MEMOIRE POUR L`OBTENTION DU DIPLOME INTER

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MEMOIRE POUR L`OBTENTION DU DIPLOME INTER
MEMOIRE POUR L'OBTENTION
DU DIPLOME INTER-UNIVERSITAIRE
DE PEDAGOGIE MEDICALE
PARIS V – VI – XI – XII
Intérêts d’une démarche de formation des infirmier(e)s de réanimation
pour la réalisation de l’hémodialyse intermittente
Par Frédérique Schortgen
Soutenu le 13-14 Octobre 2011
1
RESUME
L’hémodialyse intermittente (HDI) est une procédure de haute technicité qui est fréquemment
nécessaire chez les patients de réanimation les plus graves. Gérer une séance d’hémodialyse fait
partie des compétences qu’une IDE de réanimation doit acquérir. Contrairement à d’autre pays, en
France, aucune formation complémentaire n’est requise pour exercer le métier d’IDE en réanimation
et les personnels des services de néphrologie n’interviennent pas dans les unités de réanimation.
L’élaboration de procédures de soins est un moyen reconnu pour améliorer les pratiques et la
sécurisation dans les services de réanimation. Dans ce travail nous voulu évaluer l’impact à long
terme d’une démarche de formation et d’organisation incluant une procédure de soin standardisée
pour la réalisation des séances d’HDI dans notre service de réanimation.
En 2005 nous avons développé un programme de formation basé sur la constitution d’un groupe de
travail médico-paramédical sur l’hémodialyse. Les objectifs de ce groupe étaient la réalisation d’une
feuille de prescription-surveillance ciblée pour les séances d’HDI et d’un guide illustré pour chaque
étape du déroulement d’une séance, la formation théorique et pratique des IDE du service grâce à un
tutorat par les IDE « experts » du groupe et l’évaluation de l’impact de ce programme de formation.
Des paramètres préalablement déterminés ont été prospectivement recueillis avant, à 1an, 2 ans et 4
ans de la mise en place du programme incluant la traçabilité des séances, les réglages, la surveillance
et la gestion des cathéters. L’évolution de la mortalité hospitalière des patients traités par
hémodialyse a été prospectivement évaluée et comparée à la mortalité prédite par le score SAPS II.
Nous avons observé une amélioration significative de la traçabilité est des modalités de surveillance
des séances d’HDI après mise en place du programme de formation. Cette amélioration persiste dans
le temps. En revanche, la gestion des cathéters de dialyse n’a pas été significativement améliorée ce
qui a nécessité la mise en place de mesures correctrices. Nous avons observé une baisse progressive
du ratio mortalité prédite/observée au cours du temps.
Dans notre expérience, la mise en place d’un programme de formation multi-facettes des IDE
comportant principalement une procédure standardisée illustrée, un système de tutorat par des IDE
« experts » et une évaluation prospective continue permet une amélioration de la gestion des
séances d’hémodialyse intermittente qui persiste plusieurs années après sa mise en place.
Mots clés : Hémodialyse, réanimation, infirmier, formation, procédure standardisée, compétence,
tutorat
2
REMERCIEMENTS
A tous les membres du groupe dialyse pour leur investissement dans la réalisation de ce programme
de formation, et plus particulièrement à Irma Bourgeon pour son rôle prépondérant dans le succès
de cette entreprise multi facette et à Adrien Constan pour son aide précieuse à son évaluation.
3
INTRODUCTION
L’épuration extrarénale (EER) est une procédure de haute technicité qui repose sur du matériel
complexe et qui nécessite des réglages précis. Elle est sans doute la technique de réanimation dans
laquelle les infirmier(e)s (IDE) sont les plus impliqué(e)s [1-3]. Cette procédure met en première ligne
l’IDE car il est responsable de l’application de la prescription médicale, du montage du circuit
extracorporel, de la bonne programmation des paramètres, de la surveillance de la séance et de la
gestion des principaux incidents techniques. En réanimation, l’EER s’adresse aux patients les plus
graves, avec de multiples défaillances d’organe. L’instabilité hémodynamique est le premier risque
du processus de dialyse, mais de nombreuses complications peuvent survenir. Gérer une séance
d’EER fait partie des compétences qu’une IDE de réanimation doit acquérir [4]. Contrairement à
d’autre pays, en France, aucune formation complémentaire n’est requise pour exercer le métier
d’IDE en réanimation [5]. Seule une période d’adaptation à l’emploie est éventuellement respectée
au sein de chaque établissement de santé. De plus, le fonctionnement « fermé » des services de
réanimation français fait que les techniques d’EER sont réalisées par les IDE de réanimation sans
intervention des personnels des services de néphrologie comme cela est le cas dans la majorité des
pays.
