American gothic , Xavier Mauméjean

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American gothic , Xavier Mauméjean
EXTRAITS DE PRESSE American gothic
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, Xavier Mauméjean Presse écrite Le Figaro Magazine, 02 août 2013 ROMAN II était une fois Qui était Daryl Leyland ? Un double maléfique de Charles Perrault réécrivant dans l'Amérique des années 30, à sa manière cruelle et délicate, un recueil de fables pour enfants ? A­t­il existé ou n'est­il qu'« une fiction complexe », « un canular littéraire dense et allusif » ? En apparence, ​American Gothic tente de répondre à la question. Aux fins de l'enquête, le narrateur a rassemblé une quantité impressionnante de documents : interviews, témoignages, exégèses universitaires, le tout ponctué de judicieux extraits de l'œuvre. Mensonge biographique ou vérité romanesque, ces pièces à conviction simplement juxtaposées forment une mosaïque étrange. Elle dessine le portrait fragmenté d'un homme tourmenté ayant connu l'abandon, la dureté des orphelinats, le Chicago sanglant des années 30. Ses contes cruels en portent la marque, ils expriment, sous l'apparente légèreté des comptines, ces failles et blessures qui font l'humanité. Il en sourd des chansons enfantines au sein ​
desquelles « ​si vous cherchez bien, vous y trouverez votre vie compressée en quelques bouts rimés ». Paulin Césari Bifrost n° 71, 2013 Si l'on en croit Xavier Mauméjean — ou bien le traducteur François Parisot, responsable de cette compilation de documents (à ce qu'il semblerait, tout du moins), ou encore Jack Sawyer, qui fait figure de spécialiste depuis un singulier mémoire d'étudiant —, l'imaginaire enfantin américain repose pour l'essentiel sur deux œuvres. ​Le Magicien d'Oz, bien sûr, mais aussi, et de manière à la fois plus insidieuse et plus profonde, ​Ma Mère l'Oie de Daryl Leyland, épatant recueil de contes, comptines et légendes urbaines paru à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Or, si ​Le Magicien d'Oz a connu les adaptations cinématographiques que l'on sait, il n'en est pas allé de même pour le chef­d’œuvre de Leyland illustré par son ami Van Doren. II y eut pourtant un projet, soumis à Jack L Warner, désireux de supplanter Disney. Et c'est justement la raison pour laquelle, maccarthysme oblige, la Warner embauche Jack Sawyer afin d'enquêter sur le mystérieux Daryl Leyland et, au besoin, de « nettoyer » sa biographie ​American Gothic est donc l'occasion de dresser un portrait de l'auteur de Ma Mère l'Oie — et, en creux, de Jack Sawyer, voire de François Parisot, ainsi que d'autres figures gravitant autour de ce projet d'adaptation cinématographique ou de la vie et de l'œuvre de Daryl Leyland. Et de comprendre enfin pourquoi il n'y eut pas de film même si autant le dire de suite, cette dimension­là relève quelque peu du McGuffin. ​American Gothic — le titre fait bien entendu référence au célèbre tableau, mais ses connotations sont plus vastes — est assurément un roman qui ne manque pas d'ambition. Sixième titre de la collection « Pabloïd » des éditions Alma, qui énumère huit « emblèmes » selon Picasso via Malraux, il a pour thème la souffrance. Traitée, donc, à travers le prisme des contes de fée. Et quoi de plus innocent qu'un conte ? Bien des choses, sans doute, ainsi qu'on le sait depuis fort longtemps. Et ​Ma Mère l'Oie ne déroge pas à la règle, compilation, teintée de sadisme, de faits divers atroces abondant en maltraitances enfantines pouvant aller jusqu'à la torture ou l'homicide. II faut dire que le livre de Daryl Leyland reflète à bien des égards — et sans grande surprise — la biographie pour le moins tourmentée de son auteur, enfant plus ou moins abandonné, passe par les institutions les plus glauques de l'Amérique d'antan. Aussi l'étude de sa vie et de son œuvre — biaisée, forcément, puisque passant par le regard de Jack Sawyer, puis de François Parisot — débouche­t­elle sur une peinture sans concessions des États­Unis d'alors — et probablement d'aujourd'hui. Le melting­pot rêvé des immigrants se transcende ainsi en cauchemar, de la misère économique à l'oppression politique, en passant par la guerre (la Première Guerre mondiale pour Leyland, la Seconde pour Sawyer, la Corée pour Parisot) ​Ma Mère l'Oie se fait ainsi le creuset d'un imaginaire sombre, d'un « gothique américain », symptomatique d'un pays en construction mythique, qui se cherche et se fabrique une histoire qui lui soit propre. La multiplicité des voix et documents — plus qu'à leur tour contradictoires — permet d'approfondir cette analyse. Ces portraits incomplets et sujets à caution, ces morceaux choisis, ces exégèses érudites mêlées de tranches de vie, dessinent ainsi une Amérique onirique, celle d'Hollywood et des gangsters de Chicago faite de rêves et de violences, et riche en traumatismes plus ou moins avoues. Une Amérique pathologique — et donc authentique ? —, vécue de l'intérieur et observée — disséquée — d'une manière faussement neutre par des lecteurs s'appropriant leur lecture — jolie mise en abyme. Irréprochable sur la forme comme sur le fond, tant les deux sont imbriqués à s'étouffer, et d'un à­propos indéniable, ​American Gothic se dévore comme un page­turner sans pour autant prendre le lecteur par la main, mais au contraire en l'incitant à s'interroger sur son propre regard. En s'éloignant un tantinet de l'imaginaire, qui n'est plus traité ici que par la bande, devenant sujet et non méthode, Xavier Mauméjean signe probablement son roman le plus abouti et le plus convaincant (on ne peut s'empêcher à cet égard de le placer dans la lignée de Lilliputia, mais avec davantage de réussite). C'est dire si l'on recommandera chaudement cet ​American Gothic d'excellente facture, aussi intelligent que passionnant, à dévorer sans modération. Bertrand Bonnet Indications La revue des romans, juin 2013 L’imaginaire US Dans ​American Gothic (Alma, 2013), un roman superbement construit sur la naissance d'un imaginaire américain, Xavier Mauméjean laisse le « je » du narrateur au traducteur de ​Mother ​Goose, François Parisot. Ce ​Mother ​Goose est une compilation de contes américains et le chef­d'œuvre de Daryl Leyland. Parisot n'a jamais réussi à convaincre un éditeur de publier sa traduction. Il tente cependant de cerner la personnalité de Daryl Leyland. Et pour cela, il laisse lui­même la parole à des témoins, producteurs à Hollywood qui veulent tirer un film de la vie de Leyland, scénaristes, spécialistes de l'œuvre, camarades d'école, de maison de correction, de ferme de redressement, éditeurs de Mother Goose, etc. François Parisot, alias Xavier Mauméjean, reconstruit ainsi la vie extraordinaire de Daryl Leyland. Dont on se demande toujours si lui aussi, autant que le traducteur, n'est pas un personnage inventé de toutes pièces par le thaumaturge qu'est l'auteur final, c'est­à­dire Xavier Mauméjean. Une autre forme de mise en abyme. Libération supplément livres, 23 mai 2013 Comptines étoilées Xavier Mauméjean fouillent le passé d’un auteur de récits cruels, dans l’Amérique du Maccarthysme American Gothic fait référence au tableau de Grant Wood, qui représente « ​deux paysans à l'air sévère, aux visages dénués d'expression, l'homme tenant sa fourche et la femme légèrement en retrait ». Xavier Mauméjean y voit sans doute l'instantané d'une certaine Amérique. De même, avec son roman apporte­t­il à sa façon une pierre à la mythologie américaine du début du XXe siècle. Comment une œuvre colle­t­elle à un moment à l'imaginaire d'un pays et tatoue­t­elle sa culture ? Prenons ​Ma mère l'Oie d'un certain Daryl Leyland, recueil de comptines cruelles, et retraçons­en, nous dit Mauméjean, la généalogie individuelle et collective... Un prototype hollywoodien, puissant patron de la Warner Bros., Jack L. Warner, ouvre le bal. Avide de damer le pion à Disney, il ambitionne d'adapter à l'écran Ma Mère l'Oie, paru en 1938. Mais nous sommes en 1953, à l'époque de la guerre de Corée et du maccarthysme Il faut enquêter dans le passé de l'auteur pour gommer ce qui pourrait heurter le conformisme moral et politique. Une enquête policière et chorale démarre ainsi pour percer la biographie d'un profond mystère. Ajoutons qu'une seule photo subsiste de Daryl Leyland, orphelin de mère, abandonné par son père. Elle date de 1933. « ​Leyland tient dans la main gauche ce qui ressemble à un chapelet, et qui est en fait une cordelette à nœuds. On sait aussi qu’il avait toujours un bout déficelle dans sa poche. Leyland le nouait chaque fois qu'il devait prendre une décision importante ou qu'une période de sa vie s'achevait. » Des témoins ayant approché cet obsessionnel du nœud sont conviés, au travers de discours parfois contradictoires : ses compagnons de l'institut pour enfants de l'Illinois, des vétérans, son éditeur... Les formes diffèrent : entretiens, rapports, notes. De cette progression sur la forme et le fond se dessine en creux la personnalité excentrique de Daryl Leyland et de son illustrateur asocial mais de génie, Max Von Doren. Tout un portrait de l'Amérique émerge, la ferme, la guerre, la criminalité, la confiserie... Et un pays qui bascule dans le consumérisme aiguisé par la publicité. Le plus abouti tient dans la pathologie créatrice de cette figure de la littérature populaire pétrie par Mauméjean près de l'univers de foire qu'il affectionne (déjà avec ​Lilliputia, Calmann­Levy « Interstices »). Enfant malheureux et introverti, Leyland a développé une profonde méfiance à l'égard des adultes. « À l’​inverse, l'attention qu'il porte à l'égard des enfants constitue l'essence même de son œuvre. » Ainsi, 75,9 % des récits de Ma Mère l'Oie font état de sévices sur des enfants. Une liste les 'détaille : une fille dont le visage est pelé à l'épluche légumes, un enfant coupé en deux dans le sens de la hauteur... Le recueil a été conçu par quelqu'un qui, tout en ayant refusé le monde des adultes, en a percé ses parts d'ombre et ses rêves coupables. Professeur de philosophie, écrivain protéiforme et directeur de la collection « Pandore » (I), au Pré aux Clercs, Xavier Mauméjean livre une métaphore de l'œuvre, puissance évocatrice, miroir existentiel, canular plausible. Est­ce si nécessaire de connaître un auteur pour être pénétré de ses écrits ? « Cela ne sert à rien d'expliquer l'œuvre par l'homme. Personne ne peut comprendre Daryl Leyland sans avoir d'abord été inventé par lui. » Frédérique Roussel Les Inrockuptibles, 15 mai 2013 Pop fiction Xavier Mauméjean tisse la biographie­patchwork d'un auteur culte, aux origines de la culture pop. Je veux que l'on sorte un film qui enfonce Le Magicien d'Oz et Autant en emporte le vent ' 1953, le patron de la Warner Bros souhaite prendre sa revanche sur Disney en adaptant ​Ma mère l’oie, recueil de contes annoté par un certain Daryl Leyland, très populaire aux États­Unis. Mais en plein maccarthysme, il faut d'abord s'assurer que la biographie de ce Leyland n'est pas entachée de sympathies communistes. La Warner fait alors appel à Jack Sawyer, chargé d'enquêter sur l'écrivain et, si besoin, de nettoyer la bio du ​'compilateur de Chicago. Auteur de romans fantastiques et membre du Collège de pataphysique, Xavier Mauméjean compose avec ​American Gothic un livre­patchwork, cousant les unes aux autres des bribes de fiction ­ mémos, lettres, témoignages d'éditeurs, de scénaristes, de lecteurs et même des analyses d'un professeur d'anthropologie ­ qui, une fois assemblées, forment une biographie chorale et bringuebalante de Leyland, cet homme dont la vie fut un "​canular littéraire, dense et allusif Mauméjean fait de ce personnage mystérieux, "​né le 5 et le 12 avril 1893, une sorte de Forrest Gump qui combat dans les tranchées et croise Al Capone lorsqu'il rentre à Chicago, auteur d’un livre culte et de blagues sur des emballages de bonbons. Inclassable, peut­être un peu trop foisonnant, ​American Gothic – référence au tableau