissent avec une cuiller dans la bouche et les enfants des plus démunis. Des traitements différenciés entre ceux qui peuvent corrompre et ceux qui ne peuvent pas corrompre. Il y découvre que la pauvreté, comme la richesse, peuvent être des héritages. Au point que certains naissent d’ores et déjà marqués positivement ou négativement, par un certain fatalisme. Soro est surtout choqué par cette reproduction de l’élite sociale par l’injustice institutionnalisée: « Lorsque les premières contestations des années 1990 sont survenues, je me suis naturellement retrouvé dans la contestation scolaire. Je trouvais qu’il y avait beaucoup d’injustice et qu’il fallait se battre pour réparer certains torts.» Guillaume Soro, op. cit. p. 26 - Idem, op.cit. p.37 - Idem, p.42 Août 2016 8 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro Et plus loin, il précise: « Constater, vivre et subir cette iniquité était tout aussi bouleversant que désespérant. Se remettre de ce traumatisme initial ne s’est pas fait sans une certaine dose de révolte. Cette réalité de l’université d’Abidjan galvanisera mon activisme. » C’est ce désir de justice active pour les plus vulnérables qui expliquera autant l’engagement de Soro dans la FESCI que sa rupture de fraternité militante avec le FPI de Laurent Gbagbo, vers la fin des années 90, lorsque le FPI précipite la descente de la FESCI dans l’obscurantisme ethno-chauviniste de l’ivoirité. Soro découvre cependant pendant ces années syndicales estudiantines, l’espace de vulnérabilité nouveau qu’est la prison: 1992, après une marche de protestation contre l’impunité; 1994, pour « reconstitution d’association dissoute »; 1995, pour participation à une manifestation d’élèves au Plateau d’Abidjan et supposée « conspiration avec les militaires ». Et trois autres fois encore. En prison, Guillaume Soro découvre d’autres solidarités: celles qui lient les détenus de toutes ori- gines, mais aussi celles qui permettent d’entretenir un rarissime cordon ombilical avec le monde extérieur. Ecole de patience, de prudence, d’humilité et de persévérance, la prison n’est pas qu’un mouroir. Elle est aussi pour Guillaume Soro, l’un des lieux où a mûri sa conscience spirituelle et morale. La vulnérabilité humaine est aussi découverte par Guillaume Soro dans l’espace de l’hôpital. L’inégalité devant la maladie est flagrante dans bien des cas et cela expliquera qu’une constante de l’action politique de Guillaume Soro porte sur le domaine humanitaire. Le Malade, c’est l’homme dans sa nudité absolue. L’homme confronté à sa finitude. Une société qui abandonne ses malades cesse dès lors d’être humaine. On sait le rôle majeur que joue l’ ONG La Vie, dirigée par Simon Soro, dans le paysage actuel de l’aide médicale aux plus pauvres de Côte d’Ivoire. Enfin, on n’oubliera pas l’attachement de Guillaume Soro à l’hospitalité envers la vulnérabilité de l’Etranger. L’une des constances de son comportement politique est et demeure d’être le rempart absolu des étrangers africains et non-africains de son pays. Dans son parcours syndical, comme dans ses équipées militaro-politiques, Soro est un humaniste cosmopolite scrupuleux, qui ne juge les autres que sur leurs discours et actes, jamais sur la base de leurs origines. Cinq années d’étroite collaboration politique, ajoutées à vingt années d’observation appliquée, me permettent d’en attester personnellement: Guillaume Soro est un panafricain et un humaniste absolument et naturellement vaincu. Soro, parlant de la FESCI, faisait déjà remarquer en 2005: « Cette fédération a, il faut le reconnaître, incarné l’espoir des étudiants et élèves de Côte d’Ivoire avant de sombrer aujourd’hui dans l’obscurantisme. », Idem, op. cit., p. 45 Août 2016 9 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro Le courage de ses idées: IV la sérénité tragique B eaucoup s’engagent en politique pour se servir et non pour servir. Ils veulent devenir des grandstypes, des femmes de prestige, jouir ainsi du faste des ors et lambris de la république, être adulés, voire divinisés par la populace. Adorateurs du veau d’or de la vanité humaine, ils finissent dans la poussière des poussières des faquins de tous les siècles. Ceux-là se reconnaissent par leur mentalité prédominante, qui est faite de roublardise et de loubardise. Pourtant, l’entente la plus profonde de la politique nous renverrait au service de la communauté humaine. On devrait entrer en politique parce qu’on croit pouvoir améliorer le sort de la cité. La vanité humaine, malheureusement, fabrique dans chaque nation, un cortège d’imposteurs fieffés. Opportunistes, profito-situationnistes, ennemis Août 2016 de la vérité, de la justice, de la démocratie moderne et de la compétence. Tels sont les personnages du roublard et du loubard en Côte d’Ivoire. Le roublard ment en permanence, en se donnant toute l’innocence du véridique. Il n’a qu’une ambition: rouler le monde entier dans la farine, au point même de finir par se mentir à lui-même, en se convainquant que son propre mensonge est la vérité. Le monument ivoirien de la roublardise, Laurent Gbagbo, n’hésita point du reste, dans un entretien accordé au journaliste Michel Denisot de Canal +, pendant la crise postélectorale 2010-2011, à revendiquer cette roublardise comme la preuve de son intelligence supérieure. Quand on connaît les événements ivoiriens du 11 avril 2011, on ne s’aventure plus à magnifier le Boulanger d’Abidjan. ..Comme l’avait prévu le regretté général Robert Guéi en 2002, la farine du Boulanger a fini par lui remonter au nez… Le loubard quant à lui, joue faussement au brave. Il ne se contente pas seulement de mentir comme le roublard. Il ne revendique pas ouvertement une intelligence supérieure, comme le roublard. Croyant être plus malin que Satan lui-même, il se présente volontiers comme le plus doux agneau du monde, quand il est en difficulté, et se montre pire qu’un loup, dès lors qu’il se croit en terrain conquis. Quand les temps sont rudes, le loubard se range volontiers aux arrières-colonnes. Il veut survivre dans tous les cas de figure et est prêt au besoin, à passer chez l’ennemi avec armes et bagages si c’est la condition de préservation de son mode de vie de dilettante. Le loubard est un lâche, qui ne croit qu’en ses talents d’illusionniste de circonstances pour parler à chacun son propre 10 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro langage, en attendant, croit-il, de vaincre tout le monde. Le loubard politique est un spécialiste de la contorsion, un opportuniste sans foi ni loi. Il prétend mériter la nuit les honneurs et les rôles qui reconnaît volontiers le jour comme l’apanage de ceux qui sont plus compétents que lui C’est un faux-fuyant, un louvoyeur. Dans la Côte d’Ivoire contemporaine, le moindre malheur n’est pas l’apparition de cette espèce qu’on croyait disparue avec la faconde des gros bras des bidonvilles mal famés. Il faut espérer que la force de conviction des hommes d’Etat ramène cette engeance nuisible à la portion congrue qu’elle mérite. Qu’en est-il alors de l’attitude de Guillaume Soro face aux idées qui lui sont chères? On peut noter avec satisfaction qu’il est constant dans leur défense courgeuse: s’il s’éloigne de Gbagbo et de Blé Goudé à la fin des années 90, c’est pour les mêmes raisons qu’il s’est opposé au monopartisme d’Houphouët et au régime autocratique de Bédié dans les années précédentes. Si Soro s’éloigne de Guéi en 2000, puis se rebelle contre le régime de Gbagbo, si Soro soutient le RDR de Ouattara depuis 1995 et se retrouve au coeur du régime RHDP en 2016, c’est au nom de la même dénonciation du poison ivoiritaire. Voilà pourquoi il martèle en 2005: « J’ai pris les armes pour que mon pays retrouve son vrai visage: paix, liberté, prospérité. Je suis convaincu que le développement de l’Afrique passe par l’union des Africains. Notre pays, qui rassemble une incroyable diversité d’ethnies et qui tire justement sa richesse de sa diversité, peut symboliser cette union mieux que tout autre. » 11 Prendre les armes, non pas pour s’emparer du pouvoir politique à des fins personnelles et égocentriques, c’est avoir le courage de ses idées. Toute la différence entre la rébellion ivoirienne et la plupart des rébellions africaines ou humaines vient de cette nuance de taille. L’enjeu pour Soro a toujours relevé de l’intérêt général, et non du sinistre « ôte-toi de là que je l’y mette » que dénonce la célèbre reggae-star Alpha Blondy dénonçant la démocratie bananière dans l’une de ses vibrantes chansons. Soro, dans cet esprit de sacrifice et d’abnégation pour la communauté humaine de son pays, souligne par plusieurs fois que « Les seuls sacrifices qui vaillent sont ceux qui ont pour but de protéger la Vie et l’Amour ». 