Médecine de l`Ancienne Egypte et Médecine Traditionnelle Chinoise

Transcription

Médecine de l`Ancienne Egypte et Médecine Traditionnelle Chinoise
Abelle Vinel et Jacques Pialoux
Médecine de l’Ancienne Egypte
et Médecine Traditionnelle
Chinoise
Conférence donnée au Congrès du R.E.F.S.
(Registre Européen et Français de Sinergétique)
à Aix-en-Provence le 31 octobre 2005
© Fondation Cornelius Celsus 1976 Erde - CH 2005
Médecine de l’Ancienne Egypte et Médecine Traditionnelle Chinoise
Table des matières
Médecine de l’Ancienne Egypte et Médecine Traditionnelle Chinoise
3
Introduction
Les Sources principales: Papyrus et Bas-Reliefs 5
Statut des Médecins
11
Mythes, Incantations et Magie
15
Anatomo-Physiologie I: Energétique 21
Anatomo-Physiologie II: Denderah 27
Anatomo-physiologie III: Haty et Ib
31
Facteurs pathogènes
35
Thérapeutique
39
Bibliographie
43
7
Introduction
La médecine des anciens Égyptiens est celle sur laquelle nous possédons
des documents authentiques remontant à plus de quatre millénaires. Elle
jouissait d’une immense renommée et, comme le phare d’Alexandrie, elle
illumina le monde antique: Cyrus et Darius appelèrent à leur cour les médecins du Pharaon. Homère, Hérodote, Strabon, Diodore de Sicile en font mention; Théophraste, Galien, citent des formules thérapeutiques égyptiennes.
Au cours de cet exposé sur la Médecine égyptienne, nous verrons donc
tout d’abord quelles sont les sources dont nous disposons à son sujet; puis,
quels étaient la formation et le statut des médecins en Egypte antique.
Nous appuyant sur ces données, nous aborderons l’anatomo-physiologie
et, parallèlement, «l’énergétique» égyptienne en parallèle avec l’énergétique traditionnelle chinoise.
Enfin nous découvrirons les principaux facteurs pathogènes ainsi que les
traitements appliqués aux malades tels qu’ils sont décrits dans la littérature
médicale de l’époque.
Cet ensemble est suffisamment vaste pour que nous ne puissions aborder
l’aspect chirurgical de la médecine égyptienne, ce qui dépasserait d’ailleurs
largement le cadre de cet exposé.
Les Sources principales: Papyrus et Bas-Reliefs
Lorsque l’on aborde la médecine égyptienne, les seules sources écrites
dont nous disposons sont celles des papyrus médicaux rédigés pour la
plupart en hiératique, la forme d’écriture des prêtres. Cependant quelques
peintures murales, l’étude des momies, quelques ostraca ou encore certains
bas-reliefs, en particulier ceux du plafond de la salle hypostyle du temple de
Denderah, apportent un certain nombre de précisions ou de confirmations
sur les connaissances des médecins égyptiens.
Papyrus Ebers
8
MÉDECINE DE L’ANCIENNE EGYPTE
Il semble qu’à l’origine, 42 livres de Thot Djehouty, l’Hermès Trismégiste
grec, composaient une sorte de cosmologie, encyclopédie officielle religieuse, une «philosophie» regroupant les trois connaissances, Théologie, Astrologie et Médecine. Ils étaient conservés dans les bibliothèques des «Maisons
de Vie», institutions de haut savoir situées à proximité des grands temples.
Ces Maisons de Vie accueillaient des savants, des lettrés, des scribes, des
prêtres-médecins, tous philosophes voués à la réflexion, à la recherche et à
la méditation.
D’après Clément d’Alexandrie, les six derniers des 42 ouvrages de Thot
concernaient la science médicale; ils portaient les titres suivants:
• De la constitution du corps humain
• Des maladies
• Des organes
• Des médicaments
• Des maladies des yeux
• Des maladies des femmes
Les ouvrages de cette bibliothèque n’existent plus depuis longtemps, mis
à part la fameuse «Table d’Emeraude» d’Hermès Trismégiste et peut-être le
«Shaï-en-sinsin» Livre des Respirations1 traitant de la réincarnation. Sans
doute le «Livre des Morts» lui-même en provient-il également, ainsi qu’une
traduction latine du «Logos teleios», le Discours parfait, dont l’original grec
cité par Lactance (Div. Instit. VII. 18) a disparu: «Asclepius ou Hermetis Trismegisti Asclepius, sive de natura deorum dialogus. »
Thot Djehouty
Attribuée à Apulée de Madaure, cette traduction d’un dialogue entre Hermès et son disciple Asclépios, traite particulièrement de la nature de Dieu:
«Aucune de nos pensées dit Thot-Hermès à son disciple, ne saurait concevoir Dieu, ni aucune langue le définir. Ce qui est incorporel, invisible, sans
forme, ne peut être saisi par nos sens; ce qui est éternel ne peut pas être
mesuré par la courte règle du temps: Dieu est donc ineffable. Il est la vérité
1 Texte, traduction et analyse par P.J. de Horrack - Ed. Klincksieck Paris 1877 et Arbre d’Or - Genève 2005
LES SOURCES: PAPYRUS ET BAS-RELIEFS
9
absolue, le pouvoir absolu; et l’immuable absolu ne peut être compris sur
la terre…»2. Ce texte tendrait à prouver que les «Neterou» que nous considérons classiquement comme les «dieux» égyptiens ne sont sans doute pas
des dieux, mais des attributs ou des expressions du Dieu unique; ils seraient
alors à considérer en tant que Puissances de la Nature pouvant intervenir
sur la santé des hommes.
Papyrus Ebers
On peut supposer qu’il demeure certains fragments des livres de ThotHermès repris dans les papyrus que nous connaissons. C’est d’ailleurs ce
que pensait Ebers, un grand égyptologue du XIXe siècle, du papyrus médical qu’il acheta, en 1873, à un Arabe qui l’aurait trouvé 10 ans auparavant
entre les jambes d’une momie.
Il existe ainsi une quinzaine de papyrus médicaux dont le plus ancien est
le papyrus de Kahoun rédigé vers 2000 avant J.C. Les plus importants d’entre eux sont le papyrus de Berlin, le papyrus chirurgical Edwin Smith et le
papyrus Ebers lui-même3.
Conservé à Leipzig, daté de 1.550 avant J.-C, ce dernier papyrus, traité
scientifique le plus complet que nous connaissions, comporte des copies de
traités remontant au moins au début du troisième millénaire av. J.-C.
Ces papyrus portent en général le nom de leur «découvreur», du lieu d’où
ils proviennent ou encore du lieu où ils sont conservés. Il faut noter à ce propos que les auteurs des papyrus médicaux ne sont eux-mêmes jamais cités4.
La rédaction des papyrus est le plus souvent attribuée à une transmission
divine à laquelle chacun se réfère.
C’est à Thot Djehouty, messager de Râ, «le scribe excellent, aux mains
pures, maître de pureté, qui chasse le mal, qui écrit ce qui est exact5…» que
2 Cité par Ernest Bosc in Isis Dévoilée ou l’Egyptologie sacrée – Nice 1891 et Arbre d’Or – Genève
2005
3 Papyrus Ebers, transcription, translittération, traduction: Dr. Bernard Lalanne et Sylvie Griffon
2003. Les citations "Papyrus Ebers" qui suivent sont extraites de cet ouvrage.
4 La Médecine au temps des pharaons – p. 216 – Bruno Halioua 2002
5 Le Livre des Morts des Anciens Egyptiens (chap. 182).Trad. Paul Barguet. 1967
10
MÉDECINE DE L’ANCIENNE EGYPTE
revient bien souvent cet honneur… Ou bien encore à Imhotep, «Grand médecin des dieux et des hommes» qui vécut vers 2700 av. J.-C., sans doute à
Memphis résidence du roi Djezer, deuxième pharaon de la troisième dynastie. Imhotep fut déifié, nous dirions sans doute aujourd’hui canonisé, seize
siècles plus tard. Vizir, grand prêtre d’Héliopolis, il fut également architecte
de la pyramide à degrés de Saqqarah. Patron des scribes, magicien, guérisseur, il était le chef du clergé et des médecins de l’époque.
