L`immobilier géré, la nouvelle martingale des investisseurs

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L`immobilier géré, la nouvelle martingale des investisseurs
CYCLE HOSPITALITY
L’immobilier géré, la nouvelle martingale des
investisseurs institutionnels ?
Menaces et opportunités d’un marché en plein essor
Vendredi 2 décembre 2016 de 14h30 à 16h00
Table Ronde animée par Christian DE KERANGAL, Directeur Général - IEIF
Intervenants :
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Laurent CAMILLI, Managing Director en charge de l’immobilier et de la santé –
EASTON CORPORATE FINANCE
Laurent FLECHET, Président du Directoire – PRIMONIAL REIM
Frédéric MAMAN, Managing Director EURAZEO Patrimoine – EURAZEO
Philippe NICOLET, Président Directeur Général – GROUPE RESIDE ETUDES
Quelles sont les raisons de votre présence et votre lien avec le sujet ?
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Laurent CAMILLI, Managing Director en charge de l’immobilier et de la santé –
EASTON CORPORATE FINANCE :
Easton est une banque d’affaires impliquée dans l’immobilier géré. Elle a réalisé des
transactions qui portaient sur l’immobilier lui-même et sur les opérateurs. Les opérations
portent parfois sur les murs des établissements mais également sur leurs fonds de
commerce. Nous avons fait par exemple, des transactions dans le domaine des EPHAD, sur
des opérateurs et des portefeuilles de murs.
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Philippe NICOLET, Président Directeur Général – GROUPE RESIDE ETUDES :
RESIDETUDES est exclusivement sur la résidence gérée, sur 3 lignes notamment : la
résidence étudiante, la résidence hôtelière urbaine et la résidence sénior non-médicalisée.
Sur ces 3 lignes, nous avons une position de leader ou co-leaders. Nous avons un rôle de
développeur-promoteur, commercialisateur ou co-commercialisateur, mais nous sommes
toujours gestionnaires, et parfois investisseurs ou co-investisseurs.
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Frédéric MAMAN, Managing Director EURAZEO Patrimoine – EURAZEO :
EURAZEO Patrimoine est la division immobilière D’EURAZEO. Nous avons souhaité nous
développer au niveau pan-européen sur une dimension business et une dimension
immobilière. La première grosse acquisition que nous avons réalisée est un portefeuille
d’hôtels murs et fonds en France et en Europe, de 85 hôtels, pour une valeur totale
d’environ 500 millions d’euros.
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Laurent FLECHET, Président du Directoire – PRIMONIAL REIM :
PRIMONIAL REIM gère des fonds immobiliers non cotés. Nous gérons 11 mds d’euros d’actifs
et notre métier est d’analyser un risque immobilier et de sélectionner le meilleur couple
rendement-risque pour nos clients. Le secteur de la santé présente un couple rendementrisque très attractif pour nos clients, à la condition d’atteindre une taille critique et d’avoir
des équipes spécialisées, à même de comprendre et de gérer ces actifs. Nous avons réalisé
environ 2,4 -2,5 mds d’acquisitions dans le domaine de la santé cette année.
On parle de classe d’actifs alternatifs (santé, hôtel, résidence géré, etc.). Ils représentent
environ 10% des investissements en France aujourd’hui, mais sont en forte croissance. Ce
sont des actifs monovalents, pour lesquels il y a un sous-jacent immobilier et des
opérations, pour lesquelles l’opérateur est essentiel. Qu’est-ce qui vous a amené à
regarder cette classe d’actif ?
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Laurent FLECHET, Président du Directoire – PRIMONIAL REIM :
Nous faisons face aujourd’hui à un vieillissement de la population, il y a une évolution
technologique en matière de santé, et il y a un besoin de santé toujours présent. Le besoin
est notamment d’accompagner les personnes âgées. En Allemagne, il y a un besoin de
20 000 lits supplémentaire chaque année (en matière de nursing home, soit l’équivalent des
EPHAD en France) avec seulement une réalisation de 10 000 à 12 000 nouveaux lits par an.
En France, nous pouvons diviser ce chiffre par 2 et on peut arriver aux mêmes niveaux et aux
mêmes manques. Ce logement, nous en aurons toujours besoin. Beaucoup d’économies
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sont à réaliser par les opérateurs dans les années qui viennent (par concentration ou
innovation technologique). Il y a un gros travail à faire pour gérer à moindre coût la
dépendance et la chirurgie.