célébrissime de Grant Wood représentant un paysan et sa fille ­ remonte aux origines de la culture pop pour dérouler une mythologie sombre et fantasque de l'Amérique comme usine à rêves. E. P. La Voix du Nord, 15 mai 2013 Xavier Mauméjean in « Les Inrocks » On ne le dit pas sans doute assez mais Xavier Mauméjean est un écrivain, un vrai, un grand. Le Valenciennois, prof de philo à Watteau, vient de sortir ​American Gothic, son nouveau roman publié aux éditions Alma, une plongée dans les States version maccarthysme. Le magazine Les Inrocks, à l'intransigeance culturelle assumée, lui offre une belle critique littéraire dans son numéro de cette semaine. Une reconnaissance méritée. Le français dans le monde, mai juin 2013 Le déclin du rêve américain Tout à la fois ode à la « sauvage beauté du pays neuf et fausse enquête biographique, ce roman fascinant croise l’histoire et la politique des États­Unis avec son folklore et sa mythologie. En agitant les épouvantails de la crise, l’auteur puise dans « l’ontologie de l’inquiétude » un matériau brut qu’il sculpte avec ironie et érudition. Il parvient à introduire dans ce patchwork ces « éclats du miroir » des échos d’une angoisse intemporelle, la menace de la naïveté et des illusions sur l’innocence première. Nathalie Ruas La Voix du Nord, 9 mai 2013 DÉDICACE « American Gothic » : le dernier roman de Xavier Mauméjean American Gothic de Xavier Mauméjean plonge le lecteur sous l'ère de Mac Carthy aux États­Unis. À l'occasion de la sortie de son roman American Gothic aux éditions Alma, Xavier Mauméjean donne une séance de dédicaces samedi au Furet du Nord de Valenciennes. Fasciné par l'histoire et le fantastique, l'auteur a reçu plusieurs distinctions pour son œuvre dont deux fois le prix Rosny Aimé en 2005 pour ​La Vénus anatomique et en 2009 pour ​Lilliputia. « ​C'est le roman que j'ai mis le plus de temps à écrire (plus de dix ans). Je voulais aborder l'histoire des États­Unis au moment de la guerre de Corée sous le maccarthysme. Lors d'un voyage en Caroline du Nord, j’ai découvert un recueil étrange cruel et très beau de tradition anglo­saxonne : les contes de Ma Mère l'Oie. Rien a voir avec ceux de Perrault. J’ai découvert aussi la vie incroyable du peintre Henry Darger dont j’ai réinventé la vie pour ma fiction. Je souhaitais étudier la naissance de l'imaginaire américain, l'imaginaire de l'enfance avec en parallèle le projet de la puissante compagnie de cinéma Warner Bros d'adapter sur grand écran "Ma Mère l'Oie" pour contrer Disney », explique le romancier. « ​La Warner ordonne une enquête sur Daryl Leyland, le génial auteur du recueil de contes. Elle engage un obscur scénariste Jack Sawyer pour "nettoyer" la biographie de Leyland de tout ce qui heurterait le conformisme moral et politique » poursuit le romancier valenciennois. À cette enquête s’ajoute un thriller. Un tueur en série s'inspire des contes de ​Ma Mère l'Oie pour « ​mettre en scène ses crimes », ajoute­t­il. Projet pour France culture Xavier Mauméjean signe un livre ici qui fait revivre l'inventivité d'une jeune nation se forgeant sa propre mythologie tout en n'occultant pas la partie obscure du rêve américain. Actuellement, il a adapté ​Frankenstein pour un projet de la radio France Culture. Son prochain ouvrage sera policier avec la rencontre entre Sigmund Freud et Harry Houdini, le roi de l'évasion à New­York en 1909. Le Soir, 4 mai 2013 Les manipulations de Xavier Mauméjean Daryl Leyland, vous connaissez ? Et les histoires de « Mother Goose » ? Alors lisez ! C’est un roman en abyme, en faux semblants, en vrai faux ou faux vrai. Un tour de force d’un écrivain manipulateur arrivé au faîte de son art. Cet American Gothic est fascinant comme le tableau de Grant Wood du même nom, qui montre deux paysans américains, fermés, sévères, l’homme tenant une fourche, sa femme portant un tablier. Un tableau mystérieux et terrifiant. Comme le roman de Xavier Mauméjean. Il s’agit de Daryl Leyland. Et de « Mother Goose », les Contes de ma Mère l’Oye, version américaine. Des contes pour enfants, souvent cruels, sombres, monstrueux. Daryl les a rassemblés, annotés, commentés et, avec son compère dessinateur Max Van Doren, les a publiés en 1938. Mais qui est ce héros de l’imaginaire américain, qui a pu forger une mythologie de la culture US à travers ces « nursery rhymes old and new » ? Xavier Mauméjean part à sa recherche. Ou plutôt François Parisot, le traducteur frustré de cette version de Mother Goose. À travers les témoignages de ceux qui ont connu Daryl Leyland, de ses amis d’orphelinat, de ses camarades de ferme, de Jack Sawyer, le scénariste d’Hollywood chargé d’enquêter sur Leyland par la Warner, qui veut faire un film sur lui, de l’éditeur de Mother Goose, d’un exégète de Leyland, des gens qui travaillaient avec lui à l’hôpital, etc. Par le truchement de ces notes, témoignages, courriers, papiers retrouvés, Mauméjean installe un vrai personnage, qui a connu une vie difficile : son père se débarrassant très vite de lui, il est allé d’établissement en établissement puis de petits boulots en petits boulots. « Il y a dix ans, j’étais en Caroline du Nord, raconte Xavier Mauméjean. J’avais trouvé un recueil de Mother Goose. J’ai été frappé par la grande différence de ces contes avec la tradition européenne : ils sont nettement plus sombres, plus cruels. Je comptais faire quelque chose à ce sujet. Et puis j’ai découvert Henry Darger, un écrivain­peintre américain, que personne ne connaît vraiment et ça m’a plus, sa vie mal barrée, son art brut. Et voilà ce que je devais faire : partir de la vie de Darger pour construire celle de Leyland, un homme sans culture, dont on se demande s’il est idiot ou génial, qui change l’imaginaire de son pays. » Xavier Mauméjean voulait écrire ce livre, mais il ne voulait pas réaliser un pseudo­roman américain. D’où le personnage du traducteur. « Cet Européen, héritier d’un imaginaire millénaire, peut s’interroger sur une jeune nation qui crée son propre imaginaire. » Pour Mauméjean, il y a en effet une mythologie américaine qui se forge. Celle du futur avec la science­fiction, avec les superhéros des comics. Mais aussi avec ce mélange de féerie, d’innocence et de noirceur qu’on trouve dans Mother Goose. « Je crois sincèrement à cette idée que l’enfance doit être confrontée à des peurs terribles. On la retrouve chez Dan Simmons, Stephen King, Peter Straub, le Magicien d’Oz de Frank Baum : il y a une part très sombre dans l’imaginaire américain. » Pistes brouillées Mauméjean brouille subtilement les pistes. Parisot, son traducteur, c’est une référence à Henri Parisot, celui d’Alice au pays des merveilles. Jack Sawyer, son scénariste enquêteur, c’est à la fois Sawyer, le héros de Twain, et Jack, le héros de tous ces contes. Tout est référencé de la même manière. Jusqu’à se demander si Daryl Leyland a vraiment existé. L’auteur répond par énigme. « Le personnage n’existe pas. Mais il y a 90 % de vrai, 5 % de faux et 5 % dont je ne sais d’où ça vient. » Pourtant, Leyland est référencé comme auteur de Mother Goose dans Wikipedia, avec référence éditoriale. À moins que ce ne soit Mauméjean qui l’a introduit lui­même… « J’aimerais bien, lance­t­il, qu’il vive sa propre vie… » Jean­Claude Vantroyen Bifrost magazine, avril 2013 Si Xavier Mauméjean est l'une des chevilles ouvrières de Bifrost depuis une bonne dizaine d'années (on ne compte plus ses collaborations critiques et ses nombreux essais au fil de nos numéros, sans même parler de ses nouvelles que nous publions à mesure qu'il nous les propose), le lecteur esthète le connaît aussi, surtout, pour ses romans (pas loin d'une vingtaine, vu d'ici, explorant plus ou moins toutes les friches des littératures de genre), qui lui ont valu un Grand Prix de l'Imaginaire (pour Bloodsilver, coécrit avec Johan Heliot sous le pseudonyme commun de Wayne Barrow), et deux prix Rosny aîné (pour ​La Venus anatomique et ​Lilliputia). Le même lecteur esthète ne manquera pas de remarquer que ses nouvelles parues dans Bifrost sous le pseudonyme de Luc Dufour (elles aussi, écrites avec Johan Heliot) n'ont pour leur part remporte aucune distinction littéraire, ce qu'il est permis de regretter. On se consolera en réécoutant les nombreuses pièces radiophoniques dont il nous régale avec une régularité métronomique sur les ondes de France Culture, tout en rongeant son frein dans l'attente de la parution de son nouveau roman aux éditions Alma, American Gothic, un livre qui pourrait bien être tout chaud sorti du four a l'heure ou vous lisez ces lignes. Comme tout bon spécialiste de la culture populaire, notre camarade accumule les archives, éditions rares et in­octavos. C'est au cours d'une de ses expéditions de classement homérique au sein de l'étrange officine lui tenant lieu de bureau, tout là­haut, au second, vaste pièce encombrée évoquant le cabinet de curiosité d'un Pierre Savorgnan de Brazza sous acide lysergique, que notre homme a mis la main sur le document que nous livrons ici à votre sagacité. Et qu'on s'épargne donc d'emblée l'envie d'y démêler le vrai du faux : tout est vrai… Technikart, avril 2013 L'Amérique fantastique de Mauméjean Cet auteur fantastique met de côté le genre pour s’attaquer à la face sombre des États­Unis. Bolañesque​. Et si Xavier Mauméjean n'était autre qu'un personnage qui se serait extirpé d'un roman, mettons, d'un disciple de Tolkien ? L'hypothèse n'est pas si saugrenue, lorsque l'on s'attarde un instant sur l'étrange couplé moustache­barbe de cet écrivain sous­estimé. Oui, sous estimé car, en France nous avons l'un des maîtres du « mauvais genre » et de l’« imaginaire » (lisez « ​Lilliputia », « ​Mémoires de l'homme éléphant », « ​Rosée de feu » etc.) et on ne le sait que trop peu sauf peut­être dans le réseau des fans de jeux de rôles à catogan et des adolescentes gothiques kiffant la fantasy. D'ailleurs, ce grand fan de Sherlock Holmes (et membre du Collège de ‘pataphysique) n'a pas le profil « Blanche Gallimard », signant dans les salons des livres de deuil ou de déceptions amoureuses pour sexagénaires divorcées de la fonction publique. Et c'est tant mieux. PART D'OMBRE S'il ne relève pas a proprement du genre fantastique, son dernier livre, ​« American Gothic » s'ancre dans ce parcours hors des autoroutes éditoriales. « J'avais acheté dans une vieille Bouquinerie de Charleston un recueil des "Contes de ma mère l'Oye". Ces récits, énigmes et charades me sont apparus comme des éclats du rêve américain. Pas ce que l'on entend d habitude sous cette expression, la réussite sociale et financière, mais sa part d'ombre, inconsciente, faite de cruauté et de rires coupables. » Au bout de cinq ans, Mauméjean en a tiré un fascinant patchwork à la Roberto Bolaño, qui ne perd jamais l'esprit du conte. « Le roman propose aussi une relecture de la vie du peintre Henry Darger et je voulais que les témoignages a son égard soient variés, parfois même contradictoires. Enfin le récit étant aussi une histoire de l'Amérique, la matière ne manquait pas : Boston puritaine au XVIIe siècle, industrie du porno des années 50, Première Guerre mondiale, guerre de Corée côté français, cinéma, tueur d'enfants, Maccarthysme, histoire de la confiserie américaine, légendes urbaines, hobos ; asile pénitentiaire, jazz, CBS, Chicago etc. » Une vraie peinture des USA, quoi « LA LITTÉRATURE FRANÇAISE PUE » Bonne nouvelle : Xavier Mauméjean vient de reprendre, en tant qu'éditeur, une collection de littérature pour « jeunes adultes », baptisée Pandore, au Pré aux Clercs. L'occasion, peut être de rappeler l'aberrant mépris de la République des lettres nationale envers le genre fantastique – alors que les talents ne manquent pas Catherine Dufour, Fabrice Colin, Laurent Kloetzer, Jérôme Noirez… « A force de ne pas s’ouvrir, la littérature française sent le renferme s'agace Mauméjean. Et a force de ne pas l'ouvrir, elle pue de la gueule. » C'est dit. Baptiste