MEMOIRE POUR L`OBTENTION DU DIPLOME INTER
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MEMOIRE POUR L'OBTENTION DU DIPLOME INTER-UNIVERSITAIRE DE PEDAGOGIE MEDICALE PARIS V – VI – XI – XII Intérêts d’une démarche de formation des infirmier(e)s de réanimation pour la réalisation de l’hémodialyse intermittente Par Frédérique Schortgen Soutenu le 13-14 Octobre 2011 1 RESUME L’hémodialyse intermittente (HDI) est une procédure de haute technicité qui est fréquemment nécessaire chez les patients de réanimation les plus graves. Gérer une séance d’hémodialyse fait partie des compétences qu’une IDE de réanimation doit acquérir. Contrairement à d’autre pays, en France, aucune formation complémentaire n’est requise pour exercer le métier d’IDE en réanimation et les personnels des services de néphrologie n’interviennent pas dans les unités de réanimation. L’élaboration de procédures de soins est un moyen reconnu pour améliorer les pratiques et la sécurisation dans les services de réanimation. Dans ce travail nous voulu évaluer l’impact à long terme d’une démarche de formation et d’organisation incluant une procédure de soin standardisée pour la réalisation des séances d’HDI dans notre service de réanimation. En 2005 nous avons développé un programme de formation basé sur la constitution d’un groupe de travail médico-paramédical sur l’hémodialyse. Les objectifs de ce groupe étaient la réalisation d’une feuille de prescription-surveillance ciblée pour les séances d’HDI et d’un guide illustré pour chaque étape du déroulement d’une séance, la formation théorique et pratique des IDE du service grâce à un tutorat par les IDE « experts » du groupe et l’évaluation de l’impact de ce programme de formation. Des paramètres préalablement déterminés ont été prospectivement recueillis avant, à 1an, 2 ans et 4 ans de la mise en place du programme incluant la traçabilité des séances, les réglages, la surveillance et la gestion des cathéters. L’évolution de la mortalité hospitalière des patients traités par hémodialyse a été prospectivement évaluée et comparée à la mortalité prédite par le score SAPS II. Nous avons observé une amélioration significative de la traçabilité est des modalités de surveillance des séances d’HDI après mise en place du programme de formation. Cette amélioration persiste dans le temps. En revanche, la gestion des cathéters de dialyse n’a pas été significativement améliorée ce qui a nécessité la mise en place de mesures correctrices. Nous avons observé une baisse progressive du ratio mortalité prédite/observée au cours du temps. Dans notre expérience, la mise en place d’un programme de formation multi-facettes des IDE comportant principalement une procédure standardisée illustrée, un système de tutorat par des IDE « experts » et une évaluation prospective continue permet une amélioration de la gestion des séances d’hémodialyse intermittente qui persiste plusieurs années après sa mise en place. Mots clés : Hémodialyse, réanimation, infirmier, formation, procédure standardisée, compétence, tutorat 2 REMERCIEMENTS A tous les membres du groupe dialyse pour leur investissement dans la réalisation de ce programme de formation, et plus particulièrement à Irma Bourgeon pour son rôle prépondérant dans le succès de cette entreprise multi facette et à Adrien Constan pour son aide précieuse à son évaluation. 3 INTRODUCTION L’épuration extrarénale (EER) est une procédure de haute technicité qui repose sur du matériel complexe et qui nécessite des réglages précis. Elle est sans doute la technique de réanimation dans laquelle les infirmier(e)s (IDE) sont les plus impliqué(e)s [1-3]. Cette procédure met en première ligne l’IDE car il est responsable de l’application de la prescription médicale, du montage du circuit extracorporel, de la bonne programmation des paramètres, de la surveillance de la séance et de la gestion des principaux incidents techniques. En réanimation, l’EER s’adresse aux patients les plus graves, avec de multiples défaillances d’organe. L’instabilité hémodynamique est le premier risque du processus de dialyse, mais de nombreuses complications peuvent survenir. Gérer une séance d’EER fait partie des compétences qu’une IDE de réanimation doit acquérir [4]. Contrairement à d’autre pays, en France, aucune formation complémentaire n’est requise pour exercer le métier d’IDE en réanimation [5]. Seule une période d’adaptation à l’emploie est éventuellement respectée au sein de chaque établissement de santé. De plus, le fonctionnement « fermé » des services de réanimation français fait que les techniques d’EER sont réalisées par les IDE de réanimation sans intervention des personnels des services de néphrologie comme cela est le cas dans la majorité des pays. La formation des équipes paramédicales de réanimation est rendue complexe par plusieurs obstacles spécifiques à cette discipline : une prédominance de jeunes diplômés, un turnover très rapide avec une moyenne nationale aux alentours de 2 ans, une formation sur le terrain réalisée dans l’urgence et en condition de stress, des équipes soignantes nombreuses et de multiples compétences à acquérir [4, 5]. L’entrée de la formation des IDE dans le système universitaire LMD renforcera significativement l’acquisition de savoirs scientifiques avec un risque que cela soit aux dépends de la formation pratique. L’élaboration de procédures de soins est un moyen reconnu d’amélioration des pratiques et de la sécurisation dans les services de réanimation [6, 7]. Celles appliquées par les IDE pour le sevrage de la ventilation ou la gestion de la sédation ont montrés leur intérêt pour réduire la durée de la ventilation artificielle [8]. En ce qui concerne la pratique de l’hémodialyse nous avons préalablement montré que les réglages appliqués au cours des séances avaient un impact significatif sur leur tolérance [9]. Ceci renforce l’intérêt d’une standardisation des pratiques pour la réalisation de cette technique en réanimation. Cependant, l’évaluation de l’impact des procédures de soins dans le cadre d’un travail de recherche clinique est parfois biaisée par une logistique matérielle et humaine mise en place spécifiquement pour cette recherche et ne correspondant pas à la vie quotidienne d’un service de réanimation [10]. L’impact à long terme de ces procédures n’est également pas connu et 4 pourrait être moindre du fait de la perte de l’effet « nouveauté » d’une nouvelle procédure et du nombre croissant des procédures développées dans les services de réanimation. Enfin, l’élaboration de ces procédures n’est pas systématiquement associée à un programme de formation théorique et à une évaluation de leur impact facilitant leur application. Dans ce travail nous voulu évaluer l’impact à long terme d’une démarche de formation et d’organisation incluant une procédure de soin standardisée pour la réalisation des séances d’hémodialyse dans notre service de réanimation. METHODES Le service de réanimation médicale du groupe hospitalier Henri Mondor comporte 13 lits de réanimation déployés sur trois zones distinctes et une unité de surveillance continue de 11 lits. Notre effectif est de 50 IDE. Uniquement 20% des IDE ont une expérience de l’hémodialyse avant d’arriver dans notre service. Il existe un IDE référent en charge de l’encadrement des étudiants et des nouveaux arrivants paramédicaux. Il participe aux processus d’élaboration et à la mise en application des procédures de soins. En moyenne, 110 patients sont dialysés par an pour un nombre moyen de séances d’hémodialyse intermittente (HDI) de 550. La réalisation de deux techniques d’EER, hémodialyse intermittente et hémofiltration continue est apparue comme un handicap à l’autonomisation des IDE. La présence de deux techniques diminue, en effet, la fréquence de leur utilisation et nécessite une formation accrue. Les données actuelles de la littérature montrant une équivalence des différentes techniques sur le pronostic des patients [11], le choix s’est porté sur une seule technique, l’hémodialyse intermittente. Constitution d’un groupe dialyse Nous avons constitué en 2005 un groupe de travail sur la dialyse. Le groupe se compose de huit IDE répartis sur chaque roulement d’équipe de jour et de nuit (soit 16% de notre effectif infirmier total), de l’IDE référent, d’un cadre infirmier et d’un réanimateur. A terme, chaque membre du groupe dialyse est considéré comme un « expert » et un tuteur. Ce choix nous permet d’assurer la présence quasi quotidienne d’un « expert » dialyse dans le service. Les « experts », médecin et IDE, sont les relais du groupe au sein du service. Ils diffusent les travaux du groupe, forment les nouveaux IDE, contrôlent la bonne application des procédures de soins, apportent une assistance technique en cas de problèmes lors des séances et participent à l’évaluation des procédures. 