Le Ballet Royal du Cambodge - La Comedie de Clermont Ferrand

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Le Ballet Royal du Cambodge - La Comedie de Clermont Ferrand
Le Ballet Royal du Cambodge
danse classique khmère
avec 13 musiciens et 25 danseuses
mercredi 9 avril à 20:30
maison de la culture – salle Jean-Cocteau
durée 1 heure 20
danse
En 2003, le Ballet Royal du Cambodge a été proclamé chef d'œuvre du patrimoine oral et immatériel
de l'Humanité de l'Unesco.
En tournée exceptionnelle en Europe en mars et avril 2008.
Découvrez l'histoire de Ballet Royal le Journal de la Comédie n°9 (mars – avril)
contact presse Céline Gaubert
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t.0473.170.183
www.lacomediedeclermont.com
direction Jean-Marc Grangier
renseignements & réservation :
0473.290.814
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« Preah Thong et Neang Neak : la légende de la création de Kok Thlok, le
royaume Khmer », telle est l’histoire contée ici par ce Ballet somptueux,
salué unanimement dans le monde entier et classé en 2003 au patrimoine
oral et immatériel de l’humanité par l’Unesco. Accueilli ici lors d’une tournée
exceptionnelle en Europe, il nous plonge au cœur des traditions les plus
raffinées de l’antique culture kmère. Les mille sept cent apsaras, gardiennes
des temples-montagnes d’Angkor, semblent vivre dans le corps infiniment
gracieux des danseuses d’aujourd’hui. Car depuis toujours, la danse classique
cambodgienne, par son esthétique profondément originale, est investie
d’un rôle sacré et symbolique. Danses d’éternité de toute splendeur, les
gestes y sont élégants, subtils, définis avant tout par le code de la pudeur. La
magnificence des coiffes à pointe et des costumes en soie cousus à même le
corps confère une beauté fascinante, tandis que la musique de l’orchestre,
avec xylophones, jeux de gongs cristallins, hautbois et flûte, tambours,
cymbalettes et chants féminins envoûte par son charme aérien.
Splendeurs du Ballet Royal, danses d’éternité
Danse révélée, offrande aux Dieux
L’esthétique profondément originale de la danse royale khmère évoque les influences mêlées de danses
animistes et rituelles ancestrales, des danses royales de Java et de celles du premier vaste Empire brahmanique
qui, au VIe siècle après J.C., s’étend jusqu’à la province du Funan.
Sans la bienveillance d’Indra, dieu protecteur des apsaras, nymphes célestes de la danse, et le goût démesuré
des Rois-Dieux d’Angkor pour leurs devadasi, danseuses sacrées, la danse royale khmère aurait-elle vraiment
connu le rayonnement dont elle jouit encore à l’heure actuelle ?
Investie d’un rôle sacré et symbolique, la danse fonde très tôt l’identité khmère et incarne les valeurs de
raffinement, de respect et de spiritualité. Véritables messagères des rois auprès des dieux et des ancêtres,
les mille et une danseuses du harem royal prennent le nom de Ballet Royal et participent aux cérémonies
officielles du palais. Mais la chute d’Angkor, en 1431, fait basculer le Ballet Royal du côté siamois où les
chorégraphies seront adaptées aux goûts des nouveaux souverains.
Exil et renaissances du Ballet Royal : le devoir de mémoire
Considéré dès 1970 comme une marque évidente du pouvoir féodal, le Ballet Royal se trouve très vite
menacé. Pour fuir la dictature des khmers rouges de Pol Pot, de nombreux artistes s’exilent en Thaïlande, en
France, en Amérique et au Canada. La grande majorité périra dans les camps de travaux forcés.
Après l’accalmie des troubles politiques, le Ballet Royal se reconstitue sous l’égide de la princesse Norodom
Buppha Devi, fille du roi Norodom Sihanouk. Avec le soutien d’une poignée d’anciennes maîtresses de ballet,
chacun des quatre mille mouvements de danse sera répertorié et filmé. Le 7 novembre 2003, la proclamation
du Ballet Royal comme Chef-d’Œuvre au Patrimoine Oral et Immatériel de l’Humanité par l’Unesco vient
saluer des années de lutte contre la destruction et l’oubli.
Danse des « fées », résurrection des dieux
De la pierre à la chair, la frontière semble si mince que les mille sept cent apsaras gardiennes des templesmontagnes d’Angkor semblent vivre dans le corps infiniment gracieux des danseuses d’aujourd’hui. Au cœur
de l’architecture chorégraphique, il y a le geste délicat, minimaliste et infiniment subtil, véritable langage qui
se déploie dans un temps irréel, presque immobile.
De la courbure du doigt au tracé des chorégraphies, le motif serpentin récurrent rappelle que le Kambuja
serait né de l’union du brahmane Kaudinya et de Somâ, fille du roi des serpents-nâga. Exclusivement réservée
aux femmes, à l’exception des rôles acrobatiques des singes sva, la danse se définit avant tout par le souci
de pudeur : ainsi le visage, autrefois lourdement maquillé, reste impassible et s’interdit toute émotion trop
violente.
La magnificence des coiffes à pointe mokot et des costumes en soie cousus à même le corps des danseuses
confère aux personnages un aspect quasi fantastique. Le corps hiératique paraît flotter à la surface d’un
monde invisible, celui des génies et des êtres célestes honorés avant chaque représentation par le rituel
sampeah kru.
L’orchestre aux « gammes célestes »
Attaché au Ballet Royal, aux cérémonies des monastères et au théâtre d’ombres, l’orchestre pinpeat est
l’ensemble le plus répandu au Cambodge. La rencontre harmonieuse des xylophones roneat dek, roneat ek et
roneat thung, des jeux de gongs cristallins kong touch et kong thom, du hautbois sralay et de la flûte khloy, des
tambours sampho et skor thom et des cymbalettes chhing crée « comme un bruit de source, une atmosphère
aérienne, rêveuse et délicate ». Initialement destinés aux rites royaux, les chants féminins sakrava précisent et
commentent l’action.
Isabelle Gruet
« Preah Thong et Neang Neak
La légende de la création de Kok Thlok, le royaume khmer »
Déroulé du Spectacle
Acte 1
Le roi Atith Vongsa se met en colère contre son fils, Preah Thong. Il ordonne à son fils
benjamin d'aller renvoyer d'urgence ce dernier du royaume. Preah Thong et ses gardes
partent par le navire à travers l'océan.
Acte 2
Preah Thong arrive au royaume du roi Assachay. Il ordonne à des gardes de lui
remettre une lettre demandant un droit d'asile. Assachay refuse et amène même ses
hommes pour le chasser du royaume.
Acte 3
Ne voulant pas des conflits avec Assachay, Preah Thong poursuit ses aventures. La
tempête le conduit sur une île où pousse un thlok. Il débarque et va se reposer sous
l'arbre.
Acte 4
Sur l'île, Neang Neak, la fille du roi des Nagas vient fréquemment s'y promener avec les
filles du palais. Par destinée, Preah Thong voyant Neang Neak, tombe amoureux d'elle.
Il séduit Neang Neak qui finit par accepter. Avant de prendre congé de lui, elle lui dit de
préparer la dot pour attendre ses parents et aller se marier sept jours plus tard avec elle
au royaume des Nagas.
Acte 5
Sept jours plus tard, comme promis, Preah Thong amène la dot et attends Neang
Neak au bord de la mer. Quant à Neang Neak, elle monte du royaume pour venir le
rejoindre. Ses parents viennent aussi pour leur faire des vœux de réussite pendant leur
mariage. Pour leur faire un présent, le roi des Nagas montre son pouvoir en aspirant
l'eau de l'océan qui devient une île-royaume qui sera nommée Kok Thlok, le royaume
khmer actuel.
(Les anciens disent que la cérémonie de mariage khmer célébrée jusqu'aujourd'hui
provient du fait que Preah Thong s'accrocha à la queue de Neang Neak et que le
morceau de musique qui accompagne ce rite s'appelle aussi Preah Thong et Neang
Neak).
L’art de la danse
La danse classique cambodgienne est trop originale pour se confondre avec toute autre. Elle ne tend
pas, comme le ballet classique occidental à affranchir le danseur des lois de la pesanteur. Elle ne cultive
pas l'ésotérisme des danses indiennes. Elle ne résonne pas du bruit et de la fureur des danses javanaises.
Dans la tradition cambodgienne, la danseuse exécute une succession de postures enchaînées les unes
aux autres dans un continuum chorégraphique sans heurt et sans brutalité apparente, ce qui ne veut
pas dire sans passion. Ces poses sont très précisément marquées par l'orchestre et donnent lieu à un
ralentissement à peine perceptible du mouvement. "Juste le temps qu'on la perçoive, qu'on l'admire et
qu'on la regrette" selon l'expression de George Groslier.
Une esthétique qu'on peut rapprocher de celle de la peinture khmère traditionnelle. Les scènes
représentées sur les murs des sanctuaires et des cloîtres bouddhiques s'y enchaînent d'une façon
semblable, au sein d'un continuum pictural sans arête vive et sans cadre. Une retenue, une pudeur
conformes à un très ancien code d'éducation rappelé dans les anciens traités de morale et de
savoir-vivre qui sont un genre essentiel dans la littérature. La marque également d'une remarquable
cohérence de la culture khmère dans toutes ses formes d'expression.
On peut également noter la grande importance accordée au détail, non moins important
que l'ensemble et qui ne doit pas être négligé. Ici, l'extrémité d'un orteil doit être relevée, là
l'hyperextension du coude, là encore la position des doigts de la main. Tout cela obéit à des règles
strictes qui semblent transmises de génération en génération depuis la nuit des temps. On a beaucoup
admiré et décrit ces gestes de la main dont plus d'une centaine ont été répertoriés, et dont la
rumeur dit qu'ils seraient quatre mille cinq cents. Ils n'ont pas seulement valeur esthétique. Ils sont
comme les mots d'une phrase dont le corps serait le pivot. Un langage qui reste toujours aisément
compréhensible, assez proche de l'art du mime pour ne pas être trop hermétique, ce qui le rend
universel.
Un langage suffisamment précis aussi pour qu'il ne soit pas nécessaire de faire répéter l'idée
exprimée par les traits du visage. Princes et princesses se doivent de conserver toujours, et là encore,
comme dans la peinture, le visage impassible qui sied aux dieux. Autrefois, on allait jusqu'à le figer
complètement en imposant aux danseuses un fard blanc très lourd et très pénible à porter qui a été
abandonné aujourd'hui.
Le Ballet Royal est l'héritier d'une tradition qui remonte à plus de mille ans.
Étroitement lié à la cour royale, il a subi tous les contrecoups de l'Histoire
mouvementée du Cambodge et bien souvent failli disparaître. Il a toujours fini
par renaître de ses cendres. À la fois parce que ses souverains, s'ils ont souvent dû
abandonner leur capitale, ne se sont jamais séparés de leurs danseuses, et parce qu'il
s'est toujours trouvé des jeunes filles désireuses de se faire danseuses et de servir
leur roi. Dans un pays qui jouit désormais de la sécurité et s'est engagé sur la voie
du développement, les menaces qui pèsent sur son avenir n'ont cependant pas
complètement disparu. Sans la Haute protection de Sa Majesté le Roi Norodom
Sihanouk Varman, protecteur des Arts, et le soutien constant du Gouvernement royal
du Cambodge, il m'aurait été impossible de conserver et d'accompagner l'amélioration
de la qualité du corps de ballet. Aurait-il trouvé ces appuis s'il ne continuait à
représenter, dans le cœur de tous les Khmers, l'expression la plus authentique et la
plus noble de leur culture deux fois millénaire ? Au cours des tournées que des amis
du Cambodge nous ont permis d'organiser sur trois continents, des artistes, des
chorégraphes, des spécialistes des civilisations de l'Asie du sud-est sont venus nous dire
que le travail acharné de nos danseuses, de leurs maîtresses de ballet et de nos cadres
avait permis au Ballet de retrouver son niveau d'autrefois. Nous les en remercions,
mais nous savons combien cette renaissance reste fragile. Les conditions économiques
modernes renchérissent beaucoup le coût d'une troupe d'une cinquantaine de danseuses
pour un pays dont les moyens restent très limités et entraînent une mondialisation
excessivement mercantile de la culture. C'est pour pérenniser ce patrimoine et l'adapter
aux exigences sociales d'une société moderne que Sa Majesté le Roi a souhaité en faire le
don à l'état du Cambodge. Au sein de l'Université royale des Beaux-Arts, les danseuses
et les danseurs reçoivent aujourd'hui un enseignement général complet, les maîtresses
de ballet bénéficient d'un statut qui leur assure la sécurité. La troupe continue à assurer
l'intégralité de ses fonctions traditionnelles : participation aux rituels légués par nos
ancêtres, cérémonies en l'honneur des divinités protectrices du pays, réception des hôtes
de marque, grandes fêtes du calendrier ancien, tournées à l'étranger qui permettent
d'améliorer la connaissance et d'accroître le prestige de notre culture nationale.
S. A. R. la princesse Buppha Devi, Ministre de la Culture et des Beaux-Arts du
Gouvernement royal du Cambodge, ancienne danseuse étoile du ballet
Phnom-Penh le 6 août 2002