Ceci nous amène tout naturellement à parler du statut des médecins et de
leur formation dans l’Egypte antique.
Statut des Médecins
Trois types principaux de praticiens coexistent dans l’Egypte antique:
• Les Ouabou, prêtres-médecins, médecins de la Cour du Pharaon
• Les Sounou, médecins du peuple
• Les Saou, magiciens, sorciers, rebouteux
Les ouabou, prêtres exorcistes attachés au culte de Sekhmet ou à celui
de Thot, soignent l’aristocratie et le Pharaon lui-même. La médecine que
pratique l’ouab s’appuie sur la religion en même temps que sur les textes
médicaux sacrés, car il tient de Dieu, de Râ et de ses Avatars, mais aussi de
ses Neterou, les Puissances de la Nature, le pouvoir de guérir.
Les sounou, les médecins du peuple, «médecins aux pieds nus», exercent
auprès des plus humbles et tirent leurs connaissances des livres et de leur
pratique empirique.
Les saou, disciples de Serqet le Neter-scorpion, à la fois magiciens, sorciers et rebouteux, luttent contre les puissances invisibles à l’origine des
maux inexplicables ou contre les atteintes dues aux scorpions, aux serpents… Ils soignent à l’aide de formules, d’incantations, d’amulettes...
Formation des médecins
D’après Hérodote6:
«La médecine est, chez eux (les Egyptiens), divisée en spécialités: chaque médecin soigne une maladie, et une seule. Aussi le pays est-il plein de
6 Hérodote II, 84: Hérodote - traduction d'Andrée Barguet 1964
12
MÉDECINE DE L’ANCIENNE EGYPTE
médecins, spécialistes des yeux, de la tête, des dents, du ventre, ou encore
des maladies d’origine incertaine.»
Diodore de Sicile écrivait de son côté:
«Ils établissent le traitement des malades d’après des préceptes écrits,
rigides et transmis par un grand nombre d’anciens médecins célèbres. Si, en
suivant les préceptes du livre sacré, ils ne parviennent pas à sauver le malade, ils sont déclarés innocents et exempts de tout reproche. S’ils agissent
contrairement aux préceptes écrits, ils peuvent être accusés et condamnés
à mort.»
Ainsi, même si les incantations et les amulettes, comme la croix de Vie
Ankh, représentent une part importante de la médecine, celle-ci s’appuie sur
l’utilisation de formules thérapeutiques précises utilisant particulièrement
des minéraux, des plantes et des produits animaux. Nous allons en reparler
dans un instant. En règle générale, l’approche médicale reste d’ordre purement symptomatique. Elle comporte un diagnostic, un pronostic d’affection
curable – avec l’indication d’une formule thérapeutique – ou incurable, avec
celle des incantations et amulettes à utiliser dans ce dernier cas.
Sekhmet
Par ailleurs, il existe déjà une réglementation de la profession médicale:
«Grand des médecins du palais», sous l’égide de Thot-Djehouty, le médecin personnel de Pharaon est le chef de tous les médecins – et des prêtres –
de Haute et de Basse Egypte, ainsi que nous l’avons vu pour Imhotep. Nous
dirions aujourd’hui qu’il est «président du conseil de l’ordre».
Les médecins de la Cour de Pharaon, les ouabou, sont particulièrement
chargés, en reprenant les anciens textes, de la rédaction des livres médicaux
destinés à l’enseignement dans les «maisons de vie» et à la formation des
médecins du peuple, les sounou.
La transmission du savoir médical s’effectue d’abord oralement, de père
en fils. La formation peut ensuite, pour les ouabou, les prêtres-médecins, être
complétée dans «les maisons de vie», véritables universités de l’époque, qui,
en plus de praticiens de haut niveau, comptent des copistes, des scribes, capables de déchiffrer et de transcrire sur papyrus les textes anciens.
STATUT DES MÉDECINS
13
Les principales maisons de vie se trouvent toujours à l’ombre des grands
temples: entre autres, à Héliopolis, Saïs, Memphis, Thèbes… Les élèves,
eux, sont traités à la dure: l’adage «l’oreille du garçon est sur son dos, il
écoute quand on le bat»7 justifie l’emploi fréquent du bâton!
Cependant, pour toutes les catégories de thérapeutes, qu’ils soient prêtres-médecins, «médecins aux pieds nus» ou magiciens-rebouteux, le mythe religieux demeure présent en toile de fond de toute approche de la maladie.
7 La Médecine au temps des pharaons – p. 31 – Bruno Halioua 2002
Mythes, Incantations et Magie
Le mythe religieux repose particulièrement sur le thème de «la querelle
entre Horus et Seth»8, entre le bien et le mal, querelle faisant suite à la mort
d’Osiris.
Osiris était fils de la Vierge Nout, fécondée par l’Esprit divin, Toum. Selon la légende, Osiris fut assassiné par son demi-frère Seth. Seth jeta alors
le cercueil d’Osiris à la mer. Les flots le portèrent jusqu’aux rives du Liban.
C’est là qu’Isis, sa sœur-épouse, le retrouva, pris dans les racines d’un acacia, et le ramena en Egypte.
Cependant, profitant d’une absence d’Isis, Seth réussit à s’emparer du
cadavre d’Osiris, et, afin d’en être définitivement débarrassé, le découpa
en quatorze morceaux qu’il dispersa dans le delta du Nil. Isis parvint à les
retrouver tous, sauf un, le phallus dévoré par l’oxyrinque, le pagre et le lépidote, trois poissons alliés de Seth. Elle réunit alors les fragments de la
dépouille d’Osiris et, avec l’aide de Nephtys sa soeur, ramena celui-ci à la
vie par des pratiques magiques. Osiris devint alors le Maître de la Douat, le
lieu de séjour des morts.
Horus, fils d’Isis et d’Osiris, va tenter, au cours de neuf épreuves, de venger son père et de reconquérir son trône usurpé par son oncle Seth. Archétype de l’homme sur le sentier de l’évolution, Horus, aidé par Isis sa mère,
démontre alors la suprématie de l’esprit capable de dominer progressivement la matière.
8 Papyrus Chester Beatty No 1, XXe dynastie, règne de Ramsès V. Gustave Lefebvre: Romans et
contes égyptiens de l'époque pharaonique. 1982.
16
MÉDECINE DE L’ANCIENNE EGYPTE
Formules de protection pour le prêtre ouab de Sekhmet
C’est sur ce canevas mythique que sont bâties les formules magiques
de protection du médecin. Le papyrus Ebers débute avec trois de ces
formules.