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Laurent CAMILLI, Managing Director en charge de l’immobilier et de la santé –
EASTON CORPORATE FINANCE :
En matière de retraite, les français sont en passe de devenir des géants européens et
mondiaux. Les 3 premiers groupes français ont déjà 50 000 lits en gestion. Nous faisons face
à un marché qui se concentre. Celui-ci était extrêmement fragmenté au début des années
2000. Les 5 premiers opérateurs sont maintenant en train de former les 2 tiers du marché
français. Ces acteurs sont aussi en train de devenir les leaders en Espagne et en Allemagne.
Nous avons donc des opérateurs puissants et bien valorisés. Pour les EPHAD, la mutation est
liée à l’organisation des soins et à la taille des établissements. Le sujet de la mutation est
encore plus fort dans le domaine des cliniques privées (montée en puissance de
l’ambulatoire). Un certain nombre d’opérations sont maintenant possibles en ambulatoires
(ex : intervention sur une prothèse de hanche réalisée en ambulatoire). Les besoins
immobiliers mutent donc de manière importante. Par exemple, les établissements se
transforment pour atteindre une plus grande efficacité. Il faut donc adapter le bâti à ces
mutations.
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Philippe NICOLET, Président Directeur Général – GROUPE RESIDE ETUDES :
Il y a 2.6 millions d’étudiants dont 1.6 habitent en dehors de chez leurs parents, et en plus
une centaine de milliers d’étrangers, d’où un besoin important. Les résidences privées
bénéficient d’une certaine compétition avec le diffus, et gagnent sur le diffus. Depuis un an
ou deux, nous voyons une augmentation du taux d’occupation. Le marché est porté par la
démographie. La France est sous-représentée en termes d’étudiants étrangers, donc il y a là
un vivier d’étudiants qui devrait arriver dans le futur. Entre 3 et 10 opérateurs contrôlent
environ 50% de la gestion de la résidence privée. En ce qui concerne les seniors, notre
groupe n’est pas dans le « nursing » mais dans l’ « assisted living » (assistance aux personnes,
aide à poursuite d’autonomie, etc.). Beaucoup de gens n’ont pas envie d’aller en EPHAD
mais souhaitent qu’on les aide un petit peu, et ils n’ont pas envie de vivre en collectivité.
L’assisted living était sous développé en France mais il monte en puissance depuis 3 ou 4 ans.
Cette croissance du secteur est quasiment libre et à fort potentiel car le nombre de séniors
ne fait qu’augmenter et dans quelques années, les personnes nées pendant l’après-guerre
vont générer une forte demande.
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Frédéric MAMAN, Managing Director EURAZEO Patrimoine – EURAZEO :
L’hôtellerie est portée par la démographie et des tendances technologiques fortes. Ce
marché comme les autres évoqués, s’appuie sur des tendances de fond et de long terme.
L’hôtellerie est assez exposée au niveau conjoncturel à des menaces. Aujourd’hui, le secteur,
notamment sur la région parisienne est en danger, mais à l’inverse, les régions tiennent bien.
Il y a une mutation des modèles d’investissements sur cette classe d’actif. Le modèle du
propriétaire-bailleur a démontré ses limites. L’hôtelier ne souhaitait plus faire de travaux de
rénovations dans son établissement car la création de chiffre d’affaires liée à ces travaux
était partagée de façon inéquitable avec le propriétaire des murs. En conséquence, nombre
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d’hôtels ont été sous investis en termes de CapEx1 sur cette classe d’actifs. Notre dernière
acquisition s’est portée sur murs et fonds. Notre modèle, c’est donc le modèle murs et fonds
afin de capter toute la création de valeur.
Qu’est-ce-qui motive l’appétit des investisseurs pour cette classe d’actif ?
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Laurent CAMILLI, Managing Director en charge de l’immobilier et de la santé –
EASTON CORPORATE FINANCE :
Le couple rendement-risque est intéressant. Sur les investissements bureaux prime, nous
observons des taux de 3.25% à 3.5%, sur le prime dans le secteur des EPHAD nous sommes
sur du 5% et sur le secteur des cliniques prime nous sommes autour de 5.75%. Ce
différentiel rémunère le fait d’être sur des actifs monovalents mais aussi le fait d’avoir des
équipes spécialisées. Une clinique privée dépend de la qualité de ses médecins, certaines
activités sont aussi plus rémunératrices en chirurgie, etc. Tous ces éléments sont donc
étudiés. La relation que l’on doit avoir avec les opérateurs, est une relation de partenariat,
de longue durée, d’accompagnement, afin de traiter avec eux d’une façon « gagnantgagnant » les cas les plus faciles et les plus difficiles.