Liger Livres Hebdo, 29 mars 2013 La légende de Daryl Comment, vous ne connaissez pas ​Ma mère l'Oie ? ​Mother Goose, une compilation de contes américains ? Soit le chef­d’œuvre de Daryl Leyland, grand compilateur de légendes urbaines, considéré comme l'égal de Round et de Salinger alors qu'il n'a jamais écrit. Ce classique des lettres américaines est le cœur du roman en forme de puzzle que signe Xavier Mauméjean dans la collection « Pabloïd » d'Alma éditeur. Une collection qui invite ses participants à tourner autour d'un des thèmes fondamentaux de l'art. Repéré par les amateurs de fantastique et de science­fiction avec ​Grendel (Denoël, 2011) ou ​Lilliputia (Calmann­Lévy, 2008), Mauméjean livre ici une variation sur la souffrance. Il faut l'accompagner dans un labyrinthe étonnant. On y croisera Jack L. Warner, l'un des grands pontes d'Hollywood, le puissant patron de la Warner Bros. Après avoir eu maille à partir avec le sénateur McCarthy employé à éradiquer les Rouges, Warner a envie d'un film qui enfonce ​Le magicien d'Oz. L'occasion de faire la nique à Disney qui a bu la tasse avec son ​Alice aux pays des merveilles. Pourquoi ne pas adapter ​Ma mère l'Oie ? Mais avant, mieux vaut s'assurer que son auteur n'est pas un dangereux bolchevique. Qui est d'ailleurs vraiment Daryl Leyland ? L'enquêteur mandaté par Warner, un certain Jack Sawyer, se penche sur son cas. Voici que s'éclairent peu à peu les différentes facettes d'un fils de tailleur ne a Chicago en 1893. Leyland a très tôt perdu sa mère et a fréquenté l’orphelinat. ll s'agit là d'un être méfiant vis­à­vis des grandes personnes et obsédé par le temps qu'il fait. D'un créateur qui a fait équipe avec l'illustrateur Max Van Doren, refusant de se plier aux exigences du monde et se battant pour imposer « ​leur vision au réel » Très habilement construit, ​American Gothic entraîne le lecteur dans un jeu de pistes aussi séduisant qu'intriguant. En s'interrogeant sur le monde unique de l’enfance avec sa force et sa fragilité. Alexandre Fillon Internet Blog­O­Livres, 18 août 2016 http://www.blog­o­livre.com/american­gothic­xavier­maumejean/ J’ai passé un excellent moment de lecture avec cet ​American Gothic, et pourtant il est difficile de le chroniquer tant je pense il dépendra de chacun. Ce roman est un véritable Patchwork nous proposant de découvrir, à travers témoignages et retours, Daryl Leyland auteur avec Max Van Doren de la version américaine des ​Contes de Ma Mère l’Oie. On découvre ainsi un personnage à la fois étrange et surprenant dont on ne sait pas s’il s’agit d’un génie ou s’il est fou. Représentant un peu de ce rêve américain, on va aussi se rendre compte qu’il possède une zone plus sombre. J’ai ainsi été fasciné par cet icône ainsi que son compère qui ne manque pas d’intriguer aussi. Mais surtout c’est dans le jeu de faux­semblants que l’auteur réussi à happer je trouve, dans cette sorte de réécriture de l’histoire, mélange de faits historiques et d’invention. On découvre aussi en fond une Amérique à la fois fascinante et imagée, qui ne manque pas de rappeler certains films, et qui pourtant est palpable, captivante. Un pays jeune en pleine construction qui se cherche une mythologie. L’ambiance à la fois candide et angoissante colle aussi parfaitement au récit. Au final ce roman propose un mélange complexe, aux nombreuses clés de lecture, dont chacun se fera son propre avis, son propre ressenti. Moi j’ai passé un excellent moment avec ce récit maîtrisé du début à la fin et où l’auteur joue avec le lecteur et avec les styles. La Cause littéraire, 12 août 2016 www.lacauselittéraire.fr Au moment où la sortie du film ​Le Monde fantastique d'Oz rappelle aux Français l'existence de Lyman Frank Baum, dont le roman ​Le Magicien d'Oz a été rendu célèbre par l'adaptation de Victor Fleming en 1939, le roman de Xavier Mauméjean lui invente un rival, Daryl Leyland (1893­1953), à qui il attribue un recueil de poèmes, de contes et de légendes urbaines : ​Ma mère l'Oie. Ce recueil concentrerait l'essence de l'imaginaire américain, ce qu'exprime le titre ​American Gothic repris au tableau de Grant Wood dont les deux paysans à la mine sévère traduisent sa défense de l'Amérique rurale et de sa culture. Mais le livre de Xavier Mauméjean s'attache moins à ​Ma mère l'Oie, dont il invente cependant des extraits, qu'à la figure de Daryl Leyland, qui constitue le fil directeur d'un roman à la narration éclatée. ​American Gothic se donne comme l'œuvre du traducteur français de ​Ma mère l'Oie, qui reproduit les documents liés à une adaptation avortée de l'ouvrage par le producteur Jack L. Warner dans les années cinquante. À cette occasion, la Warner lance sur les traces de Leyland le scénariste Jack Sawyer, auteur d'un mémoire sur Leyland, chargé de vérifier que la biographie de Leyland n'expose pas le studio aux foudres de la sous­commission d'enquête au Sénat présidée par McCarthy. Le roman est ainsi composé pour l'essentiel des rapports de Jack Sawyer, mais aussi d'analyses de l'œuvre ou de la vie de Leyland par un universitaire, de différents témoignages, dont ceux des éditeurs de Leyland, d'extraits de ​Ma mère l'Oie et d'interventions du traducteur. La vie de Leyland démarque celle de l'artiste brut Henry Darger, cité en épigraphe du roman, auteur en particulier de ​L'Histoire des Vivian Girls dans ce qui est connu sous le nom des Royaumes de l'Irréel et de la violente guerre glandéco­angelinienne causée par la révolte des enfants esclaves, illustrée par Darger lui­ même : abandonné par son père dans une institution catholique, puis interné, fugueur, Darger passe l'essentiel de sa vie à Chicago, où il travaille pour un hôpital catholique. Xavier Mauméjean reprend non seulement les grandes lignes de la biographie de Darger, mais aussi des détails nombreux, comme sa fascination pour la météorologie ou sa date de naissance, le 12 avril. Le coup de théâtre final, qui paraît une facilité narrative, est empruntée lui aussi à la biographie de Darger. À partir de la vie de Darger, aujourd'hui reconnu comme un grand artiste, Xavier Mauméjean réussit à créer un roman original autant par sa narration que par le tour presque fantastique qu'il donne au personnage de Leyland, mais aussi à relever le défi redoutable qu'est l'invention d'une œuvre fictive censée être un classique de la littérature. Or, non seulement Xavier Mauméjean a le courage littéraire de proposer au lecteur des extraits de ​Ma mère l'Oie et une description précise de l'ouvrage, mais il parvient à transmettre au lecteur la fascination éprouvée par les personnages pour un recueil qui se révèle une extraordinaire œuvre d'art brut. Cette fascination s'attache tout autant au personnage de Leyland, à qui Mauméjean sait attribuer le rapport trouble à l'enfance et la cruauté de l'œuvre de Darger, ménageant savamment les lacunes, les contradictions, les doutes, pour faire de son roman une inquiétante machine à fantasmes.
Ivanne Rialland Phenixweb.net par Stéphane Croenne le ​6 janvier 2015 http://www.phenixweb.net/American­Gothic Le roman gravite autour du destin très accidenté de Daryl Leyland, et de son acolyte Van Doren, qui vont compiler, reprendre et illustrer les ​Contes de ma mère l’oie, projet qui constituera l’œuvre del eur vie. La porte d’entrée de ce parcours, c’est l’enquête menée par Jack Sawyer, embauché par la Warner pour filtrer la bio de Leyland en vue d’une adaptation pour le grand écran. Le roman possède (au moins) deux points forts. Tout d’abord, son enfumage systématique sur l’authenticité des personnages et des événements : les faits historiquement avérés se mêlent sans cesse à la fiction, qui se garde bien de se révéler comme telle. Car vous l’avez compris : Leyland n’existe pas ! Pas plus que Van Dor en l’illustrateur... Quant à leur version des ​Contes de ma mère l’oie... Vous pouvez toujours tenter de vous la procurer... Mauméjean ne cherche pas tant à « en fictionner » le réel qu’à « réaliser » la fiction et ça marche. Quand vous mêlez du faux au vrai avec précision, une connaissance profonde de la culture américaine et une bonne dose d’aplomb, le faux devient une hypothèse plus que vraisemblable. L’auteur a poussé le vice jusqu’à entrer ​Daryl Leyland dans Wikipédia, à l’article Mother Goose !! (Chercher dans « other examples »). L’autre point fort, c’est la structure en patchwork du roman. Rien n’est linéaire dans cet ouvrage. On passe d’un témoignage à un autre, d’un « rapport » de Jack Sawyer à l’analyse d’un prof de fac, des souvenirs d’un ancien pensionnaire du Lincoln Asylum au courrier d’une instit à la retraite, et tutti quanti. Et c’est en se baladant dans cette foire d’échos que se tisse patiemment le profil imaginaire de Leyland. Mauméjean construit ainsi une sorte de monadologie où tous les chapitres expriment un même univers mais d’un point de vue différent. Sauf qu’à la différence de la Monadologie de Leibniz qui nous expliquait que nous étions dans le meilleur des mondes, il s’agit ici d’un monde où les enfants sont violés la nuit dans les foyers ; où la rigidité de la morale se paie de la sourde ultra violence des mœurs ; où l’image et le show occupent la place que tenait jusque­là le St­Esprit dans la théologie chrétienne, entre l’individu et le sacré ; et où des psychopathes qui en Europe finiraient sans gloire et sans nom au fond d’un asile, deviennent les héros d’une civilisation en train de se bâtir de l’autre côté de l’océan. On est ici en Amérique. Et Mauméjean, sur le sujet, a bien des fables à nous raconter. Bref. ​American Gothic est un très bon roman, un tout grand livre qu’on ne peut que recommander. Mes imaginaires.net, 26 novembre 2013 http://mesimaginaires.net/2013/11/26/american­gothic­xavier­maumejean/ Salon­littéraire.com, 25 juillet 2013 American Gothic, De profundis... Et voici ​American Gothic ­ titré ainsi en hommage à un tableau bien connu de Grant Wood ? ­, un bien drôle d’objet, plutôt inclassable et c’est bon signe. D’une richesse foisonnante, ce livre interpelle et fascine le lecteur. On proposera ici des pistes pour pénétrer facilement dans cet ouvrage de Xavier Mauméjean. Le coup de dé d’un producteur aux abois… 1953, Hollywood. En plein maccarthysme, Jack Warner décide d’adapter à l’écran les contes de ma mère l’oie, ouvrage très populaire dont le succès est comparable à celui du magicien d’Oz. Il ne le fait pas par amour du livre mais par goût du lucre. Surtout, Warner cherche à se relancer face à la concurrence de la télévision et aux lois anti­trusts qui ont amené les studios à se défaire de la partie exploitation, c'est­à­dire des salles de cinéma. Reste qu’il s’agit d’une adaptation risquée, avant tout à cause de l’auteur, Daryl Leyland, dont personne ne connaît la vie. Warner, méfiant et échaudé par les investigations anti­rouges, décide de mener une enquête sur l’auteur du livre, Daryl Leyland. Il confie ce boulot à un scénariste, Jack Sawyer. Ce dernier a essentiellement servi de prête­nom pour des collègues blacklistés et n’a travaillé réellement que sur une adaptation de la légion de l’espace – au passage un des grands classiques de la science­fiction des pulps ­ de Jack Williamson. Commence alors un récit où jamais Jack Sawyer n’interviendra directement. Le lecteur comprend qu’il s’agit d’un grand admirateur des contes de ma mère l’oie : n’a­t­il pas lu en guise d’oraison funèbre un texte qui en était extrait sur la tombe d’un de ses camarades morts au combat en 1944 ? Mais Sawyer n’existe que par témoignages recueillis sur l’auteur, Daryl Leyland, nœud de l’histoire bien sûr. Qui est l’auteur ? Leyland perd ses parents très tôt et est élevé dans une maison de correction. Pour échapper à l’ambiance angoissante et oublier les punitions corporelles infligées par les gardiens, Daryl s’isole, imagine des histoires. De lui, des psychiatres diraient qu’il a fui le réel sordide pour un monde de comptines et de rêves enfantins. Il