La formation des équipes paramédicales de réanimation est rendue complexe par plusieurs obstacles
spécifiques à cette discipline : une prédominance de jeunes diplômés, un turnover très rapide avec
une moyenne nationale aux alentours de 2 ans, une formation sur le terrain réalisée dans l’urgence
et en condition de stress, des équipes soignantes nombreuses et de multiples compétences à
acquérir [4, 5]. L’entrée de la formation des IDE dans le système universitaire LMD renforcera
significativement l’acquisition de savoirs scientifiques avec un risque que cela soit aux dépends de la
formation pratique.
L’élaboration de procédures de soins est un moyen reconnu d’amélioration des pratiques et de la
sécurisation dans les services de réanimation [6, 7]. Celles appliquées par les IDE pour le sevrage de
la ventilation ou la gestion de la sédation ont montrés leur intérêt pour réduire la durée de la
ventilation artificielle [8]. En ce qui concerne la pratique de l’hémodialyse nous avons préalablement
montré que les réglages appliqués au cours des séances avaient un impact significatif sur leur
tolérance [9]. Ceci renforce l’intérêt d’une standardisation des pratiques pour la réalisation de cette
technique en réanimation. Cependant, l’évaluation de l’impact des procédures de soins dans le cadre
d’un travail de recherche clinique est parfois biaisée par une logistique matérielle et humaine mise
en place spécifiquement pour cette recherche et ne correspondant pas à la vie quotidienne d’un
service de réanimation [10]. L’impact à long terme de ces procédures n’est également pas connu et
4
pourrait être moindre du fait de la perte de l’effet « nouveauté » d’une nouvelle procédure et du
nombre croissant des procédures développées dans les services de réanimation. Enfin, l’élaboration
de ces procédures n’est pas systématiquement associée à un programme de formation théorique et
à une évaluation de leur impact facilitant leur application.
Dans ce travail nous voulu évaluer l’impact à long terme d’une démarche de formation et
d’organisation incluant une procédure de soin standardisée pour la réalisation des séances
d’hémodialyse dans notre service de réanimation.
METHODES
Le service de réanimation médicale du groupe hospitalier Henri Mondor comporte 13 lits de
réanimation déployés sur trois zones distinctes et une unité de surveillance continue de 11 lits. Notre
effectif est de 50 IDE. Uniquement 20% des IDE ont une expérience de l’hémodialyse avant d’arriver
dans notre service. Il existe un IDE référent en charge de l’encadrement des étudiants et des
nouveaux arrivants paramédicaux. Il participe aux processus d’élaboration et à la mise en application
des procédures de soins. En moyenne, 110 patients sont dialysés par an pour un nombre moyen de
séances d’hémodialyse intermittente (HDI) de 550. La réalisation de deux techniques d’EER,
hémodialyse intermittente et hémofiltration continue est apparue comme un handicap à
l’autonomisation des IDE. La présence de deux techniques diminue, en effet, la fréquence de leur
utilisation et nécessite une formation accrue. Les données actuelles de la littérature montrant une
équivalence des différentes techniques sur le pronostic des patients [11], le choix s’est porté sur une
seule technique, l’hémodialyse intermittente.
Constitution d’un groupe dialyse
Nous avons constitué en 2005 un groupe de travail sur la dialyse. Le groupe se compose de huit IDE
répartis sur chaque roulement d’équipe de jour et de nuit (soit 16% de notre effectif infirmier total),
de l’IDE référent, d’un cadre infirmier et d’un réanimateur. A terme, chaque membre du groupe
dialyse est considéré comme un « expert » et un tuteur. Ce choix nous permet d’assurer la présence
quasi quotidienne d’un « expert » dialyse dans le service. Les « experts », médecin et IDE, sont les
relais du groupe au sein du service. Ils diffusent les travaux du groupe, forment les nouveaux IDE,
contrôlent la bonne application des procédures de soins, apportent une assistance technique en cas
de problèmes lors des séances et participent à l’évaluation des procédures.
