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Les techniques constructives dans les écrits d’architecture entre Italie, France et anciens Pays‐Bas (XVIe – début XVIIIe siècle) Building techniques in writings on architecture between Italy, France and the Low Countries (16th – early 18th century) Colloque international organisé par l’Université catholique de Louvain en collaboration avec l’Université de Namur Namur – Bruxelles 26 – 27 février 2015 ABSTRACTS Yves Pauwels (Université François Rabelais, Tours) L’apparition du traité technique au XVIe siècle en France La communication portera sur les deux traités de Philibert De l’Orme, les Nouvelles inventions (Paris, 1561) et le Premier tome de l’architecture (Paris, 1567) pour les livres consacrés à la stéréotomie, qui sont aussi les premiers traités techniques publiés en Europe. Il s’agira d’étudier les procédés rhétoriques permettant à l’auteur d’exprimer dans l’ouvrage imprimé les données d’un savoir‐faire jusque‐là uniquement transmis par l’apprentissage empirique, et en même temps de justifier cette mutation de la transmission des techniques, qui échappe dès lors aux cercles restreints des corporations pour devenir théoriquement accessibles à tout lecteur. De l’Orme lui‐même est conscient des bouleversements induits par cette évolution qui relève davantage de la sociologie des intervenants que d’une innovation matérielle : il met en avant non seulement la fonction, mais aussi le moi de l’architecte comme « inventeur » de techniques (pour la charpenterie), soutenu par l’appui personnel du roi, et, en introduction aux chapitres sur la stéréotomie, la supériorité intellectuelle et morale de l’« architecte prudent » dans une digression purement intellectuelle illustrée par une allégorie complexe. En même temps, il reste lucide sur les limites de son entreprise, sachant combien la parole imprimée, même renforcée par l’image, remplace difficilement la démonstration concrète d’un procédé de dessin ou de réalisation. 1 The appearance of the technical treatise in sixteenth‐century France This contribution discusses the two treatises of Philibert De l’Orme, the Nouvelles inventions (Paris, 1561) and the Premier tome de l’architecture (Paris, 1567) for its books on stereotomy, which are also the first technical treatises published in Europe. The aim is to study the rhetorical procedures that enabled the author, first, to express in printed books technical know‐how which until then had only been transmitted by empirical apprenticeship and, second, to justify this mutation of the transmission of technical knowledge, which henceforth breaks free from the closed circles of the corporations to become theoretically accessible to every reader. De l’Orme himself is conscious of the profound changes brought about by this evolution, which depended not so much on a material invention but rather on the sociology of its contributors. He expounds not only the function but also the ego of the architect as an “inventor” of techniques (in the area of carpentry), backed by the personal support of the king; and he explicates also, as an introduction to the chapters on stereotomy, the intellectual and moral superiority of the “prudent architect”, in a purely intellectual digression illustrated by a complex allegory. At the same time, he remains lucid as to the limits of his enterprise, knowing how difficult it is for the printed word, even when reinforced by images, to replace the concrete demonstration of procedures of design or execution. * * * Frédérique Lemerle (CESR Tours) La fortune du traité technique au XVIIe siècle en France, de Jousse à Perrault Au siècle suivant s’ouvre une nouvelle ère pour la littérature architecturale. Les traités généraux sont relayés par des ouvrages techniques spécialisés, de l’architecture militaire à la construction proprement dite, à la charpenterie, à la stéréotomie en passant par les recueils de modèles d’habitations et d’ornements, les manuels pour érudits et collégiens, sans oublier les traités des grands auteurs du siècle précédent, et de Vitruve qui, sans être un auteur moderne, demeure une référence incontournable, même s’il doit être actualisé. Ce nouvel essor est lié, entre autres, à la diffusion de masse et à la maîtrise des techniques de gravure. Mathurin Jousse publie un traité de serrurerie (1627) et deux traités de construction sur la charpenterie (1627, 1650) et sur la stéréotomie (1642). Les Français revendiquent en effet une incomparable compétence dans l’art du trait ou de la coupe des pierres, qui leur permet de mettre en valeur les voûtes nues, les trompes virtuoses et les escaliers spectaculaires. François Derand en 1643, et Abraham Bosse et Girard Desargues la même année, développent de façon plus scientifique que Jousse ce que De l’Orme n’avait abordé qu’en praticien virtuose. Claude Perrault est chargé par Colbert de traduire Vitruve en 1673 pour le rendre accessible à un large public et en premier lieu aux divers corps de 2 métiers tout en l’actualisant dans son commentaire. L’année suivante il publie