les Français de Blut Aus Nord sont devenus, en

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les Français de Blut Aus Nord sont devenus, en
Etalon de Référence
Oui, cela ne fait aucun doute : les Français de Blut Aus Nord sont
devenus, en plus de quinze ans d’une carrière aussi riche que
passionnante, l’étalon de référence du black metal. Leur nouvelle
œuvre torturée, 777 – Sect(s) (premier volet d’une trilogie), ne
vient finalement que confirmer ce qu’on savait déjà : ce groupe
conserve encore après tout ce temps ce mystère et cette
inaccessibilité qui, paradoxalement, nous attire à lui comme un
aimant mortel mais enivrant. Ceux qui attribuent cette qualité à
la seule absence de concerts, de photos, etc. n’ont sans doute
jamais posé une oreille sur Blut Aus Nord. Non, la « mystique »
du groupe provient avant tout de son incroyable originalité, de sa
capacité à se remettre sans cesse en question, et par conséquent de
la place bien à part qu’il occupe dans l’univers du metal noir.
Définissant ses propres codes tout en épousant la cause du black
metal, Blut Aus Nord est de ces groupes qui tracent la voie pour
les générations à venir. En attendant, sa vision demeure inégalée
et fascinante… Entretien avec son leader, Vindsval.
Entretien avec Vindsval (chant, guitare & composition)
Interview et édition par Mastema
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Mastema (Rock ‘n Balls) : Bonjour Vindsval, merci beaucoup pour cet entretien.
Tout d’abord, après un opus plus « structuré » et clairement plus mélodique
(Memoria Vetusta II), quel objectif visiez-vous avec 777 – Sect(s), qui est plus
radical et difficile d’accès ?
Vindsval : Nous voulions réaliser quelque chose qui permette de retrouver un peu tout
ce qui fait le son de Blut Aus Nord depuis le début afin de disposer d’une base solide
sur laquelle construire la trilogie 777. Sect(s) est à ce niveau totalement réussi et se
pose comme un parfait album d’ouverture pour ce projet, il propose beaucoup de
possibilités à exploiter sur les deux prochains albums qui complèteront ce projet.
M : Comment expliques-tu que chacune de vos sorties prenne un parti différent ?
Vous n’aimez clairement pas rester en place et préférez trouver de nouvelle voies
d’expression, est-ce lié à une volonté de fuir tout ce qui conventionnel,
« attendu » ?
Vindsval : Refaire ce qui a déjà été fait n’a clairement aucun intérêt, n’importe quel
artiste digne de ce nom cherche à créer, à surprendre et à se surprendre lui-même, pas
à copier ce qui existe déjà. En tant que créateur je ne prends aucun plaisir s’il s’agit
simplement d’appliquer une recette définie correspondant à un style précis, et en tant
qu’auditeur je m’ennuie à l’écoute d’un groupe qui se répète à l’infini. Quand le black
metal devient attendu, respecte des codes et des clichés, il cesse d’être du black metal
pour n’être plus que de la pop vaguement extrême. La forme sans le fond, en quelque
sorte…
M : Puisque la musique de Blut Aus Nord peut être qualifiée de matière
mouvante, quel est selon toi le fil rouge du groupe, qu’est-ce qui constitue son
épine dorsale ?
Vindsval : …Le fond au-delà de la forme ! Ce feeling qui rend Blut Aus Nord
immédiatement reconnaissable et que l’on retrouve sur chacun de nos albums, quelle
que soit l’approche musicale.
M : Avez-vous travaillé différemment sur cet album ? Comment la composition
s’est-elle déroulée ? Partez-vous d’un concept global, d’une structure qui respecte
« l’idée » derrière l’album, ou composez-vous la musique au fur et à mesure
autour de quelques riffs initiaux ?
Vindsval : Avant de commencer à composer, nous essayons d’imaginer avec le plus de
précision possible chaque nouvel album. L’intérêt étant de parvenir à concrétiser l’idée
originale, commence alors une sorte de quête de sons passionnante qui permet
d’approcher au plus près ce qui avait été imaginé, l’inspiration entre ensuite en jeu et
modifie parfois sensiblement la donne, rien n’est figé.