5
Formation pratique (figure 1)
Une feuille unique, incluant la prescription dirigée et la surveillance d’une séance d’EER a été
réactualisée et mise en place en janvier 2006 (Annexe 1). Le groupe a également rédigé un guide
d’utilisation détaillé et illustré par des photographies du générateur et du circuit à chaque étape de
la procédure (Annexe 2). Ce manuel décompose toutes les étapes de montage du circuit
extracorporel. Il explicite la procédure de branchement et débranchement. Il développe aussi la
surveillance d’une séance de dialyse et expose la conduite à tenir pour faire face aux alarmes les plus
fréquentes. Il résume aussi la procédure d’entretien et de désinfection du générateur d’hémodialyse.
Cet outil est disponible en livret qui accompagne et guide l’IDE au cours des différentes étapes de la
mise en œuvre d’une séance.
La formation à la dialyse n’est pas une priorité pendant la période d’intégration du nouvel IDE dans.
Celui-ci est formé en priorité aux gestes d’urgences vitales et aux soins éventuellement moins
techniques, mais plus fréquemment réalisés. En pratique, chaque nouvel IDE est doublé par un IDE
aguerri. Cette période dite d’acquisition accompagnée dure 16 journées de 12 heures. La formation à
la dialyse se fait à travers un compagnonnage, de préférence par un IDE « expert » du groupe dialyse
disponible. Le nouvel infirmier est doublé à plusieurs reprises sur toutes les étapes d’une séance de
dialyse puis il réalise lui-même plusieurs séances de dialyse sous le control d’un infirmier aguerri. Le
nouvel infirmier devient ainsi progressivement autonome et deviendra lui-même un infirmier aguerri,
voire un « expert » s’il le souhaite.
Figure 1 : Schéma d’organisation de la formation pratique des IDE
GROUPE DIALYSE
IDE experts
Outils de formation/Procédures:
• Feuille de prescriptions surveillance
• Guide d’utilisation illustré
Formation des
nouveaux IDE
•Intégration:
observation/sensibilisation
IDE AGUERRIS
Gestion autonome de la dialyse
par l’utilisation des
outils/procédures
•Acquisition accompagnée
•Acquisition accompagnée à
distance
Problèmes lors
d’une dialyse
6
Formation théorique
Afin d’améliorer la compréhension et la bonne application des procédures, les IDE bénéficient d’un
cours théorique sur la dialyse dispensé par un médecin et les IDE « experts dialyse » lors de la
semaine de formation annuelle interne au service. Chaque semestre, un cours pour les nouveaux
internes et assistants est effectué afin d’expliquer les règles de prescription et les éléments de
surveillance d’une séance d’EER. Des cas pratiques en fonction de la pathologie du patient sont
proposés. La diffusion des outils de formation est facilitée par la mise en ligne sur le site intranet du
service.
Evaluation des pratiques
Dès la mise en place du groupe dialyse, un programme d’évaluation des pratiques a été initié. Lors de
la réalisation de la feuille de prescription-surveillance (annexe 1) une réflexion a été menée afin de
faciliter cette évaluation. Des paramètres préalablement déterminés sont régulièrement rentrés dans
une base Excel et analysés par les membres du groupe dialyse. Ils concernent
•
la traçabilité :
-
nom de/des IDE réalisant la séance
-
la réalisation du test de recherche de résidu de désinfectant dans le dialysat qui est
obligatoire
•
l’adéquation des réglages et de la surveillance
-
Fréquence de la surveillance au cours de la première heure (période la plus à risque
d’instabilité hémodynamique
-
Réglage de la température du dialysat (influant sur la tolérance hémodynamique) conforme à
la prescription
-
Réalisation systématique d’un hémo-glucotest avant débranchement (prévention du risque
d’hypoglycémie après débranchement du fait de l’arrêt de l’apport potentiel de glucose par
le dialysat)
•
la gestion des cathéters.
-
Séance au cours de laquelle les lignes artérielle et veineuse du circuit extra corporel ont été
inversées, signe d’une mauvaise perméabilité du cathéter qui est prévenu par une technique
de rinçage standardisée indiquée dans la procédure.
Cette évaluation à porté sur 4 périodes, une avant (Sept 2005 – Déc 2005) et 3 après la mise en place
du programme de formation en janvier 2006 : soit à 1 an (Sept 2006 – Fév 2007), à 2 ans (Sept 2007 –
Fév 2008) et à 4 ans (Sept 2010- Fév 2011). La période d’évaluation a toujours été la même afin de
7
prendre en compte les variations saisonnières incluant, le recrutement des nouveaux diplômés en fin
d’année, les changements de médecins au premier novembre, la réalisation de notre semaine de
formation théorique des paramédicaux en janvier de chaque année. Parallèlement au recueil des
paramètres d’évaluation du déroulement des séances d’HDI, un suivi prospectif de tous les malades
dialysés dans notre service est réalisé incluant une caractérisation de leur sévérité et leur devenir.