11 * Idem, op.cit., p.157 Adresse aux Musulmans le 12 août 2016, sur la page Facebook officielle de Guillaume Soro. Août 2016 11 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro Dans le courage des idées chez Soro, il y a deux aspects essentiels: la théorie la vérité et la praxis de la liberté. Examinons de près cette notion majeure. Le courage de ses idées, c’est d’abord le courage de dire la vérité, de dire sa vérité, avec force, sincérité et fermeté. La Côte d’Ivoire et l’Afrique, le monde politique contemporain, connaissent Guillaume Soro pour cette assomption intellectuelle du courage de dire ce qu’il pense, d’assumer ce qu’il pense et d’expliciter ce qu’il pense, en réduisant autant que possible les marges inévitables d’ambiguité. L’anecdote la plus célèbre date de ses temps syndicaux des années 90, où à un journaliste qui lui fait savoir que le ministre de la sécurité d’Henri Konan Bédié , Dibonan Koné le cherche, Guillaume Soro répondit impassiblement: « Dites-lui lui aussi que je le cherche. » Les travaux de Michel Foucault sur la figure philosophique antique du grec Socrate devraient ici nous aider à comprendre cette qualité rare chez les politiques, si souvent corrompus par cette langue de bois, que nous avons auparavant campée dans les personnages ivoiriens du roublard et du loubard. Foucault définissait ainsi le courage de la vérité, la Parrhêsia grecque: « Parrhêsia, étymologiquement, c’est le fait de tout dire (franchise, ouverture de parole, ouverture d’esprit, ouverture de langage, liberté de parole). Les Latins traduisent en général parrhêsia par libertas. C’est l’ouverture qui fait qu’on dit, qu’on dit ce qu’on a à dire, qu’on dit ce qu’on a envie de dire, qu’on dit ce qu’on pense pouvoir dire, parce que c’est nécessaire, parce que c’est utile, parce que c’est vrai » Le courage des idées n’est pas seulement de l’ordre du discours. Il relève de l’action et suppose le risque suprême de mourir pour ses idées. Il y a la théorie du courage. Il y a aussi la praxis du courage. Dire, c’est faire. Mais faire, c’est encore dire mieux. Sur ce plan, l’expérience syndicale et militaro politique de Guillaume Soro plaide infiniment pour lui: six fois prisonnier politique dans les années 90, il ne renie jamais ses convictions politiques essentielles pendant son incarcération. En octobre 2000, il se retrouve avec une poignée de derniers fidèles à défendre militairement la résidence d’Alassane Ouattara, alors attaquée par les soldats de Laurent Gbagbo. La même année, Soro rompt tout dialogue avec la junte du Général Robert Guéi, quand ce dernier, caporalisé par le FPI de Gbagbo, rejoint la pratique politique criminelle de l’ivoirité. En Janvier 2001, Soro est en exil au Burkina Faso où il s’emploie désormais à organiser courageusement les soldats ivoiriens en exil, pour faire face, décisivement, dès la nuit du 18-19 septembre 2002, au péril suprême, dans la bataille tragique d’Abidjan. Avant de contrôler les 60% du territoire national de Côte d’Ivoire, Soro et ses hommes sont pris dans l’enfer de feu d’Abidjan, où plusieurs rebelles trouvent la mort. Loin d’être un choix hasardeux, l’acte de rébellion revêt pour Guillaume Soro une dimension Voir un article de synthèse sur cette notion à la source suivante: Henri-Paul Fruchaud et Jean-François Bert, « Un inédit de Michel Foucault : « La Parrhêsia ». Note de présentation », Anabases [En ligne], 16 | 2012, mis en ligne le 01 octobre 2015, consulté le 13 août 2016. URL : http://anabases.revues.org/3956 ; DOI : 10.4000/ anabases. 3956 Août 2016 12 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro fondamentale, liée autant à son caractère bien trempé qu’à son sacerdoce pour son pays. Voici en quels termes Soro en parle en 2006: « Il y a deux choses. D’abord le mot «rebelle». Ce mot ne m’échappe pas. Qu’on m’appelle «leader des Forces nouvelles» ou de la rébellion, tous ces termes me conviennent. C’est aujourd’hui qu’on essaie de galvauder le mot «rebelle». Le mot «rebelle» a son côté noble. Georges Washington, aux Etats-Unis, était appelé «rebelle», parce qu’il s’était rebellé contre l’empire mère qui était alors la GrandeBretagne. La rébellion n’a donc pas forcement une connotation péjorative. Ce n’est donc pas un mot qui me choque. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai tenu à ce que le public retienne le titre de ce livre où j’ai expliqué, en partie, pourquoi je suis devenu rebelle. Pour venir à votre question, l’explication est toute simple. Un Etat est organisé de telle sorte que lorsque vous êtes victime d’une injustice, l’Etat répare cette injustice. Cela, à travers les juges et les juridictions. Quand une population est vexée ou frustrée, il y a des moyens légaux qui permettent, à la population, d’exprimer sa colère. Mais, quand dans un Etat, tous ces mécanismes et les rouages de l’Etat ne permettent plus l’expression démocratiques et la libre expression, cela pose un problème. Il se trouve malheureusement que, dans mon pays en Côte d’Ivoire, depuis la mort du président Houphouët, de nouveaux dirigeants qui voulaient confisquer le pouvoir d’Etat ont commencé à tirer en nous les vilains sentiments tels que la xénophobie, la discrimination, etc... De sorte que, du jour au lendemain, nous tous qui étions allés à l’école avec des jeunes bété, baoulé et autres, on a commencé à nous indexer par nos noms. Quand vous vous appelez par exemple «Ouattara Wossoro» en Côte d’Ivoire, vous devenez systématiquement un étranger. Et quand vous avez le malheur de porter un boubou, vous êtes taxé de musulman ou d’étranger. A partir de là, la situation de la Côte d’Ivoire, à l’évidence, ne pouvait que conduire à l’impasse actuelle. » ( Voir document de référence, en annexe du présent ouvrage ) C’est donc dans les profondeurs du sens ultime de la vie humaine que Soro et ses compagnons ont puisé les énergies de leur combat. On comprend donc, avec du recul, pourquoi non seulement Guillaume Soro assumera publiquement la paternité du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire dans les médias internationaux, mais de plus, veillera personnellement à ne s’extraire d’Abidjan qu’après avoir mis tous ses hommes à l’abri de l’ennemi. Soro risque sa vie pour le moindre soldat de sa troupe et s’impose définitivement comme le leader charismatique de la résistance et de l’opposition militaro-politique ivoirienne devant le terrible régime du FPI. De 2002 à 2011, Guillaume Soro risquera sa vie un grand nombre de fois, avec l’épisode paroxystique du 29 juin 2007, lorsque son avion officiel est attaqué à l’arme lourde sur le tarmac de l’aéroport de Bouaké. Décrivant cette vie de périls, Soro écrivait pourtant déjà en 2005: « Quant à moi, je sais bien que cette période m’a donné du relief. Je m’y suis fait beaucoup d’amis ou d’alliés…et aussi des ennemis acharnés. Je suis conscient que le couple Gbagbo me voue une haine terrible. Mais j’ai appris à encaisser les coups. J’ai échappé à plusieurs attentats, à Abidjan et ailleurs. J’ai vu le ravages que pouvaient causer la manipulation, la jalousie, la trahison. Tout cela mûrit et fortifie un homme. Il n’est pas aisé d’être leader d’un parti politique. Il est encore plus difficile de diriger un mouvement armé! Certains ont tablé sur mon jeune âge pour prédire mon échec. Je tiens toujours la barre et je demeure toujours vigilant. » 13 Mais, les idées ne valent la peine d’être défendues que si elles ont été approfondies comme idées. Elles ne méritent le sacrifice suprême que si elles ont fait l’objet d’un examen radical, sans complaisance, ayant pour but d’en mesurer la forme et le fond. Il ne suffit pas, pour avoir des idées, d’être contre ceci ou cela. Encore faut-il énoncer un projet du monde. On ne peut donc parler du courage de la vérité et du courage de l’action de Guillaume Soro sans se demander sérieusement: pour quelle Côte d’Ivoire, pour quelle Afrique, pour quelle sorte d’humanité Guillaume Soro a-t-il si régulièrement, à la manière de Socrate, de De Gaulle, de Mandela, ou de Kagamé, accepté de risquer par plusieurs fois sa durée sous le soleil du monde? Cette question décisive ouvre la dernière partie de la présente étude. 15* Guillaume Soro, op. cit., p. 156 Août 2016 13 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro V Le projet soroiste pour la Côte d’Ivoire, l’Afrique et le monde I l existe, en plus de l’ouvrage de référence de 2005 que nous commentons abondamment ici, une interview magistrale, donnée par Guillaume Soro à la presse burkinabé en 2006. Donnée par temps de belligérance avec le régime Gbagbo, elle doit, à plusieurs titres, nous intéresser parce que Guillaume Soro, on le verra, y résume sa vision de la Côte d’Ivoire, de l’Afrique et du Monde. Nous ferons fréquemment référence dans l’esquisse des grandes lignes du projet soroiste. Le caractère spontané de cet entretien de 2006 comporte en plus l’avantage de nous montrer un Guillaume Soro serein, décontracté et exprimant ses idées avec le moins d’inhibition possible, pour le bonheur de la postérité des lecteurs. Nous y découvrons la vision sociale, la vision culturelle, la vision économique et la vision politique de la Côte d’Ivoire de Guillaume Soro. Août 2016 La société selon Guillaume Soro: diversité versus ivoirité L’homme, par nature, est un être social. C’est dans les mains des autres qu’il vient au monde, et c’est de leurs mains qu’il en repart, selon la belle formule de l’écrivain sénégalais Birago Diop. Pourtant, bien qu’il soit naturel à l’homme de vivre en société, cette expérience est loin d’être comme un long fleuve tranquille. Pourquoi donc? En raison de sa faculté de calculer, de choisir, de surprendre, en raison de sa liberté, l’homme est à la fois sociable et insociable. Toute société humaine, et surtout tout dirigeant politique doivent inévitablement se confronter à la question suivante: comment les hommes doivent-ils vivre ensemble? La conviction la plus ancienne de Guillaume Soro à propos de la société humaine est qu’elle doit 14 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro être un espace