a un disciple, Max Van Doren, encore plus renfermé que lui et qu’il sauve de la persécution de leurs camarades. Véritable grand frère des enfants de Wild Boys of the road de William Wellman, Leyland fuit l’institution, vagabonde sur les routes, effectue des petits boulots avant d’arriver à Chicago. Survient la première guerre mondiale où il devient brancardier. Rien ne prédestine Daryl Leyland, à la fois garçon sauvage et candide, à devenir l’auteur d’un véritable morceau d’americana, les contes de ma mère l’oie. En fait, Leyland a une démarche similaire à Charles Perrault, c'est­à­dire qu’il recréée, digère les contes entendus lors de ses pérégrinations avant d’en donner sa version. Et les illustrations de Max Van Doren, véritables collages avant la lettre, contribuent à son succès. Mais les contes de ma mère l’oie, pleins de farces cruelles, semble être aussi capable de générer des phénomènes étranges. Face lumineuse : des conventions de fans se montent, des universitaires écrivent sur l’œuvre. Face sombre : un tueur de petites filles n’hésite pas à se revendiquer de son œuvre, au grand désespoir de Daryl Leyland. Quand à Jack Sawyer, personne ne le verra revenir vivant de son enquête. Exploration de l’âme américaine American Gothic surprend autant par l’ampleur de ses références ­ le travail de documentation de Xavier Mauméjean force le respect, tant sur la culture américaine que sur l’époque abordée ­ que par sa structure. Car l’auteur utilise articles, rapports, mémos, entretiens avec des témoins, notes de bas de page d’un universitaire français, pour raconter son histoire. De plus, sans gros effets horrifiques ou fantastiques, il parvient à nous effrayer car, à travers Leyland et les contes de la mère l’oie, il capte quelque chose d’indicible et de monstrueux, caché dans les replis d’une enfance torturée. Ses contes font rêver les enfants mais la noirceur – celle de l’auteur, personnalité profondément dysfonctionnelle­ n’est jamais loin. Au bout d’un moment, l’amateur finit par penser qu’American Gothic sonne comme un cousin des romans d’Ambrose Bierce ou même de ceux de Stephen King (à Ça par exemple, où sévit une créature au visage de clown aux blagues meurtrières). Derrière le rêve, le cauchemar... Grande réussite au ton dérangeant, American Gothic est assurément une des grandes lectures de cet été. C’est aussi une énième preuve qu’un auteur de science­fiction est capable d’une ambition narrative que ne renieraient pas des auteurs de littérature dite « mainstream » !! Sylvain Bonnet Annefakhouri.over­blog, 23 juillet 2013 Je fais partie des lecteurs confiants. Je m’en remets facilement au bon vouloir de l’auteur ; ce que je ne comprends pas tout de suite, je le mets de côté, persuadée que le maître d’œuvre me donnera ses réponses quand il l’aura choisi. American Gothic est une histoire de confiance. Étrange constat quand on sait que le sujet repose sur des points de vue, des perceptions et une troublante opposition de la véracité et de la vérité. La Warner a décidé de supplanter son rival, Walt Disney, en adaptant un recueil de comptines et histoires connu et reconnu en Amérique, la Mère l’Oie. Recueil qui fait référence, pour nous européens, à une autre compilation, celle des contes de Perrault. Ils envoient donc un nettoyeur de biographie sur les traces de l’auteur. De témoignage en memo, de lettres personnelles en rapport de psy, le lecteur découvre qui est Leyland, un brillant autiste ou un fou dangereux, un homme qui donne du pouvoir aux mots ou se laisse déborder par leur sens profond. Je ne rentrerai pas dans une analyse dont je suis de toute façon incapable, tant ce livre est riche de pistes de lecture et mérite, par ailleurs, de garder sa part de mystère. Il fait partie de ces romans que chaque lecteur doit s’approprier de façon si personnelle que le décortiquer serait un frein à la lecture. Mais puisque l’enthousiasme m’oblige à en dire quelque chose, je refuse de céder à ma première facilité et de parler de puzzle pour American Gothic. Je préfère rester dans un thème cher à son auteur et évoquer le fond de magicien ; lorsque le lecteur pense avoir enfin mis le doigt sur la vérité, une nouvelle page s’ouvre et permet d’accéder à une strate complémentaire, opposée, supplémentaire ou tout simplement ramenée à son intégralité. Les filtres se superposent jusqu’à donner une image complexe, parfois floue, du personnage, jamais incompréhensible, car il y a chez Xavier Mauméjean cette compréhension tacite de l’étrange, cette littérarité qui privilégie le sens, le sensé, avant le communément intelligible. J’ai refermé ce livre, persuadée que j’avais tout compris et que tout m’échappait. Xavier Mauméjean s'y livre à une pirouette assez savoureuse pour qui le connaît un peu, jouant habilement avec le masque de l’analyste, et parsemant son œuvre de mises en garde : on ne confond pas objet littéraire et biographie. Pourtant, un Parisot­Mauméjean, dans ses remerciements, sert de lien entre l’auteur et le lecteur. Il s’en est fallu de peu pour que j’écrive Japrisot, d’ailleurs. Finalement, peu d’auteurs sont capables de rendre leur lecteur intelligent en le touchant au plus profond de son inconscient, en mêlant tradition populaire, engagement, connaissances historiques et épiphanie littéraire. Je reprendrai les mots d’un ami avec qui nous parlions de ce livre : « Parmi les auteurs d’aujourd’hui, il restera, plus tard, Xavier Mauméjean. » Je le crois. À une époque où, par facilité, on ne jure que par la technique, Mauméjean nous prouve qu’il est possible de lui rendre sa vraie valeur : celle d’un outil savamment maîtrisé pour exprimer un savoir­être et transcender le jeu traditionnel entre fiction et réalité. http://annefakhouri.over­blog.com/american­gothic La Cause Littéraire, 18 mai 2013 Au moment où la sortie du film Le Monde fantastique d’Oz rappelle aux Français l’existence du Lyman Frank Baum, dont le roman Le Magicien d’Oz a été rendu célèbre par l’adaptation de Victor Fleming en 1939, le roman de Xavier Mauméjean lui invente un rival, Daryl Leyland (1893­1953), à qui il attribue un recueil de poèmes, de contes et de légendes urbaines : ​Ma mère l’Oie. Ce recueil concentrerait l’essence de l’imaginaire américain, ce qu’exprime le titre ​American Gothic repris au tableau de Grant Wood dont les deux paysans à la mine sévère traduisent sa défense de l’Amérique rurale et de sa culture. Mais le livre de Xavier Mauméjean s’attache moins à ​Ma mère l’Oie, dont il invente cependant des extraits, qu’à la figure de Daryl Leyland, qui constitue le fil directeur d’un roman à la narration éclatée. ​American Gothic se donne comme l’œuvre du traducteur français de ​Ma mère l’Oie, qui reproduit les documents liés à une adaptation avortée de l’ouvrage par le producteur Jack L. Warner dans les années cinquante. À cette occasion, la Warner lance sur les traces de Leyland le scénariste Jack Sawyer, auteur d’un mémoire sur Leyland, chargé de vérifier que la biographie de Leyland n’expose pas le studio aux foudres de la sous­commission d’enquête au Sénat présidée par McCarthy. Le roman est ainsi composé pour l’essentiel des rapports de Jack Sawyer, mais aussi d’analyses de l’œuvre ou de la vie de Leyland par un universitaire, de différents témoignages, dont ceux des éditeurs de Leyland, d’extraits de Ma mère l’Oie et d’interventions du traducteur. La vie de Leyland démarque celle de l’artiste brut Henry Darger, cité en épigraphe du roman, auteur en particulier de L’Histoire des Vivian Girls dans ce qui est connu sous le nom des Royaumes de l’Irréel et de la violente guerre glandéco­angelinienne causée par la révolte des enfants esclaves, illustrée par Darger lui­même : abandonné par son père dans une institution catholique, puis interné, fugueur, Darger passe l’essentiel de sa vie à Chicago, où il travaille pour un hôpital catholique. Xavier Mauméjean reprend non seulement les grandes lignes de la biographie de Darger, mais aussi des détails nombreux, comme sa fascination pour la météorologie ou sa date de naissance, le 12 avril. Le coup de théâtre final, qui paraît une facilité narrative, est emprunté lui aussi à la biographie de Darger. À partir de la vie de Darger, aujourd’hui reconnu comme un grand artiste, Xavier Mauméjean réussit à créer un roman original autant par sa narration que par le tour presque fantastique qu’il donne au personnage de Leyland, mais aussi à relever le défi redoutable qu’est l’invention d’une œuvre fictive censée être un classique de la littérature. Or, non seulement Xavier Mauméjean a le courage littéraire de proposer au lecteur des extraits de ​Ma mère l’Oie et une description précise de l’ouvrage, mais il parvient à transmettre au lecteur la fascination éprouvée par les personnages pour un recueil qui se révèle une extraordinaire œuvre d’art brut. Cette fascination s’attache tout autant au personnage de Leyland, à qui Mauméjean sait attribuer le rapport trouble à l’enfance et la cruauté de l’œuvre de Darger, ménageant savamment les lacunes, les contradictions, les doutes, pour faire de son roman une inquiétante machine à fantasmes. Ivanne Rialland RSF Blog, 4 mai 2013 Il y a des auteurs qu'on suit et qu'on lit régulièrement. Parmi les auteurs français, dans mon parcours de lectrice, il y a Mélanie Fazi (qui publie trop peu à mon goût), Thomas Day (dont le dernier recueil de nouvelles prend la poussière dans la PAL et c'est mal), Michel Pagel (dont le dernier recueil de nouvelles prend la poussière dans la PAL, c'est mal, je le répète) et Xavier Mauméjean. Tous les ans (ou presque) je lis un roman de Xavier Mauméjean. Et c'est toujours avec plaisir (un plaisir de lecture émotionnel, doublé d'un plaisir plus "intellectuel"). En 2009, ​Lilliputia m'avait impressionnée. En 2010, ​La Vénus anatomique m'avait enchantée. Et, l'année dernière Rosée de feu m'avait mis une claque (pas de chronique puisque M. Lhisbei s'y était collé mais j'avais la même réserve que pour ​La Vénus anatomique : une fin trop abrupte). Et cette année, il y a ​American Gothic. On va faire court : si vous ne devez lire qu'un seul roman de Xavier Mauméjean (mais si vous en lisez un, vous en lirez d'autres), c'est ​American Gothic, et pas un autre, qu'il faut lire. Ce roman, que je rapproche de ​Lilliputia – nous sommes de retour dans les USA d'avant 1960, "balaye" d'une certaine façon les précédents tant il est maîtrisé sur le fond et dans la forme. Et en parler est, pour moi, très compliqué. C'est simple (et c'est compliqué, je ne suis plus à un paradoxe près sur ce blog), je suis dans le même état que pour mon billet sur ​Rêves de gloire de Roland C. Wagner : à court de mots. À court de mots pour exprimer ce que j'ai ressenti à la lecture. À court de mots pour rendre à ce livre l'hommage (terme pompeux et approximatif) qu'il mérite. À courts de mots pour expliquer en quoi et pourquoi c'est l'un des meilleurs romans que j'ai lu depuis longtemps. D'une certaine façon, c'est déjà un signe. Un roman qui vous laisse sans voix, vous époustoufle au sens premier du terme (étonner au point de couper le souffle)... c'est une piste à creuser pour écrire un billet. Mais cela ne suffit pas. Accrochons­nous aux mots, comme un futur noyé s'accrocherait à une planche d'une épave, voyons si nous survivons à cette chronique. Et ces mots seront ceux de Xavier Mauméjean lui­même, avec cette citation extraite du livre : « Une œuvre à la fois simple et exigeante, un défi lancé au lecteur. De quoi l'enchanter ou défier sa tolérance. Une somme qui lui était offerte sans pour autant chercher à communiquer avec lui. C'est en lisant le livre que chacun trouverait dans son âme les motifs complexes qui l'avaient amené à exister. » American Gothic est une œuvre à la fois simple et exigeante. Simple parce que les pages se tournent toutes seules : témoignages, enquêtes et contes se succèdent, plongeant le lecteur dans un tourbillon