Qu’est-ce-qui vous a amené à investir en hôtellerie ?
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Frédéric MAMAN, Managing Director EURAZEO Patrimoine – EURAZEO :
Le couple rendement-risque est aujourd’hui très intéressant en hôtellerie. Il y a un
phénomène d’affaissement sur toutes les classes d’actifs aujourd’hui et il y a un report sur
les classes d’actifs alternatifs qui permet de dégager un bon rendement. L’avantage de
l’hôtellerie est que, c’est un secteur très établi et il est possible d’atteindre une taille critique
au travers d’acquisitions de portefeuille. Il est possible de réduire le risque en investissant
sur différents marchés tel que l’Espagne, par exemple. La granularité du risque est donc très
intéressante. D’autres investisseurs, comme les fortunes privées, vont se diriger vers
l’hôtellerie car c’est une classe d’actif dont l’image est attractive (photos de palmiers,
piscines, etc.) et pour des raisons fiscales également. Il y a donc plusieurs rationnels derrière
l’investissement hôtelier.
Est-ce-que les risques, tels que les attentats ont affecté votre appétence pour la classe
d’actifs ?
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Frédéric MAMAN, Managing Director EURAZEO Patrimoine – EURAZEO :
Il faut savoir bien répartir ces risques et investir dans des tendances longues, vérifier son mix
de clientèle hôtelière (affaire, tourisme, famille, etc.). La digitalisation des canaux de
commercialisation a réveillé le secteur. Il y a beaucoup plus de capitaux investis mais surtout
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CapEx signifie Capital Expediture ou Dépense d’Investissement en français.
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les investisseurs chinois ont débarqué et déversent aujourd’hui un flux de liquidités
considérable, ce qui représente une grosse opportunité pour l’industrie.
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Laurent CAMILLI, Managing Director en charge de l’immobilier et de la santé –
EASTON CORPORATE FINANCE :
La catégorie hôtelière est une chose, l’expérience client en est une autre. Par exemple,
certains hôtels 3 étoiles sont des petits boutique-hôtels qui offrent une expérience client de
très bonne qualité et peuvent donc offrir des prix moyens supérieurs à la catégorie hôtelière
supérieure. Il y a un sujet de modification de l’expérience client pour les opérateurs. Nous
avons observé des portefeuilles hôteliers en province. Il s’agit d’hôtels 2 étoiles qui
marchent extrêmement bien en province car le positionnement et la qualité de l’opérateur
font la différence. Le luxe est un secteur différent, plus volatile et plus cyclique. Paris a voulu
se doter d’établissements de luxe, les mauvaises langues disent que l’on serait parti trop
tard et arrivé trop tôt. Nous avons donc maintenant le pire des deux mondes, trop d’hôtels
de luxe, pour lesquels nous avons perdu une partie de la clientèle et nous n’offrons pas le
niveau de service qu’attend cette clientèle internationale. Le secteur économique est très
intéressant car certains concepts très intéressants comme Formule 1 sont partis très en
avance mais se sont retrouvés un peu en retard faute de CapEx. D’autres acteurs comme
B&B ont apporté une qualité de prestation bien meilleure et ont raflé des parts de marché
très significatives. On fait aussi face à des modèles disruptifs tels que le modèle auberges de
jeunesse 2.0, qui proposent de répondre à la question suivante : « Comment offrir
aujourd’hui des nuitées à des prix extrêmement bas avec un produit qui ressemble à un
dortoir ? » mais étant donné que l’expérience est de bonne qualité, nous assistons à un taux
d’occupation très élevé aujourd’hui sur ce type de produit.
Quel niveau de rentabilité peut-on espérer en hôtellerie ?
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Frédéric MAMAN, Managing Director EURAZEO Patrimoine – EURAZEO :
Nous pouvons observer des taux de rendements NOI2 (EBITDA / prix de revient) situés entre
6 et 8% aujourd’hui, en hôtellerie, avec des banquiers plutôt motivés pour financer ce genre
d’actifs. Nous avons donc de bons rendements.