5 Formation pratique (figure 1) Une feuille unique, incluant la prescription dirigée et la surveillance d’une séance d’EER a été réactualisée et mise en place en janvier 2006 (Annexe 1). Le groupe a également rédigé un guide d’utilisation détaillé et illustré par des photographies du générateur et du circuit à chaque étape de la procédure (Annexe 2). Ce manuel décompose toutes les étapes de montage du circuit extracorporel. Il explicite la procédure de branchement et débranchement. Il développe aussi la surveillance d’une séance de dialyse et expose la conduite à tenir pour faire face aux alarmes les plus fréquentes. Il résume aussi la procédure d’entretien et de désinfection du générateur d’hémodialyse. Cet outil est disponible en livret qui accompagne et guide l’IDE au cours des différentes étapes de la mise en œuvre d’une séance. La formation à la dialyse n’est pas une priorité pendant la période d’intégration du nouvel IDE dans. Celui-ci est formé en priorité aux gestes d’urgences vitales et aux soins éventuellement moins techniques, mais plus fréquemment réalisés. En pratique, chaque nouvel IDE est doublé par un IDE aguerri. Cette période dite d’acquisition accompagnée dure 16 journées de 12 heures. La formation à la dialyse se fait à travers un compagnonnage, de préférence par un IDE « expert » du groupe dialyse disponible. Le nouvel infirmier est doublé à plusieurs reprises sur toutes les étapes d’une séance de dialyse puis il réalise lui-même plusieurs séances de dialyse sous le control d’un infirmier aguerri. Le nouvel infirmier devient ainsi progressivement autonome et deviendra lui-même un infirmier aguerri, voire un « expert » s’il le souhaite. Figure 1 : Schéma d’organisation de la formation pratique des IDE GROUPE DIALYSE IDE experts Outils de formation/Procédures: • Feuille de prescriptions surveillance • Guide d’utilisation illustré Formation des nouveaux IDE •Intégration: observation/sensibilisation IDE AGUERRIS Gestion autonome de la dialyse par l’utilisation des outils/procédures •Acquisition accompagnée •Acquisition accompagnée à distance Problèmes lors d’une dialyse 6 Formation théorique Afin d’améliorer la compréhension et la bonne application des procédures, les IDE bénéficient d’un cours théorique sur la dialyse dispensé par un médecin et les IDE « experts dialyse » lors de la semaine de formation annuelle interne au service. Chaque semestre, un cours pour les nouveaux internes et assistants est effectué afin d’expliquer les règles de prescription et les éléments de surveillance d’une séance d’EER. Des cas pratiques en fonction de la pathologie du patient sont proposés. La diffusion des outils de formation est facilitée par la mise en ligne sur le site intranet du service. Evaluation des pratiques Dès la mise en place du groupe dialyse, un programme d’évaluation des pratiques a été initié. Lors de la réalisation de la feuille de prescription-surveillance (annexe 1) une réflexion a été menée afin de faciliter cette évaluation. Des paramètres préalablement déterminés sont régulièrement rentrés dans une base Excel et analysés par les membres du groupe dialyse. Ils concernent • la traçabilité : - nom de/des IDE réalisant la séance - la réalisation du test de recherche de résidu de désinfectant dans le dialysat qui est obligatoire • l’adéquation des réglages et de la surveillance - Fréquence de la surveillance au cours de la première heure (période la plus à risque d’instabilité hémodynamique - Réglage de la température du dialysat (influant sur la tolérance hémodynamique) conforme à la prescription - Réalisation systématique d’un hémo-glucotest avant débranchement (prévention du risque d’hypoglycémie après débranchement du fait de l’arrêt de l’apport potentiel de glucose par le dialysat) • la gestion des cathéters. - Séance au cours de laquelle les lignes artérielle et veineuse du circuit extra corporel ont été inversées, signe d’une mauvaise perméabilité du cathéter qui est prévenu par une technique de rinçage standardisée indiquée dans la procédure. Cette évaluation à porté sur 4 périodes, une avant (Sept 2005 – Déc 2005) et 3 après la mise en place du programme de formation en janvier 2006 : soit à 1 an (Sept 2006 – Fév 2007), à 2 ans (Sept 2007 – Fév 2008) et à 4 ans (Sept 2010- Fév 2011). La période d’évaluation a toujours été la même afin de 7 prendre en compte les variations saisonnières incluant, le recrutement des nouveaux diplômés en fin d’année, les changements de médecins au premier novembre, la réalisation de notre semaine de formation théorique des paramédicaux en janvier de chaque année. Parallèlement au recueil des paramètres d’évaluation du déroulement des séances