Dans la première, le médecin s’adresse à Rê, au Principe divin lui-même:
Ebers 1, 1 à 11:
«Début de la formule concernant l’application d’un remède sur toute partie du corps d’un homme:
«C’est d’Héliopolis que je suis sorti avec les Grands du Grand Temple,
les possesseurs (des moyens) de protection, les souverains de l’éternité, et
assurément, c’est de Saïs que je suis sorti avec la mère des dieux. Ils m’ont
donné leurs moyens de protection…
«J’appartiens à Rê et il a dit: «C’est moi qui le protège contre ses ennemis,
Thot est son guide, lui qui fait en sorte que parle l’écrit, qui fait les recueils
(médicaux), lui qui donne le pouvoir aux savants et aux médecins qui sont
dans sa suite, de délivrer (de la maladie). Celui qui est aimé de Dieu, il le
gardera en vie.» Je suis un aimé de Dieu, il me gardera donc en vie.
«Parole à dire lors de l’application d’un remède sur toute partie du corps
d’un homme qui est souffrante, une méthode véritablement efficace un million de fois.»
Il faut comprendre ici, non pas que le médecin est malade, mais que les
puissances du mal l’assaillent et entrent dans son corps, mettant ainsi sa
santé en danger. La conjuration est là pour le protéger.
Osiris
Le deuxième texte concerne la dépose d’un bandage et les dangers qu’en
font courir les souillures évoquant la semence-poison de Seth. La formule
magique, nouvelle conjuration, consiste à obliger Isis à intervenir en faveur
du médecin placé dans une condition donnée, similaire à celle de son fils
Horus, et à lui faire croire qu’elle va défendre son fils. Une demande directe
lui est adressée. Ebers 2 (1, 12-20) et 2 (2-1):
MYTHES, INCANTATIONS ET MAGIE
17
«Autre formule pour enlever tout bandage, pour être continuellement délivré par Isis:
«Ô Isis, grande de magies, puisses-tu me délivrer de toute chose maligne,
mauvaise, rouge, du fait de la menée malfaisante d’un dieu, de la menée
malfaisante d’une déesse, du fait d’un mort, d’une morte, du fait d’un opposant, d’une opposante qui viendrait à s’opposer dans moi, de même que tu
as délivré et de même que tu as délié ton fils Horus et parce que c’est dans le
feu que je suis entré et que c’est de l’eau que je suis sorti, je ne pourrai pas
tomber dans le piège de ce jour.»
Une méthode véritablement efficace, un million de fois.»
Il semble que le feu et l’eau dont il est question ici, se réfèrent tout autant
aux désirs du bouillant Seth et à sa semence néfaste, qu’au feu de la maladie
et à ses sécrétions que seule l’aide d’Isis peut anéantir.
Isis
Un troisième texte intitulé «Formule pour boire un remède» (Ebers 3 [2,
1-6]), accompagne la prise d’une médication. Là encore, le médecin est assimilé à cet «Horus agissant» rencontré dans la formule magique précédente
et que Seth arrive parfois à malmener. C’est que la magie préventive peut
être insuffisante, que le mal peut parfois atteindre le médecin et que dès lors
l’emploi de la médication se justifie. Cette médication est assortie de menaces contre Seth en lui rappelant qu’il fut condamné devant le Grand Tribunal
d’Héliopolis et qu’Horus fut acquitté et lavé de tout soupçon de souillure…
Dans certains textes, le malade se voit comparé à Horus. Il s’agit alors de
l’Horus tout petit enfant caché par sa mère, incapable de se protéger lui-même «Horus subissant». Ce n’est que plus tard qu’il sera de taille à se mesurer
avec les forces du désordre. Il y a donc proximité de fait entre le médecin et
son malade, ils combattent ensemble, mais jamais le médecin ne prend sur
lui la maladie de son patient.
D’autres textes montrent les rapports particuliers qui lient le malade et
son médecin devant un péril commun; ainsi ce passage du papyrus Hearst
(160) destiné à conjurer une maladie de la peau et qui est intitulé: «Conjuration de la substance-mechepent»:
18
MÉDECINE DE L’ANCIENNE EGYPTE
«Ecoule-toi ! Ressors ! Toi qui n’auras pas de fruits, éloigne-toi, toi qui
n’auras pas de bras en ta possession, tiens-toi donc (aussi) éloignée de moi!
Je suis Horus. Recule donc, (car) je suis le fils d’Osiris et les formules magiques de ma mère sont la protection de mes différents endroits du corps.
(Aussi) aucune chose maligne ne se développera dans ma chair superficielle, aucune substance-mechepent ne sera dans mes différents endroits
du corps. Ecoule-toi!»
«(Dire) sept fois. Paroles à dire sur la «conyze». (Ce) sera cuit, moulu et
appliqué à cela.»
Horus
Cette conjuration est suivie d’un paragraphe intitulé «son remède (contre
la substance-mechepent)» et où est proposée une liste de produits dont on
enduira la partie malade: «miel fermenté, oliban sec, graines de coriandre.
(Ce) sera broyé avec de la lie de liquide-pa-our. Enduire avec (cela)».
Ces conjurations visent donc en priorité la protection du médecin. Ce
n’est que lorsque le médecin sera protégé et immunisé par l’emploi de la
conyze, plante probablement destinée à faire fuir le mal du corps du patient
et à l’éloigner ainsi du médecin, qu’il pourra mettre sa main sur la souillure
à traiter9; notre asepsie moderne en quelque sorte !
Une autre formule permet de repousser les vents-souffles appartenant
aux souffles morbides des massacreurs et des incendiaires, ces envoyés de
Sekhmet (Smith 18, 11-16):
«Arrière, massacreurs! Aucun souffle ne m’atteindra, de sorte que s’en
iront ceux (les démons) qui viennent pour se mettre en colère contre moi. Je
suis Horus qui passe au travers des démons errants de Sekhmet!»
«Ô Horus, ouadje (sceptre crochet) de Sekhmet, je suis l’unique, le fils de
Bastet. Je ne mourrai pas à cause de toi (Sekhmet).»
«(Ces) paroles (sont) à dire par l’homme (à protéger) qui tiendra à la main
une branche d’arbre khed-des. Alors il ira dehors et fera le tour de sa maison. Il ne mourra pas du fait de la morbidité annuelle.»
De son côté, le papyrus Brooklyn donne une description très détaillée des
9 Bardinet p. 51
MYTHES, INCANTATIONS ET MAGIE
19
serpents, tant de leur apparence (Brooklin 28: vipère à cornes…47a: cobra
à col noir…) que des manifestations de leurs morsures (Brooklin 60: altérations cutanées… 72a: gonflement… 76: hébétude…), avec pour conjuration:
«Remède pour rendre la santé à celui qui a été blessé par n’importe quel
serpent: plante itjerou (Capparis decidua)… Dire sur elle comme formule
magique: «Ô cette plante-itjerou qui pousse sur le flanc d’Osiris, provenant
des sécrétions corporelles de ceux qui sont dans la Douat, tue le venin de
l’abominable (du Rouge, Seth). Que tombe Seth! Que le chat (Bastet) le découpe!»
Seth
Anatomo-Physiologie I: Energétique
Les Metou ou conduits «Met»
Selon Lefébvre (1952 p. 7), le mot «met» a plusieurs sens:
Il désigne d’abord les faisceaux de tissus fibreux que nous appelons ligaments, et ceux, contractiles, qui forment les muscles.
Un autre sens de «met» (le plus fréquent) est «vaisseau» au sens où les
Egyptiens entendaient ce mot10…
Pour Jonckheere (1947 p. 17, n 9):
«Met» est un mot anatomique omnibus, désignant pour les Egyptiens
aussi bien les vaisseaux, les tendons, les muscles, que les formations «canaliculaires» en général.
Pour Bardinet (1995 p. 64, 65):
Le mot égyptien «met» se rapporte aux différents conduits et vaisseaux
du corps.