Sur les résidences gérées, et surtout sur les résidences séniors, de plus en plus de fonds se
montent. Comment est-ce-que vous appréhendez cela ?
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Philippe NICOLET, Président Directeur Général – GROUPE RESIDE ETUDES :
Les opérateurs ont tendance à comparer la vente aux particuliers à la vente en bloc. La vente
aux particuliers prend la forme d’un bail double net, mais on s’aperçoit que les investisseurs
demandent du triple net. Cette problématique impacte fortement la rentabilité d’un projet.
La rentabilité est à des niveaux plus bas que sur de l’hôtellerie, mais nos produits ne sont pas
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NOI signifie Net Operating Income, c’est la rentabilité opérationnelle.
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soumis aux aléas de la conjoncture. Qu’il y ait 2% de croissance économique ou -1%, cela
n’impacte pas le niveau de la demande de résidence séniors. Tout comme le résultat des
élections présidentielles n’aura aucun impact. La stabilité du produit vaut peut-être un point
ou un demi-point de rentabilité car l’actif est totalement stable. Les investisseurs
institutionnels voient souvent la résidence sénior et étudiante comme un produit très facile
et rentable. Les opérateurs se sont donc lancés dans le développement de projets. Toutefois,
il faut parfois faire preuve de médiation entre les attentes des investisseurs et des
opérateurs. La commercialisation se fait aujourd’hui majoritairement aux particuliers mais la
vente en bloc aux institutionnels va surement continuer à augmenter. Les taux remontent
aujourd’hui, et cela pourrait potentiellement changer la donne pour les institutionnels mais
je pense que cette remontée aura ses limites.
Le contexte français, où les systèmes de financements ne sont pas très équilibrés,
représente-t-il une menace pour les actifs de santé ?
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Laurent CAMILLI, Managing Director en charge de l’immobilier et de la santé –
EASTON CORPORATE FINANCE :
La santé représente environ 11% du PIB en France (les chiffres sont équivalents dans les
autres pays européens), en comparaison avec les Etats-Unis qui dépensent 17% du PIB (taux
le plus élevé au monde). La particularité française est que le « reste à charge » du patient
diminue (8,4%, taux en baisse depuis 4 ans). Les questions que l’on peut se poser sont : estce que les sommes allouées aux cliniques privées et aux MCO (Médecine Chirurgie
Obstétrique) sont susceptibles de baisser ?
Pour les MCO les tarifs baissent de manière significative (-2,2% en 2016). De façon générale
les tarifs du privé baissent plus vite que ceux du public, ce qui constitue une pression
tarifaire extrêmement forte sur le privé. En conséquence deux effets se produisent :
-
augmentation des volumes ;
efforts de productivités liés à la réduction DMS (durées moyennes de séjour) et à la
capacité à développer l’ambulatoire.
En contrepartie les gains de productivité potentiels restent importants.
Pour les EPHAD, l’équation est différente, car la question à se poser est quelle est
l’alternative pour la “puissance” publique ? On constate que pour l’instant, l’EPHAD reste le
moyen le plus économique. En effet, une personne prise en charge en EPHAD coutera 70
€/jour dont 25% sont pris en charge par la puissance publique ; la même personne prise en
charge en hôpital public coutera 470 €/jours. Il n’y a donc pour l’instant pas d’autres
alternatives.
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Laurent FLECHET, Président du Directoire – PRIMONIAL REIM :
En prenant exemple sur les Etats-Unis, certains Etats ont externalisé la gestion des écoles
publiques et l’ont confiée à des opérateurs privés. On s’aperçoit qu’un étudiant géré par
l’Etat coûte 10 000$ contre 6 000$ quand il est géré par un privé. En parallèle avec ce qui se
passe en France, le coût de l’habitat et le coût des cliniques, on constate un écart d’environ
6
40%. Je pense alors qu’une partie des hôpitaux vont alors tendre vers un système privé car il
y a un gisement d’économies très significatif, et une part de ces économies va permettre de
répondre à cette équation économique.
La question des autorisations pour les EPHAD, est-ce un problème ou au contraire une
barrière à l’entrée plutôt intéressante ?
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Laurent FLECHET, Président du Directoire – PRIMONIAL REIM :
Ce serait plutôt un problème pour l’Etat car il y aura de plus en plus un problème de réponse
à la demande, donc de plus en plus, un besoin d’élargir l’offre et un besoin d’autorisations.