respectueux de sa propre diversité. Ayant luimême grandi dans un espace social diversifié, fait d’animisme, de christianisme, d’Islam et de savoirs technoscientifiques, fait d’Ivoiriens et d’Etrangers de toutes origines, Guillaume Soro n’a jamais éprouvé la moindre difficulté à considérer que la société, c’est la diversité humaine matérialisée. Toute société est une communauté plurielle, où les manières de penser, de croire, de vivre, de faire ou même de se projeter dans l’avenir ne sauraient être les mêmes. Pourtant, Soro sait aussi que la plus grande menace qui pèse sur toute société humaine, c’est sa clôture sur elle-même, le rejet et l’ignorance de sa propre diversité et la négation de la richesse que représente l’apport mutuel des différences positives. L’individu conscient de la diversité sociale doit se sentir concerné par la préservation du droit à la différence, comme la condition de sa propre intégrité humaine. Car nos identités sont nécessairement mélangées, tissées avec celles des autres. Aussi, Soro observe-t-il: « Nous formons en Côte d’Ivoire une mosaïque ethnique qui s’articule autour de quatre grands groupes: le groupe Mandé, avec les Mandé au nord et au sud. Au centre-ouest et au sud-ouest on trouve essentiellement les Krous (Bétés, Kroumen). A l’est, au centre et au sud-ouest, on rencontre mes concitoyens Akans, Baoulés, Adioukrous, Apolloniens, Agnis, Abrons. Les Sénoufos, les Lobis, et les Koulangos sont des groupes ethniques appartenant au groupe voltaïque qu’on encontre au nord et au nord-est du pays. Moi-même, je suis sénoufo. Et je me considère comme une laminaire. » 15 Et l’éditeur de nous expliquer le concept de « laminaire »: « La laminaire est une algue qui s’étend très loin. Soro utilise cette expression pour expliquer que ses racines sont certes au nord de la Côte d’Ivoire, mais qu’il se sent aussi originaire du centre, de l’ouest, du sud et de l’est de son pays. D’où sa volonté de combattre les idéologues ivoiriens qui prétendent que les vrais Ivoiriens sont au sud du pays et que le Nord est peuplé d’ « étrangers non ivoiriens ». 15 Du coup, on peut donc importer ici, dans la conception sociale de Guillaume Soro, la différence conceptuelle introduite au 20ème siècle par Henri Bergson, penseur français, puis Karl Popper, philosophe britannique d’origine autrichienne, entre la société ouverte et la société close . La seconde correspondrait exactement à la 15* Guillaume Soro, op. cit., p. 26 Idem, op. cit, p. 26 Un résumé correct de ces conceptions, développées dans Les Deux Sources de la Morale et de la Religion, ouvrage de Bergson, et dans La société ouverte et ses ennemis, ouvrage de Karl Popper, est consultable dans la source suivante: https://fr.wikipedia.org/wiki/Société_ouverte Août 2016 15 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro société de l’ivoirité alors que la première renverrait à la société de la diversité. La société close s’enferme dans les rapports issus de l’état de nature. Son objectif constant est de se conserver, aux détriments des autres sociétés. La société close vit la différence de l’Autre comme une menace, un obstacle, une hypothèque sur son propre avenir. La société close ne s’affirme dès lors que par l’exclusion, la marginalisation, la stigmatisation des différences. A contrario, la société ouverte, dynamisée par la raison critique et la prise de conscience de l’universalité humaine, admet l’altérité comme une nécessité du rapport à soi. L’Autre n’est pas perçu a priori comme une menace, mais comme une relation potentiellement féconde. La société ouverte est préoccupée d’inclure, d’où son souci profond de la vulnérabilité humaine sous toutes ses formes. Justement, Soro est un ardent et convaincu partisan de la société ouverte. C’est donc ce différend fondamental dans la conception de la société ivoirienne qui permet de comprendre pourquoi Guillaume Soro s’est dressé contre l’idéologie ivoiritaire. Cette idéologie, née dans les années 70 sous forme de concept de mixité culturelle ivoirienne avec un Niangoran Porquet qui voulait synthétiser les sociétés de la savane du nord avec celles des forêts du sud, fut récupérée et politisée dans les années 90 par les penseurs de la cellule CURDIPHE du régime Bédié dans les années 90, comme instrument d’exclusion sociale et politique contre les Ivoiriens du Nord, incarnés alors sous la figure emblématique d’Alassane Dramane Ouattara. C’est cette même doctrine de la société ivoirienne close qui sera radicalisée par le régime militaire de Robert Guéi, puis par le régime criminel du FPI de Laurent Gbagbo qui accède au pouvoir par un charnier inaugural à Yopougon, au mois d’Octobre 2000. En 2006, Soro rappelle déjà, quatre ans après la déflagration de 2002, les termes profondément identitaires du conflit ivoirien, qui datait de la critique de la société monolithique instaurée par le règne de 40 ans du PDCI-RDA en Côte d’Ivoire. Il explique pédagogiquement à la presse burkinabé pourquoi la Côte d’Ivoire a failli voler en éclats: « Q : A l’époque, il semble que vous étiez très proche de la famille Laurent Gbagbo. La FESCI, à un moment donné, était un mouvement affilié à l’opposition. Si cela est vrai, pourquoi avez-nous donc tourné le dos à cette famille ? GS : Disons qu’à l’époque, en 1991, il ne faut pas se cacher les choses, Laurent Gbagbo, en faisant intrusion sur la scène politique, s’était positionné comme l’homme du changement. Il venait comme un homme de gauche, défenseur des valeurs démocratiques. A l’époque, le mouvement étudiant épousait ce même idéal. Et c’est comme cela que nous nous sommes retrouvés ensemble dans la rue, pour revendiquer la démocratie. En son temps, c’était le président Félix Houphouët-Boigny qui était à la tête de l’Etat. Père fondateur de la Nation ivoirienne, il était déjà à sa quarantième année de gouvernance en Côte d’Ivoire. Et vous savez qu’à l’époque, il y avait le système des partis uniques. Déjà, à notre avis en 1999, il était inacceptable pour un pays comme le nôtre d’être dans le système du parti unique. Nous nous sommes battus ensemble. Je dois reconnaître qu’effectivement il y a eu une proximité entre Monsieur Gbagbo et moi-même. Nous avons été amenés, dans le cadre d’une plate-forme large de la gauche ivoirienne, à analyser la situation ivoi- 16* Soro, op.cit., p. 156 Soro, op. cit, p. 158 Amadou Hampâté Ba, Aspects de la civilisation africaine, Présence Africaine, Paris, 1972, p. 17 Août 2016 16 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro rienne. Et nous avons été très proches. Malheureusement, je suis de ceux qui ont été totalement désillusionnés et choqués de voir que les valeurs de la gauche que nous avons défendues et réclamées ensemble sont foulées aux pieds par M. Laurent Gbagbo. Il s’est progressivement écarté de toutes ces valeurs que nous souhaitions voir réaliser sur le plan politique. Jusqu’au point où il embouche le discours de l’ivoirité. Pour nous, cela est totalement intolérable et inacceptable dans notre pays. C’est l’ivoirité qui nous a divisés. » 16 (Voir le document de référence en fin de ce livre). La société ivoirienne close aura donc connu deux phases de constitution. D’abord, il y a eu la société close du Parti Unique PDCI-RDA, légitimement contestée par l’opposition du FPI de Laurent Gbagbo et la FESCI originelle, au nom de la quête de démocratie. Ensuite, la société close inventée par l’idéologie de l’ivoirité, de Bédié I à Gbagbo via Guéi Robert. Allié à Gbagbo pour la revendication d’une société ouverte opposée au système politique monolithique d’Houphouët-Boigny, Soro s’est retrouvé logiquement opposé à Laurent Gbagbo quand ce dernier a pris fait et cause pour la société close de l’ivoirité. C’est cette société ouverte qui est l’oeuvre magistrale actuelle de la majorité gouvernée par le président Alassane Ouattara, depuis son élection démocratique de 2010 à la tête de la Côte d’Ivoire, sous la doctrine féconde du Vivre-Ensemble. La société humaine, pour Soro doit résolument être une entité inclusive et fédéra17* Août 2016 trice des énergies de la diversité, d’autant plus que la société ivoirienne est l’un des laboratoires par excellence de l’Union Africaine, en raison de son exceptionnelle mixité panafricaine. D’où cette intuition de Soro dans son livre de 2005: « Je suis convaincu que le développement de l’Afrique passe par l’union des Africains. Notre pays, qui rassemble une incroyable diversité d’ethnies et qui tire justement sa richesse de cette diversité, peut symboliser cette union mieux que tout autre. » 17 Et mieux encore: de la réalisation divine. Ecoutons donc le sage malien: « …La tradition s’occupe de la personne humaine en tant que multiplicité intérieure, inachevée au départ, appelée à s’ordonner et à s’unifier, comme à trouver sa juste place au sein des unités plus vastes que sont la communauté humaine et l’ensemble du cosmos. Synthèse de l’univers et carrefour des forces de vie, l’homme est appelé à devenir le point d’équilibre où pourront se conjoindre, à travers lui, les diverses dimensions dont il est porteur. » 17 « La Côte d’Ivoire de demain, la Côte d’Ivoire dont je rêve, sera libre et ouverte à tous. » La culture selon Guillaume Soro: la véritable richesse de l’intelligence 17 Hamadou Hampâté Ba, le grand penseur africain, explique que toute culture véritable a pour but la reconversion positive des forces chaotiques qui habitent tout