Ce ne sont pas des cordes pleines, ils ne sont là que pour faire passer le
courant dynamique (c’est à dire la source du mouvement, donc comme système de conduction). Dans les conduits-met du corps passent tous les éléments nourriciers, les différents liquides corporels ainsi que le souffle vital.
Dans les papyrus Ebers et Berlin, différentes descriptions sont faites à
propos des conduits «met», de leurs emplacements et de leurs trajets.
10 Ne serait-ce pas aussi celui auquel l’entendent les Chinois: conduit pour l’énergie vitale !
22
MÉDECINE DE L’ANCIENNE EGYPTE
Dans Ebers, dans un premier temps, sont décrits particulièrement les canaux-met qui concernent les mucosités et le sang. Il existe ainsi:
12 ou 14 canaux-met pour les liquides corporels:
• Ebers 854b: Il y a quatre canaux-met dans ses narines: Ce sont deux qui
donnent la sécrétion-nechat, et deux qui donnent du sang.
• Ebers 854c: Il y a quatre canaux-met à l’intérieur de ses deux tempes
qui donnent ensuite le sang des deux yeux.
• Ebers 854d: Quatre canaux-met se divisent pour la tête, se déversent
dans la nuque et créent ensuite un réservoir, une source de âaâ (sans
doute le sébum et la sueur), c’est ce qu’ils forment sur le sommet de la
tête.
• Ebers 854e: Quant à ce par quoi les oreilles sont sourdes, ce sont deux
canaux-met qui le provoquent et qui conduisent à la racine de l’œil.
Autre formulation: quant à ce par quoi les oreilles sont sourdes, c’est
ceci: les tempes de l’homme sont atteintes d’un souffle dû à une fuite.
•
Ceci tendrait à montrer qu’il s’agit en 854e, de deux des quatre canaux
des tempes décrits en 854c. On a bien alors 12 canaux-met pour les liquides
organiques, un nombre qui nous rappelle celui des 12 méridiens en énergétique chinoise.
Cependant, si les deux canaux en 854e sont distincts des douze autres,
il s’agirait alors au total de quatorze canaux-met ayant une analogie avec
les «14 kaou de Rê», les quatorze aspects spirituels, expressions de Dieu
dans l’Univers11. Mais alors, n’oublions pas qu’en énergétique chinoise,
on parle aussi de quatorze méridiens: douze méridiens principaux et deux
merveilleux vaisseaux, Du Mai, vaisseau gouverneur, et Ren Mai, vaisseau
conception. Cette hypothèse est donc à retenir.
Puis, toujours dans Ebers:
1 canal-met central
• Ebers 855c: …un canal-met dont le nom est «receveur» … donne le
liquide au cœur-haty…
•
11 Livre des Morts. Chap. 15 op. cité
ANATOMO-PHYSIOLOGIE I: ÉNERGÉTIQUE
23
On serait tenté de trouver ici des analogies, en médecine traditionnelle
chinoise, avec le merveilleux vaisseau Chong Mai, central, analogue au trigramme de la Terre, «le réceptif», mais aussi en relation avec la Rate donnant le «liquide» au coeur, selon «la Voie de l’eau et des céréales»12:
Dans un troisième temps, Ebers donne une autre description concernant
cette fois les souffles de vie et de mort. Huit canaux sont ainsi décrits:
8 canaux-met pour les souffles de vie et de mort:
• Ebers 854f: Il y a quatre canaux-met pour ses deux oreilles, et deux
canaux-met pour son épaule droite et deux pour son épaule gauche.
C’est dans son oreille droite qu’entre le souffle de vie, et c’est dans
son oreille gauche qu’entre le souffle de mort. Autre formulation: c’est
dans son épaule droite que le souffle de vie entre, c’est dans son épaule
gauche qu’entre le souffle de mort.
•
Les huit vaisseaux merveilleux de l’énergétique chinoise trouvent ici une
curieuse analogie avec les huit canaux-met des épaules et des oreilles pour
les «souffles de vie et de mort», 4 yin à droite et 4 yang à gauche.
D’autant que l’on trouve à leur suite:
12 canaux-met pour les bras et pour les jambes:
• Ebers 854g: Six canaux-met conduisent aux bras, trois à droite, trois à
gauche, puis conduisent à ses doigts.
• Ebers 854h: Six canaux-met conduisent aux jambes, trois pour la jambe
droite, trois pour la jambe gauche, pour atteindre la plante du pied.
•
Jambes et bras, Yin et Yang: une manière simple de décrire les trois
grands méridiens yin bilatéraux qui vont des pieds aux bras et aux mains…
et les trois grands méridiens yang bilatéraux qui vont des mains aux jambes
et aux pieds, en médecine traditionnelle chinoise.
12 Pour tout ce qui concerne l’énergétique chinoise et l’acupuncture, voir J. P.: "Guide d’Acupuncture et de Moxibustion" Ed. Fondation Cornelius Celsus.-1976 Erde - CH
24
MÉDECINE DE L’ANCIENNE EGYPTE
La description des canaux-met se poursuit avec un ensemble en relation
avec les productions de l’organisme:
22 canaux-met (10+ 12) composent un ensemble en relation avec les productions liquides ou solides de l’organisme:
• Ebers 854i: Il y a deux canaux-met pour ses testicules: ce sont eux qui
donnent le sperme.
• Ebers 854k: Il y a deux canaux-met pour les fesses, un pour une fesse,
l’autre pour l’autre fesse.
• Ebers 854l: Il y a quatre canaux-met pour le foie: ce sont eux qui donnent le liquide et le souffle.
• Ebers 854m: Il y a quatre canaux-met pour la trachée-poumons et pour
la rate (également quatre [donc huit au total])13: ce sont eux qui donnent liquide et souffle.
• Ebers 854n: Il y a deux canaux-met pour la vessie: ce sont eux qui donnent l’urine.
• Ebers 854o: Quatre canaux-met s’ouvrent pour l’anus: ce sont eux qui
donnent ce que produisent pour lui le liquide et le souffle.
•
Toujours dans Ebers, mais cette fois-ci à propos de la circulation et du
traitement des «énergies perverses»-oukhedou, une autre description nous
est donnée:
12 canaux-met pour le cœur, 22 canaux-met pour distribuer le «souffle»:
• Ebers 856b: Douze canaux-met sont dans lui (l’homme) pour son
cœur-haty. Ce sont eux qui donnent le souffle à chaque endroit de son
corps.
• Ebers 856c: Deux canaux-met sont dans lui au niveau de la surface de
son sein.
• Ebers 856d: Deux canaux-met sont dans lui pour sa cuisse.
• Ebers 856e: …Ce sont les canaux-met (2 ?) pour le cou qui ont reçu un
mal…
• Ebers 856f: Deux canaux-met sont dans lui pour son bras.
• Ebers 856g:
Deux canaux-met sont en lui pour sa nuque
Deux canaux-met sont en lui pour son front.
Deux canaux-met sont en lui pour son œil
Deux canaux-met sont en lui pour ses sourcils14
Deux canaux-met sont en lui pour sa narine
Deux canaux-met sont en lui pour son oreille droite. C’est en eux qu’entre le souffle de vie.
Deux canaux-met sont en lui pour son oreille gauche. C’est en eux
qu’entre le souffle de mort.