d'informations sur la vie de Daryl Leyland, auteur d'un recueil de contes (Mother Goose) qu'il fera illustrer par son ami, idiot mais artiste génial, Max Van Doren. Comme des poupées russes, les éléments s'emboîtent avec une apparente facilité. Exigeante parce que les nombreuses intrications (l'influence d'une ville – Chicago, la figure tutélaire de Jack, la gémellité avec Le magicien d'Oz, et tant d'autres encore) multiplient les niveaux de lecture et forment un patchwork (première clef de lecture offerte au lecteur par l'auteur dès l'introduction) dense et cohérent. Le roman est écrit par François Parisot, écrivain fasciné par Mother Goose et qui s'était lancé dans la traduction du recueil avant que la mort de Daryl Leyland signe l'arrêt de mort de cette traduction. Par fragments, il reconstitue la vie de Leyland, en creux le plus souvent (un peu comme dans le Dracula de Bram Stoker), par des témoignages indirects de proches (camarades de collèges, éditeurs...), des enquêtes – comme celle diligentée par Jack Warner qui souhaite adapter Mother Goose sur grand écran mais se montre prudent car les hommes de Mac Carthy veillent, des contes recueillis ou écrits par Leyland, des analyses de son recueil par des universitaires érudits. Pour autant, la personnalité de Leyland restera mystérieuse jusqu'à la fin. Un défi lancé au lecteur toujours tenté de démêler le vrai du faux, soumis au bon vouloir de l'auteur, conduit par des chemins détournés exactement où ce dernier veut le voir aller (jusqu'au dernier chapitre au sens propre comme au figuré). De quoi l'enchanter par la vie extraordinaire, sur bien des points, de Leyland ou défier sa tolérance à cause de la souffrance qui suinte du texte mais relie comme un fil conducteur. Car même tenue à distance froide (une marque de fabrique de l'auteur, déjà présente dans Rosée de feu), elle prend aux tripes et nécessite d'avoir le cœur et l'estomac parfois bien accrochés. Une somme qui lui était offerte sans pour autant chercher à communiquer avec lui. Voila probablement ce qui résume – si tant est qu'on puisse utiliser ce mot réducteur – le mieux la façon dont j'ai ressenti ce roman : un tout, et donc, bien plus que la somme de ses parties, livré avec des clefs de lectures (déjà évoquées plus haut) mais sans calibrage, sans mode d'emploi, ni de prêt à penser. Au lecteur de faire les liens, de chercher, de combler les blancs pour appréhender le roman dans sa totalité : un roman sur la littérature populaire et son influence sur une société américaine, un roman sur la littérature tout court et sur ce qu'est être écrivain. Et un roman qui pousse le lecteur dans ses retranchements sans pour autant lui déclarer la guerre : C'est en lisant le livre que chacun trouverait dans son âme les motifs complexes qui l'avaient amené à exister. Mystifiant à plus d'un titre, ​American Gothic est le roman de Xavier Mauméjean qu'il faut lire. Un mot pour terminer sur la couverture illustrée par Ted Benoît ? Parfaite et vous saurez pourquoi en lisant le roman. Un dernier passage pour terminer sur le retour de Leyland à Chicago sa ville natale (rapport de Jack Sawyer à Jack Warner) : « [...] Si Daryl voulait un jour évoquer l'Ailleurs, il lui faudrait d'abord ressentir l'Ici même, la manière dont le passé imprégnait le béton et l'acier, rendait les briques friables. À quel point les souvenirs défunts perduraient dans la mémoire des vivants, pareils aux résonances des drames d'hier qui trouvaient leur écho dans les histoires d'aujourd’hui. Disputes à la table du dîner familial, amour qui se brouille dans l'alcool en dépit de la sincère intention de bien faire, comme si les ancêtres soldaient les comptes à travers leurs descendants en guise d'héritage. Il lui faudrait apprendre jusqu'où l'environnement urbain affectait l'humeur des personnes. Le riche trouvait ses manières au cœur des districts aisés, les pauvres se comportaient comme tels dans les garnis municipaux. Adaptation au milieu, concurrence des espèces que voyait d'un bon œil Chicago. La ville perdurait, égale à elle­même. Seulement il fallait quelqu'un pour en témoigner. C'est ainsi que Daryl Leyland s'improvisa cartographe. Conscient toutefois 'être dépourvu du talent d'illustrateur de Max Van Doren, il s'autorisa des vides. Un blanc en bord de carte marquait les extérieurs de la ville, des zones demeuraient inconnues, telle la dangereuse Treizième rue que chacun savait dévolue aux Nègres. En marchant toute la sainte journée, Daryl Leyland défichait et déchiffrait la ville. Sans qu'il le sache, mais à coup sûr, ses déambulations ordonnaient les mots, les structuraient en phrases jusqu'à produire un discours cohérent. [...]» Lhisbei ActuSF.com, avril 2013 American Gothic de Xavier Mauméjean Grâce à "American Gothic" (Alma Editeur), Xavier Mauméjean nous convie à l’exploration d’un autre pan de cette Amérique qui le fascine ­ et qui nous fascine par là même ­, cette Amérique où la frontière ­ la dernière ! ­ entre le réel et l’imaginaire est si ténue que les deux se fondent et se confondent harmonieusement sous la plume talentueuse et précise de l’auteur. Après nous avoir fait revisiter le parc d’attractions extraordinaire de Coney Island, à New York, au début du XXe siècle dans "Lilliputia" (Calmann­Lévy), Xavier Mauméjean nous entraîne maintenant à la découverte de la vie de Daryl Leyland, le célébrissime auteur de "Ma Mère l’Oie" (The Complete Mother Goose", Wellman (Manly Wade ?) & Chaney (Lon ?) Publishers, 1938), cet ensemble de contes contemporains et souvent urbains, si représentatifs de l’Amérique en plein essor et en pleine construction de son époque qu’ils sont devenus légendaires (je note d’ailleurs qu’ils sont souvent, dans leur morale, l’illustration du célèbre dicton américain : "there is no such thing as a free meal"...), avec l’aide puissante des dessins/collages de Max Van Doren, seul ami de l’auteur et illustrateur autiste de génie. Nous suivons l’enquête de Jack Sawyer (obscur scénariste mais fort sympathique au demeurant car ayant fait un synopsis remarquable de "La Légion de l’espace" de Jack Williamson cf. p. 40), chargé de retracer la vie de Leyland et d’en gommer éventuellement tous les détails déplaisants ou non politiquement corrects, car nous sommes en plein maccarthyisme et Jack L. Warner, le tout puissant patron de la compagnie du même nom veut éviter tout problème pour son adaptation cinématographique qui va relancer ses studios... Nous avons la chance que François Parisot (aucun rapport avec le MEDEF), traducteur passionné de Leyland dans notre langue suite à sa découverte de "Mother Goose" dans une édition pour les soldats de l’armée américaine lors de son séjour en Corée avec le contingent français, ait compilé outre l’enquête de Sawyer d’autres documents : dans un ordre chronologique, nous découvrirons donc les échanges de mémos internes à la Warner, les rapports de Sawyer mais aussi, absolument magnifiques dans leurs relations amour­haine, admiration­jalousie, les articles et notes du professeur Richard Case (anthropologue à l’Université de New York et spécialiste mondialement reconnu de l’œuvre de Leyland) plus un certain nombre de témoignages d’amis et d’ennemis de Leyland ou encore de personnes ayant eu l’occasion de travailler avec lui. Cet ensemble permet à Xavier Mauméjean de nous livrer, avec une grande finesse d’analyse, un ensemble de réflexions passionnantes sur l’Amérique et sa culture en général mais aussi sur les sous­cultures que nous aimons beaucoup et qu’il connaît bien, celle du cinéma et celle des littératures de genres (cf. par exemple p. 51 et sq. sur L. Frank Baum et le cycle d’Oz) sans oublier celle des "comic strips". La vie de Leyland, depuis son enfance dans un orphelinat suite à son abandon par son père jusqu’à sa mort au sommet d’une gloire qu’il vit cloîtré loin de ses lecteurs et même de ses éditeurs, reflète les forces et les faiblesses d’une Amérique où l’on peut être passionné et impitoyable, réussir matériellement et échouer psychologiquement, où rationalisme et excentricité peuvent se marier heureusement ­ j’ai adoré le passage (p. 221 et sq) où Leyland, passionné de météorologie, découvre les travaux d’Alfred Watkins sur les "ley lines" et les adapte à la géographie urbaine, mélange extraordinaire de fortéanisme et d’"urban fantasy" prélude à la psychogéographie si chère à certains aujourd’hui dont un certain Xavier Mauméjean... ­, où le réalisme fantastique est une donnée de tous les jours que l’on intègre (cf. le conte "La boutique du docteur Hong" qui est le miroir d’une histoire rapportée par Pauwels et Bergier d’après Jacques Yonnet si je me souviens bien) y compris dans la prégnance du prénom Jack. J’ajouterai qu’en fait, grâce au talent et à la culture de Xavier Mauméjean, c’est toute cette biographie de Daryl Leyland qui est d’un réalisme fantastique hallucinant jusque dans ses moindres détails, impossible de reposer le livre une fois ouvert celui­ci, sans aucun doute l’un des plus achevés de l’auteur à ce jour. Un dernier mot pour saluer la magnifique couverture de Ted Benoit, représentation graphique saisissante d’une photo décrite dans le corps du texte ! Jean­Luc Rivera The Collection that Jack built, 15 avril 2013 Note : ce billet grille ceux que j’avais prévu ! Maintenant qu’on commence à se connaître, vous savez que je ne suis pas trop littérature « blanche ». À l’occasion des dystopiales (V), l’auteur venait dédicacer sa dernière œuvre. Intrigué par sa dédicace (je cite : « À Jack, cet AMERICAN GOTHIC qui est simplement le livre dont tu es le héros »), je n’ai pu m’empêcher, dès le dimanche qui à suivi les sus­mentionnées dystopiales, d’attaquer cette œuvre. Des « Jack », le roman en est bourré ! Entre parenthèses, ce roman fait suite à 10 ans de préparation… Ça force le respect. Franchement, je ne saurais qualifier cette œuvre : fiction ? pseudo­biographie comparée ? chronique d’une époque ? Je manque de culture pour séparer les faits réels (et il y en a !) de la partie fictionnelle. Toujours est­il qu’une fois dedans, on se laisse prendre au jeu et c’est un supplice de poser le bouquin pour d’autres activités pourtant nécessaires (voire vitales). Une réussite sur toute la ligne qui me réconcilierait presque avec la littérature générale… Une gageure car j’ai été traumatisé par les livres qu’on nous forçait à lire au collège ou lycée. Appuyezsurlatouchelecture.blogspot.fr, 6 avril 2013 "Il était une fois et une fois il n'était pas." Comment faire naître une mythologie ? Faut­il souffrir ou avoir souffert pour être un génie créateur ? Voilà deux des grandes thématiques qui sous­tendent le livre dont nous allons parler maintenant. Un roman signé par un auteur connu pour ses romans fantastiques ou de fantasy, mais qui, cette fois, a abandonné la littérature de genre pour nous proposer un roman historique qu'on pourrait croire tout à fait classique. Mais, avec Xavier Mauméjean, on ne s'éloigne jamais complètement du fantastique... Après avoir revisité le mythe de Prométhée dans un parc d'attractions américains du début du XXème siècle dans "​Lilliputia", il retrouve cette société américaine, pays jeune, encore en train de construire sa propre histoire, sa propre culture, sa propre mythologie, pour un roman fantastique, dans le sens "formidable", intitulé "American Gothic" ​(qui sort cette semaine chez Alma Editeur​).Au printemps 1953, alors que ça ne va pas fort pour la Warner Bros, Jack L. Warner, son omnipotent patron, décide de frapper un grand coup et de damer le pion à Disney, en pleine ascension, en lançant un projet d'adaptation pour le cinéma d'un ouvrage qui, à peine 15 ans après sa publication, est un immense best­seller, est devenu déjà, à sa façon, un classique, capable de transcender les générations, les classes sociales, les opinions politiques, etc. Ce livre, intitulé "Ma Mère l'Oie", signé par un certain Daryl Leyland et abondamment