un Abrégé de Vituve destiné aux apprentis et maîtres en refondant le texte et en le mettant au goût du jour. The fortunes of the technical treatise in seventeenth‐century France, from Jousse to Perrault The next century opens up a new era in the architectural literature. General treatises give way to specialized technical works on subjects ranging from military architecture to construction, carpentry and stereotomy, via model‐books on housing and ornament, to manuals for scholars and students, not to forget the treatises of the principal authors of the preceding century, and of Vitruvius, who, though not a modern author, remains an essential reference, even if his work is in need of an update. This new flourishing is connected, among others, to the mass distribution and mastery of engraving techniques. Mathurin Jousse publishes a treatise on locksmithing (1627) and two construction treatises on carpentry (1627, 1650) and stereotomy (1642). The French indeed lay claim to an incomparable competence in the arts of carpentry tracing and stonecutting, which enables them to accentuate unadorned vaults, virtuoso squinches, and spectacular staircases. François Derand in 1643, and Abraham Bosse and Girard Desargues in the same year, develop in a more scientific manner than Josse this subject, which De l’Orme had only touched upon as a virtuoso practitioner. Claude Perrault is commissioned by Colbert to translate Vitruvius in 1673 so as to make him accessible to a large public and, first of all, to the different corporations, while at the same time bringing the work up‐to‐date through his commentary. The following year he publishes an Abrégé of Vitruvius, aimed at apprentices and masters, in which he recasts the text, bringing it in line with the taste of the day. * * * Pier Nicola Pagliara (EPFL, Lausanne ; CISA Palladio, Vicenza) L’experience constructive dans le De re aedificatoria de Leon Battista Alberti Déjà dans le titre de son traité, De re aedificatoria, Alberti privilégie l’art de bâtir, qui dans l’œuvre de Vitruve était l’une des res de l’architecture, sa principale partie matérielle. En effet, dans le volume d’Alberti, la construction occupe une place plus importante que dans le De architectura de Vitruve ou la plupart des nouveaux traités du XVe et XVIe siècle. En synthèse, Alberti propose un système structurel basé sur l’idée innovante d’une ossatura, ou « squelette », tout en fournissant les indications nécessaires pour le réaliser, mais il décrit aussi minutieusement des procédés techniques qui attestent d’une pleine connaissance des pratiques exécutives. 3 Pour la rédaction de son texte, Alberti se base sur la lecture d’innombrables auteurs grecs et latins, particulièrement en ce qui concerne les matériaux, du bois à la pierre, puis confronte ces informations écrites avec ce qu’il déduit d’une analyse attentive des artefacts antiques et médiévaux et des constructions contemporaines jugées supérieures à l’antiquité. Il se consulte avec des experts de tout niveau. Ses idées sur la construction et le fonctionnement des coupoles, et sa compréhension lucide des structures du Panthéon, dérivent sans doute de Brunelleschi. Ce sont par contre des artisans inconnus qui lui ont dû suggérer les nombreuses indications concrètes, comme par exemple les précautions à observer pour réparer les fissures d’un pavement, indications qui ne peuvent être fournies que par ceux qui dans leur travail mettent les mains aux matériaux. Car Alberti, dans les années où il écrit, avant 1452, n’avait pas encore une expérience active du chantier. Certaines solutions décrites et conseillées dans le De re aedificatoria, comme l’emploi des briques, l’opera isodoma, les voûtes en conglomérat en caissons all’antica, seront effectivement employées, surtout à Rome, dans les décennies qui suivent l’édition imprimée du texte. Il n’est pas clair, toutefois, si ces réalisations relèvent exclusivement du traité, ou si elles résultent plutôt, du moins en partie, d’indications directes fournies par son auteur ou par ses œuvres bâties. En tout état de cause, les limitations imposées par la disponibilité locale de matériaux et d’ouvriers maîtrisant les techniques nécessaires demeurent décisives, même quand les pratiques constructives d’Alberti sont bien connaissables. The expertise on construction in Leon Battista Alberti’s De re aedificatoria Already in the title of his treatise, De re aedificatoria, Alberti favours the art of building, which in the work of Vitruvius was one of the res of architecture, its main material part. In fact, in Alberti’s volume, construction occupies a more important place than in Vitruvius’s De architectura or most of the new treatises of the 15th and 16th century. In synthesis, Alberti proposes above all a structural system based on the innovative idea of the ossatura, or “skeleton”, and provides the necessary indications on how to realize it, but he also proceeds to detailed descriptions of technical processes which testify to a full comprehension of actual building practices. To elaborate his