•
De son côté le papyrus de Berlin confirme cette description, toujours à
propos des énergies perverses-oukhedou, avec cependant une omission,
celle des canaux-met du cou, ce qui réduit leur nombre à 20. Par ailleurs, une
modification importante – vingt-deux canaux-met pour le cœur, au lieu de
douze – semblerait indiquer une erreur de transcription dans Ebers 856b:
13 Voir Bardinet 1995 p.99
14 Traduction de cette ligne omise dans Lalanne 2002.
ANATOMO-PHYSIOLOGIE I: ÉNERGÉTIQUE
25
Berlin 163b: Sa tête (de l’homme) est concernée par vingt-deux des vais• seaux
de l’homme. Ils tirent le souffle jusqu’à son cœur-haty et ce sont
(donc) eux qui donnent le souffle à chaque endroit du corps.15
Ainsi les vingt-deux canaux-met décrits dans le détail du papyrus Ebers16
correspondraient bien aux vingt-deux canaux (ou vaisseaux) qui «tirent le
souffle jusqu’à son cœur-haty…» et qui «donnent le souffle à chaque endroit
du corps».
En analogie avec ce que nous venons de découvrir, souvenons-nous simplement, en énergétique chinoise, des 10 fonctions/organes et viscères et
des 12 méridiens (6 grands méridiens doubles, bilatéraux)… soit au total
vingt-deux fonctions !
Cependant, les contradictions relevées dans Ebers comme dans Berlin
nous conduisent à nous poser la question suivante: la connaissance s’estelle progressivement estompée au cours des âges, perdue en partie, ne laissant subsister que des bribes de savoir, sans que l’on ne sache plus tout à
fait à quoi correspondent les conduits-met: 10 + 12 ou 8 + 12?
En effet, étudié sous un autre angle, Ebers 856b et suivants ainsi que Berlin 163b et suivants laissent apparaître une configuration différente des canaux-met, celle-ci étant conforme à Ebers 854f-g et h définie plus haut: 8 + 12
= 20. Dans Berlin, il n’est pas question de canaux-met du cou; Ebers qui, de
son côté, en fait mention, ne précise pas leur nombre (nous avons supposé
qu’il y en avait deux comme pour les autres localisations). Se confondent-ils
avec, peut-être, ceux de la nuque? Dans ce cas leur nombre est bien réduit
à vingt.
Notons au passage une nouvelle correspondance avec la médecine traditionnelle chinoise, lorsque Ebers 856e précise : «Ce sont les canaux-met
pour le cou qui ont reçu un mal…». Il est bien connu que les «fenêtres du
ciel», points d’acupuncture situés sur le cou, sont le lieu privilégié de pénétration des énergies perturbées externes.
Pour clore cette description des canaux-met, dans Berlin (163h) comme
dans Ebers (856h), une même conclusion particulièrement intéressante
concerne l’ensemble de ces canaux:
Ebers 856h: C’est vers le cœur-haty qu’ils (les canaux-met) vont tous, c’est
à sa narine qu’ils se divisent, c’est à son anus qu’ils se rassemblent…
•
On semble nous indiquer ici, comme source et estuaire des canaux-met,
le merveilleux vaisseau Gouverneur, Du Mai, de l’énergétique chinoise, dont
le trajet, en sens inverse, va de la pointe du coccyx, de l’anus, à la gencive
supérieure, au nez, rassemblant et gouvernant, en liaison avec le cœur, l’ensemble des souffles-énergies du corps, !
15 Berlin 163b: Traduction Thierry Bardinet 1995
16 Ebers 856c à 856g
26
MÉDECINE DE L’ANCIENNE EGYPTE
Du Mai: Vaisseau Gouverneur
En définitive, les papyrus nous ont donc transmis une vision globale des
canaux-met. Mais ils ne rentrent pas dans le détail, pas plus dans leur description que dans les thérapies mises en œuvre: seules précisions, des régions sont signalées au passage, intérieur-ib, cœur-haty, nez, anus, doigts,
orteils etc… en relation avec deux grands systèmes, le premier pour la circulation des liquides organiques, le second pour celle des «souffles».
Dans le cas des canaux pour les souffles, leur organisation, selon différents points de vue, semble bien être la même, ainsi que nous l’avons découvert, que celle des énergies en médecine traditionnelle chinoise:
• Huit canaux-met pour les souffles de vie et de mort, analogues aux huit
merveilleux vaisseaux.
• Six grands canaux-met bilatéraux, trois allant aux mains et trois aux pieds,
comme les six grands méridiens bilatéraux.
• Vingt-deux canaux-met pour tout le corps, analogues, là encore, aux dix
fonctions internes des organes et des viscères, et aux douze fonctions
externes des méridiens.
Les médecins égyptiens avaient-ils une connaissance plus détaillée des
fonctions propres à chacun de ces vaisseaux? A priori, il ne semble pas.
Mais la découverte de nouveaux papyrus pourrait, bien entendu, tout remettre en question.
Anatomo-Physiologie II : Denderah
Voyons maintenant l’enseignement qui nous est apporté par les bas-reliefs du plafond, dans la salle hypostyle du grand temple de Denderah17. L’un
des soffites ou caissons de ce plafond décrit, sous une forme allégorique,
mais avec certaines précisions supplémentaires, la constitution de l’homme
telle que nous venons de la découvrir dans les textes des papyrus médicaux.
Traditionnellement, la lecture de ces bas-reliefs devait s’effectuer de
droite à gauche, ce qui permettait de remonter des effets aux causes, de la
constatation de ce qui est apparent à la découverte de ce qui est voilé dans
l’ombre des origines. Cependant, pour une meilleure compréhension étant
donné notre mode de pensée actuel, nous avons procédé à une lecture de
gauche à droite, dans un développement allant des origines des choses à
leur aboutissement.
Dans une partie du deuxième caisson18, (partie représentée ci-dessous
sur deux lignes, pour une meilleure visibilité), Horus et Hathor, sous un
naos, et dans une seconde barque, Ihi, leur fils, Maître de la musique, de
l’harmonie, de la gamme cosmique, président à la création de l’Homme. A
l’aide des deux gouvernails, Sia celui du discernement, de la connaissance,
de la science, et Hou celui de la mise en pratique, le Neter timonier de la
seconde barque assure l’application des lois et des règles universelles. Le
Neter masculin accroupi sur une colonne confirme qu’il est bien question de
la genèse de l’Homme.
17 Jacques Pialoux: Denderah – Sept soffites du plafond de la salle hypostyle du grand temple.
18 Ligne inférieure du 2e soffite.du plafond
28
MÉDECINE DE L’ANCIENNE EGYPTE
Seconde ligne du 2ème Soffite
Dans un premier temps, quatre puissances primordiales, quatre Neterou,
sont mis en œuvre dans un ensemble analogue aux trois réchauffeurs et aux
trois foyers de l’énergétique chinoise:
• Trois Chacals enchaînés à une colonne, groupe d’où émerge un Serpent,
sont les trois Puissances de digestion, de transformation, auxquelles se
soumettent les quatre Cynocéphales qui suivent, Puissances divines que
gouverne Thot, Messager de Rê, (analogues aux énergies originelle, alimentaire, respiratoire et ancestrale de la tradition chinoise).
• Plus loin, trois Neterou masculins tenant le corps d’un second Serpent,
sont les trois Puissances qui servent à transmuter les quatre puissances
déjà en partie digérées par les trois Chacals, «afin d’en faire de l’homme».
Les deux Serpents en sont la quintessence; Puissances nourricière et protectrice de l’Être qui s’incarne, ils sont aussi analogues aux deux serpents
primordiaux, Kem Atef, «Un dont le souffle s’accomplit», et Ir Ta son fils,
«Créateur de la Terre».