illustré par le meilleur ami de celui­ci Max Van Doren, est un véritable OVNI littéraire... Il se compose de 270 textes, comme le nombre d'os d'un bébé, anecdotes, contes, fables, poèmes, en prose, en vers, à l'agencement aussi original que les illustrations qui l'accompagnent et mettent les textes en valeur par leur naïveté, leur expressivité. Publié à la fin des années 30, ce recueil a connu un succès aussi incroyable qu'inattendu, véritable phénomène de société dans lequel tous les Américains se reconnaissent. "Ma mère l'Oie" et son mystérieux auteur, Daryl Leyland, sont également devenus des sujets d'études, les fans organisent même des conventions, auxquelles chacun vient déguisé en son personnage préféré... Rien d'étonnant, tant le livre est devenu populaire, à ce qu'un studio hollywoodien s'y intéresse... Toutefois, il reste un obstacle à franchir pour Warner et son équipe. Et un obstacle de taille. Rien à voir avec la question artistique, en fait, mais avec la situation politique aux Etats­Unis. En cette première moitié des années 50, la haine du communisme atteint son paroxysme dans le pays, dans le sillage des discours et des actions politiques du sénateur McCarthy. Tout ce qui peut, de près ou de loin, ressembler à des idées pro­soviétiques" est voué au bannissement... Or, on sait peu de choses de Daryl Leyland et Warner ne voudrait pas, une fois sa coûteuse production mise en route, que McCarthy vienne fourrer son nez là­dedans et sorte des histoires qui puissent condamner l'oeuvre dans l'oeuf. Alors, Warner décide de confier à un certain Jack Sawyer la délicate mission de revoir la biographie de Daryl Leyland et de la "nettoyer", autrement dit, de s'arranger pour que tout ce qui pourrait provoquer les foudres de McCarthy et de ses sbires disparaisse...C'est donc dans cette double découverte de l'oeuvre et de son auteur que nous nous lançons dans ce roman à la construction très particulière. Ne vous attendez pas à une lecture linéaire, chronologique des faits, "American Gothic" est quasiment un roman épistolaire, où des rapports côtoient des témoignages, où l'on découvre certains extraits de "Ma Mère l'Oie", les épisodes marquants de la vie de Leyland racontés par ceux qui l'ont connu, le résultat du travail de Sawyer et même une analyse de l'oeuvre très érudite d'un professeur nommé Richard Case... Le tout, compilé par un Français qui a découvert Leyland et son livre en Corée et s'est mis en tête de le faire traduire en France, chose, semble­t­il, bien délicate... A travers tout cela se dessine un portrait bien loin des craintes initiales de Warner, tant les choses idéologiques, telles que McCarthy les traquait, semblent éloignées des préoccupations de Leyland. En revanche, ce qu'on apprend de sa vie et de la façon qu'il a de s'inspirer d'elle pour écrire certains des textes présents dans "Ma Mère l'Oie" a quelque chose de carrément inquiétant. La vie de Leyland est, disons­le tout net, tout sauf un conte de fée... C'est un enfer sur terre qu'a traversé le garçon jusqu'à la consécration qui fut la sienne à la fois grâce à son livre mais aussi grâce aux historiettes qu'on lui a demandées de rédiger pour les imprimer sur les emballages d'une friandise au caramel, les Dumbies. Mais, Leyland, comme son lunaire acolyte, le talentueux mais simple d'esprit Max Van Doren, ont surtout grandi et se sont construits dans la souffrance... Avant de continuer, un point édition... Non, restez, c'est rapide et important ! "American Gothic" est paru chez Alma éditeur dans une collection intitulée "Pabloïd". Comme l'explique le rabat en deuxième de couverture, l'idée de cette collection est venue d'une phrase de Pablo Picasso citée par Malraux dans son livre "La Tête d'Obsidienne". Le peintre espagnol y affirme que "les thèmes fondamentaux de l'art sont et seront toujours : la naissance, la grossesse, la souffrance, le meurtre, le couple, la mort, la révolte et peut­être le baiser". La collection "Pabloïd" propose à des écrivains de choisir un thème parmi les 8 cités par Picasso et d'écrire un texte pour lequel ils ont carte blanche dont il sera l'axe principal. Mauméjean, vous l'avez sans doute déjà compris, a opté pour la souffrance... Au fil des pages, alors qu'on s'attend, au départ, à un recueil de textes légers avec de jolies illustrations et des morales assez politiquement correctes, comme on dirait de nos jours, on comprend bientôt que l'univers du duo Leyland/Van Doren est en fait incroyablement sombre, parfois carrément dérangeant, d'une violence évidente et avec des morales tout droit issues du parcours chaotiques des deux amis. Et, en particulier, si "Ma Mère l'Oie" semble s'adresses aux enfants, pour leur éviter certains écueils, ou aux parents, pour leur rappeler la fragilité d'un jeune humain, ce sont justement les enfants qui payent le plus lourd tribut dans le livre... Le professeur Case, dans un chapitre de quatre pages, signale d'ailleurs, à l'issue d'une liste ahurissante, que les 3/4 des textes présents dans "Ma Mère l'Oie" évoquent des sévices sur enfants... Pourtant, la vie de Daryl Leyland, mais aussi celle de Max Van Doren, intimement liées sans être complètement parallèles, sont, au­delà des souffrances et des douleurs subies, assez archétypales de ces personnes nées à la fin du XIXème siècle et qui ont traversé la première moitié du XXème et ses vicissitudes : la pauvreté, les placements dans des institutions sordides, la vie aux champs, les freaks, les hobos, la guerre, etc. Autant d'événements et de situations qui ont, en dehors de "Ma Mère l'Oie", souvent inspiré la littérature et le cinéma américain... Mais surtout, on découvre à quel point les deux hommes ont mis d'eux­mêmes dans la réalisation de cet ouvrage. Tout à fait consciemment, et avec ce côté énigmatique voire inquiétant qui le caractérise, pour Leyland ; avec sa naïveté, son mutisme et son esprit simple (mais peut­être pas autant qu'on ne le croit), pour Van Doren... Un tel concentré de souffrance rassemblé en ces pages ne peut être totalement anodin, et l'on voit aussi, dans le roman de Mauméjean, comment ces histoires, a priori inoffensives, peuvent avoir des conséquences terribles... Que c'est difficile de vous parler de ce roman, vraiment ! Sans doute parce que je voudrais illustrer mes propos, par des citations, des situations, mais ce serait bien trop en dire... Alors, je reste un peu flou, je pense, mais, faites­moi confiance, on a là un roman tout à fait remarquable. Au fur et à mesure que se dessinent (et j'emploie ce mot exprès, puisque Leyland lui­même, tout au long de l'élaboration de ce qui va devenir son livre, parle de son "Grand Dessein") les contours de l'oeuvre et de son auteur, on mesure qu'on a là quelque chose... d'énorme."Ma Mère l'Oie" semble avoir pris une réelle emprise sur la société américaine. Posséder une influence sur les choix éducatifs, les parcours individuels, la morale, etc. Jack Sawyer, le "nettoyeur" de biographie, estime même dans son mémoire de maîtrise, rédigé avant qu'on lui demande de se pencher sur le cas Leyland, que, pour nombre d'Américains, les textes rassemblés dans "Ma Mère l'Oie" sont interprétés comme des tirages Yi King, dont la lecture matinale annonce les événements de la journée... D'ailleurs, Sawyer lui­même, probablement sans que Warner et son équipe de têtes pensantes soient au courant, a lui­même été marqué dans des circonstances dramatiques par le livre de Daryl Leyland et Max Van Doren et, replongé par la force des choses dans cette oeuvre, il ne va pas non plus sortir indemne de cette histoire, qui n'a rien d'une fable ou d'un conte, comprend­on bientôt... L'influence de "Ma Mère l'Oie" a ceci d'étonnant qu'elle semble être le fruit d'une génération spontanée. Pour dire les choses plus clairement, il n'y a pas de racines culturelles chez Leyland et Van Doren qui puissent avoir été des sources d'inspiration, les deux ayant été presque parfaitement incultes et ayant construit leur travail de façon autodidacte.Pourtant, ce titre, "Ma Mère l'Oie", quelque interprétation qu'on puisse lui donner, et dans le roman, il y en a beaucoup, toutes aussi invérifiables les unes que les autres, rappelle d'autres recueils de conte bien connus, en Europe et en France, où la folie Leyland n'a pas pris, comme si ses messages étaient impossibles à retranscrire dans une société qui ne soit pas anglo­saxonne, et même, qui ne soit pas la société américaine. Non, vraiment, aucun lien avec Perrault, par exemple... En revanche, et c'est Sawyer qui n'hésite pas à faire le lien, difficile de ne pas comparer Leyland à L. Frank Baum, auteur d'un "Mother Goose in prose", mais surtout, du "Magicien d'Oz", autre titre mythique de la littérature jeunesse américaine. Mais, pour Sawyer, si Baum est encore trop imprégné d'un monde ancien, Leyland, avec son recueil, incarne le Nouveau Monde. Incarne, le mot est fort... Mais, c'est vraiment la sensation que l'on a, en fait. Leyland a créé un univers d'une telle puissance qu'il s'est imposé pratiquement à chaque citoyen américain, et jusque dans sa vie quotidienne. On n'est pas loin d'un véritable culte, d'ailleurs. Sans transcendance, il ne s'agit pas d'une religion dont Leyland serait la déification, mais plus sûrement, d'une véritable mythologie, et les personnages de ces contes, de ces fables, de ces textes devenus de vraies "légendes urbaines", soit l'effacement des frontières entre fiction et réalité, en sont un vrai panthéon. Dans une Amérique toujours jeune, sans histoire ancienne, comme c'est le cas pour la vieille Europe, par exemple, les repères qu'impose "Ma Mère l'Oie" sont des jalons pour une génération à un moment charnière deu XXème siècle, juste avant le deuxième conflit mondial, la guerre froide qui va s'ensuivre, mais aussi l'accession du pays au statut de super­puissance. Leyland a accompagné cette montée, l'a­t­il influencé, a­t­il sa part dans l'émergence d'un American Way of Life ? C'est fort possible... On le voit dans la manière dont la trajectoire de Leyland épouse le développement des médias de masse : nourri uniquement de presse écrite, alors qu'il n'a guère de base pour s'y plonger comme il le fait, l'auteur va voir son oeuvre, une fois éditée et diffusée, intéresser la radio, la télé et donc, puisque c'est le point de départ du roman, le cinéma. Avec des fortunes réellement diverses et toujours cette espèce d'aura parfois sombre et inquiétante...Cela nous amène naturellement au titre de ce livre : "American Gothic". C'est encore Sawyer, dans le même passage évoqué plus haut autour des liens possibles entre Baum et Leyland, qui voit dans le second nommé le seul capable de ressentir "la beauté sauvage du Pays Neuf, l'American Gothic à l'état brut". Qu'est­ce donc que cela ? Bon, je ne vais pas vous faire un topo moi­même, mais cela va bien au­delà de l'aspect simplement architectural qu'on peut imaginer avec le terme "gothique", c'est toute un mode de vie et de pensée. On retrouve d'ailleurs chez Leyland, dans son obsession pour les énergies telluriques et les cartographies, quelque chose qui peut, je pense, se rapprocher de cette culture, même si c'est forcément inconscient chez lui. Quant à Van Doren, devenu un Freak, de par ses expériences dans sa période de jeune adulte, il vient naturellement s'intégrer dans ce mouvement, et tout entier, son corps, comme son oeuvre et même ce qu'il peut créer avec son corps. Mais, dans ce titre, se cache aussi toute la force de l'image, à laquelle nous sommes aujourd'hui confrontés quotidiennement et à toute heure, mais qui, dans cette période, ne faisait que commencer son irrésistible ascension. La preuve, et je l'ai appris dans ce roman alors que je connais cette image depuis très longtemps, American Gothic est un tableau mondialement connu de Grant Wood. Or, n'est­ce pas exactement ce qu'est "Ma Mère l'Oie", de Daryl Leyalnd, un oeuvre si forte qu'elle s'est ancrée