own text, he resorts to the reading of countless Latin and Greek authors, particularly on all sorts of materials, from wood to stone, and compares these writings with what he deduces from the careful examination of ancient and medieval artefacts and of those constructions of his own time which had surpassed the ancients. He also consulted experts of all levels. His ideas on the construction and functioning of cupolas, and his astute understanding of the structure of the Pantheon, must in fact derive from Brunelleschi. Unknown craftsmen, on the other hand, must have suggested to him the numerous concrete observations, such as the precautions that are needed to repair cracks in a floor, which can only have come from workmen who actually handled the material, because in the years in which he was writing, before 1452, Alberti did not yet have any active experience on a building site. 4 Some of the solutions described and recommended in De re aedificatoria, from the use of bricks and the opera isodoma to conglomerate coffered vaults all’antica, were actually employed, especially in Rome, in the decades following the printed edition of the treatise. It remains uncertain, however, whether these applications derived exclusively from the treatise, or whether they were at least partially the result of indications provided directly by the author, or by his built works. In any case, the constraints imposed by the local availability of materials and of workers familiar with the required techniques remained decisive, even when the Albertian construction methods were well knowable. * * * Francesco Benelli (Columbia University, New York) Antonio da Sangallo the Younger from the study of Vitruvius to the practice of modern architecture My paper seeks to show how Antonio da Sangallo the Younger’s (Florence 1484 – Terni 1546) understanding and envisioning of imperial Roman architecture was affected and corrupted by the reading of Vitruvius’s De Architectura Libri Decem. Antonio was already celebrated as the most Vitruvian architect of the first half of the sixteenth century by his peers, including Guillaume Philandrier, whose opinion has been shared by historians up to the present day. Although Philandrier’s statement is largely correct, at least regarding Antonio’s design process, one can argue that the Florentine architect’s understanding of Roman structures was often a misunderstanding. During the Renaissance most of the late‐
republican buildings described in the Roman treatise were already destroyed, which forced Antonio to compare the text with the ruins available in his time – these were mostly imperial and therefore quite different. The discrepancy between the text and the visual evidence caused Antonio to make intelligent and creative mistakes, which, on the one hand, gave him a wrong idea of Roman antiquity, but, on the other, produced an innovative way of design. Through the analysis of Antonio’s annotations (including wonderful and unexpected descriptions of Roman architecture) and sketches drafted on the margins of the four editions of Vitruvius he personally owned, and through comparison with some of his architectural drawings (now in the Uffizi), my paper tries to show how Antonio (mis)understood and described some major Roman monuments, including the Pantheon, whose plan was curiously drafted in a chapter of the third book of the De Architectura, related to a description of the pseudodipteros temple. However, I argue that Antonio’s misunderstandings must not always be defined as mistakes, but rather as cultural limits. Understanding Vitruvius correctly requires in fact a number of other sources, textual as well as visual, which were not available in the sixteenth century. After explaining the reasons for these interpretative flaws, I will try to argue how this misunderstanding eventually found an echo in the innovative idea of Antonio’s projects for the courtyards of Palazzo Baldassini and Palazzo Farnese in Rome. 5 Antonio da Sangallo le Jeune, de l’étude de Vitruve à la pratique d’architecture moderne Ma contribution tend à démontrer comment la compréhension et la perception que Antonio da Sangallo le Jeune (Florence 1484 – Terni 1546) a de l’architecture romaine impériale sont influencées et affectées par la lecture du De Architectura Libri Decem de Vitruve. Antonio est célébré comme l’architecte le plus vitruvien déjà dans la première partie du XVIe siècle par ses contemporains, parmi lesquels Guillaume Philandrier, dont l’opinion a été perpétuée jusqu’à nos jours par les historiens. Même si le jugement de Philandrier est globalement correct, au moins en ce qui concerne le processus de dessin d’Antonio, on peut toutefois remarquer que sa manière de compréhension des constructions romaines mène parfois à des méprises. A la renaissance, la plupart des édifices républicains décrits dans le traité antique n’existent plus, et Antonio se voit contraint de comparer le texte avec les ruines encore visibles à son époque, datant pour l’essentiel de l’époque impériale, et donc profondément différentes. Les