Alabaster, manga en voie d`extinction Nature humaine

Transcription

Alabaster, manga en voie d`extinction Nature humaine
Osamu Tezuka / Flblb
Alabaster, manga
en voie d’extinction
T
Alabaster
d’Osamu
Tezuka, traduit
du japonais par
Jacques Lalloz
et Rodolphe
Massé, Flblb,
488 p., 20 €.
Du même
auteur chez
Flblb : Debout
l’humanité !,
432 p., 18 €
our à tour fantastique, humoristique
et effrayante, Alabaster d’Osamu
Tezuka est une œuvre singulière. Tout
au long des 488 pages, se mêlent des
personnages tourmentés et une histoire
en perpétuel rebondissement. Retour
sur un auteur et un manga profondément
humaniste.
Osamu Tezuka est un dessinateur à multiples facettes. Admirateur de science-fiction, d’histoire et de littérature fantastique,
il insuffle dans ses vignettes une part
cachée de sa personnalité. Ses œuvres se
veulent porteuses d’un message d’espoir,
de respect et d’optimisme. Une nouvelle
forme de manga voit le jour avec lui,
plus engagée, en phase avec l’actualité.
Souvent critique envers la société de son
temps, il s’évertue à mettre son style au
service de ses convictions pacifiques et
humanistes. Parfois décalé, parfois acerbe,
l’humour qu’il injecte transparaît dans les
traits de ses personnages. Son dessin très
volatile mais maîtrisé s’apparente à celui
d’un caricaturiste. Dans ses planches, les
formes gracieuses et généreuses reflètent
un monde enfantin et naïf, inspiré de
Disney. La caractéristique des «grands
yeux» cher au mangaka est d’ailleurs
emprunté au studio d’animation.
De Astro boy au roi Léo en passant par
Black Jack, Osamu Tezuka a enfanté une
large palette de héros emblématiques
d’une génération. Moderne dans son approche artistique, il confère à ses créations
une pensée réflexive doublée d’une remise
en question personnelle. Renouvelant le
récit d’un manga traditionnel, il nous offre
des histoires alambiquées où se côtoient
les profils psychologiques les plus divers.
Ses scénarios font évoluer le plus souvent
des personnages tiraillés entre le bien et le
mal en quête d’une vérité ou motivés par
la vengeance. Osamu Tezuka questionne
en permanence les mœurs de la société et
la valeur de l’homme au sein de celle-ci. Il
inspire avec son manga Alabaster une nouvelle lignée de dessinateurs, en dialogue
avec le monde de la psychologie humaine.
Naoki Urasawa et Yoshihiro Tatsumi se
revendiquent directement de lui.
Récemment
publié par l’éditeur poitevin Flblb, Alabaster raconte l’histoire d’un athlète
noir-américain célèbre, fortuné et beau,
qui s’éprend d’une journaliste blanche.
Mais celle-ci le repousse violemment du
fait de sa couleur de peau. Atteint dans sa
dignité, Alabaster réagit avec virulence et
Un manga réflexif.
se fait arrêter. Condamné sévèrement, il
écope de cinq années de prison pendant
lesquelles il va développer une profonde
aversion pour l’esthétique des choses
et l’être humain. Sa rencontre avec un
scientifique en cellule va l’amener à se
tourner vers la science de l’invisible. Dès
lors l’homme n’est plus motivé que par un
but vindicatif : supprimer toute forme de
beauté dans le monde. Avec Alabaster,
Osamu Tezuka réinvente le statut du
méchant torturé et rejeté par la société. Le
propos de l’auteur est avant tout motivé
par une réflexion sur la complexité de
la personnalité humaine. Les thèmes du
racisme, des innovations scientifiques et de
l’esthétisme viendront illustrer le message
du mangaka. Alabaster fait partie de ces
mangas qui possèdent une véritable âme,
à l’image de son dessinateur.
Aurélien Moreau
Alexandra Pouzet
Nature humaine
A
ux amateurs de livres et d’estampes,
bien des photographies d’Alexandra
Pouzet rappelleront irrésistiblement les
recueils de curiosités des siècles passés.
Mémé culturiste à la poitrine surgonflée,
obèse fière de son corps, jumelles sur
canapé, jeune bacchante masquée, chien
neurasthénique à l’arrêt dans une voiture,
et tant d’autres : on est bien là, à l’échelle
de l’an 2012 et de la richesse infinie de
ses marges comme de ses rêves, en présence des monstres et des prodiges chers
à Ambroise Paré et Pierre Boaistuau, ou
des excentriques de tout poil recensés par
Champfleury et Charles Yriarte. Autant
dire que cette exposition se signale par une
véritable unité, qui n’est du reste pas simplement thématique. Loin de tout voyeurisme,
un vif sentiment de fraternité envers toutes
les composantes de la famille humaine, dont
il faut chercher l’origine dans le regard de
l’artiste et la confiance des modèles, irrigue
ces photographies. Humaine nature !
Jean-Paul Bouchon
Les photographies d’Alexandra Pouzet
ont été présentées à la galerie LouiseMichel de la ville de Poitiers (Ateliers
d’artistes - création en résidence) du
17 février au 1er avril.
Bart O’Poil
«Alors, je m’appelle Bart O’Poil,
j’ai 42 ans et… je fais des bons
films pornos, enfin j’essaye.»
Dans Bart O’Poil en tournage, BD
publiée par Flblb, Grégory Jarry et
Otto T. rencontrent un réalisateur
de films pornos engagé. Le
scénario, monté de toute pièce,
prend le lecteur au piège. S’il
a la curiosité de consulter le
site internet évoqué, surprise !
Impossible de passer la page
d’accueil : il n’aura jamais l’âge
minimum requis !
■ L’Actualité Poitou-Charentes ■ N° 96 ■
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