durablement dans l'imaginaire collectif de toute une Nation. Une référence compréhensible par tous, en tous lieux... Et, il y a une logique à cela. Et elle tient en un mot, qui revient sans cesse dans le roman de Mauméjean : patchwork. Une oeuvre composée par l'assemblage de morceaux disparates. Or, la vie n'est­elle pas un patchwork ? "Ma Mère l'Oie", dans le fond, hétéroclite, mais aussi dans la forme, et là, c'est frappant quand les éditeurs du livre décrivent le "manuscrit" qui leur a été remis, est un patchwork, presque stricto sensu. Là encore, la logique est claire : où ce livre devient­il emblématique ? Aux Etats­Unis, pays patchwork s'il en est, né de 13 premières colonies péniblement agrégées, puis, d'ajout en ajout, et pas toujours pacifiquement, une fédération de 50 Etats gardant leurs spécificités, renâclant parfois devant les politiques prises au niveau fédéral... Une image de patchwork qui saute aux yeux lorsqu'on regarde certaines cartes du pays... Les Etats­Unis sont donc parfaitement à l'image du livre de Leyland et Van Doren, et réciproquement. Sans doute ai­je oublié d'autres clés de lecture, sans doute ai­je laissé des angles d'attaque de côté, mais je me rends compte que, porté par l'enthousiasme, j'en ai dit beaucoup. Une façon de saluer le roman de Xavier Mauméjean qui, à chaque livre, me bluffe par sa créativité, le foisonnement de son imaginaire, l'originalité de ses constructions narratives, les surprises littéraires qu'il nous sert. "American Gothic" est une pièce en plus, et pas des moindres, dans une bibliographie à découvrir, si vous ne la connaissez pas encore. J'ai dévoré ce nouveau roman, j'ai été happé dès ses premières pages et je suis entré dans cet univers sombre, déroutant, dans lequel les terreurs enfantines et la souffrance adulte donnent naissance à un univers qu'on dit merveilleux, à du rêve, à de l'imagination. Je ne sais pas si c'est suffisant pour conclure qu'un génie créateur se doit de souffrir pour être brillant, pour revenir à la question posée en début de billet, et je ne souhaite pas forcément que cela soit le cas (l'idée avait été développée par Joey Goebel, dans son roman satirique sur les télé­crochets actuels, qui s'appelle "Torturez l'artiste !"), mais l'intelligence, la malice et l'érudition avec lesquelles Xavier Mauméjean a su me passionner, me divertir et même, me cultiver, ne m'ont procuré aucune souffrance, bien au contraire... http://appuyezsurlatouchelecture.blogspot.fr/2013/04/il­etait­une­fois­et­une­fois­i
l­netait.html Jeromenoirez.over­blog.com, 6 avril 2013 American gothic Cela fait quelques années que je m'intéresse à Henry Darger, cet « outsider writer » de Chicago, bien avant, en tout cas, que ses illustrations fassent l'objet d'une exposition en France, me disant naïvement : qui d'autre à part moi pourrait porter le moindre intérêt à ce personnage ? C'était sans compter sur un autre amateur de freaks : Xavier Mauméjean. Moins velléitaire que moi, il a naturellement fini par me devancer. Le postulat ​d'American gothic est en soi épatant et emprunte un chemin que je n'avais jamais envisagé dans mes propres réflexions. Et si Darger, au lieu d'être cet outsider dont l'œuvre graphique et littéraire (que personne n'a jamais eu le courage de publier) fut sauvée in extremis de la benne à ordures, avait tenu une place de premier ordre dans la culture populaire américaine ? De ce postulat, Xavier détricote et retricote la biographie réelle de Darger, la projette, comme autant de diapositives colorées et inquiétantes, sur l'histoire américaine de la première moitié du 20e siècle. Au passage, il crée deux Darger, le Darger auteur et le Darger illustrateur, sorte de doppelganger du premier, pratiquant la pareidolie alimentaire (manie qui fait l'objet d'un épisode hilarant, version Marx Brothers d'une scène de Rencontre de troisième type). L'intention était risquée. Un boulon mal vissé et tout l'édifice s'effondrait. Et j'avoue que durant ma lecture j'ai craint ce boulon catastrophique, ce moment ou l'absolument crédible se fissurerait. Non seulement Xavier s'est avéré un brillant maître d'œuvre, mais aussi un brillant architecte. Ça tient, c'est du solide, l'écriture allusive et rythmée sonne constamment « outre­Atlantique » avec, aux bons moments, des accents de Mark Twain. ​American gothic est une magnifique supercherie savante. Si vous ne connaissez pas Darger sur le bout des doigts, vous n'en serez pas pour autant lésé. Vous vous laisserez aller à croire à toute cette histoire. Et si Darger fait partie de vos fréquentations, vous aurez plaisir à cette multitude d'inventions plausibles. La fiction comme outil de dissection d'un homme, d'une culture, d'une nation. Au final, je ne me sens pas le moins du monde dépossédé de Darger. Il reste d'autres champs à explorer. Xavier cadre large, place l'émotionnel à l'arrière­plan, à l'opposée de ma propre manière de faire. Nous n'usons pas de la même focale. En attendant, vous seriez, mes amis, bien cons de passer à côté ​d'American gothic. http://jeromenoirez.over­blog.com/article­american­gothic­116860821.html Temps de livres over­blog, 3 avril 2013 American gothic Jack Sawyer part à la recherche de la vie de Daryl Leyland. Compilateur de génie du recueil ​Ma Mère l'Oie, auteur des blagues des confiseries Dumbies, Daryl Leyland reste pourtant un mystère. En enquêtant sur sa vie, Jack Sawyer va rapporter divers témoignages, mais aussi une histoire de l'Amérique. ​En fermant ce livre, le lecteur aura plus de questions que de réponses, mais un sourire béat se dessinera sur ses lèvres. Avec ​American Gothic, Xavier Mauméjean nous invite à une double lecture : roman et essai. Comme il l'avait déjà fait avec ​Lilliputia ou ses essais sur les héros populaires, écrits avec André­François Ruaud, la frontière entre réel et imaginaire est ténue. Si les personnages sont imaginaires, leurs mises en place dans le roman semblent si réelles que le lecteur s'interrogera sur sa véracité. American Gothic est inscrit dans la collection Pabloïd. Une collection à part dans le catalogue de l'éditeur puisque l'auteur doit choisir parmi les "emblèmes" de l'art (d'après une remarque de Pablo Picasso). Xavier Mauméjean a choisi la souffrance. Son histoire, qui se passe entre 1893 et 1953, témoigne d'une figure de l'Amérique. Des orphelins recueillis dans des instituts aux procès du maccarthysme, c'est tout un pan culturel qui se construit sous nos yeux. Cinéma, littérature, légendes urbaines sont contées à travers rapports, témoignages et analyses compilées chronologiquement. Des bouts de vie de Daryl Leyland qui forment un patchwork. Tout n'est pas dit. Au lecteur de se forger sa propre vision de l'auteur. Quant à l'imaginaire, s'il est présent sur les comptines, sa présence dans la vie de Daryl Leyland semble en être imprégnée (le comportement de Max Van Doren, La voix de Daryl, l'adaptation radiophonique de ​Ma Mère l'Oie...). Entre réel et imaginaire, Xavier Mauméjean conte l'histoire d'un pays, d'un homme, d'une mythologie à travers plusieurs facettes. Une cartographie fascinante ! http://temps­de­livres.over­blog.com/article­american­gothic­116778612.html Hervé Beilvaire Paperblog.fr, 3 avril 2013 Uchronews.fr, avril 2013 American Gothic « Il était une fois et une fois il n’était pas. » Xavier Mauméjean est auteur, directeur de collection et professeur de philosophie. Il nous a fait l’amitié de répondre à quelques questions portant sur son dernier roman American Gothic qui vient de paraître chez Alma. A la suite de cette interview vous trouverez ma chronique. Bonjour Xavier, peux­tu nous raconter l’histoire de cette Histoire ? Il y a une dizaine d’années, je résidais quelques temps en Caroline du Nord. J’avais trouvé un recueil des contes de ​la Mère l’Oie, tradition anglo­saxonne, plus particulièrement américaine, celle qui prend racine dans la Boston du XVIIe siècle. Le temps de Cotton Mather, le chasseur de sorcière, qui était un ami d’Elizabeth Goose, à l’origine du recueil. Le mélange de candeur, d’innocence et de cruauté des récits, charades et comptines m’a tout de suite fasciné. Je me suis dit qu’il faudrait en faire quelque chose. Seulement pendant des années je n’arrivais pas à trouver la forme : thriller ? Road Story ? Et puis un jour j’ai fait le rapprochement avec le peintre Henry Darger, ce génie à la fois naïf et torturé qui mêle dans ses œuvres, tableaux et écrits, naïveté et horreur extrême sur les enfants. J’aimerais évoquer un point sur Darger. On sait finalement peu de choses le concernant, l’étude la plus complète est celle que lui consacra John M. Mac Gregor. Problème : elle vaut une fortune. Or il se trouve que Jérôme Noirez la possède sous forme de fichiers. Jérôme envisageait d’écrire sur Henry Darger mais m’a passé sa documentation. Geste magnifique, qu’il en soit remercié. De même ​American Gothic doit à certaines discussions avec Fabrice Colin. Deux auteurs à la lisière de l’imaginaire et de la littérature générale. Quelques mots m’ont marqué et m’ont permis de mieux comprendre ton œuvre, je te propose de jouer à la charade : je te les lance, dis­moi ce qu’ils t’inspirent. Pull ! Patchwork Symbole par excellence du folklore américain. Des carrés d’étoffe de toute provenance qui, joints ensemble, forment un motif cohérent. Le patchwork a donné sa forme au roman. Un empilement de témoignages, mémos, articles, sur la vie de Daryl Leyland et Max Van Doren. Conte Initiatique Tout conte est un récit initiatique. Mais tous ne parlent pas à chacun. Il faut trouver le sien. Dans ​American Gothic, Daryl Leyland publie un recueil qui va bouleverser l’Amérique car chacun peut y trouver l’histoire de sa vie. Celle passée, présente ou à venir. L’ouvrage provoque le pire comme le meilleur et devient culte. Sans parler des blagues Dumbies, imprimées à l’intérieur de l’emballage des friandises au caramel : elles fonctionnent comme un horoscope ou un tirage Yi­King et vont provoquer des phénomènes inattendus. La théorie du chaos avant l’heure… Image Daryl Leyland rassemble les charades, rébus, énigmes, mais c’est Max Van Doren qui les illustre. Une sorte d’homme­enfant, génial et totalement naïf qui réalise des images charmantes ou angoissantes… alors qu’il ne sait pas dessiner. Et pourtant ses images dégagent une puissante brute, pareilles à celles d’Henry Darger. Légende Urbaine Aussi étonnantes qu’elles puissent paraître, les légendes urbaines évoquées dans le roman n’en sont pas. J’ai mis des années à rassembler des faits­divers américains qui sont tout simplement incroyables, et pourtant vrais. Religion Pas vraiment de religion dans ​American Gothic, mais un livre sacré pour tous les Américains, des beatniks aux ultra­conservateurs. Un culte, et donc des sacrifices humains. Enfance / Adulte Deux univers. On ne passe pas impunément de l’un à l’autre, dans les deux sens. Je conçois que le roman puisse heurter. Sévices sur enfants, snuff­movie… attention aux âmes sensibles. Prison Omniprésentes dans le roman. Le Lincoln Asylum où de malheurs garçons sont enfermés sous prétexte de self­abuse, la masturbation. Ils sont à la merci des horribles hommes­papillons, les gardiens pervers de l’institut. Puis plus tard le couloir de la mort où le Diacre attend d’être exécuté, quand il ne commente pas en direct sur CBS une émeute sanglante. Là aussi, beaucoup de faits sont vrais. ​Livre­hommage à plusieurs genres qui t’ont fait, en tant qu’écrivain. Livre­univers, par rapport à toutes tes œuvres précédentes. Livre décrivant un livre imaginaire influant sur l’imaginaire lui­même. Peut­on considérer ce livre comme le point d’orgue de la réflexion que tu mènes sur l’imaginaire depuis des années ? En partie, probablement. C’est aussi un roman d’imaginaire sur l’imaginaire, mais presque tout ce qui y est décrit est vrai. C’était déjà le cas dans ​Lilliputia ou ​Rosée de Feu. Quel est ton rapport à l'uchronie en tant que