FALAISES ET CORDONS DE GALETS

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FALAISES ET CORDONS DE GALETS
FALAISES ET CORDONS DE GALETS
Photo : B. Destiné
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FALAISES ET
CORDONS DE GALETS
PRÉSENTATION GÉNÉRALE
Les falaises vives du littoral Nord/Pas-de-Calais s’étendent depuis le sud de Boulogne-sur-Mer (falaises
d’Équihen) jusqu’au promontoire crayeux du cap Blanc-Nez, l’échancrure de la baie de Wissant marquant le
passage des falaises de marnes, d’argiles et de grès du Boulonnais aux falaises de craie, bordure maritime
occidentale de l’anticlinal de l’Artois. Bien que peu étendues, ces falaises présentent de ce fait deux types de
paysages complètement différents en raison de la nature des roches qui les composent. La toponymie des
caps Blanc-Nez et Gris-Nez illustre bien cette différence. Le premier est formé de craie blanche tandis que le
second montre des couches de grès roux alternant avec des bancs d’argiles et des tables de calcaires ou de
marnes grises. La flore et la végétation de ces falaises sont à l’image des particularités qui les distinguent,
épousant leurs formes et leur nature par une très grande spécialisation et certaines adaptations
morphologiques pour résister aux vents et aux embruns salés qui balaient en permanence les parois et le haut
des falaises (plantes naines, charnues et/ou très velues). Localement, des placages de sables peuvent recouvrir
le sommet des falaises les plus basses, comme c’est le cas à la Pointe aux Oies ou au nord d’Audresselles par
exemple, où un véritable système de dunes aujourd’hui fossiles s’est constitué depuis le haut de falaise vive
jusqu’au hameau de Raventhun, formant la Garenne et le pré communal d’Ambleteuse, ensemble
exceptionnel de dunes décalcifiées décrites dans le chapitre précédent. La flore des dunes côtoie alors celle
des falaises. Ailleurs, les reliefs d’anciennes falaises mortes, situées en retrait par rapport à la ligne de rivage
actuelle, se devinent plus ou moins sous la dune qui monte à l’assaut des collines (dunes du Mont St-Frieux,
dunes d’Étaples et de Camiers). Dans ces conditions, la flore des dunes passe peu à peu à celle des pelouses
calcicoles sur sables calcaires et l’Argousier (Hippophae rhamnoides subsp. rhamnoides) côtoie alors le
Genévrier commun (Juniperus communis).
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Les cordons littoraux de galets sont formés par les silex et autres roches dures provenant de l’érosion des falaises
vives par la mer et le gel, suite aux infiltrations d’eau douce dans les roches perméables (craies, calcaires, sables,
grès...). Ils sont rares et peu développés dans le Nord/Pas-de-Calais et sans aucune mesure avec ceux observables
au sud de l’estuaire de la Somme ou dans le Kent, de l’autre côté du détroit de la Manche. Ils apparaissent
ponctuellement entre Wimereux, Ambleteuse et Audresselles, ainsi qu’à la base des falaises du Blanc-Nez. Le plus
spectaculaire d’entre eux dans le Nord/Pas-de-Calais est situé dans l’embouchure de la Slack.
PATRIMOINE FLORISTIQUE
Chacun de ces milieux héberge une flore très particulière, adaptée aux conditions écologiques très contraignantes
qui y règnent.
Les hautes falaises du Blanc-Nez hébergent le Chou sauvage (Brassica oleracea subsp. oleracea), ancêtre de toutes
les variétés de choux cultivées. Les suintements d’eau douce qui s’écoulent le long de la falaise, notamment au
Petit Blanc-Nez, constituent l’un des rares endroits du Nord/Pas-de-Calais où l’on peut observer des sources
pétrifiantes. Les mousses du genre Cratoneuron y font précipiter le calcium de l’eau sur les débris végétaux qui se
parent ainsi d’un manchon de calcaire. On observe également des sources sur les falaises du Griz-Nez. Les marnes
suintantes sont aussi le refuge de l’Ache odorante (Apium graveolens), variété sauvage du Céleri cultivé. Sur les
sables des corniches gréseuses surplombant le vide, on découvre le Statice occidental (Limonium binervosum), en
station disjointe par rapport à son aire de répartition naturelle, qui s’étend plus au sud, en particulier le long des
côtes rocheuses de Bretagne. De nombreuses espèces de petits trèfles mais également l’Armérie maritime
(Armeria maritima subsp. maritima), dont les inflorescences roses ponctuent les végétations rases en haut de
Cordon de galets à
Wimereux où le Crambe
maritime (Crambe
maritima) se développe
en profitant des laisses
de mer
Photo : B. Destiné
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Bette maritime
(Beta vulgaris
subsp. maritima)
Photo : C. Blondel
FALAISES ET CORDONS DE GALETS
falaise, caractérisent les pelouses dites
aérohalines (c’est-à-dire soumises aux
embruns salés) où vivaces et annuelles se
partagent le terrain selon la nature du
substrat, le degré d’ouverture du tapis
végétal et l’intensité du piétinement,
souvent important sur ces milieux très
attractifs.
Les cordons de galets hébergent
notamment le Crambe maritime (Crambe
maritima) ; avec ceux de la Somme, ils
abritent ainsi une des plus belles
populations françaises de cette espèce. C’est
aussi sur les galets et au niveau des laisses
de mer de hauts de plages, en bordure des
dunes que l’on trouve la Bette maritime (Beta vulgaris subsp. maritima), ancêtre de nos betteraves sucrières, ou plus
rarement l’Arroche de Babington (Atriplex glabriuscula) plutôt inféodée aux plages graveleuses et aux galets en
pied de falaises.