divergences entre le texte et les vestiges observables génèrent des « erreurs créatives », parfois pleines d’intelligence, qui, d’une part, produisent une idée erronée de l’antiquité romaine, mais, d’autre part, portent à des innovations dans ses projets. En analysant les annotations d’Antonio – descriptions parfois extraordinaires et inattendues de l’architecture romaine – et ses esquisses aux marges des quatre éditions de Vitruve en sa possession, en les comparant avec ses dessins architecturaux (conservés aux Uffizi), ma contribution essaie d’expliquer de quelle façon Antonio décrit, comprend et se méprend sur les principaux monuments romains, y compris le Panthéon, dont le plan est esquissé dans le chapitre du troisième livre du De Architectura en relation avec une description du temple pseudo‐diptère. Mon opinion, toutefois, est qu’on ne doit pas toujours considérer les incompréhensions d’Antonio comme des erreurs mais comme des limites culturelles. La compréhension correcte de Vitruve requiert en effet une quantité d’autres ressources littéraires et matérielles qui ne sont pas disponibles au XVIe siècle. Après avoir expliqué les raisons de ces travers interprétatifs, j’essaierai de démontrer comment ces problèmes de compréhension peuvent se répercuter dans l’idée innovante d’Antonio pour son projet de la cour du Palais Baldassini et de celle du Palais Farnese à Rome. * * * Hubertus Günther (Universität Zurich, LMU München) Philibert de L’Orme and the French tradition of vaulting Philibert De l’Orme in his Premier tome de l’architecture (1567) mainly treats two domains, which differ in both subject matter and intellectual approach. One concerns the classical 6 orders. Here De l’Orme transmits the doctrine which had developed in Italy after the model of Antiquity, especially Vitruvius, and presents himself as the one who introduced the Renaissance in France. The other domain concerns vaulting. Here De l’Orme takes up the tradition of French medieval architecture. He praises the contribution on vaulting techniques which French architects had made for several centuries and claims that the Italians did not master the field and failed also to theorize it. Indeed until then vaulting had hardly been addressed in architectural theory, and also later Italian theorists would not give it much attention either. But in France De l’Orme’s treatment of the subject found widespread success. Based on the rules first published by De l’Orme, a whole series of treatises specifically devoted to vaulting appeared. In Italy most vaults were built in brick, whereas in France they were usually built in carved stone. This was mainly due to the different geological conditions of the two countries. In France hard limestone was much more common than in Italy. De l’Orme does not discuss the tectonics of the vaults anymore than the Italian theorists. His main concern is stereotomy, the highly complex geometrical constructions on which the stone carving of the vault is based. Even in Antiquity vaults in France were built more often in carved stone than in Italy. De l’Orme relies especially on the romanesque spiral staircase of the abbey of Saint Gilles, which at that time was highly famous and remained so even after it was damaged in the Huguenot wars. In my opinion, the statue of the architect of Mainz Cathedral indicates that he, or at least his art of stone cutting, was already famous in the High Gothic. De l’Orme himself then built vaults in carved stone, and subsequently it became customary in French architecture to outright showcase such vaults, which ostentatiously display the difficult art of stone cutting with complex curvatures. The first clear proof that vaulting was considered a particular expertise of French architecture was the church of SS. Trinità dei Monti in Rome, which was erected from 1502 for a French convent with money of the French Crown and under the direction of their representative at the Curia. The decoration of the interior walls follows the most modern Italian “all’antica” style with an order of columns, but the vault and the whole clerestory were built in Gothic style – indeed the vault adopted the same design that was first used in 1264 in the Cathedral of Amiens (largely destroyed in the Baroque; see my reconstruction). The stone was brought especially from France to Rome. In 1520‐21 a French visitor repeatedly claimed that the church was “faict selon la mode Françoise”. Philibert De l’Orme et la tradition française des voûtes Dans son “Premier tome de l’architecture” (1567), Philibert De l’Orme traite principalement de deux thèmes, qui se distinguent à la fois dans l’objet et dans l’approche intellectuelle. Le premier concerne les ordres architecturaux. De l’Orme transmet l’enseignement qui avait été développé en Italie, fondé sur l’exemple antique et notamment sur les écrits de Vitruve, tout en se présentant comme celui qui introduit la renaissance en France. L’autre thème majeur est celui de la construction des voûtes. De l’Orme se réfère ici à la tradition de 7 l’architecture française médiévale et il célèbre le travail mené par les architectes français dans ce domaine depuis déjà plusieurs siècles. Selon De l’Orme, les italiens n’ont guère de renommée en la matière et ils ne rentrent pas dans des questions théoriques. En effet, les aspects théoriques liés à la construction des voûtes étaient à l’époque très peu développés et les auteurs italiens continuent à ne leurs consacrer que très peu d’attention aussi après. En France, en revanche, les observations de De l’Orme à ce sujet connaitront un large succès. La longue série de traités sur la construction des voûtes se fonde en effet sur les règles définies et publiées pour la première fois par De l’Orme. En Italie, les voûtes étaient réalisées habituellement en briques tandis qu’elles étaient, en France, souvent en pierres de taille. Cette situation était semble‐t‐il liée aux ressources géologiques des deux pays. La France dispose en effet de davantage de pierres calcaires bien adaptées à la construction que l’Italie. A l’instar des auteurs italiens, De l’Orme traite aussi peu que les auteurs italiens des questions structurelles des voûtes ; il s’intéresse plutôt à la stéréotomie, soit les systèmes géométriques complexes permettant de définir la forme précise des pierres employées dans les voûtes. Déjà dans l’antiquité les voûtes en pierres de taille sont plus fréquentes en France qu’en Italie. De l’Orme se réfère principalement à l’escalier à vis de l’abbaye de Saint‐Gilles du Gard, un site très connu à son époque et qui le restera aussi après les dégâts provoqués par la guerre des Huguenots. A mon avis, la statue de l’architecte de la cathédrale de Mayence montre à quel point l’escalier, ou au moins la technique de taille utilisée pour sa réalisation, était appréciée déjà pendant l’époque gothique. De l’Orme réalise lui aussi des voûtes en pierres de taille et dans l’architecture française, après De l’Orme, cette solution devient la plus couramment employée. Les voûtes en pierres de tailles contribuent à la magnificence des œuvres et montrent avec ostentation la maitrise des difficultés techniques générées par la complexité des courbes. L’église de la Trinité des Monts, à Rome, réalisée à partir de 1502 pour un couvent français et subventionnée par les rois de France sous la direction de leurs représentants auprès de la Curie, illustre clairement, pour la première fois, combien la construction des voûtes est alors considérée comme une spécificité française. Si l’articulation architecturale des murs à l’intérieur de l’église reprend le style italien all’antica le plus moderne dans l’emploi des ordres, les parties supérieures, comme les claires‐voies et la voûte, sont en revanche réalisées suivant un procédé gothique employé pour la première fois en 1264 pour la cathédrale d’Amiens (mais en grande partie disparu à époque baroque, cf. ma reconstitution). Du reste, les pierres utilisées pour la construction de la voûte proviennent spécialement de France et un visiteur français constate, en 1520‐1521, que l’église est « faict selon la mode Françoise ». * * * 8 Jeroen Goudeau (Radboud Universiteit Nijmegen) Constructions, materials, and the technique of transmission in the Dutch Republic In the Dutch Republic in the late sixteenth and seventeenth century, local building tradition was confronted with new information and insights that did not automatically fit within the established practice. At the same time, it was not radically ‘new’, nor was there an urgent need for technical innovation. New, however, was that this information was mediated by prints and books that codified knowledge on paper. Theorists dealt with these treatises in different ways. Ornament prints by Vredeman de Vries, who was also a skilled engineer, dispersed architectural motives without bothering about technical consequences of how to apply them. The scientist Simon Stevin was especially interested in local craftsmen and not so much in Vitruvius. The Vitruvius‐orientated theorist Nicolaus Goldmann mixed Italian with contemporary Northern printed sources, in which constructions played only a minor role. In the Dutch Republic the Italian theories of Serlio, Vignola, and Scamozzi were primarily known for their systematizations of the column orders. Nevertheless, by shifting the focus to building materials and techniques, a more differentiated picture emerges. On the one hand, books do occasionally contain specific technical information; on the other, next to the better‐known books, it is important to search for some other sources, smaller and more modest, which at the same time were sometimes more practical and more concerned with architectural constructions. This contribution will try to sketch a first outline of the field as a whole and its relation to the Italian examples. Constructions, matériaux et techniques de transmission des connaissances dans la République des Pays‐Bas du nord Dans le contexte des Pays‐Bas septentrionaux, à la fin du XVIe siècle et pendant tout le XVIIe siècle, la tradition constructive locale est confrontée à de