lecteur et qu'auteur ? Je pense qu’il ne s’agit pas d’un simple genre narratif assurant un divertissement vain (pourquoi modifier le passé puisqu’il est advenu ?) mais un moyen de s’interroger, propre d’ailleurs à chaque être humain. Tout le monde s’est dit un jour « Et si.. ». Et si j’avais pris cette route au lieu de l’autre, et si j’avais répondu cela…Le passé est changeant, mobile, aussi bien le passé historique que le passé intime, du fait de la mémoire. Cette fluidité appelle le questionnement. Et après cela ? Qu’est­ce que tu veux faire ? Raconter une enquête menée par Freud et Houdini à New York en septembre 1909. Deux juifs confrontés aux préjugés de leur temps, l’un spécialisé dans l’évasion de lieux impossibles, l’autre dans l’intrusion de l’esprit. La première chose qui marque, c’est la couleur sur la couverture. Rouge sang. Comme une référence explicite au bon Docteur Holmes, premier tueur en série de l’histoire américaine, lors de l’exposition universelle de 1893, à Chicago. Holmes, qui tel Jack l’Eventreur (on se demanda même si ce n’était pas lui, hypothèse séduisante mais fausse), inaugura le XXème siècle. Pourtant c’est à un autre Jack qu’il est fait référence tout au long du livre : Le Jack des comptines, Jack le facétieux, le tourmenteur, le diable… Et puis le rouge, c’est le sang dans les contes ou la vie réelle, les meurtres, la peur du Rouge… une couleur symbole pour le XXème siècle, et qui prend ses racines dans les origines mêmes de l’Amérique : à Boston la Sanglante au XVIIème siècle, puis que les contes de la mère l’oie ont été écrits là­bas... Ces deux aspects montrent l’attrait du spectacle pour la société américaine : que celui­ci soit spectacle, foire, ou réécriture de l’histoire, chaque nation a besoin de ses héros immémoriaux dont on chantera la légende, mais a surtout besoin d’histoires, que l’on se racontera au coin du feu et qui créeront une nation. L. Frank Baum y participe, tant avec sa relation du massacre de Wounded Knee lors d’un article dans le Aberdeen Saturday Pioneer du samedi 3 janvier 1891 : « L'Aberdeen Saturday Pioneer a par le passé déclaré que notre sûreté dépendait de l'extermination des Indiens. Après leur avoir fait du tort pendant des siècles, nous devrions, afin de protéger notre civilisation, insister encore et débarrasser la terre de ces créatures indomptées et indomptables. De cela dépend la sécurité des colons et des soldats commandés par des incompétents. Autrement, nous pouvons nous attendre à ce que les années futures nous apportent autant de déboires avec les Peaux Rouges que les années passées. » Qu’avec son histoire du monde merveilleux d’Oz, qu’il sera obligé d’écrire jusqu’à la fin de sa vie. Quel rapport avec tout cela ? Tout d’abord la réécriture du passé et l’importance de l’imaginaire dans la création d’une nation, mais surtout le fait que L. Frank Baum écrivit une histoire des contes de la mère l’oie en prose en 1897… La boucle est bouclée et l’histoire peut commencer. L’œil est attiré par l’illustration de Ted Benoît : un homme se tient à côté d’ un autre. Plus tard dans le livre on apprendra qu’il s’agit de Daryl Leyland et de Max Van Doren, créateurs de ​Ma Mère l’Oie, livre­clé sur l’Amérique. Œuvre gothique accouchant du monde moderne et influençant celui­ci. Conte initiatique, histoire de l’envers du décor américain et de l’influence de l’imaginaire sur le réel. Pour moi ce roman est un Twin Peaks écrit, avec plusieurs niveaux de lecture. Mais il s’agit surtout d’un roman­univers, point d’orgue de tout ce que Xavier a écrit auparavant. Rempli de références, d’impressions de déjà­vu par rapport à ses précédentes œuvres, celles­ci se dévoilent comme on pèle un oignon : le lecteur qui ne les verra pas ne pleurera pas pour autant. Histoire d’histoires, tel un patchwork composé par Max Van Doren qu’on a commencé à créer à la fin du XIXème siècle, chaque pièce brodée racontant une histoire qui fait la grande, le tout cousu avec un fil rouge, toile en préfigurant une autre, qui s’étend petit à petit sur le monde connu, jusqu’à le recouvrir. Tout est connecté, de la tradition des contes oraux, en passant par la littérature, puis la télévision et enfin le web. Propos et chronique par Bertrand Campeis Les lectures de Cachou.com, 31 mars 2013 American Gothic, Xavier Mauméjean Pourquoi ce livre ? Parce qu'il a trouvé sa route jusque chez moi et qu'un livre tournant autour de l'univers du cinéma ne pouvait que me tenter. Résumé : Hollywood vit à l'heure du maccarthysme. Des enquêtes s’entrecroisent autour d’un mystérieux auteur de contes et légendes urbaines, chefs­d'œuvre d'un nouvel art brut. Jack L. Warner, le puissant patron de la Warner Bros., veut supplanter son rival Disney. Il décide d’adapter pour le grand écran Ma Mère l’Oie, un recueil de contes, anecdotes et légendes urbaines dont les Américains raffolent. Warner ordonne qu’on enquête sur l’auteur, un certain Daryl Leyland. La mission est confiée à l’un des obscurs scénaristes qui attendent la gloire : Jack Sawyer. À lui de « nettoyer » la biographie de Leyland, rectifiant tout ce qui heurterait le conformisme moral et politique. American Gothic voyage à travers les États­Unis et leur histoire à la recherche de Daryl, ce génial gamin triste de Chicago, et de son complice le dessinateur Van Doren. Xavier Mauméjean fait revivre la prodigieuse inventivité d’une jeune nation en train de se forger sa propre mythologie, au prix de souffrances laissées dans l'ombre. Mon avis : En débutant ​American Gothic, je croyais que j'allais découvrir la genèse d'un film condamné à ne jamais voir le jour. Mais là n'est pas le propos de ce livre. Il nous parle plutôt d'un homme. Non, de l'influence de la littérature. Non, d'un pays. Non, d'une époque. En fait, de tout cela et d'autres choses encore. Le tout sous forme d'archives, de documents tirés d'entretiens, d'un amoncellement de témoignages permettant de retracer la vie d'un être énigmatique. La Warner voudrait pondre le nouveau Magicien d'Oz, un film emblématique qui parlerait au peuple américain et serait amené à devenir une référence. Jack L. Warner a jeté pour ce faire son dévolu sur Ma Mère l'Oie, un recueil de contes et comptines dans sa version annotée par Daryl Leyland. Avant de se lancer dans le projet, Warner engage un scénariste, Jack Sawyer, afin de lever le voile sur la vie de Leyland. Des années plus tard, François Parisot, le compilateur des documents repris dans ce livre, a essayé de retrouver ce que Sawyer avait bien pu dénicher sur cet auteur aussi charismatique qu'intrigant. Il est des œuvres qui dépassent leurs créateurs au point de faire oublier ceux­ci à la mémoire collective. Si j'ai entendu parler maintes et maintes fois du Magicien d'Oz, je n'aurais su vous donner le nom de son auteur, Frank L. Baum, sans une petite vérification rapide sur Wikipédia. De même, si je connais Jack & Jill ou Humpty Dumpty, je ne sais pas grand chose de ce qui se cache derrière ces nursery rhymes. Dès lors, en débutant ce livre, je n'ai pu m'empêcher de me demander ce qui, de ce roman, était vrai ou sortait de l'imaginaire d'un Xavier Mauméjean autant fasciné par l'Histoire que porté sur le mélange entre réalité et fantastique (ou science­fiction). Mais au bout d'un moment, j'ai décidé d'abandonner le questionnement sur l'historicité des faits présentés ici pour juste profiter du plaisir de découvrir l'étonnante vie d'un Daryl Leyland qui se met à exister au­delà du récit, presque de par sa légende, qu'elle se crée ou qu'elle se renouvelle. C'est que Leyland est à la fois sujet et prétexte. Ce personnage incarne la double nature des textes qu'il a mis en exergue. Tendresse et cruauté se côtoient dans ces petites histoires populaires nous rappelant que les hommes, quel que soit leur âge, aiment à ce qu'on mette en évidence la nature multiple de l'être humain. Mais Leyland sert aussi à dépeindre une Amérique qui balance entre deux époques, entre deux modes de vie. Désuète et flamboyante à la fois, elle finit par s'éteindre pour laisser la place à un autre monde dans lequel la cruauté fait surface autrement que par des comptines faussement innocentes. Se côtoient dès lors réflexions et histoire. Mais même si Leyland est un prétexte, son personnage nous fascine. L'obsession du narrateur – et l'obsession du premier enquêteur à travers elle – deviendra celle du lecteur. Leyland m'a obnubilée autant qu'il a pu hanter les vies de Sawyer et de Parisot. Ce que son œuvre dit sur les gens, ce qu'elle dit sur le monde, ce que la vie de l'auteur dit sur son époque, tout cela m'a passionnée. Mais m'a encore plus intriguée tout ce qui semble se révéler à travers des détails paraissant anodins mais devenant lourds de sens. Ainsi la répétition de l'abandon parental. Dans ce livre, les parents, qu'ils appartiennent au monde des contes ou à la « réalité », semblent le plus souvent être aussi perdus qu'égoïstes et finissent à chaque fois par se séparer de leurs enfants, pour un peu d'argent ou de soulagement. Les seuls adultes faisant preuve d'amour pour les plus petits sont ceux qui n'ont pas de progéniture. Mais au­delà de ces détails, ce qui m'a le plus frappée, c'est la manière dont nous en venons, à la lecture de ce livre, à combler les vides dans la vie de Leyland, à expliquer certains passages. J'ai réalisé par exemple que j'avais envie de prêter au personnage des capacités presque magiques, alors que rien n'était pourtant dit clairement dans ce sens. Alors que je me demandais pourquoi j'avais besoin d'interpréter ainsi les choses après avoir quelque peu parlé du livre aujourd'hui, je suis tombée sur cette phrase qui me semble être importante pour comprendre ce roman : « En fait, vous avez raison. Dans la vie, c'est pareil. Nous n'avons que des fragments d'histoires. Le reste, il faut l'inventer, et on tombe souvent juste. » (p. 342). Et voilà qui m'a permis de réaliser pourquoi American Gothic me fascinait tant : au­delà de ce qu'il me racontait ouvertement, il m'offrait aussi la possibilité de combler des vides intentionnellement laissés pour que je puisse moi aussi participer à la constitution de la légende de Leyland. Parce qu'après tout, « Les contes n'existent que pour éclater et donner lieu à de nouveaux contes à partir de leurs fragments. Toutes les versions sont légitimes. » (p. 305). Et je sais que ma version de la vie de Leyland ne doit pas forcément ressembler à celle que l'auteur avait en tête. Mais sa manière de nous faire découvrir son histoire nous permet d'en créer une autre, à partir d'idées, de bouts glanés à gauche à droite, de vérités, de mensonges, d'inventions, de manipulations, de faits historiques, de recherches, de tout ce que ce récit peut nous donner envie de croire. Et c'est en cela que ce livre pourra rester avec son lecteur. Parce qu'il devient un peu aussi sa propre création. Au final, ​American Gothic est un récit étonnant et prenant. L'histoire d'une vie, d'une œuvre, d'une époque, d'un pays. Une collection de témoignages nous amenant à découvrir une figure à la légende douce­amère. A conseiller, sans aucun doute. Radio France Culture, « Le Rendez­vous » de Laurent Goumarre, 31 mai 2013 Le RDV en direct et en public du Palais de Tokyo avec Maxime Chattam, Xavier Mauméjean, la session de Christine & The. http://www.franceculture.fr/player/reecouter?play=4634676 Télévision France 5, Entrée Libre, 22 mai 2013 Dans son nouveau roman,​ American gothic, Xavier Mauméjean décrit un Hollywood qui vit les heures troubles du maccarthysme. Les enquêtes s’entrecroisent autour d’un mystérieux auteur de contes et légendes urbaines dont le succès populaire est immense. Une découverte d'Entrée Libre. http://www.france5.fr/emissions/entree­libre/reportages/xavier­maumejean_59323 RTBF, Livrés à domicile, 20 mai 2013 http://www.rtbf.be/video/detail_livres­a­domicile?id=1825300 

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