homme. Etre cultivé, c’est littéralement comme pour une terre vierge, s’est harmonieusement transformé soi-même par la méditation, le travail, par la réflexion, par l’apprentissage, par l’expérience et par le désir d’Absolu qui fait de l’être humain, un potentiel temple Né et imprégné des traditions animiste sénoufo, chrétienne et musulmane, Guillaume Soro a la profonde conviction que l’homme n’est rien sans une certaine forme de foi et de reconnaissance envers la Transcendance de Dieu, la Transcendance de la Nature et la Transcendance de la Société dans laquelle il émerge. Plusieurs fois, Guillaume Soro fait appel à cette humilité profonde de l’homme devant Dieu, devant l’Univers complexe et devant la Communauté humaine, comme le fondement de sa propre culture. Celui 17 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro L’économie politique de Guillaume Soro: un pragmatisme économique écologique et solidaire qui sait qu’il ne s’est pas créé lui-même, se doit d’être reconnaissant, humble dans ses prétentions et serviable, dans toute la mesure de ses possibilités. La culture, pour Guillaume Soro, est donc l’élévation de l’homme par l’éducation, à la reconnaissance divine, à la connaissance scientifique et technique de la nature, mais aussi à la pratique de la justice dans la société humaine. La culture, pour Soro, est donc pratique de la Foi, du Savoir et de la Justice. La dimension spirituelle de Soro se manifeste par son attention oecuménique à toutes les confessions religieuses de son pays et du monde, sans exclusive. La dimension intellectuelle s’atteste dans son attachement au mécénat des sciences et des arts, mais aussi à sa capacité d’apprendre sans cesse, et de s’entourer de tous ce que son temps peut compter d’experts en tous domaines du savoir. Enfin, nous n’avons guère besoin d’insister à nouveau sur l’importance de la Justice comme fondement de la paix sociale selon Soro. Pour la justice, il s’engagea dans le syndicalisme. Pour elle, il risqua sa vie contre le régime criminel de l’ivoirité. Pour elle, il est toujours au service de son pays, prêt à répondre à tout appel du devoir national ivoirien. Ce que Soro veut pour lui-même, il le veut dès lors nécessairement pour l’Ivoirien Nouveau de ce siècle. Une éducation de piété, d’expertise et de citoyenneté exemplaires. La réforme des institutions scolaires et universitaires, mais aussi de la recherche scientifique ivoirienne, devrait pouvoir s’inspirer de ces valeursguides de toute civilisation humaine authentique, afin qu’émerge un citoyen ivoirien renouvelé par la Parole Créatrice de l’Ordre du monde. Et Soro de résumer la finalité politique de la culture: « IL faut montrer au peuple ivoirien qu’il y a des citoyens qui peuvent dire une chose et respecter leur parole » 18 ( Document de référence en annexe). 18* Août 2016 On a pris l’habitude paresseuse, dans une certaine vulgate ivoirienne, de confiner les idées politiques de Guillaume Soro dans une sorte de contradiction qu’on s’empresse de justifier par son éloignement du Front Populaire Ivoirien. Cette contradiction consisterait en ce que Guillaume Soro aurait d’abord été de gauche aux côtés de Laurent Gbagbo, puis serait devenu de droite libérale, en rejoignant Alassane Ouattara. Et certains s’empressent de citer, en l’interprétant mal, Guillaume Soro lui-même s’exprimant dans son livre de 2005. Evoquant en effet son positionnement politique dans les années 90, Soro précise: « Ma famille naturelle restait la gauche ivoirienne. » 18 Et plus loin, il affirme, toujours en 2005 : « Le RDR est un parti libéral, alors que mon attachement à la gauche est bien connu. » 18 Qui donc, parmi les contempteurs actuels de Guillaume Soro, a pris la peine de contextualiser ces déclarations? La première reconnaît simplement un état de fait. Et Soro explique d’ailleurs pourquoi il a rompu avec cette gauche, notamment lorsqu’elle a été pervertie par le national-chauvinisme. La seconde déclaration renvoie à un moment donné de la doctrine du RDR, encore marquée par la dominante libérale de sa vision économique. Qui n’a pas compris que l’entrée officielle de la plupart des membres des Forces Nouvelles et plus largement de la génération des compagnons de Guillaume Soro au RDR s’est accompagnée de l’inflexion idéologique du RDR lui-même vers une plus grande sensibilité pour les grands thèmes du socialisme républicain? Le programme du « Vivre-ensemble » qui a porté le président Alassane Ouattara au pouvoir en 2010 n’insiste-t-il pas à dessein sur la dimension collective de l’action politique vertueuse? Pourquoi le programme n’a-t-il pas plutôt insisté sur « Réussir dans la compétition de tous avec tous », comme l’aurait voulu la vulgate classique de l’ultra-libéralisme cynique? Le RDR contemporain n’est plus le parti libéral de 2005, mais une formation politique en marche vers la réalisation du progrès social et solidaire des énergies publiques et privées de la nation ivoirienne. Il faut voir dans cette inflexion à gauche du RDR, l’une des conséquences justement, de son intégration de forces vives de la relève ivoirienne mobilisées par le charisme de Guillaume Soro. 18 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro Mieux, la vérité dans cette affaire est bien toute autre. Soro s’est uni au FPI quand celui-ci combattait pour la démocratie et s’est séparé du FPI quand celui-ci combattait pour l’idéologie de l’ivoirité. Le RDR, apparu dès les années 94, a mieux incarné désormais le combat pour la démocratie que le FPI avait abandonné. Soro l’a rejoint comme compagnon de lutte, dès le Front Républicain, à partir des années 95 et en est aujourd’hui un membre attitré pour cette bonne raison. Le FPI est devenu un parti de national-socialisme. Le RDR pratique le libéralisme social. Rien de bien choquant pour un Guillaume Soro, qui, de toutes façons est demeuré fidèle au socialisme libéral de ses jeunes années. L’économie n’est pas au service du profit, mais de l’homme. Elle doit cependant tenir compte des contraintes réelles sociales, économiques, culturelles et politiques de son environnement. L’économie, au fond, doit dépasser la prison commune du productivisme, qui rassemble le capitalisme et le socialisme dans la même logique de l’excès d’exploitation des ressources limitées de la terre. Après la Chute du Mur de Berlin, la vieux clivage idéologique entre la Gauche et la Droite a cessé de fonctionner dans les discours. Mieux encore, on a découvert que pendant les longues décennies de la Guerre Froide, les politiques et les Etats des deux bords du rideau de fer mondial avaient continué de coopérer de plusieurs façons, directes ou indirectes. Le productivisme de gauche, comme celui de droite, ont contribué à dégrader considérablement l’écologie planétaire. Le pragmatisme fut de longe date de mise. Les investigations ont largement établi que pendant la Guerre Froide, la Realpolitik n’a jamais cessé. Grand lecteur de Lénine, Soro raconte souvent avec emphase, la perspicacité du grand dirigeant soviétique qui sut, en pleine famine dans les années 20, accepter d’acheter le blé du rival capitaliste américain pour nourrir sa population, au lieu de se résoudre au suicide de masse par raideur d’esprit idéologique. Soro n’a pas lu que Marx, Engels, Lénine, Trostky, Mao, Che Guevara ou Fidel Castro. La pensée libérale d’un Adam Smith, d’un Ricardo, d’un Adam Smith, ou d’un Monchrestien l’a aussi intéressé. De même, le libéralisme social d’un John Maynard Keynes ou la trajectoire des social-démocratie française et allemande n’ont pas manqué d’attirer son attention intellectuelle, tout comme les expériences du socialisme africain de Nkrumah, Cabral, Nyerere, Senghor ou même Félix Houphouët-Boigny, ou le libéralisme social du président Alassane Ouattara sur lequel nous nous appesantirons dans une étude Août 2016 imminente. Guillaume Soro, j’en atteste personnellement, est un grand consommateur de littérature politique. Les thèses des économistes contemporains de l’éco-démocratie, tel un Amartya Sen un Cohen. De ce parcours ouvert à l’écoute des grandes doctrines politiques, économiques et sociales, Guillaume Soro a dégagé les normes d’efficacité, de pertinence et d’expérience pour dégager sa propre conception du politique. Soro pense qu’il faut réinvestir ce pragmatisme économique dans un sens bénéfique à la société et respectueux de notre environnement. L’économie, loin d’être une science prisonnière de la pensée de gauche ou de la pensée de droite, doit donc avant tout être au service de l’homme et de la Vie. Retrouver son sens grec originel d’Oikos-Nomos, art de gérer en bon chef de famille, les ressources de la communauté, en bonne entente avec la nature. Pour la génération Soro, arrivée en politique après la Chute du Mur de Berlin, la science économique d’Etat relève désormais du pragmatisme écologique. L’économie doit produire, distribuer, consommer les biens et services dont la population a besoin, en veillant cependant, à ne pas saboter écologiquement notre bateau planétaire. Contrairement aux attardés de l’anticolonialisme dogmatique africain, Soro a vite compris que le véritable clivage politique du 21ème siècle ne serait plus le clivage entre le socialisme et le capitalisme, mais bien au contraire, le clivage entre l’Etat de droit écologico-démocratique d’une part, et les dictatures productivistes d’autre part. Nous avons donc à participer intellectuellement