MENACES, PROTECTION, CONSERVATION
Les falaises sont par nature des milieux peu accessibles, ce qui les protège de nombreuses dégradations. Cependant,
dans certains secteurs très touristiques, le piétinement a provoqué la disparition du couvert végétal et de la flore
caractéristique de ces falaises. Un projet de protection de grande envergure devrait permettre à terme de restaurer ces
paysages pittoresques. Bien que la flore soit adaptée à l’éboulement permanent des falaises sous l’action érosive des
marées, en particulier lors des tempêtes, le recul accéléré des falaises constaté sur tout le littoral met en péril certaines
espèces et communautés végétales. En effet, le front des falaises, tout en reculant, finit par atteindre les zones cultivées,
ne laissant plus d’espace libre pour la flore et les communautés végétales des hauts de falaise, qui ne peuvent se
reconstituer tant qu’une agriculture intensive est maintenue jusqu’au bord de cette falaise.
Autrefois les cordons de galets étaient un réservoir
de matériaux de construction très prisés sur la côte
du Pas-de-Calais. On en trouve la trace sur de
nombreux murs des maisons et enclos des villages
de Wissant à Wimereux. Aujourd’hui, cette
exploitation a été abandonnée et les cordons de
galets sont protégés. Cependant, une menace plus
insidieuse se fait jour avec le développement
touristique. La végétation des galets est en effet très
sensible au déchaussement. Le piétinement
important de ces galets pendant la saison estivale
peut ainsi détruire rapidement les quelques plantes
qui arrivent à s’enraciner.
Pollution aux
hydrocarbures :
galette de
pétrole au cap
Blanc-Nez
Photo : M-F. Baliga
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TRANSECT 3
Dessin : F. Hendoux
FALAISES DE GRÈS (CAP GRIS-NEZ) ET CORDONS DE GALETS
L’action érosive et régulière de la houle attaque le front de taille de la falaise et y provoque régulièrement des
éboulements. Selon la morphologie et l’orientation de la falaise, des situations micro-climatiques très variées
permettent parfois la coexistence, à très peu de distance, d’espèces d’affinités biogéographiques contrastées
(espèces plutôt méridionales au contact d’espèces nord-atlantiques à boréales). De plus, l’affleurement de couches
géologiques de nature différente augmente la diversité des conditions écologiques locales.
En haut de l’estran, les galets s’accumulent, même si des dépôts de sables les colmatent çà et là dans les secteurs
où les modes de sédimentation sont complexes.
On peut y distinguer une végétation riche en
espèces annuelles comme les arroches (Atriplex
glabriuscula et Atriplex laciniata) tandis que, plus
en retrait, des espèces vivaces apparaissent avec
le Pourpier de mer (Honckenya peploides), le
Crambe maritime (Crambe maritima) et le Fenouil
marin (Crithmum maritimum) qui ont tous en
commun des feuilles charnues. Puis des blocs de
grès en boule s’accumulent au pied de la falaise .
Sur les parois de la falaise, les suintements d’eau
douce liés à l’alternance de couches sableuses
perméables et d’argiles imperméables permettent
l’installation d’espèces hygrophiles . On relèvera
là l’Ache odorante (Apium graveolens) et surtout la
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Falaises du
cap Blanc-Nez (62)
Photo : B. Destiné
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Fenouil marin
(Crithmum
maritimum)
Samole (Samolus valerandi), très
fréquente. Le Tussilage pas-d’âne
(Tussilago farfara) qui apprécie les argiles
remuées est souvent abondant dans les
coulées de terres humides qu’il peut
tapisser de ses feuilles glauques plaquées
au sol. Sur les replats sableux au niveau
des dalles de grès lenticulaire, une
végétation peu recouvrante , dominée
par le Fenouil marin et caractérisée par le
Statice occidental (Limonium binervosum)
voisine avec un tapis herbacé fugace à
Trèfle scabre (Trifolium scabrum) et
Catapode
marine
(Catapodium
marinum). Sur des sols plus profonds,
notamment en haut de falaise, une
pelouse à Fétuque pruineuse (Festuca
rubra subsp. pruinosa), Armérie maritime
(Armeria maritima subsp. maritima), Silène maritime (Silene vulgaris subsp. maritima) et, très localement, la
Carotte porte-gomme (Daucus carota subsp. gummifer) s’installe.
Photo : C. Blondel
FALAISES CRAYEUSES (CAP BLANC-NEZ)
Les falaises crayeuses du Blanc-Nez sont plus homogènes. La végétation principale est formée par l’association à
Chou sauvage (Brassica oleracea subsp. oleracea). On y retrouve les suintements à Cratoneuron et les prairies à
Tussilage pas-d’âne dans les passées d’argile ou sur les amas de craie marneuse en pied de falaise. La partie
supérieure de la falaise est quant à elle occupée par une pelouse calcicole très originale qui associe notamment la
Gentianelle amère (Gentianella amarella) à une espèce proche, la Gentianelle d’Allemagne (Gentianella
germanica), et à leur hybride, la Gentianelle de Pamplin (Gentianella x pamplinii). En compagnie de ces populations
végétales parfois complexes, on peut aussi rencontrer l’Euphraise à quatre angles (Euphrasia tetraquetra) et bien
d’autres espèces... Mais nous quittons alors la
flore des falaises de craie pour celles des
pelouses calcicoles, même s’il est indéniable
que la position littorale de ces pelouses leur
confère une richesse et des caractéristiques
floristiques sans équivalent ailleurs (on parle de
pelouses endémiques du Boulonnais).
Trèfle scabre
(Trifolium
scabrum)
Photo : D. Mercier
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