3 Lieuxde mémoire, Fès 12 juillet 1956
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3 Lieuxde mémoire, Fès 12 juillet 1956
MarocSoir 24 14 07 2006 Maroc’56 • • 3 COMMENTAIRE Lieux de mémoire, Fès 12 juillet 1956 JEAN-LUC PIERRE Les signes forts d’un voyage officiel la mi-juillet 1956, S.M. Mohammed V part pour une visite officielle à Fès, Meknès et Nador. L’enthousiasme qu’il déclenche dans la capitale historique du Maroc est à la hauteur de celui que le souverain suscite partout où il passe. De la porte Bab Boujloud, qui marque l’entrée dans la ville ancienne de Fès, à la mosquée Karaouiyine, où le souverain se recueille, la foule tente d’approcher le père de la patrie. Dans la ville de Meknès, capitale impériale de son ancêtre Moulay Ismaïl, Mohammed V inaugure le nouvel hôpital et le boulevard qui porte désormais son nom. En allant à Nador enfin, le souverain a approché la zone sinistrée par les violents combats de la guerre d’indépendance et a célébré, avec les populations du Nord, la réunification du Maroc après plus de 40 ans de déchirure. La première étape aura toutefois été pour les terres du plateau d’Ajdir en pays Zaïan. La confédération des Zaïan a laissé la mémoire d’une résistance acharnée dès les premiers temps du débarquement des troupes françaises d’occupation à la veille du protectorat, puis aux côtés de Abdelkrim en 1925. Au printemps 1956, les Zaïan composent une partie des troupes de l’Armée de libération qui se fond au sein des Forces armées royales. Ce passage en terre de langue berbère revêt d’autres significations symboliques. C’est pour tenter de soustraire les Berbères à l’autorité du souverain que le tristement célèbre «Dahir berbère» avait été promulgué en 1930. Le résident général de l’époque, Lucien Saint, en totale contradiction avec le traité de Fès, avait arraché la signature du jeune sultan Mohammed ben Youssef. Il s’agissait de fonder une sorte de réserve berbère en assimilant des populations de cultures différentes sous le seul prétexte de la langue. Cette politique absurde du protectorat avait pour but avoué d’extraire les sujets berbères de la loi applicable aux sujets marocains. Le but secondaire était de franciser ces populations avec pour corollaire de la perte de la langue arabe, l’éloignement de l’islam. Le collège berbère d’Azrou, qui avait été créé pour former une élite francophone prise parmi les plus brillants sujets berbérophones avec l’espérance d’en faire des fidèles suppôts du protectorat, devint un foyer d’arabisation et de résistance. Cette politique ethnique de la France aura des conséquences immédiates: l’appel à la résistance, l’idéalisation de la nation marocaine et la focalisation de ces aspirations sur la personne de Mohammed V. «Sur cette même montagne s’étaient réunis ceux qui avaient comploté contre lui». Cet extrait nous rappelle un autre symbole fort. Les conjurés de 1953, grands caïds et collaborateurs zélés, avaient répondu à l’appel du lobby colonial et du gouvernement français pour déboulonner le sultan légitime. Ayant prétexté la protection de Moulay Idriss le Grand, ils avaient cautionné l’arrestation, la déportation et le remplacement de Mohammed V au prétexte qu’il était rebelle au colonialisme et qu’il s’insurgeait contre la répression sanglante menée contre son peuple en lutte. On comprendra aisément, que la petite guerre pour préserver le nom de Lyautey à laquelle se livrent les derniers suppôts du lobby colonial, soit un épiphénomène élégamment balayé d’un revers de main par le président Bekkaï. A ARCHIVES La capitale historique du Maroc accueille le Souverain dans l'allégresse. La «Vigie Marocaine» Documents 12 juillet 56. «Dans le site incomparable du plateau d’Ajdir, au cœur du pays Zaïan et du Tadla, S.M. Mohammed V a vécu hier une grande journée du Maroc indépendant. Sur cette même montagne où s’étaient réunis ceux qui avaient comploté contre lui, le souverain a reçu l’hommage de tout un peuple. Il a notamment déclaré: «Notre peuple qui se place à l’ombre de l’islam, qui n’admet aucune discrimination entre Arabes et Berbères et qui n’a pour idéal que son amour pour la patrie, est un exemple de solidarité et de fraternité[...]. Quelle n’a pas été notre peine le jour où la loi coutumière a été substituée à la loi de l’islam et imposée à une partie de nos sujets, qu’on prétendait exclure du cadre de l’islam et séparer de leurs frères arabes. Depuis ce jour, vous n’avez cessé d’élever la voix pour exprimer votre réprobation[...]. Une ère nouvelle commence, elle doit nous apporter justice et progrès social; cela nous impose le devoir de mener une lutte soutenue contre les fléaux qui minent notre société, à la fois l’ignorance, la maladie et la misère. D’autre part, nous entreprendrons l’épuration de l’administration. Nous choisirons des caïds ayant compétence et moralité, qui sauront veiller sur votre sécurité et vos intérêts.» h Mohammed V sortant du palais à cheval, affiche anonyme. histoire plus La Vigie polémique autour du souvenir de Lyautey raisse brutalement de la ville de Rabat à laquelle il avait rendu son prestige de capitale.» 8 JUILLET 56. «Communiqué de 7 JUILLET 56. «La plaque indi- catrice portant le nom de «Cours Lyautey» a été enlevée à Rabat. L’artère portera désormais le nom d’Avenue Mohammed V. Ce changement d’appellation a fait l’objet d’une démarche de Affiche de l'exposition à la gloire de Lyautey aux Invalides en 1948. l’ambassadeur de France auprès du président Bekkaï. L’ambassadeur, dans un communiqué, a déploré que: «Le nom du maréchal Lyautey, ami du Maroc et de l’islam, dispa- Si Bekkaï, président du gouvernement de Sa Majesté. «A la suite de la démarche courtoise inspirée par des considérations d’ordre sentimental et après enquête, il s’est avéré que la commission municipale compte substituer le nom de Mohammed V aux noms des rues ElGza, Dar el Maghzen et Cours Lyautey. Ce geste n’altère en rien, pour les Marocains, les sentiments qui les animent à l’égard du maréchal Lyautey.» 17 JUILLET 56. «A son retour du voyage triomphal qui a amené S.M. Mohammed V à Fès, Meknès et Nador, le souverain a inauguré l’avenue Mohammed V à Rabat. Un foule innombrable est venue acclamer le nom du souverain qui figure désormais sur l’axe principal de la capitale.» 27 JUILLET 56. «Le Maroc com- mémore aujourd’hui le 22e anniversaire de la mort du maréchal Lyautey, symbole de l’amitié franco-marocaine. Dans toutes les villes, des cérémonies religieuses et des réunions publiques vont se tenir pour se souvenir de l’homme et de son action au Maroc.»