Les résultats des différentes périodes d’évaluation ont été diffusés au fur et à mesure aux personnels
du service lors des formations théoriques et via le site intranet du service.
Analyse statistique
Les résultats sont présentés en moyenne avec déviation standard pour les variables quantitatives et
en nombre et pourcentage de patients ou de séances d’HDI. Les résultats des 4 périodes ont été
comparés par un test non paramétrique de Kruskall Wallis pour les variables continues ou un test du
Chi 2 ou de Fisher pour les variables quantitatives. L’évolution du pronostique à été étudiée par la
méthode du Standardised Mortality Ratio (SMR), la probabilité de décès a été calculée pour chaque
patient à partir de son Simplified Acute Physiological Score II (SAPS II) [12, 13]. L’analyse à été
réalisée à l’aide du logiciel Intercooled stata 8.2 (College Station, Texas 77845 USA). Une valeur de
p<0,05 est considérée comme significative.
RESULTATS
Le nombre de patients traités et de séances d’HDI réalisées pendant les différentes périodes de
l’étude sont indiqués dans le tableau 1 et sont constants au cours du temps. La sévérité des patients
caractérisée par le SAPS II prédisant la mortalité hospitalière est également comparable au cours du
temps.
Patients dialysés, n
Age, ans
SAPS II, points
HDI/mois, n
Avant
43
57 ±16
62 ± 24
35
HDI chez un patient traité par vasopresseur, n
60 (43%)
Nouveaux IDE/mois, n
IDE experts dialyse, %
IDE aguerris dialyse, %
1,25
NA
NA
Programme de formation
Tableau 1 : Caractéristiques de l’activité d’hémodialyse, des patients et des IDE avant et après mise
en place du programme de formation
A 1 an
65
62 ± 15
56 ± 20
47
A 2 ans
57
63 ± 16
61 ± 21
48
A 4 ans
43
63 ± 16
62 ± 23
42
131 (46%)
167 (57%)
131 (46%)
0,5
14
ND
1,33
16
75
1,17
12
76
Aucune caractéristique n’est significativement différente entre les 4 périodes
8
Nous avons observé une amélioration significative de la traçabilité est des modalités de surveillance
des séances d’HDI après mise en place du programme de formation. Cette amélioration persiste dans
le temps (tableau 2).
Tableau 2 : Impact du programme de formation sur la gestion des séances d’hémodialyse
Programme de formation
Avant
(n HDI=140)
Traçabilité:
Nom de l’IDE, n (%)
81 (58)
Test désinfectant
111 (79)
Réglages et surveillance:
Réglage adéquat T° dialysat, n (%)
118 (84)
HGT avant débranchement, n (%)
90 (64)
ère
101 (72)
Surveillance adéquate la 1 h, n (%)
HGT : hemoglucotest
A 1 an
A 2 ans
A 4 ans
(n HDI=283) (n HDI=290) (n HDI=252)
P
235 (83)
249 (86)
232 (92)
<0,001
246 (87)
264 (91)
227 (90)
<0,001
241 (85)
262 (90)
219 (87)
0,20
259 (92)
257 (89)
211 (84)
<0,001
265 (94)
256 (88)
232 (92)
<0,001
L’évolution de la gestion des cathéters de dialyse n’a pas été significativement améliorée par la mise
en place du programme de formation (figure 2). Des mesures correctrices ont été appliquées en
renforçant d’une part la formation à la technique de rinçage des voies du cathéter à la fin de la
séance afin de maintenir sa perméabilité et en sensibilisant les médecins à la nécessité de changer
les cathéters qui dysfonctionnent. Cette mesure semble avoir permis une diminution significative de
la nécessité d’inversion des lignes du circuit extra corporel mais son impact ne persiste pas dans le
temps.