de la nécessaire politique africaine de l’après Guerre Froide. Soro est convaincu depuis ses années militantes que la Côte d’Ivoire doit être une éco-démocratie républicaine intégrée dans une fédération étatique africaine puissante, de nature à faire efficacement face aux blocs étatiques européen, arabo-persique, nord-américain, russe, chinois, indien, brésilien, japonais, indonésien, et autres. Citons de nouveau Guillaume Soro, dans 19 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro La vision politique de Guillaume Soro: pour une éco-démocratieivoirienne dans une perspective d’intégration panafricaine son livre de 2005: « Je suis convaincu que le développement de l’Afrique passe par l’union des Africains. Notre pays, qui rassemble une incroyable diversité d’ethnies et qui tire justement sa richesse de cette diversité, peut symboliser cette union mieux que tout autre. » 20 Eco-démocratie Fils de la terre africaine sénoufo, élevé au coeur de l’agriculture ivoirienne, Guillaume Soro sait que toute la richesse de l’homme vient de la terre et retourne à la terre. Aujourd’hui paysan moderne, averti des ravages du productivisme capitaliste et du productivisme socialiste des siècles précédents, Guillaume Soro teste dans sa ferme de Ferkéssédougou, un modèle d’agro-économie qui pourrait demain, révolutionner l’agro-économie de son pays, et contribuer à doper celle de l’Afrique continentale. L’idée est de produire dans l’intérêt de la Société, en quantité suffisante, sans nuire à la stabilité et à la fécondité de la Nature. La recherche de cet équilibre constant entre la société humaine et la nature ne peut cependant se faire sans le passage par une éducation citoyenne, mais aussi des institutions sociales, économiques et politiques à la hauteur de cette ambition. La notion d’écodémocratie, que nous élaborons nous-même, pour synthétiser cette vision de la société, désigne un système politique représentatif, respectueux de la souveraineté populaire, de la séparation et de l’équilibre des trois pouvoirs d’Etat, des droits et devoirs fondamentaux de la personne humaine, des désirs et besoins légitimes des populations, et assurant une production, une distribution et une consommation des biens et services en compatibilité avec l’équilibre de la nature. Vision constitutionnelle Pour Soro, la constitution de son pays ne doit être faite ni par quelqu’un, ni pour quelqu’un, ni contre quelqu’un. Elle doit être une loi transcendante, impartiale, impersonnelle, exemplaire et faite pour la longue durée. Elle doit être l’expression d’un équilibre positif et fécond entre les toutes les forces politiques du pays. Mieux encore, cette loi doit offrir à la Côte d’Ivoire, des institutions qui prennent en compte sa diversité socioculturelle et son pluralisme politique, ses besoins de prospérité, de stabilité, de justice et de solidarité fraternelle irréductibles. Voilà pourquoi Soro a toujours penché pour un régime plutôt semi-présidentialiste, comprenant une ou plusieurs vice-présidences de la république, élargissant le socle de la représentation nationale à l’ensemble des grands corps constitués de la nation, avec en prime les chefferies traditionnelles, les jeunes et les femmes. Voici ce que Guillaume Soro disait déjà, de façon prémonitoire, de la constitution de juillet-août 2000dans sa célèbre interview de 2006 devant la presse burkinabé: « Je n’ai pas voté cette Constitution. Le peuple ivoirien n’a pas voté cette Constitution. Il y a eu 73% d’abstention lors du Référendum constitutionnel organisé en 2000 sous un régime militaire. Elle ne peut pas être consensuelle. A supposer même qu’elle fut consensuelle, mais le 20* Août 2016 20 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro fait qu’elle regorge des articles confligènes, nous demandons qu’il faut la suspendre. Elle consacre l’ivoirité et la ségrégation entre les Ivoiriens. Ensuite, une Constitution qui a «fait» la guerre ne peut pas envoyer la paix. Entre temps, nous avons estimé qu’il fallait adopter un Acte constitutionnel de transition qui permette d’organiser les pouvoirs en Côte d’Ivoire. » 20 ( Voir document annexe). L’intérêt général, au-delà de toute ambition personnelle L’intérêt général, c’est l’exigence politique suprême de Guillaume Soro. Elle désigne le Bien Commun, ce qui est juste, utile et bon pour tous, dans la mesure où objectivement, toute personne saine d’esprit qui juge d’elle-même peut en attester. Après un mandat à la tête de la FESCI à partir de 1994, Guillaume Soro s’en retire en 1998, pour laisser à d’autres le soin de diriger le mouvement estudiantin ivoirien. Après avoir conduit la résistance militaro-politique des MPCI/ Forces Nouvelles, contre le régime criminel de l’ivoirité, de 2001 à 2007, c’est Guillaume Soro qui invite officiellement ses camarades à clore les portes et le chapitre de son mouvement, et de rejoindre chacun l’obédience politique de son choix, ou leurs carrières professionnelles. Après avoir servi à la tête du premier ministère pendant cinq ans, dont quatre avec Laurent Gbagbo et une avec Alassane Ouattara, Guillaume Soro accepte volontiers de céder son fauteuil de premier ministre, afin que le Chef de l’Etat accomplisse sa promesse envers son grand allié, le PDCI-RDA du président Henri Konan Bédié. Mieux encore, Soro percevait aussi en 2006, la création d’une fonction de vice-président comme l’une des innovations positives de la future organisation politique ivoirienne, en termes d’équilibre de la majorité au pouvoir et de stabilité des programmes de gouvernement sur le long terme: ` « Q : La RDC a opté pour le principe de 4+1, un Président et quatre Vice-présidents. Est-ce une option? G.S : Le processus au Congo a connu un gros progrès. Ils iront au second tour des élections présidentielles dans quelques jours. C’est une proposition assez bonne. Cette proposition n’est pas assez loin de celle que nous faisons. Nous avons demandé un Président de la Transition avec deux vice-présidents. » Août 2016 Il organise l’élection présidentielle de 2010 et n’y participe pas, par souci d’impartialité face au dernier grand duel entre les cadets politiques immédiats du président Félix Houphouët-Boigny. Du syndicalisme à la politique, la constance politique de Guillaume Soro aura donc été de toujours servir son pays avec désintéressement, au lieu de se servir de son pays pour assouvir ses ambitions personnelles. En 2005, il écrit justement: 21 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro « Mon problème et mon ambition ne sont pas de transformer les Forces Nouvelles en parti politique. Je suis jeune. Le but de mon combat n’est pas de m’installer dans le fauteuil présidentiel. J’ai pris les armes pour que mon pays retrouve son vrai visage: paix, liberté, prospérité. » 22 Telles sont, rapidement ramassées, les idées-fortes qui dans un proche avenir, seront sans aucun doute au coeur du projet de Guillaume Soro pour la Côte d’Ivoire. Telle est l’esquisse que nous pouvons nous permettre de donner, en ce mois d’août 2016, au soroïsme, que nous soumettons dès lors à la vigilance du débat public et démocratique. Pour l’heure, il nous fallait simplement en établir l’existence et les grands piliers discursifs. Nous nous engageons par le présent écrit en pionnier du soroïsme. Puissent d’autres contributions enrichir la présente réflexion sur la Côte d’Ivoire en Afrique. L’oeuvre de Guillaume Soro dans le siècle ivoirien s’avère dès lors enracinée dans une profonde réflexion spirituelle, morale, économique, sociale et bien sûr, par-dessus tout, politique, si l’on s’accorde à reconnaître avec Aristote que la politique est, de tous les arts, celui qui a prépondérance car c’est la condition politique de l’homme qui définit le cadre dans lequel toutes ses autres facultés peuvent s’épanouir. Rouen, France, le 16 août 2016. 22* idem, P 157 Août 2016 22 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro DOCUMENT HISTORIQUE Rétrospective /Interview à la Télévision Burkinabé (2006) Guillaume Soro, SG des Forces Nouvelles : “ Quand la guerre sera finie, chacun aura sa voie. (...) Nous avons intérêt à aller vite à la paix. 23 I Invité de la télévision burkinabé, Guillaume Soro leader des forces nouvelles (ex-rébellion ivoirienne) a fait un large tour d’horizon de l’actualité politique nationale et internationale. L’intégralité d’une interview-vérité qui est encore d’actualité de nos jours après la grave crise post-électorale dont nous aurions pu faire l’économie. Cet interview qui date de 2006 de Guillaume Soro montre sa lucidité et le courage politique dont il a fait montre jusqu’à ce jour où il a été plébiscité par ses homologues députés, Président de l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire. Chacun, à son humble niveau, pourra en faire une analyse personnelle et profonde et en tirer toutes les conséquences !Devoir de mémoire ! Q : A l’époque, il semble que vous étiez très proche de la famille Laurent Gbagbo. La FESCI, à un moment donné, était un mouvement affilié à l’opposition. Si cela est vrai, pourquoi avez-nous donc tourné le dos à cette famille ? GS : Disons qu’à l’époque, en 1991, il ne faut pas se cacher les choses, Laurent Gbagbo, en faisant intrusion sur la scène politique, s’était positionné comme l’homme du changement. Il venait comme un homme de gauche, défenseur des valeurs démocratiques. A l’époque, le mouvement étudiant épousait