• Dans la barque intermédiaire, le Neter timonier, l’Ibis Thot, Maître des
scribes, rappelle que la science, la connaissance des lois et des règles, est
ici mise en œuvre avec, dans l’Homme en devenir que représente Horus,
sous un naos, quatre Puissances, les Neterou suivants, deux masculins,
et deux féminins représentés par Isis et Maât, Mère et Conscience divines.
Un passeur avec sa perche et le Cynocéphale de Thot, à la proue, les guident sous l’égide de la Loi céleste.
Suivent quatre barques et huit Puissances intermédiaires:
Le Neter timonier de la première des quatre barques est là avec ses deux
gouvernails, Sia et Hou, ceux du discernement et de la mise en pratique,
pour affirmer et diriger la mise en œuvre de la Loi cosmique: les huit Neterou qui suivent, occupant les quatre barques, sont les symboles, les archétypes «des Quatre conduits-met pour les Souffles de Vie, et des Quatre
conduits-met pour les Souffles de Mort» du papyrus Ebers, mais aussi des
huit merveilleux vaisseaux de l’acupuncture chinoise.
En tant que représentants, à ce niveau, des huit Grenouilles et Serpents,
enfants de Kem Atef et de Ir Ta, Maîtres des «Huit Lieux célestes» égyptiens,
ANATOMO-PHYSIOLOGIE II : DENDERAH
29
honorés dans la ville de Khmounou plus tard Hermopolis, ces huit Neterou
transmettent les deux Puissances primordiales des deux serpents, énergies
nourricière et protectrice, yin et yang, centrifuge et centripète.
À noter, toujours dans la première barque, à la proue, la présence de
Thot lui-même, Messager de Rê, Maître des Paroles divines, tenant dans ses
mains la Pierre cubique, symbole de la Terre, de l’incarnation terrestre.
Enfin, apparaissent 22 Neterou, 22 Puissances, 10 + 12:
Ils constituent les vingt-deux Puissances, les vingt-deux Souffles, par
l’intermédiaire desquels s’expriment les deux Puissances primordiales des
deux serpents que l’on retrouve, présents sur leurs colonnes respectives. Ce
sont les analogues des vingt-deux conduits-met que nous avons découverts
avec le papyrus de Berlin et le papyrus Ebers:
• Les dix premiers, neuf masculins et un féminin, ce dernier donnant la vie
comme le cœur la distribue, sont les symboles des conduits-met internes
de l’Homme, des fonctions des organes de l’énergétique chinoise.
• Les douze, féminins, coiffés du disque solaire, symbolisent les conduitsmet périphériques, analogues aux méridiens de l’acupuncture.
Allant plus loin dans l’analyse des souffles vitaux, un autre soffite du plafond du temple de Denderah19 traite même de leur mise en œuvre dans la
transmission de la vie:
• 64 souffles sont en cause, comme les 64 parties de l’œil d’Horus, Oudjat,
comme les 64 codons du code génétique, mais aussi comme les 64 hexagrammes du Yi King chinois. Cependant, ceci n’est plus tout à fait de la
médecine, mais de la génétique, tout en appartenant aux mathématiques
universelles.
19 Le Soffite VI ttraite de l’évolution et de la constitution de l’Homme
Anatomo-physiologie III: Haty et Ib
Une partie du papyrus Ebers constitue le «Traité du Cœur» et concerne les
rapports entre «Haty» et «Ib». Mais que signifient ces deux termes ?
Pour ce qui est du haty, il semble qu’il corresponde à une réalité anatomique relativement précise, celle du muscle cardiaque, mais également à
ce qui est décrit comme «en avant du cœur» et possède des mouvements
autonomes perceptibles.
Dans Ebers 854a (99, 1):
«Début du secret du médecin: apprendre à connaître le déplacement du
cœur: apprendre à connaître le cœur.»
En ce qui concerne le ib et ses relations avec le cœur-haty, notre connaissance de «la voie de l’eau et des céréales» en énergétique chinoise, va donner un éclairage particulier sur ce que dit le papyrus Ebers.
Certains égyptologues, comme B. Long, ont choisi de traduire ib par épigastre.20 Selon l’interprétation d’Ebell, précisée par Stracmans21, le mot ib
aurait désigné l’estomac. En effet, le ib reçoit de la nourriture (Ebers 284 [50,
21]); ce qui est confirmé dans un texte cité par Piankoff22 «De la nourriture
pour l’intérieur de mon corps, de l’eau pour mon ib.»
Pour Bardinet enfin, (p. 71): «Le ib est un ensemble. Il comprend la totalité
des parties corporelles situées derrière le cœur-haty, dans ce grand creux
20 B. Long: Le "ib" et le "haty" dans les textes médicaux de l'Egypte ancienne p. 483 § Q
21 Stracmans: BdE 32 (Mélanges Mariette) p 125 à 135.
22 Piankoff: Le "cœur" dans les textes égyptiens depuis l'Ancien jusqu'à la fin du Nouvel Empire, p. 43
32
MÉDECINE DE L’ANCIENNE EGYPTE
du corps qui forme ce que les Égyptiens appellent le Shet.» Cette «totalité
des parties corporelles…» semblerait indiquer la totalité des organes et des
viscères.
À ce propos, Bardinet soulève le problème des quatre vases «canopes»
disposés dans les tombeaux égyptiens à proximité du sarcophage. Dans ces
quatre vases, sont déposés certains organes ou viscères du défunt pouvant
constituer le ib. Ces organes sont confiés aux quatre suivants d’Horus, Amset, Hapy, Douamoutef et Qebhsenouf:
• À Amset, avec une sorte de face d’homme, était attribué le foie
• À Hapy, le cynocéphale, les poumons
• À Douamoutef, le chacal, la rate et (ou) l’estomac
• À Qebhsenouf, le hiéracocéphale, les intestins
Les quatre Chemsou d’Horus
Une indication particulière concernant le foie, les poumons et le cœur, est
donnée par Ebers 855d (99, 21-22):
«Quant à la colère qui survient dans le cœur-haty, c’est une torsion (des
canaux-met) vers la limite de la trachée-poumons et du foie.»
Cette affirmation est, nous semble-t-il, révélatrice de connaissances égyptiennes sur le «psychisme des organes» tel qu’il est décrit en médecine traditionnelle chinoise: on sait le rôle du foie dans la colère, en relation d’une
part avec les poumons (cycle de victoire inversé des 5 éléments chinois), et
d’autre part avec le cœur (cycle de génération des 5 éléments chinois).
Par ailleurs, un texte complémentaire du canope de Mendès concernant
Qebhsenouf et les intestins, est cité par Yoyotte23:
«Qebhsenouf… tu enrichis ceux qui sont en toi (les intestins)…Ils sont
comblés de ce qui est venu de toi. Tu fais vivre tes frères et le flux qui monte
de ton eau ne cesse pas, au profit de l’Osiris-Mendès pour toujours.»
Souvenons-nous, là encore, de «la voie de l’eau et des céréales» en médecine traditionnelle chinoise, avec la séparation du pur et de l’impur par
23 Yoyotte: Tanis, l'or des pharaons p. 172
ANATOMO-PHYSIOLOGIE III: HATY ET IB
33
l’estomac et l’intestin grêle… la transmission du pur à la rate, puis la relation
avec le cœur, les poumons, le foie.
En définitive, tout en conservant à l’esprit la primauté de l’estomac et de
l’intestin pour leur rôle dans «la voie de l’eau et des céréales», nous pouvons nous rallier presque totalement à Bardinet (p.81):
«L’intérieur ib se prolonge dans tous les membres, animant ceux-ci, leur
apportant la force vitale… Le haty, «notre muscle cardiaque», est en fait
l’élément réalisateur de la volonté qui siège au plus profond de l’intérieur-ib.