d’HDI, un suivi prospectif de tous les malades dialysés dans notre service est réalisé incluant une caractérisation de leur sévérité et leur devenir. Les résultats des différentes périodes d’évaluation ont été diffusés au fur et à mesure aux personnels du service lors des formations théoriques et via le site intranet du service. Analyse statistique Les résultats sont présentés en moyenne avec déviation standard pour les variables quantitatives et en nombre et pourcentage de patients ou de séances d’HDI. Les résultats des 4 périodes ont été comparés par un test non paramétrique de Kruskall Wallis pour les variables continues ou un test du Chi 2 ou de Fisher pour les variables quantitatives. L’évolution du pronostique à été étudiée par la méthode du Standardised Mortality Ratio (SMR), la probabilité de décès a été calculée pour chaque patient à partir de son Simplified Acute Physiological Score II (SAPS II) [12, 13]. L’analyse à été réalisée à l’aide du logiciel Intercooled stata 8.2 (College Station, Texas 77845 USA). Une valeur de p<0,05 est considérée comme significative. RESULTATS Le nombre de patients traités et de séances d’HDI réalisées pendant les différentes périodes de l’étude sont indiqués dans le tableau 1 et sont constants au cours du temps. La sévérité des patients caractérisée par le SAPS II prédisant la mortalité hospitalière est également comparable au cours du temps. Patients dialysés, n Age, ans SAPS II, points HDI/mois, n Avant 43 57 ±16 62 ± 24 35 HDI chez un patient traité par vasopresseur, n 60 (43%) Nouveaux IDE/mois, n IDE experts dialyse, % IDE aguerris dialyse, % 1,25 NA NA Programme de formation Tableau 1 : Caractéristiques de l’activité d’hémodialyse, des patients et des IDE avant et après mise en place du programme de formation A 1 an 65 62 ± 15 56 ± 20 47 A 2 ans 57 63 ± 16 61 ± 21 48 A 4 ans 43 63 ± 16 62 ± 23 42 131 (46%) 167 (57%) 131 (46%) 0,5 14 ND 1,33 16 75 1,17 12 76 Aucune caractéristique n’est significativement différente entre les 4 périodes 8 Nous avons observé une amélioration significative de la traçabilité est des modalités de surveillance des séances d’HDI après mise en place du programme de formation. Cette amélioration persiste dans le temps (tableau 2). Tableau 2 : Impact du programme de formation sur la gestion des séances d’hémodialyse Programme de formation Avant (n HDI=140) Traçabilité: Nom de l’IDE, n (%) 81 (58) Test désinfectant 111 (79) Réglages et surveillance: Réglage adéquat T° dialysat, n (%) 118 (84) HGT avant débranchement, n (%) 90 (64) ère 101 (72) Surveillance adéquate la 1 h, n (%) HGT : hemoglucotest A 1 an A 2 ans A 4 ans (n HDI=283) (n HDI=290) (n HDI=252) P 235 (83) 249 (86) 232 (92) <0,001 246 (87) 264 (91) 227 (90) <0,001 241 (85) 262 (90) 219 (87) 0,20 259 (92) 257 (89) 211 (84) <0,001 265 (94) 256 (88) 232 (92) <0,001 L’évolution de la gestion des cathéters de dialyse n’a pas été significativement améliorée par la mise en place du programme de formation (figure 2). Des mesures correctrices ont été appliquées en renforçant d’une part la formation à la technique de rinçage des voies du cathéter à la fin de la séance afin de maintenir sa perméabilité et en sensibilisant les médecins à la nécessité de changer les cathéters qui dysfonctionnent. Cette mesure semble avoir permis une diminution significative de la nécessité d’inversion des lignes du circuit extra corporel mais son impact ne persiste pas dans le temps. Inversion des lignes, % des HDI Figure 2 : Impact du programme de formation sur la gestion des cathéters pour hémodialyse évalué par le pourcentage d’inversion des lignes artérielle et veineuse du circuit extra corporel (* P<0,05 vs Avant) 30 Mesures correctrices 20 10 8 10 * 9 2 0 Avant (n=140) A 1an (n=283) A 2 ans (n=290) A 4 ans (n=218) 9 L’évolution de la mortalité hospitalière des patients traités par hémodialyse au cours du temps est indiquée dans la figure 3. Après la mise en place du programme de formation on note un ratio mortalité prédite/mortalité observée inferieur à 1. La mortalité observée devenant significativement inférieure à la mortalité prédite en 2010 (p=0,034), soit 4 an après la mise en place du programme. Mortalité prédite/observée: 70 57 55 60 52 52 50 50 40 1.00 2005 Programme de formation Mortalité hospitalière, % Figure 3 : Evolution de la mortalité des patients traités par HDI au cours de la période d’étude 45 0.95 2006 0.90 2007 0.89 2008 0.81 0.75 2009 2010 DISCUSSION Nos résultats suggèrent que la mise en place d’un programme