ce même idéal. Et c’est comme cela que nous nous sommes retrouvés ensemble dans la rue, pour revendiquer la démocratie. En son temps, c’était le président Félix Houphouët-Boigny qui était à la tête de l’Etat. Père fondateur de la Nation ivoirienne, il était déjà à sa quarantième année de gouvernance en Côte d’Ivoire. Et vous savez qu’à l’époque, il y avait le système des partis uniques. Déjà, à notre avis en 1999, il était inacceptable pour un pays comme le nôtre d’être dans le système du parti unique. Nous nous sommes battus ensemble. Je dois reconnaître qu’effectivement il y a eu une proximité entre Monsieur Gbagbo et moi-même. Nous avons été amenés, dans le cadre d’une plate-forme large de la gauche ivoirienne, à analyser la situation ivoirienne. Et nous avons été très proches. Malheureusement, je suis de 23* Août 2016 23 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro ceux qui ont été totalement désillusionnés et choqués de voir que les valeurs de la gauche que nous avons défendues et réclamées ensemble sont foulées aux pieds par M. Laurent Gbagbo. Il s’est progressivement écarté de toutes ces valeurs que nous souhaitions voir réaliser sur le plan politique. Jusqu’au point où il embouche le discours de l’ivoirité. Pour nous, cela est totalement intolérable et inacceptable dans notre pays. C’est l’ivoirité qui nous a divisés. légaux qui permettent, à la population, d’exprimer sa colère. Mais, quand dans un Etat, tous ces mécanismes et les rouages de l’Etat ne permettent plus l’expression démocratiques et la libre expression, cela pose un problème. Il se trouve malheureusement que, dans mon pays en Côte d’Ivoire, depuis la mort du président Houphouët, de nouveaux dirigeants qui voulaient confisquer le pouvoir d’Etat ont commencé à tirer en nous les vilains sentiments tels que la xénophobie, la discrimi- nation, etc... De sorte que, du jour au lendemain, nous tous qui étions allés à l’école avec des jeunes bété, baoulé et autres, on a commencé à nous indexer par nos noms. Quand vous vous appelez par exemple «Ouattara Wossoro» en Côte d’Ivoire, vous devenez systématiquement un étranger. Et quand vous avez le malheur de porter un boubou, vous êtes taxé de musulman ou d’étranger. A partir de là, la situation de la Côte Q : Nous reviendrons sur l’ivoirité. Mais, vous avez écrit un livre qui est intitulé : « Pourquoi je suis devenu rebelle : la Côte d’Ivoire au bord du gouffre». Dites-nous pourquoi un jeune étudiant comme vous se voit obligé de prendre les armes. Que s’est-il passé ? GS : Il y a deux choses. D’abord le mot «rebelle». Ce mot ne m’échappe pas. Qu’on m’appelle «leader des Forces nouvelles» ou de la rébellion, tous ces termes me conviennent. C’est aujourd’hui qu’on essaie de galvauder le mot «rebelle». Le mot «rebelle» a son côté noble. Georges Washington, aux Etats-Unis, était appelé «rebelle», parce qu’il s’était rebellé contre l’empire mère qui était alors la Grande-Bretagne. La rébellion n’a donc pas forcement une connotation péjorative. Ce n’est donc pas un mot qui me choque. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai tenu à ce que le public retienne le titre de ce livre où j’ai expliqué, en partie, pourquoi je suis devenu rebelle. Pour venir à votre question, l’explication est toute simple. Un Etat est organisé de telle sorte que lorsque vous êtes victime d’une injustice, l’Etat répare cette injustice. Cela, à travers les juges et les juridictions. Quand une population est vexée ou frustrée, il y a des moyens Août 2016 d’Ivoire, à l’évidence, ne pouvait que conduire à l’impasse actuelle. J’ai moi-même vécu une expérience que j’ai citée dans le livre. Je revenais, un soir, d’une visite amicale, lorsque j’ai été intercepté sur l’autoroute du pont De Gaulle à Abidjan. Le policier qui a arrêté le véhicule, dans lequel j’avais pris place avec un jeune ami d’ethnie bété, dès qu’il a vu ma carte, s’est tout de suite énervé. Et il a reproché au jeune bété de faire chemin avec un jeune étranger mossi. Des gens qui veulent venir arracher leur pays. A partir de là, j’ai compris que, dès l’instant où l’ivoirité n’était qu’un concept, et que du jour au lendemain, l’ivoirité avait sa réalité concrète, dans le fait que des hommes armés, des policiers, pouvaient taxer un citoyen du fait seulement de son nom, d’étranger ou de mossi ; j’ai compris alors que la situation était devenue grave et dangereuse. Quand les élections de 2000 ont été biaisées par feu le général Robert Guéi, qui a consacré l’exclusion de bon nombre de candidats surtout ceux du Nord, j’ai compris que malheureusement la Côte d’Ivoire s’était engagée dans une voie sans issue. Je peux même vous dire qu’à l’occasion de 24 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro ces élections, quand Monsieur Laurent Gbagbo s’est proclamé président et que le peuple a voulu insister pour appliquer son droit le plus souverain qui était de choisir ses dirigeants, on a envoyé des gendarmes pour aller les massacrer. Dès lors, ma décision était prise. Il n’était plus question de sortir les gens dans les rues et de rencontrer des balles de Kalachnikovs. Il fallait aller à l’équilibre des rapports de forces sur le terrain. Je me suis dit que si d’aventure, on devrait demander, aux gens, d’aller marcher et que les gendarmes devraient tirer sur ces populations, il faut qu’elles soient en mesure de se défendre. Je pense que c’est dans ces environs qu’il faut tirer l’origine de ma décision d’entrer en rébellion contre un régime cynique qui veut s’accaparer du pouvoir. avons décidé de ne pas aller à la sécession. Nous n’avons pas décidé de nous retirer du «national» qui est la Côte d’Ivoire. Cela est important car d’autres l’auraient fait. Bien que contrôlant 60% du territoire, nous avons continué à préserver l’intégrité du territoire et à demeurer dans la nation ivoirienne. L’hymne chanté à Abidjan est le même à Bouaké. Q : On a le cas du Congo (ex-Zaïre) où M. Etienne Tshisékédi a préféré, malgré les difficultés du moment, rester dans une opposition politique non armée. N’est-ce donc pas un raccourci que vous avez pris ? GS : Je pense que cela dépend des options des uns et des autres. Que M. Tshisékédi soit resté dans l’opposition dite non armée, cela n’a pas empêché le Zaïre de connaître une rébellion. Ce qui est en cause, c’est de savoir si le principe démocratique est respecté dans notre pays. Malheureusement, quand vous avez en face un régime qui a pour programme de gouvernement la catégorisation des Ivoiriens, il faut dire qu’il y a un problème. Q : La Côte d’Ivoire est divisée depuis 4 ans. Que ressentez-vous en voyant votre pays dans un tel état ? GS : Personne ne peut se féliciter d’aller à la guerre. C’est l’ultime étape du désespoir d’un peuple. Et c’est ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire. Vous avez des jeunes Ivoiriens qui ont décidé de prendre des armes pour réclamer le droit de vivre sur la terre de leurs ancêtres. On peut ne pas avoir de l’argent, mais ce qu’on ne peut pas négocier, c’est sont identité. Et nous ne pouvons pas accepter d’entrer dans la compromission de notre identité. Ce que nous demandons, c’est de vivre sur le sol ivoirien qui nous appartient aussi. Il est vrai que la Côte d’Ivoire connaît une situation de partition depuis 2002 qui ne réjouit personne. C’est pourquoi nous, nous sommes inscrits dans la dynamique politique pour dire qu’il faut une solution pacifique à la crise que nous vivons. C’est ce qui fait que, par exemple, nous Août 2016 Q : Par votre position au Nord, on dit que vous avez des soutiens dans des pays voisins comme le Burkina et le Mali. On dit même que le président Compaoré est un de vos parrains. GS : Ce sont des accusations fallacieuses qui ne sont pas fondées. Je me rappelle une tactique classique de tous les régimes. Quand ils sont face à des difficultés, le plus facile est de trouver des voisins coupables. Aujourd’hui, je suis surpris que Gbagbo, qui en ses temps d’opposition, était accusé d’être financé par Kadhafi, lui accuse aujourd’hui Blaise Compaoré d’être le parrain de la rébellion. Si la situation n’était pas aussi grave, on pouvait continuer d’en rire. Blaise Compaoré n’a pas besoin de dire, aux citoyens ivoiriens, que si on est en train de déchirer vos cartes d’identité, il faut vous battre. Il ne faut pas que les Ivoiriens attendent Blaise Compaoré pour leur donner ce conseil. Tantôt c’est Blaise Comparé ou c’est Wade ou encore Obasanjo. En fin de compte, ça frise le ridicule. 25 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro Q : Mais, comment financez-vous vos troupes ? GS : Souvent, lorsque la volonté est là, vous n’avez pas besoin de milliards. La différence entre la rébellion ivoirienne et d’autres rébellions, c’est qu’elle n’est pas en quête du pouvoir pour le pouvoir. C’est en cela que la rébellion ivoirienne est, par exemple, différente de celle du Libéria et de bien d’autres. Nous, nous sommes venus pour revendiquer le droit d’être des citoyens libres dans notre pays. Et quand vous venez promouvoir de telles valeurs, vous avez le soutien des populations. Ces populations sachant la noblesse de notre combat nous ont beaucoup apporté leur soutien. Q : On dit que les 60% que vous contrôlez sont une zone sinistrée. GS : Je vais vous dire que la situation n’est pas facile. Je ne vais pas vous faire de la démagogie pour dire que, parce que la rébellion est dans le nord, alors c’est le luxe. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Mais, il faut aussi dire que nous, nous sommes organisés de telle sorte que le minimum soit assuré. Vous pouvez convenir, avec moi, que dans le Nord de la Côte d’Ivoire, il n’y a pas encore de famine déclarée. Cela veut dire au moins que les gens ont la pitance quotidienne. Il n’y a pas de longs fils pour aller prendre la nourriture que distribuerait les organisations ou organismes d’aide. Je veux dire qu’il y a un minimum qui est fait. C’est vrai qu’il y a beaucoup de difficultés. Surtout la fermeture des banques qui nous préoccupe énormément. Nous sommes en train de travailler dans ce sens. Et je peux vous assurer qu’un minimum est fait pour instaurer un équilibre économique et une certaine stabilité viable qui permette, aux populations, de continuer d’y vivre et de vaquer à leurs occupations de façon normale. Q : La semaine dernière, il y a un opposant burkinabé qui disait, au cours de cette même émission, que les rebelles ivoiriens narguaient un peu les populations du Burkina, avec leurs belles voitures et leurs belles villas. Et qu’il y a même eu des moments où certains cortèges ont écrasé des civils. Quelles réactions ? Août 2016 G.S. : Je pense qu’il n’ y a pas de commentaires particuliers. Il est évident qu’une situation de rébellion n’est pas aisée à gérer. Diriger un parti politique, c’est difficile. Mais diriger une rébellion, c’est mille fois difficile. Il est vrai qu’après le 19 septembre 2002, certaines brebis galeuses et des éléments incontrôlés, par des manœuvres peu tolérables, ont pu nuire à l’image de marque des Forces Nouvelles. C’est vrai qu’à un moment donné, on m’a signalé que certains de nos éléments étaient trop vus dans les capitales burkinabés et maliennes. Ce sont des choses à déplorer et à condamner. Et d’ailleurs, nous avons pris un certain nombre de mesures pour que ce genre de dérives n’arrive pas. Si nous sommes venus nous battre, pour la démocratie et pour des causes aussi nobles, il faudrait qu’on soit un exemple. Il est vrai aussi que, dans ce genre de situation, il y a des gens qui profitent par opportunisme. Cela est regrettable et je me bats contre ça. Les peuples burkinabé et maliens doivent comprendre le leadership des Forces nouvelles. Il ne faut pas que ce genre de dérives occulte l’idéal qui doit demeurer la volonté de combattre pour la démocratie en Côte d’Ivoire. Q. : Mais avez-vous intérêt à ce que cette crise s’estompe ? G.S. : Je suis très pressé à ce que la crise finisse. Parce que, dans ce combat, on m’a volé ma jeunesse. J’aurais bien voulu aussi être comme tous les jeunes, aller ça et là dans les cinéma et autres boîtes de nuit. Mais, je ne peux plus le faire. Et je vais vous dire qu’on ne se complait pas dans une telle situation. Je peux aussi vous dire qu’en tant que Guillaume Soro, je n’ai pas à donner la rébellion pour être une icône politique en Côte d’Ivoire. 26 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro Quand j’étais à la tête du mouvement étudiant, j’avais déjà été élu «l’homme de l’année.Bien au contraire, j’ai perdu les sympathies parce que je suis à la tête de la rébellion. Quand la guerre sera fini, chacun aura sa voie. C’est Gbagbo qui ne veut pas de la fin de la guerre. Il sait qu’il ne serait plus rien. Nous, par contre, nous avons notre avenir devant nous. Nous avons intérêt à aller vite à la paix. Q : Parlant du fameux charnier de Yopougon et des violations des droits de l’Homme, dites-nous si tout cela relève du passé ? G.S : Quand nous sommes venus, nous avons mis un point d’honneur au respect des droits de l’Homme. L’une des causes de la guerre en Côte d’Ivoire, est l’impunité. C’est parce que le charnier de Yopougon n’a pas été traité correctement et les responsables n’ont pas été punis que nous en sommes arrivés là. L’impunité a favorisé la recrudescence des violations des droits de l’Homme. Nous sommes venus en réaction à cela. Quand il y a la guerre, malheureusement, il y a des morts. Cela, nous le déplorons. Mais, entre la politique de planification des tueries des escadrons de la mort de Gbagbo et quelques dérapages qui ont pu avoir lieu au Nord, il n’y a pas de comparaison. Je suis celui qui collabore avec les Nations Unies chaque fois qu’il y a des cas de violation des droits de l’Homme dans nos zones. J’ai déjà dit que nous sommes responsables. Les récents rapports des Nations Unies montrent qu’il y a un effort au Nord plus qu’au Sud. Chacun répondra des actes posés en dehors du cadre de la guerre. Q : Après le 30 octobre, que se passera-t-il en Côte d’Ivoire ? G. S : Nous avons été clairs sur la question. Nous avons demandé et nous continuions de demander, à la communauté internationale, de prendre des mesures courageuses. Nos propositions sont de dire qu’il faut suspendre la Constitution ivoirienne. Elle est mauvaise. C’est elle qui est à l’origine de la guerre. Q : Elle a pourtant été votée par l’ensemble des Ivoiriens ? consensuelle. A supposer même qu’elle fut consensuelle, mais le fait qu’elle regorge des articles confligènes, nous demandons qu’il faut la suspendre. Elle consacre l’ivoirité et la ségrégation entre les Ivoiriens. Ensuite, une Constitution qui a «fait» la guerre ne peut pas envoyer la paix. Entre temps, nous avons estimé qu’il fallait adopter un Acte constitutionnel de transition qui permette d’organiser les pouvoirs en Côte d’Ivoire. Ceci dit, nous considérons que Gbagbo ne peut pas continuer d’être le chef de l’Etat. Même la Constitution dont il se prévaut, ne le lui permet pas. Le peuple de Côte d’Ivoire est souverain et il élit le président de la République pour cinq ans. Pas plus. Le mandat électif de Gbagbo est arrivé à échéance le 31 octobre 2005. Dès lors qu’il n’est plus oint par les urnes, nous considérons qu’il doit être mis de côté. En plus, Gbagbo est candidat aux élections. Il doit être mis de côté pour que nous ayons une transition à la libérienne. Q : Est-ce réaliste de mettre Laurent Gbagbo de côté ? G.S : Bien sûr. Pensez-vous que si on avait demandé, à Charles Taylor, de quitter le pouvoir et qu’on attendait son humble avis, il l’aurait fait ? Non. Ou la communauté internationale choisit de protéger un individu ou elle choisit de mettre fin aux souffrances du peuple. Il s’agit de sauver le peuple ivoirien et non un individu. C’est pourquoi, nous avons fait cette proposition. La CEDEAO s’est réunie et selon ce que nous apprenons, elle aurait reconduit le mandat de Gbagbo (l’interview a été réalisée avant Abuja, ndlr). G. S : Je n’ai pas voté cette Constitution. Le peuple ivoirien n’a pas voté cette Constitution. Il y a eu 73% d’abstention lors du Référendum constitutionnel organisé en 2000 sous un régime militaire. Elle ne peut pas être Août 2016 27 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro Q : Vous êtes déçu de la CEDEAO ? G.S : C’est un mot trop fort. Mais en même temps, je considère qu’il ne revient pas à la CEDEAO de venir enlever Gbagbo. C’est au peuple ivoirien de prendre ses responsabilités. Q : Vous appelez à un soulèvement populaire ? G.S : Cela ne doit pas vous surprendre de ma part. Quand quelqu’un a déjà pris les armes, ce n’est pas un soulèvement populaire qui serait une grosse affaire pour lui. Ce qu’il faut que les Ivoiriens comprennent, c’est que ni la CEDEAO, ni l’UA, ni l’ONU ne viendront résoudre les problèmes des Ivoiriens à leur place. Il est aussi vrai que, quand nous avons décidé de prendre nos responsabilités, le 19 septembre 2002, par la prise des armes, l’opinion internationale s’est invitée dans le débat. Ils étaient supposés apporter des solutions de paix. De toutes façons, Gbagbo s’arc-boute sur son prétendu mandat pour ne pas faire droit à la paix. Q : Certains observateurs disent que Gbagbo est un homme rusé, malgré tout... G.S : Si la ruse consiste à tromper ses partenaires et adversaires, alors je ne pense pas que ce soit une qualité à promouvoir. Laurent Gbagbo n’a pas su conduire les affaires en Côte d’Ivoire. En 1990, il y a eu une mutinerie de l’armée ivoirienne. Le Août 2016 Président Houphouët a appelé les jeunes mutins pour négocier avec eux. Plusieurs ministres avaient quitté le pays. Houphouët, malgré l’opposition de ses Généraux a rencontré les militaires, mu par l’esprit de la patience et de la sagesse. Houphouët a résolu leurs problèmes et ils sont sortis du Palais en scandant « Houphouët, Président ». En 2002, une mutinerie éclate à Abidjan. Gbagbo est en Italie. Les soldats sortent dans la rue, il y a des tirs. Les « Zinzin » et « Bahefoué » réclament d’être réintégrés dans l’armée. Depuis l’Italie, où il se trouvait, Gbagbo déclare la guerre aux militaires. Ils n’avaient pas d’autres choix que de se battre. C’est ce qui va conduire à la rébellion et à la partition de fait du pays. Deux situations similaires, deux chefs d’Etat qui n’ont pas la même approche et voilà que la Côte d’Ivoire est divisée en deux. Q : Ne peut-on pas dire que la mainmise sur les FANCI est l’un des points forts du régime Gbagbo ? G.S : Vous avez une armée qui n’en a jamais été véritablement. Depuis son arrivée au pouvoir, Gbagbo l’a tribalisée à outrance. L’armée, à mesure que le temps passe, s’est disloquée. Le Général Doué Mathias est aujourd’hui dans la clandestinité avec beaucoup d’autres officiers. Mangou Philippe est là, mais il est évident que Gbagbo ne compte que sur les miliciens et sur sa garde