C’est par sa propre force que le cœur-haty envoie dans les conduits-met les
courants dynamiques, transmet la pensée élaborée au plus profond de l’intérieur-ib et la réalise… L’intérieur-ib et le haty sont indissociablement liés,
et toute atteinte de l’un doit avoir des répercutions sur l’autre.»
La vision du haty en tant que «muscle cardiaque»demanderait seulement
à être précisée en tant que fonction «Sang» et fonction «Chen» du cœur,
fonctions physiologique et psychique. Bardinet semble dailleurs le sous-entendre lorsqu’il parle du haty, «élément réalisateur de la volonté (des reins
en médecine traditionnelle chinoise) qui siège au plus profond de l’intérieurib».
Le papyrus Ebers peut alors préciser la méthode à utiliser pour l’examen
du ib et du haty (Ebers 854a [99, 2 à 5]):
«Quant au fait que place tout médecin, tout prêtre-ouab de Sekhmet, tout
magicien, ses mains, ses doigts, sur la tête, sur la nuque, sur les mains, sur
la place du ib, sur les jambes, sur tout (endroit du corps), c’est pour le cœurhaty qu’il procède à l’examen, parce qu’il y a des canaux-met pour toutes
ses (de l’homme) parties du corps, et c’est un fait qu’il (le cœur) s’exprime
devant les canaux-met («devant» = à la surface, au niveau apparent, contrôlable, des canaux-met) de chaque endroit du corps.»
Une variante de ce qui précède est donnée dans le papyrus Smith 1, 12,
débutant comme suit:
«Si tu procèdes à l’examen d’un homme…»
Glose À (Smith 1, 3-9):
« Quant à l’expression «tu examines un homme», cela veut dire faire un
bilan de quelqu’un, faire un bilan de choses (différentes) avec la mesureoipé24…»
Il s’agit ici de la prise des pouls en divers endroits du corps. Les thérapeutes
égyptiens comptaient-ils les pulsations (63/64e d’oipé ?!) à l’aide d’une clepsydre, l’horloge à eau inventée sous Thoutmosis III (XVIIIe dynastie: XVe siècle
avant J.C.), et faisaient-ils un bilan quantitatif et qualitatif de ces pulsations?
C’est vraisemblable, même si, selon la tradition, c’est Hérophile, de l’école
d’Alexandrie (IVe siècle avant J.C.) qui serait le premier à avoir utilisé la clepsydre dans ce but. Mais on n’a, pour l’instant, aucune certitude à ce sujet.
24 La mesure-oipé est en relation avec l'œil Oudjat et ses fractions de 1/2 à 1/64e.
34
MÉDECINE DE L’ANCIENNE EGYPTE
Ceci nous amène tout naturellement à aborder les facteurs pathogènes
ainsi que la thérapeutique selon les papyrus médicaux de l’Egypte antique.
Facteurs pathogènes
Quatre principaux facteurs pathogènes sont décrits dans les différents
papyrus médicaux:
• Âaâ: sécrétions corporelles – sébum… sueurs… cérumen…
facilitent le développement d’énergies perverses
• Setet: êtres pathogènes provoquant des douleurs hiératiques
• Oukhedou: Démons, «énergies perverses» qui rongent les tissus
• Ouhaou: secondaires aux oukhedou: amas, pus, tumeurs…
Les âaâ sont des liquides corporels parfois dangereux en ce sens qu’ils
peuvent faciliter certaines pathologies.
Dans Ebers 854 d (99, 10-22):
«Quatre canaux-met se divisent pour la tête, se déversent dans la nuque
et créent ensuite un réservoir, une source de âaâ, c’est ce qu’ils forment sur
le sommet (de la tête).»
Selon Ward (1978, p. 108) cité par Bardinet (p. 121), il s’agirait du sébum.
En définitive, il semble que les âaâ correspondent aux diverses sécrétions
corporelles, sébum, sueur, cérumen etc. et que ces sécrétions facilitent le
développement de parasites, de vermine… mais aussi celui «d’énergies perverses» particulières comme les oukhedou dont nous parlerons plus loin.
D’après Ebers (62), à propos d’un traitement pour des parasites:
«Roseaux: 1; pyrèthre:1. (Ce) sera broyé finement, cuit dans du miel. (A) ingérer par l’homme qui a de la (vermine-)hererou dans l’intérieur de son corps.
36
MÉDECINE DE L’ANCIENNE EGYPTE
C’est le liquide âaâ qui crée cela, et elle (la vermine) ne peut mourir par
aucun autre médicament.
Les setet sont des «êtres pathogènes», des énergies perverses, qui circulent dans le corps. Ebers 102 ou 296:
«Si tu examines quelqu’un qui est sous (l’effet) des setet, (ceux-ci agissant) comme (s’il avait ingéré) des figues de sycomore non-entaillées, son
ventre est dur à cause de cela (les setet), il souffre de l’entrée de son «ib», et
ses setet qui se trouvent à l’intérieur de son corps, ne peuvent pas trouver
le chemin de la sortie… Cela ne devra pas se transformer en vermine…(Si)
cela est évacué par lui, cela devient agréable pour lui.»
Les setet se déplacent donc en provoquant des douleurs: on devra simplement les faire sortir du corps.
Dans Berlin (142-143). «Remède pour chasser les setet dans les endroits
atteints…Autre remède pour extraire (du corps) les setet en faisant ses besoins.»
Les oukhedou, quant à eux, sont des démons qui rongent la substance
corporelle, alors que le sang élabore cette même substance, (en liant les
éléments dispersés provenant de l’alimentation). Cependant, le «sang-vicié»
pourra agir comme les oukhedou.
Cette action rongeante va provoquer des amas, des obstacles, qui pourront eux-mêmes se transformer en «pus-ouhaou» ou en inflammation localisée.
Sur un plan thérapeutique, on pourra soit tuer les oukhedou, soit les briser avec l’aide de Nekhbet, le vautour symbole de vigueur :
Ebers 86: «Remède pour briser les oukhedou qui sont dans le corps: viande de bovidé fraîche (litt. vivante!): 5 ro; résine de térébinthe: 1/64; mélilot:
1/8; baies de genévrier: 1/16; pain frais: 1/8; bière douce: 25 ro. À filtrer puis
à ingérer quatre jours de suite.»
En revanche, en ce qui concerne les ouhaou, amas ou pus, secondaires
aux oukhedou, on devra soit les chasser, soit les extirper, soit les tuer.
FACTEURS PATHOGÈNES
37
Ebers 91-92: «Autre (remède) pour chasser les ouhaou, alors qu’il existe
une pesanteur vers la superficie du corps (menacé par les ouhaou) et les
tuer véritablement à l’intérieur du corps… Autre remède pour extirper les
ouhaou qui sont dans le corps ou bien (pour) les tuer: figues: 1/32; sel du
Delta: 1/8; pain frais: 1/8; bière douce: 25 ro. (Ce) sera cuit, filtré, puis ingéré
dans la journée.»
En définitive, si les ouhaou apparaissent à la suite de l’action rongeante
des oukhedou, ces derniers se développent grâce à l’action fertilisante des
liquides âaâ qui sont également, ainsi que nous l’avons vu, à l’origine de la
vermine.
Ebers 138: «Autre (remède) pour chasser les âaâ qui sont dans un homme,
tuer les oukhedou, chasser les dommages (ouhaou) qui adviennent contre
l’homme, soigner l’anus et le rafraîchir: (plante) sam: 1/8; baies de genévrier:
1/16; miel: 1/32; bière douce: 10 ro. Filtrer, ingérer quatre jours de suite.»