nouvelles informations et connaissances qui ne trouvent cependant pas nécessairement d’applications pratiques. Au même temps, la nouveauté n’est pas révolutionnaire et l’innovation technique ne semble pas prioritaire. La grande nouveauté ce sont plutôt les modes de diffusion de ces informations techniques, à savoir les estampes et les livres, qui formulent sur papier une connaissance codifiée. Les théoriciens ont des approches diverses de ces traités. Les gravures d’ornements de Vredeman de Vries, qui est aussi un ingénieur très compétent, diffusent des motifs architecturaux sans se préoccuper des questions techniques induites par leur usage. Le savant Simon Stevin est plutôt intéressé par les pratiques locales que par Vitruve. Le théoricien vitruvien Nicolaus Goldman mélange les sources imprimées italiennes avec celles de l’Europe du Nord, où la construction avait un rôle plutôt secondaire. Dans la République des Pays‐Bas du nord, les théories italiennes de Serlio, Vignole et Scamozzi sont connues surtout pour le système codifié des ordres. Si l’on considère en revanche les 9 matériaux de construction et les techniques, le portrait est plus nuancé. D’un part parce que, même si c’est occasionnel, les traités contiennent des informations techniques et, d’autre part, parce ce qu’il faut aussi prendre en considération d’autres sources, plus modestes et moins importantes que les traités de l’époque, mais parfois plus proches des aspects constructifs et pratiques de l’architecture. Cette contribution essayera de tracer une première esquisse du contexte hollandais, envisagé en relation avec les exemples italiens. * * * Isabelle Gilles (Université de Liège) L’empreinte de la théorie architecturale française sur les usages de la langue à Liège au XVIIIe siècle Au XVIIIe siècle, l’influence française – plus précisément parisienne – sur les Pays‐Bas méridionaux n’est plus à démontrer. C’est également le cas dans la principauté voisine de Liège, état d’Empire. Dans la capitale, les multiples liens avec la France imprègnent peu ou prou la société. Le phénomène se marque particulièrement dans l’emploi de la langue. En effet, les usages de la langue changent à Liège au fil du XVIIIe siècle : plus on avance vers la fin de l’Ancien Régime, plus les termes employés se rapprochent de ceux de la langue de France. Ces mots ou ces usages nouveaux se retrouvent dans la littérature française en circulation à Liège : romans, dictionnaires, encyclopédies… et traités d’architecture, lesquels apparaissent parfois dans la cité l’année même de leur publication. On observe aussi une disparition progressive des termes du wallon, le dialecte local, et leur remplacement par leurs équivalents français. Les saveurs locales, et sans doute des usages typiques, se perdent ou se transforment ainsi dans les lettres. Notre communication se penchera sur la question du vocabulaire architectural et technique employé à Liège. Nous observerons de quelle façon il évolue au XVIIIe siècle, notamment en regard des traités d’architecture, et de quelle manière il laisse ou non une empreinte sur le terrain. Nous découvrirons également le lien éminemment social qui unit les mots et l’architecture, au sein d’une société d’Ancien Régime strictement hiérarchisée, dans laquelle « chacun se doit mesurer selon son pied » (Philibert De l’Orme, 1567). The impact of French architectural theory on language usages in Liège in the 18th century The influence of France – more precisely, of Paris – on the eighteenth‐century southern Low Countries no longer needs to be demonstrated. This is also true for the neighbouring Prince‐
Bishopric of Liège, a state of the Holy Roman Empire. In its capital, the multiple ties with France infused more or less the whole society. This phenomenon is particularly marked in 10 the use of the language. Indeed, language usages change in Liège in the course of the eighteenth century: the closer one gets to the end of the Ancien Régime, the more the used terms approach those of the French language. These new words or new usages are found in French literature circulating in Liège : novels, dictionaries, encyclopaedias, ... and architectural treatises, which sometimes already appear in the city of Liège in the same year of their publication. One also observes a gradual disappearance of terms in Walloon (the local dialect), and their replacement by their French equivalents. Local knowledge, and undoubtedly also typical usages, are thus lost or transformed in the literature. Our paper will deal with the issue of the architectural and technical vocabulary used in Liège. We will discuss how it evolves in the 18th century, particularly as regards architectural treatises, and how it did or did not have an effect in practice. We will also expose the eminently social link that connects the words and the architecture, within a strictly hierarchical Ancien Régime society, in which “chacun se doit mesurer selon son pied” (Philibert De l’Orme, 1567). * * * http://gemca.fltr.ucl.ac.be/ 11 

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