M : Dirais-tu que la musique que tu composes est davantage liée à un processus
intellectuel ou à des expériences de vie ? Et comment se crée le lien entre
« l’idée » et la concrétisation en musique ?
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Vindsval : C’est un processus intellectuel qui est obligatoirement nourri par des expériences
de vie. Le lien entre l’idée et la concrétisation ne peut exister que si tu ne fixes aucune limite,
à moins de limiter aussi l’idée. Il faut parfois chercher longtemps la solution qui te permettra
d’obtenir exactement ce que tu avais imaginé, il faut savoir ne pas être approximatif et
toujours rester très précis et exigeant, c’est la seule façon d’avancer, d’innover et de
progresser.
« Quand le black metal devient attendu, respecte des codes et des
clichés, il cesse d’être du black metal pour n’être plus que de la
pop vaguement extrême. La forme sans le fond, en quelque
sorte… » (Vindsval)
M : Comment répartissez-vous le travail créatif entre W.D. Feld et toi ?
Vindsval : Le travail sur la trilogie 777 est assez simple à répartir, je compose tout
absolument seul.
M : Pour quelles raisons avez-vous quitté Candlelight pour rejoindre Debemur
Morti Productions, une structure plus modeste et « underground » ?
Vindsval : Debemur Morti n’est en rien plus modeste, la promotion des groupes y est
assurée avec autant, si ce n’est plus, de sérieux et la distribution n’a rien à envier à
celle dont bénéficie Candlelight, loin de là. DMP est un label qui nous correspond
beaucoup plus, très passionné, très impliqué et qui offre à BAN une liberté d’action
totale. J’ai personnellement besoin de travailler avec quelqu’un qui s’intéresse et
comprenne. S’il s’agit juste de placer les albums en bacs je peux le gérer moi-même.
La passion doit rester ce qui anime un label et Debemur Morti en regorge, c’est ce qui
nous a poussé à faire ce choix salvateur.
M : Si j’ai bien compris, 777 sera un triptyque, dont les deux autres parties sont
prévues encore pour cette année ? Peux-tu nous donner plus de détails quant au
concept développé ?
Vindsval : 777 parle de lumière comme force de subversion ultime, du temps – du
temps psychologique – et de l’annihilation de ces deux concepts. Nous dévoilerons
l’intégralité du texte quand la trilogie sera sortie.
M : Vous aimez apparemment ce qui est sériel (les deux volets de Memoria
Vetusta, et l’EP What Once Was…Liber I semble ouvrir la voie vers une seconde
partie).
Vindsval : What Once Was… était un besoin de revenir à la source, à quelque chose
d’originel, j’ai toujours eu besoin de composer ce style de black metal teinté de death
assez basique et très obscur. L’idée a donc germé de proposer ces compositions sous la
forme d’une série d’albums formant une discographie parallèle à la discographie
officielle de Blut Aus Nord, quelque chose de plus intime, plus obscur encore. Pour
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cette raison, ces albums ne seront disponibles qu’en vinyles à tirages limités. Il y en
aura d’autres, je ne peux pas te donner de dates car tout se fait de façon très impulsive
dans ce cadre précis.
« Le lien entre l’idée et la concrétisation ne peut exister que si tu
ne fixes aucune limite, à moins de limiter aussi l’idée. » (Vindsval)
M : Je t’avoue que je regrette toujours le choix d’une batterie programmée.
Pourquoi préférez-vous encore et toujours cette solution à une batterie
« humaine » ?
Vindsval : Il ne s’agit pas systématiquement de batterie programmée, sur certains
albums la batterie était jouée sur un kit électronique. Selon les besoins et les albums,
c’est quelque chose qui pourrait évoluer à l’avenir, surtout si nous devons revenir à des
sonorités plus épiques.
M : Blut Aus Nord s’est toujours entouré de beaucoup de mystère : très peu
d’interviews, pas de photos, pas de concerts. Quelle est la motivation de ce choix ?