de formation des IDE à l’hémodialyse permet d’améliorer les conditions de réalisation de cette technique avec un pronostic favorable des patients. Cet impact positif semble persister dans le temps, mais avec la nécessité d’une évaluation régulière des pratiques permettant la mise en place de mesures correctrices. Si le rôle des procédures standardisées pour l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins de réanimation a largement été démontré, le système de formation associé à ces procédures est rarement décrit alors qu’il joue probablement un rôle important. Notre programme de formation comporte, en effet, de multiples aspects et l’impact de la procédure en elle même n’est donc pas évaluable. En France, les objectifs de formation des IDE de réanimations n’ont été définis que très récemment par les sociétés savantes avec la publication d’un référentiel de compétences [4]. Celui-ci couvre un très large éventail de techniques de réanimation que l’IDE doit être capable de maitriser. Cette diversité nous a conduit à organiser la formation des IDE dans notre service par le biais de groupe de travail ayant plusieurs objectifs 1) former des personnels « experts » dans un domaine précis afin qu’ils puissent servir de référents et de tuteurs pour la formation des moins expérimentés 2) 10 homogénéiser les pratiques de soins 3) établir des procédures de soins sous la forme d’un guide pratique accessible au lit du patient afin d’améliorer l’autonomisation des IDE. Cette organisation aboutit à avoir trois niveaux de formation des IDE : ceux en intégration, ceux aguerri à une technique c'est-à-dire autonome avec l’aide de la procédure écrite et les experts capable de superviser leur collègues et d’intervenir en cas de problème non prévu dans la procédure (figure 1). Après celle établie pour l’hémodialyse, une démarche de formation similaire a été initiée dans notre service pour la ventilation non invasive, le sevrage ventilatoire, le contrôle glycémique, la sédation, la gestion des catécholamines et la prévention des pneumonies acquises sous ventilation artificielle. Disposer d’une procédure écrite est indispensable à l’amélioration des pratiques mais cela n’est probablement pas suffisant. La façon dont la procédure a été élaborée va déterminer l’adhésion des équipes soignantes. La constitution de groupes de travail avec des représentants médicaux et paramédicaux est sans doute nécessaire. Une étude sur les recommandations pour la prévention des infections retrouve, en effet, une meilleur adhésion lorsque les recommandations ont été élaborées de manière consultative ou participative [14]. D’autre part, une prise en charges pluridisciplinaires des patients de réanimation est largement recommandée [15]. L’ergonomie de la procédure est également importante, elle doit servir de relais au quotidien entre la formation théorique et la mise en œuvre pratique d’une technique. Dans notre expérience de la formation à l’hémodialyse, une des premières étapes indispensable a été un travail de dénomination des termes techniques afin que tous les personnels parlent le même langage et soient en adéquation avec les noms présents dans le guide illustré. La convivialité de la procédure influence probablement sa compréhension et son application. Si nos procédures sont des outils pratiques au quotidien, leur contenu et leurs intérêts pour le soin du patient sont explicités au cours d’une formation théorique. L’intérêt des procédures ne doit être, au mieux, supporté par une évaluation locale avec information des personnels sur les résultats. Ceci permet une augmentation de l’adhésion et une motivation accrue. Cette évaluation permet également d’adapter les procédures et de mettre en place des mesures correctrices comme cela a été le cas dans notre étude concernant la gestion des cathéters de dialyse. Le rôle des procédures standardisées sur la qualité des soins pourrait également dépendre du niveau de formation de base des IDE à la réanimation et du ratio patient/IDE. Une étude récente a comparé l’adéquation à l’utilisation d’une procédure pour la gestion de la sédation des patients ventilés dans une réanimation française et une réanimation canadienne où les IDE ont une formation spécifique à la réanimation avec un ratio patients/IDE élevé de 1 [16]. De façon intéressante, l’utilisation de la procédure n’était pas significativement plus adéquate dans le centre canadien. 