prétorienne. Je pense qu’il n’y a pas de cohérence dans cette armée. Quand les militaires sont dépossédés de leurs armes au profit de la frange tribale de l’armée, il est évident qu’il maîtrise l’armée alors qu’en réalité, elle est majoritairement contre la guerre. Q : On a entendu Doué menacer de descendre sur Abidjan. Vous également, vous le dites au cas où la Licorne partirait ? Avez-vous les moyens de le faire ? N’est-ce pas de la surenchère ? G.S : Nous sommes loin de faire de la surenchère. Surtout dans une situation aussi délétère. Le 4 novembre 2004, Gbagbo, avec la complicité active ou passive de la France, a eu l’accord d’attaquer le Nord de la Côte d’Ivoire. Le 4 novembre, alors qu’il avait une armée plus ou moins cohérente et qu’il avait une aviation, il lance les avions Sukhoï à l’assaut de Bouaké. Les troupes terrestres sont lancées. Nous réussissons à les contenir et à les repousser. Le 5 novembre, c’est le même scénario. Nous les repoussons au-delà de la ligne de confiance. Le 6, vous avez appris ce qui s’est passé. C’est ce que j’appelle une bataille à tuer les autres batailles. En réalité, quand les deux premiers jours, Gbagbo a échoué, il y a eu du découragement et la démobilisation au sein de ses troupes. Certaines mauvaises langues ont prétendu avoir vu des Français combattre aux côtés de la rébellion. Ce qui est totalement faux. C’est peut-être ce qui a incité les bombardements du camp militaire français. C’est pour vous dire qu’en 2004, Gbagbo nous a attaqués, il n’a pas pu prendre la suprématie. Même pas un centimètre carré. Ce n’est pas aujourd’hui où son armée est au plus mal et au plus bas qu’il pourrait nous battre. Q : Il a eu le temps de s’armer, qui sait ? G.S : Ah non ! En 2004, il avait une aviation. Maintenant, il n’en a plus. En 2004, il avait des officiers qui avaient du mérite. Il n’en 28 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro a plus. Il avait des armes lourdes. Il n’en a plus. Et je sais de quoi je parle. Q : Mbeki a réussi, malgré tout, à faire accepter la candidature de Ouattara. C’est un point positif à mettre à son actif. Q : Vous avez récusé la médiation sud africaine. Mbeki n’est plus crédible, à vous entendre. G.S : Un médiateur ne peut conduire à bien sa mission que s’il bénéficie de la confiance de l’ensemble des acteurs. Thabo Mbeki ne nous inspire plus confiance. Il a un parti pris pour M. Laurent Gbagbo. Q : Avez-vous des exemples précis ? G.S : Il y en a plusieurs. Quand le 6 novembre 2004, l’armée française a détruit l’aviation de Laurent Gbagbo, Thabo Mbeki s’est rendu à Yamoussoukro et a versé des larmes en découvrant «les cadavres» des Sukhoï. Cela a choqué les Ivoiriens. Ces avions symbolisent, au Nord, la mort et la désolation. Etait-il indiqué d’aller verser des larmes et oublier la mémoire des Ivoiriens qui ont perdu leur vie par la faute de cette aviation ? Nous n’avons pas pu pardonner et admettre cela à Thabo Mbeki. Deuxièmement, quand nous sommes allés en Afrique du Sud pour entamer les négociations avec Mbeki, il nous a dit ceci : « Il y a un problème Ivoiro-ivoirien et il y a un problème entre la Côte d’Ivoire et la France ». Ce qui voulait dire qu’il s’était déjà laissé séduire par le discours opportuniste et démagogique de Gbagbo qui prétendait être un résistant panafricain qui combat l’impérialisme. Tout le monde sait par contre que Gbagbo a pris le pouvoir avec le soutien actif du gouvernement de Jospin. Gouvernement de gauche qui, à l’époque était avec lui dans l’Internationale socialiste. Gbagbo, jusqu’à ce jour, continue de concéder toute l’économie de Côte d’Ivoire à la France alors qu’il crie sur tous les toits qu’il est contre ce pays et qu’il demande son départ de la Côte d’Ivoire. Ceci est totalement ridicule. Août 2016 G.S : Je n’étais pas d’accord avec la façon dont la question de la candidature de M. Ouattara a été traitée par les accords de Pretoria. L’accord de Marcoussis était très clair. Il a dit que la Constitution ivoirienne était mauvaise et qu’il fallait la réviser. Entre notre proposition de suspendre la Constitution et celle de Gbagbo de la maintenir, Marcoussis a trouvé le compromis en préconisant qu’il fallait la réviser. En d’autres termes, qu’il fallait en réviser certains articles inacceptables. Et notamment, l’article 35 qui excluait de fait des citoyens Ivoiriens à la course à la présidentielle. Au lieu d’aller courageusement à la révision, M. Mbeki a proposé que Gbagbo use de l’article 48 de cette même constitution pour permettre à tous les signataires qui le désirent, d’être candidats. A première vue, c’est une avancée. Mais à mon avis, la question de la révision de la Constitution reste intacte. Notre problème à nous, Forces Nouvelles, n’était pas un problème de candidature. Mais plutôt d’Identité et de citoyenneté. Q : N’êtes vous pas vous-même candidat ? G.S : Nous sommes venus pour rectifier une situation. Je ne suis pas candidat pour des convictions personnelles. Si je suis candidat, je fausserais le jeu. Je ne peux pas profiter d’une situation alors que j’ai donné ma parole. Je ne reviendrai pas sur ma parole. Il faut montrer au peuple ivoirien qu’il y a des citoyens qui peuvent dire une chose et respecter leur parole. Il ne faut pas faire comme le Général Guéi qui est venu et qui était supposé balayer la maison et puis après, il a su tellement balayer qu’il a voulu rester. Vous avez vu les conséquences. Les Forces Nouvelles n’enverraient pas un candidat aux élections présidentielles. 29 Ebook spécial L’orthodoxie du Soroïsme ou les idées politiques fondamentales de Guillaume Soro Q : Une appréciation du travail que fait l’Union Africaine avec Sassou N’Guesso ? Q : La RDC a opté pour le principe de 4+1, un Président et quatre Vice-présidents. Est-ce une option? G.S : Le processus au Congo a connu un gros progrès. Ils iront au second tour des élections présidentielles dans quelques jours. C’est une proposition assez bonne. Cette proposition n’est pas assez loin de celle que nous faisons. Nous avons demandé un Président de la Transition avec deux vice-présidents. Q : A l’avenir, serez-vous candidat à la magistrature suprême de votre pays ? G.S : J’ai rencontré le président de l’UA à plusieurs reprises. Il a vraiment la volonté de résoudre la crise ivoirienne. Il n’a pas d’agenda caché. Mais, il est victime des atermoiements et de la roublardise de Gbagbo qui, la nuit peut lui dire que « je suis d’accord avec ce que vous proposez » et le lendemain et dire que « je suis totalement contre ». A partir de là, on comprend bien que ça soit difficile pour le Président Sassou d’avancer. Je pense qu’il est aussi victime de la jalousie qui entoure en pareille circonstance la médiation africaine. Q : Le président Bongo du Gabon a également sa proposition. Il parle de nommer Ouattara Vice-président et vous Premier ministre. Sont-ce des mesures qui vous conviennent ? G.S : Notre problème n’est pas un problème de poste. La preuve, nous renonçons à faire acte de candidature. Q : M. Bongo fait fausse route alors ? G.S : Le mérite de sa proposition était de proposer en de termes clairs la question du cadre institutionnel en Côte d’Ivoire. Ensuite, il a parlé d’Assemblée constituante. Cela veut dire qu’il reconnaît que la Constitution ivoirienne actuelle ne peut être un facteur de progrès pour la sortie de crise. Sur les quatre grandes formations politiques en Côte d’Ivoire, trois avaient félicité Bongo d’avoir fait cette proposition. A notre avis, elle est bonne. On peut en discuter et l’améliorer. Août 2016 G.S : Je ne l’envisage pas pour l’instant. On a encore des années de combat politique devant nous. Ma candidature ne doit pas être vue comme une promotion personnelle. Le combat d’obtenir la démocratie pour la Côte d’Ivoire et de régler définitivement le problème des sans papier est une tâche lourde. Q : Un mot sur votre existence actuelle... L’imaginiez-vous ainsi et comment la vivez vous ? G.S : Ce n’est pas facile, la responsabilité que nous assumons. C’est extrêmement pénible. Diriger un mouvement armé, n’est pas chose aisée. Il y a des moments de doute. Quand vous êtes face à vousmême dans votre chambre, vous vous demandez si le combat que vous menez, valait la peine. Mais, quand vous sortez et que vous voyez les valeurs pour lesquelles vous vous battez et que les gens vous exhortent à ne pas baisser les bras, vous vous armez de courage pour assumer la responsabilité qui est la vôtre. Q : Avez-vous peur de la mort ? G.S : Tout citoyen a peur de la mort. A ce jour, nous avons échappé à tellement de situations périlleuses que nous nous disons que la mort est une constance avec laquelle il faut vivre. Je considère que les peuples Ivoiriens, Burkinabé et Maliens sont les mêmes. Fondamentalement, je suis panafricaniste convaincu. Je considère que l’Afrique n’aura son salut que dans l’intégration régionale. Cela me parait important. Je ne crois pas que le développement soit viable dans le cadre de nos micro-Etats. 30 Un ouvrage du Professeur Franklin Nyamsi Agrégé de philosophie Docteur de l’Université Charles de Gaulle- Lille 3 Conseiller Spécial de Son Excellence Guillaume Kigbafori Soro, Président de l’Assemblée Nationale de la République de Côte d’Ivoire. Réalisé avec la contribution technique de M. Miatoma Sérifou, Webmaster. Du Service de Communication du Cabinet du Président de l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire