A086 - révisé

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A086 - révisé
Theme 1.1 – Rodica – révisé
L’utilisation des connaissances sur le syndrome du canal carpien vue
à travers les interventions à la Commission des lésions
professionnelles1
2
Rodica Tcaciuc , Université du Québec à Montréal, Institut Santé et société
Monique Lortie, Université du Québec à Montréal, Institut Santé et société
Louis Patry, Direction régionale de la santé publique - Montréal Centre
Introduction
Il est clair que l’ampleur des questionnements actuels sur le transfert de connaissances
(TC) découle directement de deux constats : les connaissances actuelles sont insuffisamment
utilisées et/ou elles ne permettent pas de répondre adéquatement aux besoins (Hugenholtz et
al. 2009). De nombreux travaux ont ainsi été consacrés à pister les connaissances d’amont en
aval, de leur création à leur utilisation, à travers les différentes étapes ou moments – création,
transformation, diffusion, réception, adoption, appropriation, utilisation – dans le but d’identifier
les déterminants qui facilitent les diverses étapes de transfert ou au contraire leur nuisent (Faye
et al. 2007).
Ce que nous proposons ici est de cheminer plutôt de l’aval vers l’amont, c'est-à-dire de
partir de l’utilisation des connaissances pour remonter vers la création de celles-ci, en identifiant
les connaissances ou données utilisées par des intervenants afin de les comparer aux
connaissances établies. Cela devrait permettre de s’interroger de façon plus large sur les
connaissances produites et sur les besoins auxquels elles répondent – ou non. Dans les
domaines où les connaissances peuvent être complexes et sont en constante évolution, comme
dans le cas des troubles musculosquelettiques (TMS), cette approche peut permettre aussi de
vérifier si, et comment, d’autres connaissances ou données sont intégrées. L’objectif de l’étude
menée était donc de tracer un portrait de l’utilisation des connaissances ainsi que des besoins
implicitement exprimés par des utilisateurs professionnels familiers avec la question des TMS,
plus spécifiquement du syndrome du canal carpien (SCC).
Les troubles musculosquelettiques constituent un problème majeur en santé au travail,
particulièrement les TMS aux membres supérieurs, qui en représentent une part importante. Par
exemple, au Québec, ils occasionnent près de la moitié des coûts d’indemnisation de la
Commission de la Santé et Sécurité du Travail (CSST) (Gout 2000 ; CSST 2005) et ils sont
cotés parmi les conditions ayant le plus d’impact négatif sur la qualité de vie (Lidgren et al.
2008). À cet égard, le SCC est considéré comme l’une des affections les plus invalidantes et les
plus coûteuses (Zakaria 2004 ; Katz et al. 1997). Aux États-Unis, il représente plus de 41 % des
lésions reliées au travail répétitif (Atcheson 1998).
En termes d’utilisation des connaissances, le SCC est très représentatif des
problématiques de TMS rencontrées par les intervenants, sans présenter toutefois les
problèmes de diagnostic typiques de certains TMS comme ceux au dos. Le SCC est une
pathologie bien reconnue dont l’étiologie est relativement bien appréhendée. Comme nous le
verrons à la section suivante, qui résume les principales connaissances à ce sujet, de multiples
facteurs professionnels et non professionnels sont associés à son développement. Bien que le
1
2
Organisme subventionnaire : CRSNG no 3924.
Boursière IRSST
1
Theme 1.1 – Rodica – révisé
SCC ait fait l’objet d’un nombre consistant d’études, son corpus de connaissances est
relativement limité.
Pour aborder cette utilisation des connaissances, les décisions rendues à la Commission
des lésions professionnelles (CLP) nous sont apparues comme constituant un matériel
particulièrement pertinent. Pour résumer, la décision d’indemniser un travailleur qui en fait la
demande relève de la Commission de la Santé et Sécurité au Travail (CSST) qui, si elle est
acceptée, assume les coûts. En cas de refus, le travailleur peut s’adresser à CLP ; il doit alors
faire la démonstration de l’existence du lien entre sa maladie et l’exposition à des facteurs de
risques au travail. À l’inverse, l’employeur peut contester une décision d’indemnisation. Il doit
alors démontrer, si le SCC est reconnu, qu’il ne peut être d’origine professionnelle. Pour ce faire,
chacun fait appel à diverses ressources, dont les experts font partie.
Les cas traités à la CLP sont des cas de contestation qui cristallisent donc les
questionnements des intervenants3 à la fois sur les facteurs de risque, puisque c’est leur
reconnaissance qui est au centre du processus, et sur toute action de prévention qui aurait été
entreprise par ailleurs. Ces questionnements rejoignent sans doute aussi ceux des études
scientifiques qui tentent d’établir de la façon la plus valable possible les facteurs et cofacteurs
de risque qui sont associés à une pathologie donnée. Dans le domaine des TMS,
l’établissement de tels liens est souvent difficile puisqu’une multitude de facteurs, tant
professionnels que non professionnels, peuvent intervenir dans le développement du TMS. La
CLP, en tant que lieu d’affrontement d’experts, devrait aussi aider à capter l’essentiel et l’esprit
des débats et questionnements. Ils doivent en effet pouvoir identifier, au moins en partie, à
quelles questions les connaissances devraient permettre de répondre, ou mettre en lumière
l’écart entre les connaissances produites et celles nécessaires pour statuer (et argumenter) sur
le lien entre le SSC et une situation donnée.
L’étude dont les résultats sont rapportés ici visait donc à explorer l’utilisation des
connaissances et l’expression des besoins à l’aide des questionnements suivants :
Utilisation des connaissances : quelle littérature est utilisée? Quels sont les facteurs de
risque invoqués vs ce qui est connu et reconnu? Comment les facteurs de risque sont-ils
évalués ou documentés?
Besoins implicitement exprimés : à quelles situations les intervenants sont-ils
confrontés? À quelles questions doivent-ils répondre? La littérature répond-elle à leur
besoins?
1
Les connaissances sur le SCC : bref bilan
Bien que le lien entre le travail et le SCC soit connu depuis un siècle, l’expression ellemême n’a été introduite qu’à partir les années 1950 par Schiller et Kolb (1954) et sa
reconnaissance en tant que problème important dans le domaine de la santé au travail ne date
que des années 1980. C’est en effet à la suite d’une série de grèves menées dans les usines
d’empaquetage de viande aux États-Unis que le SCC a commencé à faire l’objet d’études en
santé au travail. La période où se sont constituées les connaissances à ce sujet en SST est
donc relativement courte.
3
Le terme intervenant réfère ici à l’ensemble des personnes impliquées dans la gestion ou la prévention des TMS : les
préventionnistes, les consultants, le personnel médical, les représentants sur les comités de SST. Dans le cas des dossiers de la
CLP, les intervenants sont composés des experts appelés à témoigner (médecins, ergonomes, etc.) et des divers représentants
(avocat, représentant syndical, assistant professionnel, etc.). L’intervenant susceptible d’exposer le plus ses connaissances et ses
questionnements est l’expert.
2
Theme 1.1 – Rodica – révisé
Le SCC est dû à la compression du nerf médian causée par une augmentation de la
pression dans le canal carpien. Globalement, la pression double (26 vs 13 mm Hg) ; mais elle
peut même augmenter jusqu’à plus de 90 mm Hg avec une flexion ou une extension extrême du
poignet (Luchetti et al. 1989). Cette pression entraîne l’œdème du nerf et de l’ischémie (Seiler et
al. 1989). Bien que le SCC puisse débuter soudainement à la suite d’un traumatisme ou d’une
sollicitation forte et inhabituelle du poignet, il se développe le plus souvent progressivement
(Lidgren et al. 2008 ; Szabo et Madison 1992). Son diagnostic, qui ne pose généralement pas
de problèmes majeurs, demeure toutefois principalement clinique, c’est-à-dire basé sur la
prépondérance des signes qui le supportent, puisqu’aucun test diagnostic actuel n’est
suffisamment fiable et valide pour être utilisé comme étalon (Rempel et al. 1998). Comme on le
verra dans les sections suivantes, établir l’origine professionnelle, ou du moins la part du travail
dans le développement ou l’aggravation du SCC, n’est cependant pas simple et les
connaissances à mettre en œuvre sont complexes (Patry et al. 1997 ; Baillargeon et Patry
2003).
1.1 Les facteurs non professionnels
Une multitude de facteurs individuels interviennent dans le développement du SCC :
caractéristiques génétiques, habitudes de vie, antécédents médicaux, état de santé. Par
exemple, la prévalence augmente avec l’âge, l’index de masse corporelle (> 25 %), la
consommation du tabac et d’alcool (Nathan et al. 1996), certaines activités de loisir ou sports
(comme les jeux sur ordinateur, le crochetage ou la couture, le jardinage, le golf, le tennis ; voir
Sicuranza et McCue 1992 ; Herbert et al. 2000), la grossesse, l’utilisation prolongée de
contraceptifs oraux, la ménopause, l’hystérectomie (Ferry et al. 2000). Environ 30 % des
patients avec un SCC ont aussi des antécédents médicaux (arthrite rhumatoïde, arthrose, etc.
Voir Albers et al. 1996 ; Farell et Bastani 1997). Des pathologies du poignet peuvent aussi
modifier le cadre du canal carpien (anomalies ou fractures des os du carpe, épaississement de
ligament antérieur, nécrose du semi-lunaire, traumatismes ou contusions de la main, etc.) ou
augmenter le volume des structures internes du canal (tumeurs, kystes synoviaux,
ténosynovites rhumatoïde, infectieuse ou secondaire à l’amyloïde ou à la goutte ; voir Patry et
al. 2003).
1.2 Les facteurs professionnels
Des taux plus élevés ont été rapportés dans une multitude de secteurs différents :
agriculture, construction, carrières et sablières, industrie alimentaire, métallurgie, industrie
automobile, fabrication (meubles, cuir, chaussure, matériel informatique), secteur des services
(ventes, restauration, hôtellerie, santé), administratifs et de l’éducation (Roquelaure et al. 2005 ;
Gell et al. 2005 ; Davis et al. 2001 ; Tanaka et al. 1995 ; Kuorinka et Forcier 1995).
Globalement, la littérature distingue deux grandes classes de facteurs : les facteurs de risque,
qui ont un lien direct avec le SCC, et les cofacteurs dont l’action est tributaire de la présence
d’un facteur de risque.
1.2.1 Les facteurs de risque
Les quatre facteurs les plus étudiés et les mieux reconnus sont de nature biomécanique :
répétition des gestes, force, déviations du poignet, pressions mécaniques. Comme nous le
verrons ci-dessous, même si la littérature propose diverses méthodes d’évaluation pour estimer
la gravité du risque, l’état actuel des connaissances ne permet pas d’élaborer un modèle précis
d’évaluation de l’exposition générale, surtout que les facteurs peuvent agir en combinaison. Les
3
Theme 1.1 – Rodica – révisé
connaissances sur la « dose » – c’est-à-dire sur le niveau à partir duquel un risque augmente de
façon significative pour un seul facteur ou pour un ensemble de facteurs de risque – s’avèrent
limitées.
1.2.1.1
Répétitivité
La répétitivité des gestes est considérée comme le facteur biomécanique le plus important
dans la survenue des TMS du poignet (Aptel et al. 2005). Cependant, les critères utilisés pour la
définir varient. Par exemple, Silverstein et al. (1987) définissent globalement la répétitivité en
termes de durée du cycle où un cycle peut inclure plusieurs gestes ou opérations ; la répétitivité
est considérée comme étant élevée si le cycle dure 30 secondes et moins, ou si une même
activité représente plus de 50 % du temps du travail. Le Carpal Tunnel Syndrome (CTS) Medical
Treatment Guidelines (State of Colorado 2003) ajoute un critère de durée de l’activité de base,
qui doit être de 10 secondes et moins. L'INRS (Institut National de Recherche Scientifique)
réfère au nombre de mouvements par minute d'une articulation alors que la Occupational Safety
and Health Administration (OSHA) américaine l’évalue en termes de mouvements identiques ou
comparables exécutés à des intervalles de quelques secondes4.
1.2.1.2
Force
L’utilisation fréquente d’une force sur une longue durée est reconnue comme constituant
un facteur de risque. Le rôle du type de force et la « dose » nécessaire font cependant moins
consensus. Par exemple, les listes de contrôle du Washington State Department of Labor and
Industries et de l’OSHA situent le « seuil » à 5 kg pour une préhension à pleine main, et à 1 kg
pour une prise digitale alors que les CTS Medical Treatment Guidelines5 considèrent qu’il n’y a
pas de preuves claires montrant le rôle de la prise digitale ou à pleine main dans l’occurrence du
SCC.
1.2.1.3
Déviation/posture du poignet
Trois facteurs sont pris en compte : l’amplitude articulaire, la durée du maintien et la
fréquence de la déviation. Généralement, on considère que des postures maintenues
longtemps, ou des déviations ou mouvements à haute répétition peuvent causer des dommages
au niveau des tissus même si l’amplitude n’est pas très élevée. On situe généralement la zone
de confort comme étant à l’intérieur de la zone allant de -10° en flexion à +30° en extension
(Aptel et al. 2005). C’est en effet le niveau à partir duquel une posture est considérée comme
contraignante qui varie passablement. Par exemple, la liste de contrôle de l’État de Washington
en fixe le seuil à 30° pour les flexions et les déviations radiales, et à 45° pour les extensions.
L’OSHA suggère plutôt des valeurs moindres, soit de 20° pour la flexion et de 30° pour
l’extension. Le Rapid Upper Limb Assessment Tool (RULA) de McAtamney et Corlett (1993) est
encore plus conservateur, avec un seuil de 15°. À l’opposé, les CTS Medical Treatment
Guidelines ne reconnaissent pas la déviation ulnaire et l’extension du poignet comme étant des
facteurs de risque, fautes de données claires. La torsion du poignet viendrait augmenter le
risque (Tanaka et al. 1997).
1.2.1.4
4
Pression mécanique sur la base de la paume
Voir par exemple la page
consultée le 22 mai 2010.
Voir State of Colorado (2003).
http://www.osha.gov/SLTC/etools/electricalcontractors/supplemental/solutions/tasks_hand.html,
5
4
Theme 1.1 – Rodica – révisé
Deux sources sont généralement mentionnées. Tout d’abord, les impacts répétés sur le
talon de la main quand elle est utilisée comme outil percussif ; les listes de contrôle citées cidessus situent ce risque en référence à la fréquence, soit une fois par minute. Ensuite, les
pressions mécaniques locales produites par contact avec les postes de travail ou l’équipement,
avec un poignet en extension en augmentent le risque (Kuorinka et Forcier 1995).
5
Theme 1.1 – Rodica – révisé
1.2.1.5
Combinaison des facteurs
Tous s’entendent pour dire que le niveau de risque croît avec le cumul de facteurs de
risque (Bernard 1997). Les paragraphes précédents incluaient déjà des combinaisons. Plusieurs
auteurs proposent par ailleurs des combinaisons spécifiques. Par exemple, les CTS Medical
Treatment Guidelines statuent que les efforts de plus de 6 kg dans un contexte de répétition
(cycle de moins de 30 secondes ou effectués pendant plus de 50 % du temps de travail, incluant
une activité de 10 secondes et moins) ou encore la combinaison répétition/efforts avec
l’utilisation d’outils vibrants présentent des risques clairs.
1.2.2 Les cofacteurs de risque
Les cofacteurs agissent en augmentant la sollicitation biomécanique ou son impact. Deux
grandes classes de cofacteurs sont documentées : ceux qui ont une action physique spécifique
et directe sur les contraintes biomécaniques, et les facteurs psychosociaux dont l’action est
systémique. Ces deux classes de cofacteurs se recoupent cependant dès que la question de
récupération et de structure temporelle entre en jeu.
1.2.2.1
Cofacteurs physiques
Quatre cofacteurs sont couverts par la littérature. Trois d’entre-deux agissent en
augmentant les efforts déployés. Le quatrième, la récupération des tissus, réfère à la structure
organisationnelle, souvent abordée en tant que facteur psychosocial. Par ailleurs, les
connaissances sur ces quatre facteurs ne sont pas spécifiques à la littérature sur le SCC. Ceuxci sont bien connus dans la littérature sur les TMS en général, et en ergonomie en particulier.
Vibrations segmentaires (outils vibrants) : la force de préhension pour les maintenir est
accrue.
Port des gants : le niveau de force déployée pour manipuler augmente, car le port de
gants réduit la sensibilité et la dextérité manuelle (Putz-Anderson 1988).
Travail au froid (température sèche inférieure à 15°C) : il réduit la force maximale
volontaire et augmente la force exercée. Le froid accentue aussi la transmission des
vibrations.
Temps de repos insuffisant : une récupération métabolique et mécanique des tissus
insuffisante peut causer des dommages (Colombini et al. 2001 ; Roquelaure et al. 1997).
On distingue trois structures de récupération : 1) les macro pauses, durant lesquelles les
tissus sollicités dans le travail sont inactifs ; 2) les périodes d’activité qui n’impliquent pas
les tissus habituels ; la variété des tâches est alors considérée comme un moyen usuel
d’obtenir ces périodes de repos ; 3) les micro pauses intra-activité : Occhipinti et Colombini
(1999) les définissent comme des périodes d’au moins 15 secondes à l’intérieur d’un
cycle, qui permettent une mise au repos complète des groupes musculaires habituellement
actifs. Dans la littérature ergonomique, les micro-pauses peuvent être très courtes, de
l’ordre d’une seconde. Les études d’impact sur la récupération sont cependant rares.
D’après l’étude de Roquelaure et al. (1997), le risque relatif du SCC était de 6 fois
supérieur chez les travailleurs ayant un temps de récupération inférieur à 15 % du temps
de travail ou en l’absence de variation dans les tâches. Cette notion de récupération
recoupe donc aussi celle de répétition.
6
Theme 1.1 – Rodica – révisé
1.2.2.2
Cofacteurs psychosociaux
Les cofacteurs psychosociaux seraient impliqués dans l’apparition des TMS en général et
du SCC en particulier, en interagissant avec les facteurs physiques (Roquelaure et al. 1997 ;
Aptel et Cnockaert 2002) mais aussi par le biais de modifications systémiques au niveau des
systèmes nerveux végétatif et central. Celles-ci entraîneraient en effet une augmentation du
tonus musculaire, une diminution de la vascularisation des tissus, une augmentation de
l’œdème et des processus inflammatoires (Aptel et Cnockaert 2002). Les facteurs
psychosociaux sont parfois abordés ou considérés comme facteurs de risque.
2
Méthode
2.1 Les décisions de la CLP sur le SCC et leur contenu
Les décisions sont celles que la CLP diffuse sur Internet6. Des 105 décisions mises en
ligne sur une période de deux ans, seules celles où le diagnostic de SCC faisait consensus et
pour lesquelles la contestation portait uniquement sur le lien éthologique avec le travail ont été
retenues, soit 84. Ces décisions comptaient généralement entre 20 et 25 pages (la plus courte,
10 pages, et la plus longue, 40), pour un total de 1 125 pages.
À la CLP, chaque partie peut être représentée ou assistée (généralement par un avocat ou
un représentant syndical) ; elle peut inviter des témoins de faits (un contremaître, d’autres
travailleurs, par exemple) et des experts (généralement un médecin ou un ergonome dans les
cas de TMS) qui viendront témoigner en cour ou déposeront un rapport d’expertise. Le tribunal
est constitué d’un commissaire, le plus souvent un avocat, et de deux représentants des
associations patronales et syndicales. Il peut s’y adjoindre un assesseur-médecin. Les
intervenants qui sont les plus susceptibles d’utiliser les connaissances sur le SSC et d’y référer
sont les experts. Une décision type comporte 7 sections :
Identification : lieu, date, commissaire, membres, assesseur, parties impliquées.
Mise en contexte : historique et détails techniques de la requête en cause.
Objet de contestation : quelle partie demande quoi.
Faits : histoire des événements et argumentation des parties impliquées et experts. Les
arguments peuvent porter sur le diagnostic, sur les facteurs de risque personnels et
professionnels, les cofacteurs de risque, la relation entre la lésion et le travail exercé.
Avis des membres : opinions des membres concernant l’accueil ou le rejet de la requête.
Motifs de la décision : argumentaire juridique de la décision prise par le tribunal.
Annexes : répertoire des documents déposés (documentation d’entreprise, matériel vidéo,
attestations médicales, notes bibliographiques, documentation scientifique, etc.).
6
Voir le site (www.jugements.qc.ca), consulté le 21 mai 2010.
7
Theme 1.1 – Rodica – révisé
Les sections 1 et 3 ont été utilisées pour identifier des attributs ou des variables
descriptives (secteur d’emploi, caractéristiques du demandeur, etc.). La section 4 est celle qui
comporte l’essentiel de l’analyse de la situation. Les experts y exposent leur position sur les
facteurs qui peuvent occasionner un SCC, puis leur analyse de la situation. Les positions
exposées a priori consistent à statuer sur la probabilité du lien entre le travail et le SCC, en
général pour le secteur concerné, et à exposer les circonstances nécessaires (facteurs de
risque, combinaisons, etc.) au développement du SCC. Ces positions sont, pour l’essentiel,
exposées par l’expert de l’employeur ; elles visent à délimiter les conditions nécessaires au
développement du SCC, limites naturellement plus étroites que celles utilisées par l’expert du
travailleur. Ce dernier va plutôt privilégier l’analyse et l’évaluation de la situation de travail. Cette
section comporte donc des éléments descriptifs concernant le travail (tâche, opérations, outils,
etc.), une identification, ainsi qu’une évaluation des facteurs et cofacteurs de risque. Elle
regroupe aussi les analyses des médecins qui ont examiné et suivi le travailleur. Les sections 5
et 6 présentent les arguments justifiant la reconnaissance ou non du caractère professionnel du
SCC ainsi que les éléments que le tribunal a choisi de retenir ou de privilégier parmi l’ensemble
des arguments exposés.
2.2 Les demandeurs
Entreprises : 84 % étaient privées et 24 % étaient situées en région montréalaise, ce qui
est similaire à la distribution des entreprises au Québec7. Par contre, le secteur de la
fabrication/transformation y était nettement surreprésenté avec 57 % des demandes, alors
qu’il représente 17 % des emplois.
Travailleurs : il s’agissait dans 58 % des cas d’un homme, âgé en moyenne de 40 ± 9 ans
[21-62]. La lésion était bilatérale dans 69 % des cas. Les profils des hommes et des
femmes étaient semblables (âge, bilatéralité, délai d’audition), sauf en ce qui concerne leur
secteur d’emploi, les hommes étant significativement plus nombreux (test de Fisher,
p ≤ 0,01) à travailler avec de la machinerie (74 % vs 45 %) ; les femmes, quant à elles,
travaillaient généralement dans les secteurs des services et de la bureautique (0 % vs
20 %) ou comme manœuvre (22 % vs 36 %).
Demande : le délai d’audience était de 28 ± 12 mois [4-70].
2.3 Analyses des verbatim
Il s’est agi essentiellement d’analyses thématiques et classificatoires (voir Bardin 1977).
Ces analyses consistent à identifier les locutions qui portent sur des thèmes ou des catégories
d’information. Les analyses thématiques sont souvent utilisées pour explorer les représentations
et les modéliser. Dans cette étude, les thèmes correspondent aux grands questionnements
exposés précédemment. Ces analyses étaient quasi factuelles puisqu’il s’agissait en fait de
documenter ce qui était analysé ou pris en compte par les divers intervenants afin d’établir un
parallèle avec les connaissances. Les thèmes, les questions formulées et ce qui a été extrait
des verbatim sont résumés dans le tableau 1.
7
Le Québec, chiffres en main, édition 2008 (données statistiques pour 2006). Institut de la statistique du
Québec.(http://www.stat.gouv.qc.ca/publications/referenc/pdf2008/QCM2008_fr.pdf); Le Québec statistique, section Conditions de
vie - Marché du travail, 2008 (données statistiques pour 2006). Institut de la statistique du Québec.
8
Theme 1.1 – Rodica – révisé
Tableau 1
Thème
Position exprimée
sur le lien travail/
SCC en général
Facteurs de risque
pour cette situation
Cofacteurs
Évaluation
de la situation
Littérature utilisée
Argumentaire
développé
Éléments retenus
dans la décision
3
Analyse des verbatim
Questions formulées
Extraction/Classification
Le lien existe-t-il?
Oui, non
Probabilité?
Qualificatif, quantitatif
Positions sur facteurs individuels?
Éléments identifiés
Facteurs de risque reconnus?
Éléments identifiés
Dose/exposition nécessaire?
Quantité, qualité
Facteurs de risque invoqués?
Évaluation?
Cofacteurs évoqués?
Rôle, mode d’action?
Moyens utilisés pour documenter la
situation?
À quelles connaissances se réfère-t-on?
Sources privilégiées?
Arguments clés utilisés pour soutenir ou
rejeter le lien SCC/travail?
Arguments invoqués?
Arguments privilégiés?
De la part de qui?
Terminologie utilisée
Qualificatif, quantitatif
Terminologie utilisée
Aggravant vs facilitant
Vidéo, mesures, analyses de postes,
etc.
Références mentionnées : fréquence
Nature : livre, article,…
Facteurs invoqués, leur importance
Absent vs présent vs insuffisant?
Nature des arguments
Résultats
3.1 Portrait des experts
Comme on peut le voir dans le tableau 2 qui suit, sur les 113 experts qui sont intervenus
(employeurs : 78 ; travailleurs : 36), le corps médical domine largement (88 %). Ces médecins
sont à peu près aussi souvent un omnipraticien (47 %) qu’un spécialiste (53 %). Huit pourcent
sont des médecins du travail. Le médecin se présente en cour dans 62 % des cas (plutôt que
par le biais d’un rapport) et il témoigne majoritairement pour l’employeur (en cour : 69 % ; sur
rapport : 79 %). Les ergonomes représentant 10 % des experts consultés ; ils témoignent autant
pour l’un que pour l’autre, alors que les ergothérapeutes (2 %) sont appelés essentiellement par
les travailleurs.
S’ajoutant aux 99 médecins appelés comme experts, 490 autres ont été cités en tant que
médecins dits au dossier. Ils ont été consultés en cours de processus, généralement pour
confirmer le diagnostic, ce qui donne une moyenne de près de 6 [2-15] médecins par cas. Deux
fois sur trois, il s’agit d’un spécialiste, dont un tiers (quant la spécialité est clairement indiquée)
sont des orthopédistes, 28 % des chirurgiens/plasticiens, 22 % des neurologues et 13 % des
physiatres.
9
Theme 1.1 – Rodica – révisé
Tableau 2
N
Experts et médecins au dossier impliqués
Spécialité
médecin
Expert en
cour
médecin
Médecin au
dossier
490
N
omni
spécialiste
md du travail
31
23
7
omni
spécialiste
md du travail
16
21
1
5
1
38
46
ergonome
ergothérapeute
Spécialité
médicale
61
67
ergonome
ergothérapeute
Expert sur
rapport
N
6
2
omni
165
spécialiste
325
Représentant du
Travailleur
Employeur
69 %
71 %
57 %
100 %
60 %
100 %
79 %
88 %
71 %
100 %
50 %
50 %
100 %
3.2 Position de départ exposée par les témoins experts de l’employeur
Soixante-trois pourcent des témoins experts de l’employeur ont exposé leur position
globale de départ sur la possibilité d’un lien entre le SCC et le travail en général. La grande
majorité d’entre eux, soit 80 %, en reconnaissent la possibilité. Cependant, 14 % estiment qu’un
tel lien est peu probable ou impossible (respectivement 2 % et 6 %), et qu’il n’existe pas dans le
secteur d’emploi considéré. De façon générale, la possibilité d’un lien est reconnue si
l’exposition est importante et qu’il n’y a pas de conditions personnelles qui puissent l’expliquer.
Quarante pourcent ont élaboré leur point de vue sur les divers facteurs de risque. Il s’agit
en quelque sorte de courts exposés sur l’état des connaissances (voir le tableau 3 ci-après). Les
deux facteurs les plus souvent abordés, soit 75 % des occurrences et plus, ont été les
mouvements répétitifs et la force, suivis par la posture et les vibrations (53 % et 40 %
respectivement). Les questions d’impact ou de pression ont constitué des sujets marginaux.
Une fois sur deux, les propos portaient sur la nature même du facteur traité, comme le type de
mouvement ou de force qui peut être considéré à risque. Par exemple, certains considèrent que
les déviations ulnaires ne peuvent pas causer un SCC. L’autre pôle utilisé pour définir les
risques a été l’intensité, à savoir le niveau à partir duquel un facteur devient à risque. Le plus
souvent, la position exprimée est que l’intensité doit être élevée pour que le facteur soit à risque
(déviation ulnaire importante ou extrême, par exemple), et ce, en particulier quand il s’agit
d’éléments posturaux. Les connaissances sur la dose ou quantité totale nécessaire au
développement d’un SSC, soit l’intensité combinée avec la durée ou la fréquence, ont été peu
invoquées. La moitié des experts ont aussi insisté sur le fait qu’une combinaison de facteurs est
nécessaire pour que le travail puisse présenter des risques.
Ces experts ont occasionnellement porté les jugements suivants sur l’état des
connaissances : les études ne sont pas satisfaisantes au plan méthodologique (8 %), aucun lien
n’a été clairement établi (6 % pour un facteur donné), ou le secteur d’emploi n’a pas été étudié
(6 %).
Le tiers d’entre eux a abordé la question des cofacteurs : la cadence (41 %), l’absence de
repos compensateur (20 %) et le froid (18 %) ont été les plus évoqués.
10
Theme 1.1 – Rodica – révisé
Tableau 3
Évocations de l’état des connaissances des facteurs de risque (n = 105)
% des facteurs
discutés
Facteur
Mouvements répétitifs
Force
Posture
Vibration
Pression
Impacts/contrecoups
Total
1
% des experts
qui en parlent
31
28
22
15
2
2
83
75
53
40
5
5
Réfère aux connaissances sur
Nature
Intensité
Dose
39
60
28
26
87
0
50 %
55
33
67
4
13
20
43 %
6
7
5
0
0
80
7%
1 Concerne les experts qui ont exposé leur position
3.3 Facteurs de risque évoqués en rapport à la situation de travail occupée
Un premier défi a été d’organiser le vocabulaire utilisé par les témoins experts pour
discuter des facteurs de risque, car ils utilisent souvent plusieurs termes pour y référer. En fait,
les experts ont utilisé 26 appellations différentes pour référer à la force (ex. force de préhension,
effort soutenu et prolongé, effort important), 16 pour les mouvements et 13 pour les postures. La
terminologie utilisée est résumée au tableau 4. On y constate que le degré de précision est très
variable et que les références sont essentiellement qualitatives. Pour certains, il est clair qu’un
facteur présente un risque seulement si le niveau d’intensité est très élevé, à la limite des
capacités (extrêmes, indu, excessif, difficile, incriminant). Certains vont y ajouter une double
qualification. C’est particulièrement le cas pour la répétitivité. L’objet de la répétitivité peut être
qualifié (mouvement de grande amplitude par exemple), ainsi que la répétitivité elle-même
(rapide, de façon prolongée). Dans le cas de la force, la multiplication des termes se situe plutôt
au niveau du type de force ou de contrainte évoqués : force, effort, préhension, prise digitale,
prise (à pleine main), charge, poids, compression.
Tableau 4
Terminologie utilisée par les experts pour référer aux facteurs de risque
Nature
Mouvements répétitifs,
Gestes,
Mouvements,
Répétitivité
Flexion / extension
Torsion / flexion
Déviation
Effort
Force
Force
Pression
Posture, position
Vibrations
Impacts/ contrecoups
Préhension
Prise
Mouvement de préhension
Pince digitale,
Prise des doigts
Charge, poids
Pression
Compression / paume
Stress mécanique
Pression locale
Flexion / extension
Déviation
Qualificatif 1
Haute
fréquence
élevée
régulière de façon prolongée
Rapides
Haute avec vélocité
Avec force, important
Certaine, grande, haute
Excessive, importante
Forcée, avec force
Contre résistance
Qualificatif 2
et
Amplitude extrême
Hyper sollicitation
Exagérés, importants
Contraignants
Statique, soutenu
Soutenue
Soutenue et prolongée
Prolongée avec effort
Répétée et continue
Forcée
Contraignante
> 50° (flexion/extension)
Indue, extrême, difficile
Incriminante, incommodante
Statique
Prolongée statique
De type segmentaire
Impacts directs, contrecoups
Percussion sur la paume
11
Theme 1.1 – Rodica – révisé
3.4 Facteurs et cofacteurs de risque : points de vue et divergences
Les experts ont discuté des facteurs spécifiquement présents ou contestés dans 65 % des
dossiers (n = 55), et à chaque fois, de trois situations ou facteurs différents en moyenne
(n = 247). Il pouvait s’agir de deux contextes d’effort différents ou de deux facteurs de nature
différente. La présence d’un cofacteur a été abordée à presque chacun de ces dossiers (n = 56
cofacteurs).
En principe, les divergences peuvent porter sur deux aspects : un facteur est considéré
présent par l’un et non par l’autre ; les deux reconnaissent la présence du facteur mais divergent
sur le fait que le « niveau » soit suffisant ou non pour présenter un risque. Cette analyse a priori
simple s’est cependant avérée difficile à effectuer car la notion de facteur de risque utilisée par
les experts intègre souvent celle de niveau, ainsi que d’autres éléments. Ainsi, environ le tiers
des experts de l’employeur considèrent qu’un facteur peut être à risque seulement lorsqu’il est
combiné à un autre facteur. En plus, bon nombre d’experts y ajoutent la notion de cofacteur de
protection (dans près de deux dossiers sur trois). Les experts du travailleur font de leur côté
intervenir la notion de cumul, et évaluent un facteur en référence au contexte. Finalement, trois
données, dont les résultats sont résumés dans le tableau 5, ont été extraites : les facteurs (de
risque, aggravant, protecteur) évoqués par les experts, de la part de qui, et les éléments
contestés par l’expert de l’employeur.
Les facteurs les plus souvent évoqués ont été les mouvements répétitifs et les forces
déployées dans le travail. Les débats concernaient ces deux facteurs dans 80 % et plus des
dossiers, alors que la posture n’a été discutée en tant que facteur de risque que dans moins
d’un dossier sur deux, et les vibrations dans un dossier sur trois. La divergence de point de vue
portait autant sur la présence du facteur comme tel que sur son interprétation, à savoir, si le
niveau était suffisant pour occasionner le SCC. L’importance de l’un par rapport à l’autre varie
cependant selon le facteur considéré. Par exemple, pour les mouvements répétitifs, la
divergence portait surtout sur l’intensité (assez vs pas assez) alors que pour la posture, et
surtout pour les vibrations, le désaccord concernait la présence du facteur lui-même.
Dans le cas des cofacteurs, hormis la cadence, ils ont été abordés plus par les experts du
travailleur que par ceux de l’employeur. Les divergences ont porté autant sur le rôle et que sur
l’importance du cofacteur. Le cofacteur cadence est par ailleurs distinct. En fait, la cadence a
été abordée surtout en tant que paramètre d’intensité, particulièrement par les experts de
l’employeur dans 86 % des cas, pour statuer qu’elle n’était pas suffisante pour que le ou les
facteurs de risque impliqués occasionnent un SCC.
Les cofacteurs de protection évoqués par les experts de l’employeur concernaient trois
dimensions : la variabilité, la structure temporelle et le contrôle. L’expert du travailleur les
abordait aussi occasionnellement, mais en tant que facteur aggravant. La variabilité référait au
fait de pouvoir alterner les mains ou les mouvements, de changer de position, ou d’avoir des
tâches qui présentent une variabilité dans le temps. Ces éléments ont été cités comme une
source de protection dans un dossier sur quatre. Les possibilités de récupérer ont été invoquées
à peu près aussi souvent : il pouvait s’agir du fait de disposer de temps de repos jugés
importants, de la présence de pauses régulières ou de micro-pauses. La troisième dimension,
soit le contrôle du rythme – pouvoir travailler à son propre rythme ou en changer – était plus
marginale.
12
Theme 1.1 – Rodica – révisé
Tableau 5
Distribution des facteurs de risque et cofacteurs discutés par les experts
Facteurs et cofacteurs
Facteur de risque
Mouvements répétitifs
Force
Posture
Vibration
Pression
Impacts
Combinaison de facteurs
Cofacteur aggravant
Cadence
Froid
Port de gants
2
Autre
Cofacteur protecteur
Périodes de récupération, pauses
Variabilité des tâches
Micro pauses
Contrôle du rythme
3
Autre
N
250
84
85
40
26
8
7
21
51
24
13
10
4
61
25
18
9
7
2
Qui en
parle
1
surtout
%
Nature de la contestation de
l’expert-employeur
Pas
Pas un
Pas assez
présent
F.R.
46
93
54
40
25
20
Employeur
Travailleur
Employeur
Travailleur
Travailleur
Travailleur
Employeur
Employeur
Employeur
Employeur
Employeur
Employeur
86 %
56 %
75 %
62 %
60 %
50 %
86 %
76 %
95 %
100 %
86 %
100 %
32
10
38
60
75
80
24
13
19
–
–
–
–
1 70 % des experts témoignent pour l’employeur. Le tableau ne rapporte que les différences marquantes.
2 Travail avec les bras en élévation (n = 3), temps supplémentaire (n = 1).
3 Port de gant, d’orthèse (n = 2).
3.5 Rôle des facteurs individuels
Les experts de l’employeur accordent beaucoup d’importance aux facteurs individuels a
priori ou dans l’analyse du dossier. Ils sont généralement envisagés comme la cause dominante
du SSC : existence d’une condition idiopathique (17 % des dossiers), condition personnelle (en
particulier : présence d’une pathologie, âge, obésité ou sexe, dans 36 % des cas). Mais le
facteur le plus souvent pris en compte est la nature bilatérale ou non du SCC. Un SCC bilatéral
est généralement considéré comme ne pouvant être causé par le travail, sauf si le travail
sollicite également les deux mains.
3.6
Utilisation de la littérature
Les intervenants, dans 61 % des cas un expert, ont cité 104 documents sources à 226
reprises. Comme on peut le voir dans le tableau 6, 79 % des références n’ont été citées qu’une
ou deux fois. Les sources utilisées sont très variées : revues, guides, ouvrages, documents
électroniques, fiches-synthèse (comme les fiches publiées par le Centre canadien d’hygiène et
de sécurité du travail). Si les revues scientifiques avec comité d’évaluation prédominent (n = 58
sources, soit 56 % des références), ce sont cependant les guides, ouvrages de synthèse et
rapports qui sont les plus utilisés (n = 119 citations, soit 53 %). Par exemple, parmi les cinq
textes les plus utilisés (à 73 reprises), on retrouve deux rapports, un guide et un livre. Les cinq
documents québécois les plus utilisés l’ont été à 59 reprises (26 % des citations).
13
Theme 1.1 – Rodica – révisé
Tableau 6
Textes scientifiques les plus utilisées par les intervenants ou le tribunal
Nom du document
Patry et al., 1997, Guide pour le diagnostic des lésions MS attribuables au travail
1
répétitif, IRSST et Éditions Multimondes
Bernard (dir.), 1997, Musculoskeletal Disorders (MSDS) and Workplace…, NIOSH
Silverstein et al., 1987, « Occupational factors and CTS », Am J Ind Med 11 (3) :
343-358
Rossignol M. et al., 1996, Incidence du SCC selon la profession sur l’Île de
1
Montréal et distribution des facteurs de risque… IRSST
1
Kuorinka et Forcier, 1995, LATR… Éditions Multimondes
Atcheson et al., 1998, « Concurrent Medical Diseases In Work-Related CTS », Arch
Intern Med 158 (14) : 1506-1512
Rossignol et al., 1998, « Le SCC : quand faut-il penser à une étiologie liée au
1
travail? », Le clinicien, 13 : 95
Watts et al., 2003, « CTS and Workers' Compensation : A Cross-Canada
Comparison », Canadian J of Plastic Surgery, 11 (4) : 199-202
Szabo et King, 2000, « Repetitive Stress Injury : Diagnosis Or Self-Fulfilling
Prophecy? », J of Bone & Joint Surgery 82 : 1314
Baillargeon et Patry, 2003, Les TMS du MS relié au travail : définitions, anatomie
fonctionnelle…et facteurs de risque. Clinique interuniversitaire de santé au travail et
1
santé environnementale, RRSSS
Bertolini, 1990, Le SCC : résumé des risques sur le plan professionnel. Centre
Canadien d'hygiène et de sécurité au travail, Ottawa
Silverstein et al., 1986, « Hand Wrist CTDs in Industry », Br. J of Ind Med 43 (11) :
779-784
Aptel, 1987, Baisse de la dextérité des salariés travaillant au froid. Cahier de notes
documentaires (ND 1614-128-87), INRS
Atroshi et al., 1999, « Prevalence of CTS in a General Population », JAMA 282 (2) :
153-158
Ditmars et Houin, 1986, « CTS », Hand Clinics, 2 (3) : 525-532
Falkiner et Myers, 2002, « When Exactly Can CTS Be Considered WorkRelated? », Australia-New-Zealand J of Surgery 72 : 204-209
Gerr et al., 1992, « Risks Factors for CTS in Industry : Blaming the Victim? », JOEM
34 (11) : 1117-1118
Le SCC, CCHST, en ligne
Nathan et al., 1994, « Slowing of Sensory Conduction of the Median Nerve and
CTS in Japanese and American Industrial Workers », J. of Hand Surgery 19 (1) :
30-34
Pećina et al., 2001, Tunnel Syndrome : Peripheral Nerve Compression Syndrome,
CRC Press
Rayan, 1997, Compression Neuropathies, Including Carpal Tunnel Syndrome,
Saunders
Szabo, 1998, « CTS As a Repetitive Motion Disorder », Clin Orthop Related Res
351 : 78-89
Citée une ou deux fois
Type de
document
N
Cité
N
Cité par
Emp. Trav.
Guide
1
35
9
21
Rapport
1
14
7
7
Revue
2
9
6
2
9
1
8
2
Rapport
Livre
1
6
2
Revue
3
5
5
Revue
5
4
Revue
5
5
4
4
Revue
4
1
Guide
4
4
Document
4
3
Revue
4
4
3
3
Revue
3
3
Revue
3
3
Revue
3
2
Revue
3
3
Document
3
2
1
Revue
3
2
1
Livre
3
3
Livre
3
3
Revue
3
2
1
Document
10
Citée 1 fois
10
72
20
72
17
47
3
25
Total
104
226
138
77
1 Document produit au Québec.
2 Une référence peut aussi être utilisée par le tribunal, l’assesseur.
Les résultats de l’analyse des sources documentaires utilisées – type de documents,
domaine – en fonction du profil des intervenants sont résumés dans le tableau 7. Comme on
peut le voir, les revues scientifiques sont d’origine médicale dans 98 % des cas, 25 % étant
issues de la santé au travail. Un seul article référencé provenait d’une publication en ergonomie.
Mais on constate surtout que les sources utilisées varient selon l’utilisateur et qui il représente.
Les experts : ceux de l’employeur privilégient comme source les revues (54 % des
citations) et de façon générale les publications médicales (59 %). Ils utilisent une grande
variété de sources, le taux d’utilisation par référence étant de 1,6. En comparaison, les
experts du travailleur utilisent plus de documents synthèses (54 %) et surtout, de
documents issus de la ST (68 %).
14
Theme 1.1 – Rodica – révisé
Les représentants : ceux de l’employeur (essentiellement un avocat) privilégient aussi les
revues (50 %) et les sources médicales (50 %). Ceux du travailleur (pour les deux-tiers un
avocat, pour le tiers un syndicaliste) privilégient aussi les mêmes sources que leurs
experts, mais de façon encore plus marquée (documents synthèses : 66 % ; sources en
ST : 82 %) et surtout, ils font plus usage de la documentation que leurs experts (50 vs 22
citations) alors que c’est l’inverse du côté de l’employeur (26 vs 111). Les utilisateurs sont
donc différents.
Enfin, 90 % des références sont utilisés par l’une ou l’autre partie, seule une dizaine de
références étant utilisées par les deux (voir tableau 7).
Tableau 7
Sources
Sources documentaires utilisées
Expert
Employeur
Travailleur
Représentant
Employeur Travailleur
Réf
Cités
28
7
–
1
Tribunal
Total
Réf
Cités
Réf
Cités
Réf
Cités
Réf
Cités
Réf
Cités
44
16
–
2
3
–
–
–
–
7
5
–
–
6
–
2
1
1
–
–
–
–
1
–
–
–
–
39
17
1
55
27
10
9
1
13
22
–
3
5
1
–
12
–
1
2
–
–
4
–
–2
5
–
–
31
–
–
2
–
–
5
–
16
23
2
19
74
2
7
5
–
67
9
6
–
111
1
–
–
15
–
–
–
22
6
2
–
23
–
–
–
26
4
7
–
22
–
9
–
50
–
1
–
4
–
–
–
7
18
15
–
2
128
20
18
–
216
Revues
Médical
ST
Ergonomie
Rapport, livre,
guide
Médical
ST
Ergonomie
Textes de
vulgarisation
Médical
ST
Ergonomie
Total
1
Une référence peut être citée plusieurs fois.
Quelques références n’ont pu être classées : (n = 4 : trop incomplète pour être retracée, utilisateur mal identifié). Total : 132
références, 218 citations. Une référence (n = 104) peut avoir été citée par différents utilisateurs dans une même décision.
2
3.7 Documentation de la situation
Les moyens utilisés pour documenter la situation de travail ont été relevés. La principale
source de documentation utilisée était une vidéo (37 % des cas). Étaient mentionnées des
données d’analyse de poste dans 15 % des dossiers, et des mesures (dynamométrie et
goniométrie) dans 4 % des cas.
3.8 Décision
Dans 68 % des dossiers, le texte de la décision mentionnait quelles informations avaient
été prises en compte. Les sources, à savoir d’où venaient ces informations, sont résumées dans
le tableau 8 qui suit. On peut voir que c’est l’expertise du médecin qui joue un rôle prépondérant
dans près de deux décisions sur trois, suivie de la position explicitée par le travailleur (et
occasionnellement par l’employeur). En fait, les explications fournies par les travailleurs sont
invoquées presque aussi souvent que celles de son expert dans la décision. L’expertise de
l’ergonome est rarement mentionnée (4 % des décisions). La jurisprudence est tout aussi
souvent invoquée dans la décision que la littérature citée.
15
Theme 1.1 – Rodica – révisé
Tableau 8 : Sources des informations retenues dans la décision
Décision
favorable
Source
N
Travailleur
2
employeur
Travailleur
41
11
Employeur
43
Total
1
2
1
Évoqué
Ergonome
Md au
dossier
Sans
référence
16
1
9
13
25
28
2
23
2
5
14
32
26
13
39
3
14
27
57
54
15 %
47 %
4%
17 %
32 %
68 %
64 %
Md expert
Jurisprudence
Littérature
Deux sources peuvent être mentionnées.
Peut-être le contremaître.
4
Discussion
4.1 Les utilisateurs de connaissances
Les utilisateurs de connaissances se sont avérés différents de ce qui était attendu. Par
exemple, une des intentions originelles étaient de comparer les représentations du SCC
d’origine professionnelle qu’ont les médecins avec celles des ergonomes. Le faible nombre
d’ergonomes qui sont intervenus a rendu cette analyse caduque. Les spécialistes du travail
(médecins du travail, ergonomes, ergothérapeutes) se sont avérés globalement bien moins
présents que ce que l’on pensait (19 % des experts). En fait, l’importance de la médicalisation
n’avait pas été soupçonnée (6 médecins par dossier), ni non plus le fait que les experts seraient
à peu près essentiellement issus du corps médical, avec une importante représentation de
spécialistes (neurologues, plasticiens, chirurgiens, etc., soit 46 % des experts, médecin du
travail exclu), très surprenante dans le contexte actuel de pénurie de ressources médicales
spécialisées.
Ainsi, l’utilisateur dominant du côté de l’employeur est un médecin, le plus souvent
spécialiste, qui n’a pas de connaissances particulières dans le domaine du travail et qui utilise
de façon privilégiée des sources médicales, chacun citant presque sa référence. Les
employeurs accordent donc plus de crédit au corps médical qu’à tout autre groupe de
professionnels de la SST. Comme les décisions référent essentiellement à l’expertise médicale,
cette emphase paraît suivre une logique compréhensible, puisqu’elle a du succès. Du côté du
travailleur, l’utilisateur dominant est son représentant, en général un avocat ou un syndicaliste.
4.2 Les sources d’informations utilisées
L’abondance de la littérature médicale utilisée, la faible utilisation de sources en santé au
travail et la quasi absence de celles en ergonomie sont surprenantes et posent question. Les
guides et livres compensent cependant partiellement puisque ces derniers, beaucoup plus
utilisés que les articles, synthétisent les données issues de la ST et de l’ergonomie. Ces
documents synthèses impliquent pour ainsi dire tous de façon dominante des médecins du
travail et/ou des ergonomes.
Le travail de synthèse et de transformation des connaissances joue donc ici pleinement
son rôle. C’est par cette voie que les connaissances issues de la ST et de l’ergonomie sont
finalement diffusées et utilisées. Il est plausible que la rédaction « locale » des documents,
surtout les guides, les rende mieux adaptés aux besoins des milieux que d’autres guides publiés
à l’étranger puisque peu d’entre eux ont été cités.
16
Theme 1.1 – Rodica – révisé
Cette sous-utilisation des revues scientifiques en ST ou en ergonomie par les experts
médicaux observée dans le cadre de notre étude n’est cependant peut-être pas exceptionnelle.
Par exemple, dans le chapitre qui fait le portrait des « occupational injuries » du rapport
commandé par l’European League Against Rheumatism sur la santé musculosquelettique
(Lidgren et al. 2008), dont les TMS d’origine professionnelle, les auteurs réfèrent largement aux
revues publiées en ST. Ces sources documentaires sont par contre pratiquement absentes en
ce qui concerne la prévention. Au chapitre
Musculoskeleral Injuries : Limb Trauma,
Occupationnal Injuries and Sports Injuries, parmi la centaine de références proposées pour
appuyer les recommandations, une seule provient d’une revue scientifique en ST (Occupational
Environmental Medecine). On y retrouve donc des recommandations aussi surprenantes que
« obeying rules and regulations ». Aussi, des études menées aux États-Unis montrent que les
médecins ne reconnaissent pas toujours bien le lien entre une maladie et le travail et qu’en fait,
plusieurs omettent de questionner ou de rapporter au dossier du patient les expositions
professionnelles, mêmes quant elles ont été spécifiées par ce dernier (Sen et Osborne 1995,
Weevers et al. 2005). Ainsi, il semblerait que la littérature – et les connaissances – en ST ne
rejoignent pas bien le corps médical.
Par ailleurs, il est reconnu que les professionnels – de la santé comme des autres
domaines – utilisent d’autres sources d’information que celles diffusées par le biais des revues
scientifiques (Estabrooks et al. 2008 ; Landry et al. 2001). Le thème de la gestion des
connaissances est devenu un champ de réflexion – le document précédemment cité y faisait
d’ailleurs largement référence – et diverses approches sont proposées. Un exemple en est les
revues Cochrane8 qui ciblent plus particulièrement le domaine des interventions en santé.
Hugenholtz et al. (2009) définissent pour leur part ce champ de la gestion des connaissances
comme étant « […] a planned approach to collecting, evaluating, integrating, sharing, and
improving knowledge, and generating value from it. In occupational health field, knowledge
management can provide an effective and efficient way of organizing what is known […] »9. En
ST, le développement de documents guides permet peut-être justement de gérer les
connaissances et de les organiser. Bien adaptés aux besoins, ils sont en mesure de prendre en
compte une littérature plus vaste et de la mettre en contexte. Par ailleurs, cette enquête de
Hugenholtz et al. menée auprès des chercheurs montrait aussi que les professionnels
affectionnent particulièrement le format question-réponse. Or, il est clair que les questions
formulées par les experts et les intervenants, du moins dans le cas du SCC, n’appellent pas de
réponses simples.
4.3 Connaissances utilisées et besoins implicitement exprimés
Les experts ont peu fait référence aux limites des connaissances actuelles sur le SCC,
dont leurs analyses et questionnements font cependant ressortir les limites.
4.3.1
Multiplicité, complexité
Les facteurs de risque abordés sont les mêmes que ceux identifiés dans la littérature, mais
ces facteurs se présentent en combinaison ou s’additionnent. La littérature procure des données
sur un facteur à la fois alors que les situations de travail en cumulent souvent plusieurs. Ces
facteurs varient aussi en intensité/amplitude, en durée ou en fréquence. Le vocabulaire très
varié, plus qualitatif que quantitatif, reflète en fait cette complexité. La notion de répétition
entraîne aussi une certaine confusion. Elle est tantôt un facteur de risque (la répétitivité), tantôt
8
9
Voir le site The Cochrane Collaboration (http://www.cochrane.org/), consulté le 21 mai 2010.
http://www.biomedcentral.com/1472-6963/9/18, consulté le 22 mai 2010.
17
Theme 1.1 – Rodica – révisé
un paramètre d’évaluation (fréquence de mouvements, actions, gestes, forces, postures), tantôt
une caractéristique globale du travail (travail répétitif). Ce simple terme s’est avéré d’ailleurs
difficile à classer lors de l’analyse du vocabulaire. Le double titre utilisé dans l’ouvrage de
Kuorinka et Forcier (1995) « lésions attribuables au travail répétitif » et « Work Related
Musculoskeletal Disorders » reflète d’ailleurs bien cette dualité. De façon globale, la position de
l’employeur porte surtout sur la notion de répétition (le travail est-il suffisamment répétitif?) et
celle de l’expert du travailleur, sur la notion de cumul. Pour chaque facteur, l’employeur examine
si chaque élément séparé est suffisant en soi – alors que l’expert du travailleur examine
l’ensemble. C’est en quelque sorte un débat entre le F1, F2 et F3 vs F1 + F2 + F3. Dans un cas, le
compteur repart à zéro, et dans l’autre, il augmente toujours.
Hormis le fait que certains experts vont a priori considérer qu’un facteur donné peut ne pas
être à risque, la question fondamentale qui revient constamment est donc celle de la dose : ce
n’est pas assez du côté de l’expert de l’employeur, et c’est assez du côté de l’autre expert. Dans
ce contexte, le peu de mesures effectuées peut paraître a priori choquant. En réalité, les
connaissances actuelles ne permettent souvent pas de les interpréter. En résumé, si les
positions exprimées ne s’appuient pas sur des connaissances spécifiques quant au lien
dose/SCC, ces connaissances ne sont pas non plus clairement disponibles.
Vient s’ajouter aussi à la complexité l’importance accordée aux cofacteurs aggravants ou
de protection, et en particulier à la structure temporelle et à tout ce qui concerne la récupération
des tissus. Ces éléments considérés par les experts comme des facteurs majeurs ont été peu
étudiés jusqu’à présent dans le contexte de TMS. Ils viennent s’entremêler à la notion de
répétitivité, qui réfère aussi à la temporalité. Dans ce domaine, si le rôle du temps et de la
récupération par rapport aux propriétés viscoélastiques des tissus (Zhang 2005), leur irrigation
ainsi que l’élimination des déchets métaboliques sont connus depuis longtemps, l’application et
la traduction opérationnelle de ces connaissances ne sont pour leur part pas encore mises en
œuvre.
4.3.2
La notion de facteur de risque
Plusieurs éléments ont été abordés en tant que facteurs de protection ou antidotes :
variabilité des tâches, temps de repos, micro pauses, durée limitée, contrôle sur le rythme, etc. Il
s’agit d’un point de vue pertinent mais peu documenté. En fait, les interventions des experts font
ressortir les limites du concept de facteur de risque dans le domaine du TMS, ou du moins du
SCC, ainsi que l’importance du contexte. L’expert du travailleur va insister sur les facteurs
aggravants et celui de l’employeur sur les facteurs protecteurs. Au-delà de l’identification de la
nature du facteur de risque, l’enjeu central est donc la dose, l’intensité. Or, les études sur les
facteurs de risque ne permettent pas de répondre clairement à ces questions dans la mesure où
les situations de travail varient continuellement. Évaluer des incidences ou calculer des rapports
de cote n’apporte pas de réponse à ces questions. Surtout, la notion de facteur de risque telle
qu’elle est utilisée ne permet pas d’aborder clairement la question du cumul des expositions.
Les connaissances à cet égard sont nettement insuffisantes, ce qui se reflète d’ailleurs dans la
rareté des références concernant la « dose » lorsque les experts exposent ce qu’ils connaissent
des facteurs de risque.
4.3.3
La notion de répétitivité
Elle est tantôt un nom (répétition), qui sera qualifié (haute répétition, par exemple), tantôt
un qualificatif (travail répétitif), tantôt une quantité (efforts répétés). Parfois, on utilise le terme de
« cadence » qui intègre une notion de vitesse, de rythme et sans doute de capacité. D’autre
part, le fait que la répétitivité soit tantôt un facteur de risque, tantôt un paramètre d’évaluation
(en termes de fréquence) qui a ses propres paramètres d’évaluation (haute vitesse) montre
18
Theme 1.1 – Rodica – révisé
aussi la limite du concept de facteur de risque. Enfin, il est notable que la question de cadence
abordée par près du quart des experts est quasi absente de la littérature ; elle est abordée
globalement en tant que facteur psychosocial uniquement.
4.3.4
Vibrations
La fréquence des références aux vibrations a surpris. La littérature les considère
généralement comme un cofacteur alors que les experts y ont référé ici plus souvent en tant que
facteur de risque. Comme en fait les vibrations segmentaires proviennent essentiellement
d’outils qu’il faut tenir toujours avec une certaine force, le tout devient un peu indissociable.
Cependant, l’impact des outils vibrants mériterait plus d’attention.
4.4 Discordances avec les connaissances actuelles ou transformation des
connaissances?
4.4.1
Les SCC professionnels
On peut estimer qu’entre 15 et 20 % des experts de l’employeur ont une position d’emblée
négationniste qui ne concorde pas avec le consensus généralement établi, à savoir qu’environ
50 % des SCC seraient d’origine occupationnelle (Lidgren et al. 2009).
4.4.2
L’intensité de l’exposition
La majorité de ces experts insistent sur le fait que les facteurs doivent être très intenses :
amplitude extrême, force excessive, hyper sollicitation, haute vitesse, etc. Les données sur
l’intensité nécessaire au développement du SCC sont plutôt limitées. Cependant, ce point de
vue ne correspond pas à ce qui est connu (Wells-Federman et al. 2008). Par exemple, des
études récentes montrent une incidence accrue du SCC chez les utilisateurs professionnels
d’ordinateurs et les hygiénistes dentaires (Szabo 1998 ; Lalumandier et McPhee 2001 ; Wellman
et al. 2004). Ce ne sont certainement pas des secteurs qui se caractérisent par le recours à des
forces excessives, à de la haute répétitivité ou à des positions extrêmes (le travail d’hygiéniste
est réputé pour certaines positions difficiles pour les membres supérieurs, en particulier l’épaule,
mais surtout parce que cela exige de l’immobilisme dans un contexte de travail précis).
4.4.3
La bilatéralité
Les experts de l’employeur accordent beaucoup d’importance à la nature du SCC. Le
SCC, s’il est bilatéral, est généralement d’office considéré comme ne pouvant être d’origine
professionnelle, les deux mains travaillant assez rarement en symétrie. Or, jusqu’à 87 % des
SCC sont bilatéraux (Padua et al. 1998). Les travaux de ces derniers ainsi que d’autres plus
récents montrent que le SCC qui s’exprime de façon unilatérale va souvent se développer par la
suite dans l’autre main, et qu’il y a en fait une corrélation positive avec la durée des symptômes
(Bagatur et Zorer 2001). Autrement dit, ce n’est qu’une question de temps avant qu’un SCC
unilatéral se transforme en bilatéral. Le SCC serait fondamentalement un syndrome bilatéral.
Les auteurs suggèrent à cet égard de mener des études prospectives plutôt que rétrospectives.
Ces connaissances n’ont pas été intégrées par les experts, et ce, des deux côtés.
4.4.4 Des facteurs de risque… aux facteurs de protection
19
Theme 1.1 – Rodica – révisé
Comme nous l’avons vu ci-dessus, les experts de l’employeur utilisent la notion de facteur
de protection. Parmi ces facteurs, un premier est la limitation de l’exposition à un facteur de
risque. Cette logique est à la base d’une stratégie de prévention maintenant très répandue qui
se traduit, entre autres, par la mise en place de systèmes de rotation pour limiter l’exposition
aux conditions difficiles. Les outils d’évaluation, en ciblant la durée d’exposition comme facteur
central, encouragent aussi ce mode de prévention (Lortie et al. 2009). Cependant, on sait que la
qualité du design des rotations est importante ; sinon, ce sont les mêmes structures qui sont
sollicitées, ou alors les régions atteintes se multiplient (Gerling et al. 2003). Mais surtout, les
discussions montrent que la logique de limiter l’exposition aux facteurs de risques s’est
transformée en logique de protection et en facteur positif. À cet égard, le contrôle du rythme
apparait aussi comme un miroir inversé des facteurs de risque psychosociaux. Il pourrait s’agir
en fait d’une intégration interprétative du modèle de Karasek (1979). Dans son modèle, la
latitude décisionnelle est considérée comme un facteur atténuant l’impact de la demande
psychique. En ce sens, la notion de facteur protecteur apparaît comme une transformation
intéressante des connaissances diffusées. D’ailleurs, il est ici notable de constater que les
facteurs de risque dits psychosociaux sont en fait surtout abordés par les experts de
l’employeur, et ce, en tant que facteurs protecteurs (pour le tiers des dossiers).
4.5 La décision
4.5.1
Utilisation de plusieurs sources
Les décisions, du moins telles que présentées, réfèrent à la littérature mais aussi à la
jurisprudence, aux expériences antérieures, et à l’opinion des assesseurs. On ne saurait dire ici
qu’il s’agit de l’utilisation des données probantes, mais plutôt d’une intégration des mécanismes
juridiques – selon la tradition de jurisprudence d’origine britannique – au mécanisme de
production de connaissances.
De la même façon, les références dans la prise de décision aux informations fournies par
le travailleur ou l’employeur montrent un processus de prise d’information qui va aussi au-delà
de la question des données probantes. Dans le cas du travailleur, il est possible que cela soit
utilisé pour rétablir une certaine équité, ces derniers disposant de moins ressources, surtout en
termes d’experts.
4.5.2
Amélioration du processus
Il est difficile d’imaginer que les connaissances complexes dans ce domaine puissent être
diffusées auprès de tous les intervenants. Les documents synthèses et les guides ne peuvent
être continuellement refaits et leur lecture demeure exigeante au regard de la complexité du
problème et de la multitude de facteurs qui interviennent. L’approche la plus raisonnable serait
de s’assurer que la CLP dispose de ressources spécialisées dont le mandat serait la mise à jour
de ces connaissances. La présence de médecins assesseurs qui ont des compétences en la
matière demeure sans doute l’approche la plus efficace et la plus efficiente. D’autre part, des
critères d’expertise devraient être précisés. Des experts qui nient ce qui fait l’objet d’un large
consensus scientifique sont peut-être moins des experts que des idéologues.
4.6
La valeur des jugements de la CLP comme source de données scientifiques
20
Theme 1.1 – Rodica – révisé
Cette analyse est fondée sur un matériel particulier en ce qu’il regroupe sans doute des
cas plus difficiles que la moyenne. Les questions soulevées sont cependant celles que l’on
rencontre dans la pratique. Elles n’ont rien d’exotique. Les transcriptions ne sont pas le verbatim
des sessions, mais le résumé est toutefois le fait de professionnels habitués à rédiger de telles
synthèses. Il est cependant possible que des données pertinentes à la compréhension de
chaque cas aient été escamotées. Quoiqu’il en soit, ce matériel est une source de données
pertinentes à explorer afin de mieux comprendre certaines problématique de TMS.
Conclusion
Le matériel diffusé sur les décisions des la CLP s’est avéré une source fort intéressante –
et parfois surprenante – pour explorer l’utilisation des connaissances et les besoins sousjacents. Les éléments les plus inattendus ont été la médicalisation importante de l’expertise, la
transfiguration de la notion de facteur de risque en facteur de protection, et le caractère parfois
idéologique de points de vue exprimés. La question du transfert de connaissances doit donc
aussi être considérée en tenant compte de ces éléments. Les interventions des experts
soulèvent des questions pertinentes qui mériteraient d’être explorées. Cependant, peu d’entre
eux ont souligné les limites et les insuffisances des connaissances actuelles. Au contraire, les
positions sont souvent exprimées avec assurance. Finalement, il est remarquable de constater à
quel point les experts médecins privilégient la littérature médicale, et se réfèrent peu à la
littérature en santé et sécurité du travail. Ils y accèdent cependant par le biais des guides et des
documents de synthèse publiés. On peut alors dire que ces documents remplissent ainsi fort
bien leur rôle.
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