Inversion des lignes, % des HDI
Figure 2 : Impact du programme de formation sur la gestion des cathéters pour hémodialyse évalué
par le pourcentage d’inversion des lignes artérielle et veineuse du circuit extra corporel (* P<0,05
vs Avant)
30
Mesures
correctrices
20
10
8
10
*
9
2
0
Avant (n=140)
A 1an (n=283)
A 2 ans (n=290)
A 4 ans (n=218)
9
L’évolution de la mortalité hospitalière des patients traités par hémodialyse au cours du temps est
indiquée dans la figure 3. Après la mise en place du programme de formation on note un ratio
mortalité prédite/mortalité observée inferieur à 1. La mortalité observée devenant significativement
inférieure à la mortalité prédite en 2010 (p=0,034), soit 4 an après la mise en place du programme.
Mortalité prédite/observée:
70
57
55
60
52
52
50
50
40
1.00
2005
Programme de formation
Mortalité hospitalière, %
Figure 3 : Evolution de la mortalité des patients traités par HDI au cours de la période d’étude
45
0.95
2006
0.90
2007
0.89
2008
0.81
0.75
2009
2010
DISCUSSION
Nos résultats suggèrent que la mise en place d’un programme de formation des IDE à l’hémodialyse
permet d’améliorer les conditions de réalisation de cette technique avec un pronostic favorable des
patients. Cet impact positif semble persister dans le temps, mais avec la nécessité d’une évaluation
régulière des pratiques permettant la mise en place de mesures correctrices. Si le rôle des
procédures standardisées pour l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins de réanimation
a largement été démontré, le système de formation associé à ces procédures est rarement décrit
alors qu’il joue probablement un rôle important. Notre programme de formation comporte, en effet,
de multiples aspects et l’impact de la procédure en elle même n’est donc pas évaluable.
En France, les objectifs de formation des IDE de réanimations n’ont été définis que très récemment
par les sociétés savantes avec la publication d’un référentiel de compétences [4]. Celui-ci couvre un
très large éventail de techniques de réanimation que l’IDE doit être capable de maitriser. Cette
diversité nous a conduit à organiser la formation des IDE dans notre service par le biais de groupe de
travail ayant plusieurs objectifs 1) former des personnels « experts » dans un domaine précis afin
qu’ils puissent servir de référents et de tuteurs pour la formation des moins expérimentés 2)
10
homogénéiser les pratiques de soins 3) établir des procédures de soins sous la forme d’un guide
pratique accessible au lit du patient afin d’améliorer l’autonomisation des IDE. Cette organisation
aboutit à avoir trois niveaux de formation des IDE : ceux en intégration, ceux aguerri à une technique
c'est-à-dire autonome avec l’aide de la procédure écrite et les experts capable de superviser leur
collègues et d’intervenir en cas de problème non prévu dans la procédure (figure 1). Après celle
établie pour l’hémodialyse, une démarche de formation similaire a été initiée dans notre service pour
la ventilation non invasive, le sevrage ventilatoire, le contrôle glycémique, la sédation, la gestion des
catécholamines et la prévention des pneumonies acquises sous ventilation artificielle.
Disposer d’une procédure écrite est indispensable à l’amélioration des pratiques mais cela n’est
probablement pas suffisant. La façon dont la procédure a été élaborée va déterminer l’adhésion des
équipes soignantes. La constitution de groupes de travail avec des représentants médicaux et
paramédicaux est sans doute nécessaire. Une étude sur les recommandations pour la prévention des
infections retrouve, en effet, une meilleur adhésion lorsque les recommandations ont été élaborées
de manière consultative ou participative [14]. D’autre part, une prise en charges pluridisciplinaires
des patients de réanimation est largement recommandée [15]. L’ergonomie de la procédure est
également importante, elle doit servir de relais au quotidien entre la formation théorique et la mise
en œuvre pratique d’une technique. Dans notre expérience de la formation à l’hémodialyse, une des
premières étapes indispensable a été un travail de dénomination des termes techniques afin que
tous les personnels parlent le même langage et soient en adéquation avec les noms présents dans le
guide illustré. La convivialité de la procédure influence probablement sa compréhension et son
application. Si nos procédures sont des outils pratiques au quotidien, leur contenu et leurs intérêts
pour le soin du patient sont explicités au cours d’une formation théorique. L’intérêt des procédures
ne doit être, au mieux, supporté par une évaluation locale avec information des personnels sur les
résultats. Ceci permet une augmentation de l’adhésion et une motivation accrue. Cette évaluation
permet également d’adapter les procédures et de mettre en place des mesures correctrices comme
cela a été le cas dans notre étude concernant la gestion des cathéters de dialyse.