11 L’intérêt de la présence d’un group de personnels « experts » dans un domaine spécialisé de la réanimation a déjà été montré [17 , 18]. La France est l’un des rares pays où les équipes de réanimation réalisent les techniques d’épuration extra-rénale de manière « fermée » [19, 20]. Dans la plupart des autre pays les séances sont gérées par les personnels des services de néphrologie. Cette spécificité française accroit la nécessité de formation des IDE aux techniques d’EER et augmente leur niveau de compétence. Dans les services de réanimation avec une organisation dite « fermées » il serait intéressant d’arriver à déterminer la proportion respective des personnels experts/aguerris/en intégration nécessaire à l’amélioration des pratiques et de la sécurité. Au cours de notre période d’étude cette répartition était d’environ 15% d’experts, 75 % d’aguerris et 10% en intégration. L’intérêt de notre évaluation est la persistance sur le long terme de l’impact positif de notre programme de formation. Si les résultats à 1 an ont été satisfaisants nous devions vérifier que l’impact bénéfique retrouvé persistait au cours du temps, ce qui semble être le cas. Du fait de ces bons résultats obtenus rapidement, d’autres groupes de travail et procédures ont vu le jour au cours des 4 années d’évaluation. Malgré cette multiplicité, l’adhésion des IDE à la procédure princeps pour l’hémodialyse semble persister. Une hypothèse inverse peut cependant être portée. Un nombre élevé de procédures pourrait familiariser les IDE à ce mode particulier de fonctionnement et d’autonomisation et augmenter leur adhésion. L’effet à long terme de notre programme de formation a également été évalué par la surveillance du pronostic des patients traité par hémodialyse dans notre service. Nous avons observé une tendance à la baisse de la mortalité hospitalière. Comparée à la mortalité prédite par la gravité des patients évaluée par le score SAPS II, la mortalité observée devient progressivement significativement inférieure au cours du temps. Le rôle de notre programme de formation dans l’amélioration du pronostic des patients est bien évidemment difficile à estimer puisqu’il existe beaucoup de facteurs confondants. L’amélioration au cours du temps de la prise en charge globale des patients de réanimation peut expliquer à elle seule cette évolution favorable. Enfin le SAPS II, score établit il y a maintenant plus de 10 ans, surestime potentiellement la sévérité des patients [12]. L’engouement relativement récent pour une prise en charge « protocolisée » des patients de réanimation a généré une controverse du fait des effets potentiellement négatifs qui ont été avancés par certains auteurs. L’application systématique d’une procédure de soins ou d’un algorithme décisionnel pourrait, en effet, faire perde le sens de la critique, le raisonnement personnalisé face à une situation individuelle et entraver la prise de décision nécessaire à l’apprentissage. Martin Tobin, réanimateur à Chicago et spécialiste de la ventilation artificielle a très rapidement critiqué 12 l’utilisation des procédures dédiée au sevrage en écrivant dès 2004: « It is not the inflexibility of an algorithm that we want when caring for patients, but the new physiological principles that arise from successful testing of the algorithm.» [21]. La question d’un impact potentiellement négatif de l’utilisation de protocoles sur l’acquisition des connaissances et de la compétence sur la ventilation artificielle a récemment été évaluée aux USA au sein d’un collectif de réanimateur en formation. Ceux ayant exercé dans des services utilisant des protocoles avaient finalement un niveau de connaissance identique sur la ventilation comparés à ceux n’ayant pas été exposés à des protocoles [22]. CONCLUSION Dans notre expérience, la mise en place d’un programme de formation multi-facettes des IDI comportant principalement une procédure standardisée illustrée, un système de tutorat par des IDE « experts » et une évaluation prospective continue permet une amélioration de la gestion des séances d’hémodialyse intermittente qui persiste plusieurs années après sa mise en place. 13 References 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. Baldwin I, Fealy N, (2009) Clinical nursing for the application of continuous renal replacement therapy in the intensive care unit. Semin Dial 22: 189-193. Honore PM, Joannes-Boyau O, Gressens B, (2007) CRRT technology and logistics: is there a role for a medical emergency team in CRRT? Contrib Nephrol 156: 354-364. 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