La zone Euro permet d’avoir une profondeur de marché beaucoup plus large malgré la
différence des systèmes de santé. En termes de rentabilité, quand on regarde les autres pays,
on n’a pas la même maturité sur ce secteur des EPHAD et des personnes âgées et de la
dépendance. La rentabilité sur les EPHAD plutôt prime en France est aux alentours de 5%,
contre 6% à l’acquisition pour les investisseurs en Allemagne. Dans un marché qui va évoluer
avec une concentration des opérateurs, la divergence significative de taux va converger pour
une création de valeur. Cela permettra la création d’un patrimoine santé Européen diversifié
répondant aux besoins de courts, moyens ou longs séjours. Tous ces éléments permettront
alors une couverture du risque et un couple rendement/risque excellent pour les
investisseurs sur ce secteur d’activité.
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Laurent CAMILLI, Managing Director en charge de l’immobilier et de la santé –
EASTON CORPORATE FINANCE :
Les contraintes sur les autorisations pour les investisseurs que nous sommes, sont
intéressantes car elles créent des barrières à l’entrée qui donnent plus de valeur. Cette
fragmentation qui existe dans plusieurs pays et ces mouvements de consolidation de
volumétrie potentiels qui se dessinent, constituent un atout très important pour les
investisseurs.
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Philippe NICOLET, Président Directeur Général – GROUPE RESIDE ETUDES :
Concernant les résidences seniors, pour la partie « assisted living », il y a également des
autorisations mais le problème ne se pose pas de la même façon. En effet, contrairement
aux EPHAD pour lesquelles les autorisations ne sont plus accordées pour des créations
nouvelles car le quantitatif de lits est stable. Pour nous, le quantitatif de lits n’est pas un
sujet. Nos sujets sont les autorisations de nature techniques, la capacité du gestionnaire ou
encore les moyens mis en place. Cela démontre que l’Etat a décidé de laisser croitre le
segment de l’assisted living, la résidence non médicalisée, parce que cela correspond à un
vrai besoin totalement insatisfait, et donc pas encore arrivé à la phase de régulation. C’est
donc encore, un secteur libre où les opérateurs peuvent engager de nouvelles opérations
mais c’est également un secteur de pleine concurrence.
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Quel est l’impact de modèles tels qu’Airbnb ? Structurellement, cela peut-il affecter le
secteur de l’hôtellerie négativement ? Est-ce que cela modifie votre appréhension de la
classe d’actif ?
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Frédéric MAMAN, Managing Director EURAZEO Patrimoine – EURAZEO :
Airbnb fut un électrochoc. Les effets ont été importants mais tendent à se stabiliser. Nous
commençons à voir comment la profession peut s’organiser par rapport à cela. Les effets se
font plus ressentir sur les classes d’hôtels à prix élevés et sur les séjours plutôt longs.
L’hôtellerie provinciale et l’hôtellerie économique n’ont pas du tout été touchées. La
règlementation mise en place et la réactivité des opérateurs hôteliers permettront une
stabilisation et le phénomène sera maitrisé. Airbnb aura alors permis une prise de
conscience dans le milieu plutôt qu’un réel inconvénient.
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Laurent CAMILLI, Managing Director en charge de l’immobilier et de la santé –
EASTON CORPORATE FINANCE :
Nous sommes dans une mutation assez profonde de notre organisation sur le marché.
Quand on voit à quel type de client répond Airbnb, on constate que ces derniers sont dans
une niche de marché créée par deux éléments :
-
le prix, quand on commence à dériver en termes de « pricing » par rapport à ce
qu’est capable de payer le client, celui-ci va chercher des solutions alternatives ;
l’expérience client, à Paris, Airbnb a beaucoup communiqué auprès de la clientèle
étrangère sur le thème « vivez à la parisienne ». Ils ont donc répondu à un besoin
exprimé mais qui était mal adressé par les hôteliers.
C’est une compétition nouvelle qui doit être faite à armes égales d’un point de vue
règlementaire. Sur le fond, elle montre qu’il n’appartient désormais qu’aux hôteliers
parisiens de prendre en compte l’évolution des besoins.
En ce qui concerne les résidences gérées (seniors et étudiantes) y-a-t-il des freins ?