Thérapeutique
«L’absence de détermination de la plupart des noms des différentes drogues proposées par les textes, ne permet guère, à quelques exceptions près,
de parler des modes d’action présumés des différentes substances entrant
dans la pharmacopée25.»
Minéraux, végétaux, produits ou sous-produits animaux et humains sont
à la base de la pharmacopée égyptienne.
Parmi les produits et sous-produits animaux ou humains, on trouve: la
graisse et le fiel de taureau ou de chèvre, les écailles de tortue, le lait de vache, les viscères de poissons, de crustacés, les excréments d’animaux, d’insectes, de reptiles, les urines animales et humaines, le sang de mouches.
De nombreux végétaux secs ou frais composent cette pharmacopée. Certains nous sont familiers tels: les pois, l’acacia, le genièvre, la valériane, le
mélilot, l’orge, les dattes et les figues, le térébinthe, le ricin, l’ail, la coriandre, les mucilages, les gommes, le goudron végétal…
D’autres sont plus exotiques: le fruit «entaillé» du sycomore, l’huile de
moringa, l’origan, le cumin…
Et puis, de nombreuses plantes pour lesquelles nous n’avons pas de descriptif, et donc pas de traduction: plante-sâm, plante-djaret, fruit-cheny-ta,
fruit-peret-cheny, résine-sa-our…
Les minéraux les plus utilisés sont l’ocre, la poudre d’albâtre, l’argile, le
sel du nord, celui du sud ou encore le sel marin, le natron, la malachite, la
galène, le minium26…
25 Bardinet 1995 p. 157
26 Galène: sulfure naturel de plomb; Malachite: carbonate de cuivre; Minium: oxyde de plomb;
Natron: carbonate de soude.
40
MÉDECINE DE L’ANCIENNE EGYPTE
Broyés, malaxés, cuits ou crus, mélangés presque toujours à du miel ou à
de la bière douce, certains de ces produits seront laissés au repos, la nuit à
la rosée, filtrés ou non, et enfin appliqués ou absorbés, en moyenne quatre
jours de suite.
De nombreux remèdes concernent les maladies de l’intérieur du corps.
Ils sont «émétiques» pour chasser les concrétions, nettoyer et «faire tomber
toutes les substances malignes qui sont à la superficie du corps»:
• Fruits et plantes, seront préparés avec du miel et de la bière douce, ou
composés de pâte fraîche, de graisse, de miel, de cire… pour «retenir».
• Pour assouplir les ankyloses dues à l’âge: natron, fèves, huile, graisse
d’hippopotame, de crocodile, de poisson mugile, de silure, térébinthe, oliban doux, miel… qui sont cuits et appliqués plusieurs jours de suite.
• Roseau et pyrèthre ont la préférence pour tout ce qui est «vermine» (cuits
dans du miel et mangés).
• Les maux de tête seront soignés avec des graines de coriandre, de bryone, de pyrèthre, de plante-sam; avec du natron (broyé dans de la graisse,
du miel et de la cire), de la résine de térébinthe. Le pin, le genévrier, le
lotus, l’ocre, la malachite sont aussi très employés (en application).
• Pour les affections dentaires: ocre, malachite, fruit entaillé du sycomore et
miel…
• Pour les coups et enflures, le miel pourra suffire, mais aussi l’argile, la résine de térébinthe, la graisse de taureau, l’urine humaine, le vin de dattes,
la malachite, le natron… (en application).
• Pour les os: natron, minéral-ouchebet, silex noir, graisse de taureau,
miel… (en application).
• Les luxations et les fractures sans plaies sont d’abord réduites manuellement, puis maintenues par des attelles et soignées par application de
viande fraîche, le premier jour, et ensuite de graisse, de miel et de tampons végétaux jusqu’à guérison.
• Les abcès sont traités par «cautères», puis de la même façon que pour
les plaies. Ces dernières sont recousues, puis traitées par application de
viande fraîche, sans pansement ni médicament, jusqu’à ce que passe la
période douloureuse.
• Les brûlures peuvent être traitées avec du limon-noir, des excréments de
petit bétail, de la résine d’acacia, de l’orge… (en application).
Le ricin faisait l’objet d’études particulières, pour les multiples utilisations
de sa racine ou de ses graines broyées, tant pour les intestins que pour les
céphalées, les problèmes cutanés, les cheveux…
Certains textes concernaient les fumigations. Les Egyptiens pensaient
que tout individu pouvait être imprégné, avec une grande facilité, par les
souffles néfastes les plus divers et par les démons et les substances pathogènes qu’ils animent. Ce nouvel air dont on les imprègne paraît destiné à la
fois à les éloigner et à les intoxiquer.
Les fumigations interviennent ainsi dans les soins à donner à l’intérieur-ib
d’un homme blessé par un serpent ou un scorpion. La fumigation, ici, vise
avant tout le symptôme (douleurs abdominales) et doit rendre le souffle au
corps de la victime.
THÉRAPEUTIQUE
41
Pour la toux chez l’enfant: fumigations de «réalgar», de résine-men et de
plante-ââam qui seront broyés et placés sur des pierres chaudes.
Couramment employées dans les traitements gynécologiques, elles sont
alors à base de térébinthe, de graisse et d’huile nouvelle.
Ebers 852 (98, 12-14b): «Fumigation préparée pour rendre agréable l’odeur
de la maison ou des vêtements: myrrhe sèche; (fruit-) peret-cheny; résine de
térébinthe; souchet comestible; bois de ti-chepes; chebet; roseau de Phénicie; inketoun; djemeten; (partie-) genen de l’(arbre-)meniben. Broyer finement, préparer en une masse homogène. En mettre sur le feu.»
Cette même préparation ajoutée à du miel, cuit, mélangé et transformé en
pastilles rendra agréable l’odeur de la bouche.
Enfin, notons qu’il existe également une recette pour lutter contre les parasites et autres hôtes indésirables de la maison (puces, serpents), par aspersion d’eau de natron.
Cependant, l’application de cette pharmacopée n’aura de valeur que si les
incantations et conjurations ont bien été effectuées dans les règles.
Tout cela, bien entendu, représente une méthode véritablement efficace,
un million de fois !
Abelle Vinel et Jacques Pialoux
Congrès R.E.F.S. Aix en Provence 31 octobre 2005
Bibliographie
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Paris 1995
Barguet A.: Hérodote – Ed. Gallimard Paris 1964
Barguet P.: Le Livre des Morts des Anciens Egyptiens – Ed. du Cerf Paris
1967
Halioua B.: La Médecine au temps des pharaons – Ed. Liana Levi Paris 2002
Jonckheere F.: Le Papyrus médical Chester Beatty (La médecine égyptienne
no 2) Ed. Fond. Egyptologique Reine Elizabeth – Bruxelles 1947
Lalanne B. et Griffon S.: Papyrus Ebers. Nouvelle transcription, translittération, traduction – Ed. Association égyptologique de Gironde – 33600
Pessac (France) 2003
Lefebvre G.: Tableau des parties du corps humain mentionnées par les Egyptiens. Supplément aux Annales du Service des Antiquités, Cahier no 17
– Le Caire, IFAO 1952
Lefebvre G.: Romans et contes égyptiens de l’époque pharaonique. Ed. Maisonneuve Paris 1982.
Long B.: Le «ib» et le «haty» dans les textes médicaux de l’Egypte ancienne,
in Hommages à François Daumas, Université de Montpellier 1986
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