Le rôle des procédures standardisées sur la qualité des soins pourrait également dépendre du niveau
de formation de base des IDE à la réanimation et du ratio patient/IDE. Une étude récente a comparé
l’adéquation à l’utilisation d’une procédure pour la gestion de la sédation des patients ventilés dans
une réanimation française et une réanimation canadienne où les IDE ont une formation spécifique à
la réanimation avec un ratio patients/IDE élevé de 1 [16]. De façon intéressante, l’utilisation de la
procédure n’était pas significativement plus adéquate dans le centre canadien.
11
L’intérêt de la présence d’un group de personnels « experts » dans un domaine spécialisé de la
réanimation a déjà été montré [17 , 18]. La France est l’un des rares pays où les équipes de
réanimation réalisent les techniques d’épuration extra-rénale de manière « fermée » [19, 20]. Dans
la plupart des autre pays les séances sont gérées par les personnels des services de néphrologie.
Cette spécificité française accroit la nécessité de formation des IDE aux techniques d’EER et
augmente leur niveau de compétence. Dans les services de réanimation avec une organisation dite
« fermées » il serait intéressant d’arriver à déterminer la proportion respective des personnels
experts/aguerris/en intégration nécessaire à l’amélioration des pratiques et de la sécurité. Au cours
de notre période d’étude cette répartition était d’environ 15% d’experts, 75 % d’aguerris et 10% en
intégration.
L’intérêt de notre évaluation est la persistance sur le long terme de l’impact positif de notre
programme de formation. Si les résultats à 1 an ont été satisfaisants nous devions vérifier que
l’impact bénéfique retrouvé persistait au cours du temps, ce qui semble être le cas. Du fait de ces
bons résultats obtenus rapidement, d’autres groupes de travail et procédures ont vu le jour au cours
des 4 années d’évaluation. Malgré cette multiplicité, l’adhésion des IDE à la procédure princeps pour
l’hémodialyse semble persister. Une hypothèse inverse peut cependant être portée. Un nombre
élevé de procédures pourrait familiariser les IDE à ce mode particulier de fonctionnement et
d’autonomisation et augmenter leur adhésion.
L’effet à long terme de notre programme de formation a également été évalué par la surveillance du
pronostic des patients traité par hémodialyse dans notre service. Nous avons observé une tendance
à la baisse de la mortalité hospitalière. Comparée à la mortalité prédite par la gravité des patients
évaluée par le score SAPS II, la mortalité observée devient progressivement significativement
inférieure au cours du temps. Le rôle de notre programme de formation dans l’amélioration du
pronostic des patients est bien évidemment difficile à estimer puisqu’il existe beaucoup de facteurs
confondants. L’amélioration au cours du temps de la prise en charge globale des patients de
réanimation peut expliquer à elle seule cette évolution favorable. Enfin le SAPS II, score établit il y a
maintenant plus de 10 ans, surestime potentiellement la sévérité des patients [12].
L’engouement relativement récent pour une prise en charge « protocolisée » des patients de
réanimation a généré une controverse du fait des effets potentiellement négatifs qui ont été avancés
par certains auteurs. L’application systématique d’une procédure de soins ou d’un algorithme
décisionnel pourrait, en effet, faire perde le sens de la critique, le raisonnement personnalisé face à
une situation individuelle et entraver la prise de décision nécessaire à l’apprentissage. Martin Tobin,
réanimateur à Chicago et spécialiste de la ventilation artificielle a très rapidement critiqué
12
l’utilisation des procédures dédiée au sevrage en écrivant dès 2004: « It is not the inflexibility of an
algorithm that we want when caring for patients, but the new physiological principles that arise from
successful testing of the algorithm.» [21]. La question d’un impact potentiellement négatif de
l’utilisation de protocoles sur l’acquisition des connaissances et de la compétence sur la ventilation
artificielle a récemment été évaluée aux USA au sein d’un collectif de réanimateur en formation.
Ceux ayant exercé dans des services utilisant des protocoles avaient finalement un niveau de
connaissance identique sur la ventilation comparés à ceux n’ayant pas été exposés à des protocoles
[22].
CONCLUSION
Dans notre expérience, la mise en place d’un programme de formation multi-facettes des IDI
comportant principalement une procédure standardisée illustrée, un système de tutorat par des IDE
« experts » et une évaluation prospective continue permet une amélioration de la gestion des
séances d’hémodialyse intermittente qui persiste plusieurs années après sa mise en place.
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ANNEXE 2
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