Vindsval : Pas de photos pour ne pas humaniser le projet qui doit rester au centre.
Même chose pour les interviews, tant que les questions traitent de musique, d’art, il
n’y a aucun problème, le reste n’est pas intéressant, nous ne sommes pas intéressants.
Concernant les concerts, nous sommes des créateurs, pas des performers.
M : Quelle est ton opinion sur la question du succès ? Celui-ci est
traditionnellement mal vu en considérant le metal extrême. Le succès peut-il se
combiner à une pratique authentique du metal extrême ?
Vindsval : Je n’ai pas d’opinion à ce sujet, certains groupes ayant du succès me
semblent beaucoup plus authentiques que d’obscurs combos pratiquant par manque de
capacités, d’inspiration ou par facilité, ce qu’ils appellent du true black metal
(appellation stupide) en enfilant sans talent tous les clichés inhérents au genre. Le fait
de ne vendre que trois démos ne fait pas de toi un groupe intègre, ça fait juste de toi un
groupe qui vend trois démos, peut être par choix ou juste parce que ta musique
ressemble à de la merde et qu’elle n’intéresse personne.
M : L’album MoRT (2006) occupe selon moi une place particulière dans votre
discographie car c’est votre œuvre la plus hermétique et la plus radicale. Quel
regard jettes-tu aujourd’hui sur ce disque ? Qu’aviez-vous voulu exprimer par
celui-ci ?
Vindsval : Nous avons voulu aller au bout du black metal et nous y sommes allés,
l’expérience a été éprouvante et pas seulement sur le plan musical. J’ai longtemps
considéré MoRT comme une limite mais ça n’est malheureusement plus le cas
aujourd’hui, je sais qu’il est possible d’aller plus loin et je sais qu’il faudra y aller un
jour. C’est un album qui a fasciné une partie des gens et dégoûté l’autre partie qui l’a
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rejeté pour diverses raisons, certains l’ayant trouvé trop extrême, trop abstrait…et il
l’est !
M : Blut Aus Nord est devenu depuis plusieurs années une référence absolue en
termes de développement du black metal, de pistes d’exploration d’un genre. Il
est évident que vous êtes de vrais pionniers, de ceux qui tracent la voie. Etes-vous
conscients de cela ? Que cela t’inspire-t-il ?
Vindsval : C’est important de contribuer au développement d’une facette de la
musique, Blut Aus Nord a désormais inscrit son nom dans l’histoire du black metal,
certains de nos albums sont cités comme des références et le resteront à l’avenir. Blut
Aus Nord est devenu incontournable, marque son époque et apporte une lourde pierre
à ce sombre édifice.
« Le fait de ne vendre que trois démos ne fait pas de toi un groupe
intègre, ça fait juste de toi un groupe qui vend trois démos, peut
être par choix ou juste parce que ta musique ressemble à de la
merde et qu’elle n’intéresse personne. » (Vindsval)
M : A ton tour, y a-t-il des groupes de par le monde qui selon toi pourraient
représenter « l’avenir » du metal extrême ? Y a-t-il des visionnaires ?
Vindsval : Abigor est un groupe visionnaire, difficile à suivre mais passionnant.
Deathspell Omega appartient aussi à cette catégorie. Nachtmystium prend depuis
quelque temps un virage intéressant, Void (le groupe Anglais) et Ab Imo Pectore sont
aussi des groupes à suivre.
M : Merci d’avoir pris du temps pour répondre à nos questions, Vindsval. Pour
terminer, peux-tu simplement nous dire un mot sur vos projets futurs, et
notamment la sortie des deux derniers volets de la série 777 ?
Vindsval : Le second volet de la trilogie 777, The Desanctification, sortira au cours du
dernier trimestre 2011, et le troisième plus tard en 2012. Ensuite je travaillerai sur un
nouvel album de The Eye [note : le premier album est sorti en…1997 !] et une démo
ou un EP pour deux nouveaux projets, Vjeshitza et Brumes.
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