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Philippe NICOLET, Président Directeur Général – GROUPE RESIDE ETUDES :
Sur la résidence étudiante, il y a des freins à la production car les coûts fonciers et les coûts
de construction augmentent plus vite que les ressources des familles. Donc l’adéquation
entre l’équilibre locatif et l’équilibre des coûts de construction et de promotion n’est pas
toujours facile à réaliser. D’autant plus, que les secteurs étudiants se situent souvent en
centre-ville de grandes métropoles où les terrains sont chers et en compétitions avec tous
autres types d’utilisations. Beaucoup de projets sont alors étudiés mais peu voient le jour. Le
marché est néanmoins porteur, surtout en région parisienne et quelques autres métropoles.
Il y a également une compétition interne entre les résidences libres et les résidences sociales.
En ce qui concerne la résidence sénior, le problème est presque inverse. Il n’y a pas de freins
à la production. Les bilans tournent relativement bien pour les résidences séniors. Les
fonciers sont abondants, Il n’y a pas d’obligation de construire dans les hypercentres. Il y a
donc une abondance de fonciers possibles à des prix accessibles. C’est le savoir-faire de
l’opérateur qui devient primordial avec la pluralité des services proposés.
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Si les taux remontaient, est-ce-que l’appétit pour chacune des classes d’actifs vous
semblerait pérenne ?
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Laurent FLECHET, Président du Directoire – PRIMONIAL REIM :
L’immobilier reste une des rares classes d’actifs à être capable de capter une partie de
l’inflation. Ceci est également vrai sur la santé. En cas de remontée des taux, accompagnée
d’une augmentation de l’activité avec une reprise de l’inflation, la classe d’actifs immobiliers
permettra, grâce à l’indexation des loyers de capter l’augmentation des revenus. Nous
sortons d’un grand nombre d’années difficiles avec un grand nombre de renégociations des
baux. Nous constatons que les taux qui s’appliquent aujourd’hui sont sur un niveau de loyers
plutôt bas, ce qui est vrai également dans le secteur de la santé. C’est donc un élément
relativement protecteur en cas de remontée des taux.
Chez PRIMONIAL allez-vous continuer à investir dans la santé et que cela représentera-t-il
au cours de l’année 2017 ?
Au 31 décembre 2015, le bureau représentait 80% de nos actifs en gestion. Au 31 décembre
2016 il ne représentera plus que 50-52% et la santé 30%. On a vocation - et la volonté - de
conserver 30% sur le secteur de la santé, ce qui représente environ 600 à 700 millions
d’euros dans ce secteur là, dans les années suivantes.
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Frédéric MAMAN, Managing Director EURAZEO Patrimoine – EURAZEO :
En cas de remontée des taux, les experts vont valoriser les murs un peu plus car ils vont
prendre en compte l’indexation des loyers. Nous effectuerons également une légère
augmentation du prix des chambres. Cela bousculera les fondamentaux qui sont voués à se
rééquilibrer. Je ne vois pas de conséquences négatives car cela ne se fera pas brutalement et
pas à très court terme.
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Philippe NICOLET, Président Directeur Général – GROUPE RESIDE ETUDES :
L’immobilier permet de « doper » le rendement avec une petite partie d’endettement. Cela
permet d’avoir plus de rendement sur les fonds propres. Le plus dur ce sont les obligations
d’État qui ont atteint des scores très élevés et étaient considérées comme fiables par les
investisseurs. Cela a entrainé un risque souverain. Nous constatons maintenant que les
risques souverains ne sont plus considérés comme garantis.
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Laurent CAMILLI, Managing Director en charge de l’immobilier et de la santé –
EASTON CORPORATE FINANCE :
La question que l’on se pose est : à l’intérieur de notre classe d’actifs immobiliers, s’il y a une
hausse des taux, est-ce que l’immobilier géré résistera mieux (ou non), que d’autres classes
d’actifs, telles que les bureaux ? Je pense que cette classe d’actifs va mieux résister car ses
fondamentaux sont extrêmement bons. Les besoins qui s’expriment continueront à
s’exprimer. De manière contraire, pour les bureaux, on peut se poser la question, à savoir si
ce type d’actifs ne va pas être impacté sur deux aspects :
9
-
la production de bureaux, car si la hausse des taux intervient, elle va avoir un impact
sur les bilans promoteurs ;
Quelle serait potentiellement l’évolution des loyers dans un contexte où l’on ne
créerait plus assez ou encore moins dans le tertiaire ?
Synthèse écrite établie par Florent BENON et Franck DALLÉ, étudiants au DESUP IMMOBILIER
D’ENTREPRISE de l’Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne.
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